Biblioteka Główna AP Słupsk nr REFLEXIONS POLITIQUES SUR LA POLOGNE REFLEXIONS POLITIQUES SUR LA POLOGNE ou LETTRE D'UN PATRIOTE MODERE, A SON AMI, AVEC PLUSIEURS AUTRES LETTRES, ET UN COUP D'ŒIL SUnR-JeS VUeS fccret£S W peuvent avoir les Euijjances de l'Europe , par rapport à la. Jituation actuelle de la Pologne, le iq Juin 1770. LONDRES. M. DCC, LXXII. AVERTISSEMENT D E l'éditeur LE Le&eur fe rappellera aifé-ment le bruit que fit en Europe l'Ex-pojitìon des droits des DiJJidens, répandue , avec éclat, dans les différentes Cours, par ordre de celle de Petersbourg, & les mouvemens extraordinaires que caufa en Pologne la Déclaration de l'Impératrice de Ruffie, du mois de Janvier 1767. Témoin de tous les événemens de l'interregne, & de ce qui fe pafToit alors à Varfovie, & pleinement informé du trouble & de l'agitation des Provinces, l'Auteur de cet Ouvrage penfa que , pour le bien général, il falloit, dans des circonftances auffi critiques, tâcher de ramener au vrai les efprits peu faits pour le faifir d'eux- a \ ij Avertissement mêmes, & ne pas tout abandonner aux préjugés & à la prévention. Pour développer donc à la Nation ce qu elle avoit à craindre, & la conduite la plus circonfpe&e qu'elle devoit tenir, il crut devoir prendre à la lettre la Déclaration de la Ruflie, & en faire un Commentaire judicieux. Il chercha dans fon Ecrit à en démêler le vrai fens par des principes d une faine politique ; & fur des motifs d'une gloire & d'une utilité réelle pour l'Impératrice ^ il ne fe permit aucun doute fur la fidélité des pro-niefles dune Souveraine, qui regard oit , (ce font les termes de fa Déclaration ) la confiance publique comme l'acquijition la plus precieuje pour un grand Etat. En général, les murmures & les plaintes de la Nation Polonoife por-toient fur trois objets également graves. Le triomphe des Diffidens ne lui préfentoit que la perte de fa Religion , la ruine de fa liberté , & le* démembrement des Domaines de de l'Éditeur. îîj la République j en vue de la fair entrer dans des voies de concilici -tion avec la Ruflie, & fur-tout de lui faire férieufement envifager le danger de la Confédération des J\de-contens qui s'eft faite à Radom, & qui a ouvert la porte à. tous les maux qui accablent la Pologne, il donna à fon plan la forme d'une réponfe à la Lettre d'un Patriote le plus revolte contre la Déclaration de la Ruflie. Dans l'extrait qu'il fit de cette Lettre , il expofa tout ce que l'a Nation voyoit de plus funefte dans les démarches de cette Puiffance, & il donna à fes plaintes toute la force qu'elles pouvoient avoir. Il fit alors, Se il fe flatte que ce fut avec fuc-cès, tous fes efforts, pour rafïurer la Nation fur l'objet de fa liberté & de fes Domaines y & fur la foi ex-prefle de 1 Imperatrice, il traita ce double objet avec d'autant plus de force & d'étendue, qu'en fe déchaînant contre la malheureufe rivalité des Partis qui divifent intérieurement iv Avertissement la Pologne, il la preferita comme la feule caule de la foiblefîe de la Nation , & la lource fatale de tous fes désordres & de tous fes malheurs. Dans ces nouvelles Réflexions , après avoir porté les premiers Citoyens de l'Etat à finir leur mésintelligence , & à fe réunir pour le faiut de la Patrie , il fait voir la convenance & la néceffité d'accepter la négociation propofée par la Ruffie, pour convenir fur les demandes en faveur des Diffidens. Il ne réferve décifivement, à cet égard, que deux points effentiels, dont la République ne doit jamais fe départir ? l'intégrité des prérogatives de la Religion Nationale , & le droit de fuf-frage dans la Eégiflation de l'Etat pour les fenls Catholiques. Ces deux articles mis à couvert, il abandonne le relie au cours de la négociation j mais pour faire valoir, à cette occafîon, toute la condef-cendance de la Nation pour les Puif-fances protectrices des Diffidens, il de l'Éditeur. v démontre que dans le for de la Justice , ils ne pouvoient prétendre que ce que l'Etat voudra bien leur accorder i & que la République n'a fait qu'ufer de fon droit légitime dans la Diete de 1717 , & dans les fubfé-quentes qui en confirment les difpo-fitions à leur fujet : cefi alors qu'il combat avecfupériorité tout l'étalage de leurs droits, & qu'il renverfe vic-torieufement l'édifice de leur prétendue parfaite égalité aans ł ordre civil. Enfin, l'Auteur fuppofant les ef-prits ramenés à un point d'unite par le danger de la République, pro-pofe au Miniflere le canevas d une refonte de Gouvernement, qui écarte , à jamais , les vices & les abus qui perpétuoient la confufìon & 1 a-narcliie dans l'Etat. La licence fait place à la vraie liberté ; les Loix font les Souveraines toutes puifîan-tes de la Nation : Ferdre & la régularité reparoiffent dans toutes les branches de la Légiflation; & loia vj Avertissement de pouvoir donner le moindre ombrage aux PuifTances voifines, ce nouveau plan de Gouvernement ne leur préfente qu'un arrangement fo-lide & bien ordonné de la police générale, & de i economie intérieure de la République. Cet Ouvrage, tel que nous ve-yons d'en faire l'analyfe , fut confié , au commencement d'Avril 1767, aux premieres Perfonnes de l'Etat, pour avoir leur avis. On en jugea favorablement ; & obligé alors de Faire un voyage hors de Pologne , l'Auteur le laiffa à un Ami de dif-tinftion, pour le faire imprimer pendant fon abfence. Des raifons particulières, qu'on peut plutôt foupçon-ner que favoir exaflement, en em-pêcherent alors l'imprefïion - & quand il revint, au mois de Septembre fui-vant, il ne fut plus queftion d'y pen-fer : la Confédération faite à Radom, le Conleii du Sénat tenu, & la convocation de la Diete extraordinaire fixee au commencement d'Oćiobre3 DE l'ÈdITEURJ vij rendoient la fermentation trop violente , pour pouvoir rifquer un pareil Ecrit. L'Auteur Fa condamné depuis à l'oubli, d'autant plus volontiers qu'il a vu arriver fucceffivement tous les malheurs qu'il avoit exa&ement prévus , & qu'il avoit deffein de prévenir,- mais comme la feconde Partie forme un tout féparé, où il s'agit d'une queftion fort intéreffante pour la Nation, Se dont il lui importe même que l'Europe ait connoiffance , il n'a pas fait difficulté de la prêter aux perfonnes de difłinćłion qui ont voulu l'examiner -, 8c c'eft par ce moyen qu'il nous en eft parvenu une copie exa6łe , & tous les éclair-ciflemens dont nous venons de faire part au Public. Des Seigneurs Polonois de la plus haute confédération , & bien capables d'en juger, nous ont répondu du mérite & de la folidité de cet Ouvrage : ils nous ont affuré qu'on ne pouvoit connoître plus foncièrement a iv vìi) Avertissement les intérêts de leur Patrie , lui repré-fenter avec plus de force & de ménagement fafituation, ni lui indiquer plus fagement les moyens d'en for-tir , que ne l'avoit fait cet Auteur dans phifieurs Ecrits publics ; & que l'indigèna t, qu'il avoit obtenu à la Diete du couronnement du Roi, n'étoit que la récompenfe de fon zele patriotique. Comme le fort de la Pologne fixe aujourd'hui les regards de l'Europe, par les conféquences qu'il a déjà eues, & celles qui peuvent encore en réfuite r; nous avons cru ne pas rendre un léger fervice au public, en lui faifant part d'un Ouvrage auffi intéreffant, foie pour le fond des chofes, foit pour la nouveauté du fujet, foit pour le coloris du tableau : nous ajouterons encore , qu'au jugement de perfon-nes qui connoiffent les vrais intérêts de la Nation, cet Ouvrage n'eft rien moins qu'indifférent, même dans les ci "confiances aftuelles; quoique fait & communiqué, il y a près de qua- de l'Éditeur. ix tre ans, aux premieres T êtes de la République , pour prévenir les malheurs qu'elle éprouve aujourd'hui : ces Politiques penfent que cet Ecrit n'a rien perdu de fon utilité ; & que , quelque changement dans les affaires que pmffe amener la fermentation préfente de l'Europe, il confer-vera toujours le mérite de l'à*propos; Nous ne pouvons mieux terminer cet Avertiffement que par la Lettre d'un Citoyen très-éclairé, qui, après avoir lu & profondément médité cet Ouvrage, qui lui avoit été communiqué , en manuferit , par un ami de l'Auteur, joignit au renvoi de ces Réflexions la réponfe fuivante. LETTRE de M * * *. au fujet des Réflexions Politiques. jfE ne puis vous envoyer, Moniteur, rien de plus intéreffant que l'Ecrit ci-joint. C'e fi la piece la plus authenti• X LETTRE. tjue pour conflater le vrai des chofes, & les malheurs de la Pologne. Cé /z'e/? point le manifefle d'une Confédération, ni l'ouvrage d'un Sénateur ou d'un Mi-nifire ; cefi celui d'un Citoyen judicieux & impartial, autant que JenJîble aux maux de la Patrie. Lorjque la République entiere étoit au comble de la conflernation, /e lui-même ne pouvoit penjer que F Impératrice fût informée des horreurs quiJe commettaient fous fon nom, & que chaque Paru cherchait les moyens d'eîi faire parvenir le détailjufqiià Sa Majef té Impériale, ce Citoyen n'a confulté que fa fenfibilitè, & na pas craint di s'expo jer pour lt bien publie. Pénétré des gèmijfemens de l'humanité, quii voyoit outragée fans le moindre ménagement, il a ofé plaider fa cauje à vif âge découvert , & faire un tableau, aufji touchant que vrai, des maux dont elle étoit accablée. A l'expofïtion vive & fidelle quii en fait, il a joint les confidérations les plus fortes ? & les plus capables d'en LETTRE. xj arrêter le cours. Sans fe permettre la. moindre expreffion d'aigreur ou d'in-confidération, il nintérejfe que la fage politique, & la vraie gloire de U impératrice , pour amener les chojes a des voies de conciliation. Il efl inutile de vous envoyer maintenant , Monfeur, le plan d arrangement général que ce vrai Patriote avoit joint à fes réflexions : il Juffit de vous dire que ce plan avoit été communique , & avoué de tous les dijferens Partis qui divijoient la Pologne. Le rejuLtat final de cet arrangement, que vouô trouverez à la fuite des Réflexions , vous prouvera avec quel art l' Auteur a fu ménager la dignité de la L our de Ruffe , & les vrais intérêts de la République. Les circonflances préfentes ne prouvent que trop l'utilité d'un pareil projet 9 & les conféquences funefles du refus qu on a fait de s'y conformer : pour vous en convaincre, je joins ici i extrait d'une Lettre écrite , il y a deux ans & demi , à l' Auteur , par un des plus éclairés & des plus judicieux Citoyens • xi) LETTRE. » Tai lu vos Réflexions avec des » personnes, non moins difcretes que » capables d'en bun juger. Tous, d'un » commun accord, nous Us regardons » comme l'ouvrage de la plus parfaite ? » de la plus fage & ^e la plus pro-» fonde politique ; c ejl le chef d oeuvre » d'un Patriote plein d'amour pour la » P atrie, de grands fentimens pour la » Religion , & cl un courage à toute » épreuve. Le plan de conciliation que » vous propofe{, ejl le jeu[ moyen de » faire fortir l imperatrice, vec hon-» neur, iïun embarras que fon Mi-» niflre na certainement pas prévu y » & de nous tirer, en même-temp s y > » ok la plus ajfreufe fituation, la » violence de Jcs Minijîres a jetté & » le Roi & le Royaume, &c. J'ai cru, Monjîeur 9 devoir vous donner cet éclairciffement jur VEcrit que je vous envoie, &c. réflexions Il yt ^ *-*•»*++■►+* K J -« -—1—......%Êi RÉFLEXIONS POLITIQUES, O u LETTRE D'un Patriote modère a son Ami, fur l'état critique, de la Pologne,, avant la. convocation de la Diete extraordinaire de 1767 ; où Von examine les fuites que peut avoir la Confédération des mecont en s , qui devait fe faire à Radom ; & dans laquelle on difeute a fond PExpofition des Droits des Diffidens, répandue dans tou* tes les Cours de VEurope, par ordre de celle de Kufie, ainft que les Remarques que l'on y a jointes, fur la Réponfe Minijlériale d& la. République à cette expofition. Monsieur et Cher Compatriote % JE penfe maintenant que vous n'avez plus rien à objefter aux éclairciffemens que je viens de vous donner (a) fur les - (a) Voyez les Lettres fur la Pologne* A deux premiers objets de vos craintes. La Déclaration de l'Impératrice de Ruffie mieux entendue, les intérêts de fa véritable gloire mieux connus, & le développement des vues que peut avoir la politique éclairée de cette Souveraine, ont, je crois, afroibii vos allarmes fur le fort de notre Legillation ôc des Domaines de l'Etat. Je vous ai fait voir d'où les Cours de Pétersbourg & de Berlin étoient parties , pour agir, de concert, dans tout ce oui s'eft palie depuis l'ouverture de l'inter-regne; & je vous ai montré la liaifon òc le rapport que la protećtaon ouverte de ces deux Puifïances, en faveur des Diffidens, pou voient avoir avec le plan politique & fecret d'une Confédération du Nord contre le Midi de l'Europe. En nous refufant imprudemment à toute conciliation, nous avons donné fujet à la Ruiîie de plaider elle-même la caufe des Difîidens au Tribunal des différentes Cours , nous lui avons procuré un prétexte de (e faire un point d'honneur de Les foutemr, & de profiter de notre refus inconfidéré , pour fe rendre elle-même l'arbitre de la jullice qu'elle voudra leur faire. Delà, cette Confédération des trois Corps de Difîidens, & l'aveu authentique que la Ruiîie & lv Prufle n'ont pas manqué de leur donner : delà, l'entrée des troupes Ruffes en Pologne, pour affurer leurs prétentions : delà, cette feconde Confédération des Micontens, arrangée par la politique , & la demande d'une Diete extraordinaire pour faire droit à l'une & à l'autre. J'ignore, & ne puis prévoir quelles feront les demandes & les vues de cette der-niere Confédération ; mais je vois clairement qu'on fe propofe de réunir, degré ou de force, tous les partis dans cette Diete extraordinaire, & d'y faire décider, fous les dehors de la légalité , les droits que l'on a réfolu de faire obtenir aux Difîidens. Si la Confédération des Micontens a lieu;, je vois pareillement notre Légifla-tion à la difcrétion de la Cour de Rufîie : en effet, il efl prefque inévitable que l'ac-cefîion ne devienne générale ; les motifs en font trop fpécieux ; le danger du refus trop preffant, & le pieąe trop bien •tendu, pour qu'on puiffe l'eviter. En ce cas, à titre de Prote&rice de toute la République, confédérée pour la réformation de fes Loix, & par la pré-fence autorifée de fes troupes , l'Impératrice fe trouvera l'arbitre clés décifions de la Diete, & elle ne rencontrera pas beaucoup de difficulté à exécuter ce qui lui A z conviendra, relativement à la confKfutiOrt de notre Gouvernement. Je la vois, dans ce moment, maîtreffe de notre fort; & le faifant régler à fon gré par nous-mêmes , avec l'apparence de la liberté, nous ferons alors à fa difpofition, & il dépendra d'elle de s'occuper de notre bonheur r ©u de l'avantage qu'elle peut retirer d'une pareille circonftance. Mais quand la nobleiTe des fentimens de Sa Majefté Impériale ne nous raffure-roit pas contre un pareil événement, la prudence, bien conMtée, fero.it entendre à cette Souveraine, qu'il eft dangereux de réduire à l'extrémité une Nation telle que la nôtre, & dont les divifions intérieures font feules la foibleffe. Auffi éclairée que puisante, l'Impératrice ne peut ignorer que le défefpoir a fouvent trifé les chaînes de la fervitude ; & eue ranimant le courage des vaincus, il a, plus ■d'une fois , arraché la victoire des mains du vainqueur. Una fiilus vitfis nullam fpirare faïuîem. La magnanimité de Catherine n'a pas befoin de ces réflexions pour agir dignement ; & je ne puis croire que nous ayons à craindre , de fa part, Les effets d'une ambition commune. A l'exemple de ces Empereurs ? dont les fie clés béniront,. a jamais, les noms & la mémoire ; nous la verrons s'immortalifer par fes bienfaits, & montrer aux Souverains que la vraie grandeur met la gloire à employer fes forces & fes richeffes à rendre heureufe une Nation voifme & paifible, & non pas à profiter d'un pareil artifice -, pour l'accabler du poids de fa puiflance. Mais pourquoi mettrions-nous la Rufìi-e dans le cas que je prévois, & qui com-promettroit l'honneur de la Nation, quand même l'impératrice feroit affez moderee pour n'en pas abufer. Nousfommes encore à temps d'éviter ce défilé dangereux ou humiliant. Epargnons a la Patrie 1 alternative d'être la vi&ime de l'ambition de nos voifins, ou l'objet de leur genéro-fité, qui nous mettroit dans leur dépendance. Réglons notre fort, mêmeJl notre défavantage, s'il le faut, plutôt que d'en recevoir l'ordre par la fupériorité ; c'eft le feul fervice que les circonftances nous permettent de rendre à la République. Il eft trop tard pour prendre un autre parti : il ne nous refte qu'à nous réunir , & à acquiescer , après une difeuflion légitime, à ce que la Rufïie demande de nous en faveur des Diffidens, pourvu que notre condefcendance n'intéreffe efïentiel-lement, ni les droits delà Religion nationale > ni la tranquillité de l'Etat. Adopté, par la Nation, au rang de Citoyen, à titre d'homme qui cherche à être utile à la Patrie, je me fuis fait un devoir de jufHfier l'honneur de mon adoption , en donnant, à fes vrais intérêts , toute l'attention dont je fuis capable. Je n'ai pas, un feul infiant, perdu de vue tout ce qui efl arrivé dans l'ordre civil, depuis l'ouverture de l'interregne ; j'ai fuivi, pas à pas, la Ruffie & la Pruffe, dans tout ce que ces deux PuifTances ont jugé à propos de faire de concert ou fé-parement ; d un autre coté, nos intrigues particulières, & les différentes manœuvres de nos divifions inteflines, ne m'ont point échappé : c'efl en combinant le tout enfemble, que j'ai prévu ce qui en devoit réfulter, & que nous touchons au moment de voir arriver. Pour le prévenir, autant qu'un fimple particulier pouvoit y contribuer, j'ai eu le courage, dans un de mes écrits precedens , d'en indiquer les moyens, tels qu'ils pouvoient être montrés au public : les refîbrts en devoient être fecrets, & mis en mouvement, en filence, par des perlonnes en place, & accoutumées à préparer les événemens de loin, & fans bruit. En affermifTant & continuant le fyflême de la liberté de la Nation, fous l'autorité des Loix avives & toutes puiffantes, ces moyens n'en écartoient que les vices & les abus , qui avoient fait dégénérer le Gouvernement dans une véritable anarchie. Uniquement occupés à rétablir l'ordre dans toutes les parties de l'adminif-tration publique, & des foins d'une économie intérieure, le Roi & l'Etat fe trouvoient également affranchis de tout autre joug que de celui des Loix; & la République, tranquille & floriffante , fe-roit infenfiblement devenue un Co-Etat intérefîant dans la politique de l'Europe. Mais ce plan de conduite excluoit tout éclat de prétention extérieure; renfermé entièrement dans le cercle d'une fage économie domeflique, il ne devoit tendre à la fin, que d'une maniere fourde & infenfible ; & il étoit de nature à ne fe produire, à découvert, qu'au moment de la certitude de fon fuccès A melure que nous avons avancé, j'ai vu la politique de la Ruffie fe développer, s'étendre, & confirmer les premieres idées qu'elle m'avoit données du vrai motif de fes démarches : comparant alors ces idées avec les Déclarations de cette Couronne; fes infiances graduelles en faveur des Dif-fidens ; fes demandes relatives à quelques articles de la Conffitutiori de 1764, & les différens objets quelle recommande A 4 aux délibérations de la Diete, qu'elle nous confeille d'affembler pour une pacification générale ; tout cela ne m'a paru qu'autant de différentes branches du projet, entre elle & fes alliés, que je vous ai fait entrevoir, & dont de nouveaux intérêts facilitent encore l'exécution. Quoi qu'il en foit, il faut pofer, pour coriftant, que la Ruifie ne fe défiffera point de la protection qu'elle a accordée aux Diffidens. Au travers de tous les ména-gemens, dont il lui plaît d'affaifonner les demandes qu'elle fait en leur faveur, on s'apperçoit clairement que fon intention efi de leur affurer le plein exercice de leur Religion, & de les rapprocher , le plus qu'elle pourra, de l'égalité , dans l'ordre civil, avec les Catholiques. Que ce foit fyffême philofophique qui commence à prendre faveur en Europe, & que les Etats Monarchiques & Defpo^ tiques peuvent adopter ; foit arrangement particulier entre les Puiffances oppofées à FEglife Romaine, & relatif aux vues qu'elles peuvent avoir; foit, enfin, prétexte favorable & fécond en refìburces, que la Ruffîe choififTe pour parvenir à ime influence exclufive fur les affaires de Pologne, il eft évidemment décidé, dans le Confeil de Pétersbourg, de faire jouir les Diffidens de ce Royaume Républicain a de la plupart des droits Catholiques, tant au temporel qu'au fpirituel. Telle eft la vraie caufe & le mobile de tout ce que nous voyons aujourdhui. C'efl delà que nous devons partir, comme d'un point fixe, fi nous voulons eviter tout mécompte. Nous n'avons donc qu'un examen à faire; c'efl le calcul de notre fituation & de nos forces. Il n'efi: pas douteux que la Nation n'eft rien moins que difpofée à confentir au triomphe des Diffidens, fur-tout depuis la démarche qu'ils ont faite de fe confe-dérer à Thorn contre leur Patrie, & d'ap-peller des troupes étrangères dans l'intérieur du Royaume. Leurs motifs n'etoient rien moins qu'affez graves, & de nature à autorifer une conduite aufîi criminelle. La Nation penfe que la Rufîie devoit d'autant moins écouter leurs prétentions y qu'elle-même, fous le plus grand de fes Souverains, avoit réglé, en 1717, leurs droits, tant au civil qu'au fpirituel & que , ni la Pruffe, ni la Suede n'avoient imaginé alors, qu'en les réglant ainfi, fous la médiation de Pierre-le-Grand, la Republique eût donné la plus légere atteinte aux Traités de Velau & d'Oliva. Après avoir conflamment travaillé , fous le regne de tous fes Rois purement éle&ifs ? à rétablir l'uniformité de foi [10 ] de^ culte dans 1 Etat, & à rentrer elle-même dans les droits que les Diffidens avoient , à force ouverte , ufurpés en 1575 ? onna Pa& pu fe promettre d'engager, fans violence, la Nation à facri-fier ainfi l'ouvrage de fon zele pour fa Religion & fa tranquillité. L'idée feule en fait fremir la Nobleffe répandue dans les Provinces; quand même les Minières de notre culte pourroient fe taire, & ne pas animer, en fecret, les confciences contre une pareille révolution, il efl certain que fi cette Nobleffe pouvoit réunir fes forces, & en faire ufage, elle foutiendroit, îes armes a la main, les privilèges de la foi nationale Se dominante, qu'elle croit attaches aux Conftitutions multipliées que 1 on veut la forcer d'abroger; mais , ci un autre côté, fi les prétentions des Diffidens la révoltent à ce point, elle n*eft pas moins découragée par la méfiance , la défunion & même la haine qu'elle voit regner entre les premieres perfonnes de l'Etat.. Abandonnée à elle-même, & fans efpérance de Chef & d'appui, elle s agite ians décifion, murmure fans projet, menace fans refiource , & attend, avec indignation & crainte, l'incertitude des événemens. Cefi donc à des Citoyens, faits pour l'éclairer fur fes vrais intérêts, à pren- dre , pour elle, une lage détermination. Tout eir certainement bien prévu, bie-îj combiné & arrêté dans le Confeil fecret de Ruffie ; & nous ne devons pas douter que fes mefures ne foient prifes avec prudence. Sans nous fixer à rien , fi nous nous laifîbns aller, commela multitude, au cours des affaires, nous nous trouverons furement réduits au choix, ou d'une réfiftance ouverte & impoffible, ou d'une foumiflion peut-être dangereufe, du moins peu honorable. Plus je conlidere de près toutes chofes, plus je vois la néceffite fenfible de céder au temps : faifons -le du moins fans déshonneur, & le moins dé-favantageufement que nous le pourrons. Je puis me tromper , le temps eft afTez lombre & chargé de nuages, pour qu'il foit facile de fe méprendre aux objets. Rien de plus aifé que de me faire convenir que je ne raifonne que d après les apparences , & que le fond m'échappe ; mais enfin, je foupçonne qu'il y a plus d'art que de réalité dans le projet d'une Confédération des Mécontens , pro-pofée par la RuiTie. Sans entrer dans le détail des raifons qui me font penler ainii, & qui ne me préfentent que des écueils à craindre pour chaque parti , le plus fur & le plus décent, eft de ne la point accepter, 6c de fe réunir, égale- . . !>] tuent prêts à fatisfaire la Ruffie, autant que l'indépendance de notre liberté, &E les droits delà Religion nationale, nous permettront de le faire. Pour parer à tout ce que l'on peut entrevoir, nous ne pouvons agir, avec trop de précaution, dans la circonftance pré-fente. Au lieu de nous enrôler dans une Confédération, peut-être auffi captieufe au fond , que peu utile dans fon objet, ne feroit-il pas convenable de fe rapprocher d'un efprit de paix & de conciliation ? Nos micontcntemens font-ils de nature à ne pouvoir être réparés que par le bouleverfement delà Nation ? Eteignons plutôt toute animoiité de parti, pour ne faire qu'un corps de Citoyens, tous également amis de la Patrie ; & ne montrons à la Ruffie, comme eî'e déclare elle-même le defirer , qu'un enfemblc bien uni fous un Chef Citoyen. S'il eft impoffible à des hommes libres & égaux , par état, d'être fans ambition & fans jaloufie, que du moins nos différends relient dans l'intérieur, & ne mêlons point les Puiffances étrangères dans nos querelles domeiliques. Ce n'efl point î'efprit de paffion que nous devons ecou-ter dans un moment auffi critique. Membres d'un même Etat, le fort d'un chacun dépend de celui de la Patrie, L'ambition même nous ordonne de nous réunir pour la fauver; & l'intérêt particulier fe joint 2LU véritable honneur, pour engager les plus Sages & les meilleurs Citoyens à faire les premieres démarches pour une réconciliation générale. Dès qu'il ne paraîtra point des Mécon-tcns pour en former une Confédération, la Ruffie n'aura d'autres Protégés à foute-nir que les Diffidens , & conféquemment elle fe trouvera moins au large pour fes opérations. Il ne s'agiroit donc alors que de régler à l'amiable, & par les Loix du Royaume, jufqu'àquel point il feroit jufte d'augmenter les privilèges des Diffidens, les protégés de cette Puiffance. Tous les premiers Citoyens de l'Etat, ainfi rapprochés d'intérêt, par la force de la nécei-fité, le Roi affembleroit le Sénat entier pour la convocation d'une Diete extraordinaire. Cette augufte Affemblée prendrait, avec circonfpe&ion, un parti dé-cifif fur l'alfa ire des Diffidens; & féfolue de maintenir les Con/Htutions qui les excluent du droit de fuIFrage dans la Législation , elle conviendrait d'abandonner le refte au cours d'une négociation à ce fuj et. En conféquence d'une pareille réfolu-tion, le Mmillere de Pologne écriroit à l'Impératrice de Ruffie : Que l'union & La [hì confiance, entre tous Us Corps de l Etat, kant rétablie , comme Sa Majefié le defiroit, la République navoit plus la douleur de voir des Mécontens dans fon fein, dont la Confédération pût aliar mer fa tranquillité. fhi à l égard des prétentions des Difjîdens , on étoit prêt d?entrer en négociation fur les nouveaux droits, quune jujte déférence pour kur Protectrice permettait de leur accorder ; que. Sa Majeflé Impériale pouvoit nommer des Commiffaires pour difeuter leurs pré-tentions , avec ceux que le Roi & le Sénat nommer oient, de leur côté , pour h même fujet ; que la protection que l'Impératrice accorde aux trois Corps de Difjîdens, fiififant pour leur ajfurer la plus entiere fureté en Pologne, le féjour des troupes de Kufjie dans le Royaume, étoit inutile, & ne pouvoit qu'inquiéter & aigrir la Nation, que Fon vouloit ramener à des tempéramens convenables ; quen les arrêtant fur les frontières de la République, Sa Majeflé Impériale ne fer oit que donner une nouvelle preuve de fa modération , & faciliter l exécution des arrnngemens que fon vouloit prendre pour la Satisfaire ; quen conféquence des articles convenus e?itre Us Commiffaires des deux Etats , le Koi & h Sénat aur oient foin de difpofer les Diétines Antl-Cotnitiales, relativement an nouveau Traité ; que par V attention que fon. g.'j oit à ne faire élire que des Nonces éclairés & prudens , on trouveroit le moyen de pou~ voir compter fur le confentement de VOrdre Equeflre, pour la modification des C onjlitu-tions que les Puiffances Protectrices paroif-Joient defîrer; & qu enfin , on ne négligeront rien pour donner à Sa Majeflé Imperiale , toute la fatisfacîion quelle peut attendre d'une Nation voijine & bien intentionnee. S'il n'y a point de ferpent cache fous les fleurs, comme j'aime à le croire, la Rufîie ne pourroit qu'être fatisfaite d'une pareille dilpoiition. Notre condefcendance pour les Diffidens, nécelfaire à la tranquillité de l'Etat dans le moment préfent, ne paroîtroit, au relie de l'Europe, qu'une déférence fage de notre part, aux inf-tances des Cours voifines & éloignées , & non l'effet d'une foumiffion fervile. Dans l'intervalle de la convocation des Diétines, on décideroit, avec les Plénipotentiaires de Ruffie, le fort que 1 on pourroit faire aux Diffidens, & on en drefferoit, de concert, des articles, pour être inférés enfuite dans la prochaine Constitution. Le Roi & les Sénateurs pour-roient auffi concerter les différens objets qui doivent être le fujet des délibérations de la future Affemblée Générale des Ordres , & arranger le plan de la Légilla-tion, de maniere à n'y rien laiffer qui pût faire ombrage à la Ruflie : en un mot. [ï6] On devroìt tout preparer d'avance, comme on régla tous les intérêts de la République dans le Traité de Variò vie en 1716, pour en faire la Conftitution de l'année luivante, Ces précautions prifes, il ne refteroit plus qu'à chercher les moyens de prévenir la Nation fur les vrais befoins de l'Etat, & fur le danger des circonftances a&uelles. Comme la NoblelTe, dans des occaiions femblables , reçoit le mouvement des familles les plus puiiTantes & les plus diftinguées, & des perfonnes qui remplirent les premieres charges de la République, tous les différens partis , qui nous divifent a&uellement, étant réunis dans ma fuppofition, il feroit aifé de dii-pofer les efprits au fuccès de la Diete. A la place de ces petites diiTertations littéraires, de ces légers principes de morale ou de bienféance , & de ces critiques badines, d'ufages bizarres & finguliers, le Moniteur répandroit, dans le public , des réflexions judicieufes, fages & modérées , fur les maiheureufes fuites d'une intolérance indifcrette, & de ce zele en-thoufiafte du profélitifme , le plus dangereux fléau qu'un Etat libre ait à craindre* A la faveur de cet Ecrit périodique , & de quelques autres qui pourroient pa-roître, on feroit percer jufqu'au fond des Provinces Provinces de ce Royaume, cet efprlt de difcernement & de faine raifon, qui di.iïipe î'illufion & l'erreur, & qui apprend à apprécier les chofes à leur valeur intrin-feque ; On défabuferoit le public de ces vieilles préventions en tout genre, que l'ignorance a accréditées, & qui ne font bonnes qu'à perpétuer l'enfance d'une Nation; on perfuaderoit aifément aux Ec* cléfiaftiques fupérieurs & inftruits, que le falut de l'Etat eli la Loi fuprênie ; &C que le Sacerdoce doit fe prêter au bien commun de la Patrie, quand le dogme, îa morale & le culte extérieur de la Religion ne font point compromis. ïl y en a bien peu qui ne foient capables de s'élever jufqu'à de pareilles confidérations : en un mot, ii on l'entreprenoit bien férieu-fement, je ne doute point qu'on ne parvînt à faire fentir en Pologne, comme on le fent dans le reiłe de l'Europe policée, quels font les funeftes effets d'un aveugle entêtement, & les défordres, de toute efpece, que le défaut de connoiffances & de lumieres peut caufer dans un Etat. Tous ces arrangemens, me direz-vous, peuvent être fages dans l'ordre politique , relativement aux maiheureufes circo,1A tances ou nous nous trouvons ; mais û notre liberté nous permet d'avoir égard, dans notre Léglilation, aux vues d'un B t*83 r , Etat étranger, notre Religion nous per» met-elle de lui facrifier fes intérêts ? Que deviendra la Foi de nos Peres, fi nous n'avons pas le courage de la défendre, & quelle idée aura-t-on du zele que nous devons avoir pour elle , ft nous l'abandonnons aufli lâchement ? Eh ! mon cher Compatriote, repofez-Vous de la durée & du triomphe de nôtre Foi, fur la parole de Dieu même. Qui vous dit de 1 abandonner, ou de lacri— fier fes intérêts ? Tout fe réduit à ne pas nous écarter entièrement de la modération que nos Peres , non moins religieux que nous, crurent devoir fuivre, il y a deux fiecles, pour la tranquillité de l'Etat, & celle de la Religion même. Le retour d'une pofition, à peu près femblable , eXIge de nous que nous fuivions, en par** tie, l'exemple qu'ils nous ont donne. Leur pofténié ne les a point accufes d avo^i eu peu de zele pour la r oi de leurs Anccties •> qui étoit celle de l'Etat depuis Dans la pofition préfente, l'efprit d'indi 'terenc e de Religion, la Philofophie moderile, dont le iyltême paroît s'accréditer dans les Cours, iroit peut-être jufqu'à vouloir nous periuader que la République vloit etre tranquille, quand même la Ruffie exigerait d'elle l'égalité civile en faveur des Diffidens. Les Philofophes de nos jours ne manqueraient pas de raifons fpécieufes pour calmer nos allarmes. Confidérons , nous diroient ces nouveaux Légiflateurs, avec attention , Quelles font, dans un Etat, les fon&ions'ref-peûives du Sacerdoce & de l'Empire, les deux branches générales qui embrafTent la totalité de toute Législation. Voyons dans quel cas la multiplicité du premier devient réellement nuifible à l'a&ivité de l'autre, Peut-être trouverons-nous, qu'en admettant admettant certaines précautions, les Dif-jfidens, mieux partagés qu'ils ne l'étoient dans l'ordre civil, ne feroient pas moins intéreffés que vous au bien de l'Etat, & aûffi peii difpofés que les Catholiques à trahir la Patrie, pour fervir l'ambition des Puiffances étrangères. L'Empire ou là Souveraine Magiftra-ture d'un Etat, a pour objet l'ordre, la. fureté , le bonheur & la gloire d'une Nation. Le Sacerdoce eft chargé du culte divin , & de diriger les mœurs des Citoyens ? non-feulement par rapport à la pratique des aftes religieux , mais encore relativement à l'oblervation des Loix civiles + & au fuccès des vues de l'Empire, Le Sacerdoce fait donc aimer , refpe&er & craindre Y Empire dans l'ordre furnaturel; &, de fon côté, l'Empire, fournis au Sacerdoce, en ce qui regarde la Foi & le culte public, le protégé , le maintient & l'honore dans l'ordre civil. C'eit ainfì. que ces deux colonnes du Gouvernement fe prêtent mutuellement fecours, & concourent unanimement au bonheur d'un Corps politique. D'après ces définitions exafìes, s'il eft vrai que tout Sacerdoce en général, doive , par fon inlHtiition, contribuer aux foins de l'Empire , pour le bonheur & la tranquillité publique, il èft évident que L JT J lorfqu il ne s'agira que de ces deux objets dans'les délibérations d'une Nation libre, la diverfité de Religion des Citoyens qui la compofent, ne doit mettre aucun oblicele au bien commun de la fociété civile. En effet, continueroient nos Philo-foplies politiques , les avantages qu'un bon Gouvernement procure aux Cw toyens d'un Etat, tel que le votre, font de nature à les toucher, & à les inté-reffer également , de quelque Religion qu'ils puiffent être. Il n'en eft aucun qui ne defire & ne chériffe la jouiffance affu-rée & tranquille de la liberté , de fa fortune , de fon rang, de fon honneur & de fa vie, & en général la profpérité de fa Nation. On ne peut en excepter que ces fcélérats, nés pour être la vi&ime de la rigueur des Loix, ou ces efprits dévorés d'ambition ou altérés de richeffes, que la violence de leur pafîion rend ennemis d'eux-mêmes & de la Patrie. Perfonne n'ignore auiTi que c'eft à la fa-^effe de la Légiflation, que chaque Citoyen eft redevable de la poffeffion & de la confervation de ces différens biens qui lui font fi chers. La Religion, d'accord en ce point avec le véritable intérêt de tout Citoyen, exige les effets de fon zele & de fa reconnoiffance pour le Gouvernement, & elle ne lui permet pas d'en troubler les mefures & Fa&rvité. Cette confidération, rendue fenfible, peut raf-furer la politique de l'Etat, fur le danger d'admettre les Difïidens aux fondions du Miniftere public. Si vous vouliez oublier le dogme qui les fépare de vous, vous pourriez efpérer que, dans un Con-feil compofé de Citoyens de différentes Religions, le bien public & l'amour de la Patrie deviendraient un vœu commun, & un fentiment unanime qui rapproche-roit tous les fyftêmes de Foi. Il femble, diroient encore nos Politiques , que le fecret d'une pareille conciliation ne confifłe qu'à maintenir la paix, & à faire naître une bienveillance réciproque entre les Citoyens de différentes Religions ; qu'une JufHce, attentive &C fans partialité , prévienne ou réprime , de part & d'autre , toute animofité, toute qualification injurieufe, toute difpute indécente , tout zele mal entendu, toute perlécution & toute injuftice ; que la Foi d'un chacun foit réellement libre, Se qu'à fon occafion, l'ambition & la cupidité d'aucun parti, ne puiffe rien entreprendre au défavantage des autres : nous croyons qu'alors un Etat libre auroit peu à craindre les fuites de la diverfité des Religions Pour parvenir à ce but, il y a deux C 2, chofes qu'il efl: bien important de diftin-* guer , & que , pour le malheur des Etats Chrétiens , on a prefque toujours confondues : le zele pour la Religion, & le pro-félytifme de fon culte. Le premier n'eft, dans le vrai, qu'une conviftion intime de la Foi qu'on profeffe, un attachement inébranlable aux dogmes d'une croyance, une foumiffion parfaite à la doctrine d'une fociété chrétienne, une exaftitude reli-gieufe à remplir les devoirs qu'elle im-pofe, & l'amour pratique des vertus qu'elle recommande. Vos Théologiens, à notre avis, diroient nos Philofophes, ne pour-roient charger davantage la définition du zele que vous devez avoir pour votre Religion. Quant aux profélytifme, ou au zele pour le progrès de votre profeffion de Foi, il ne doit être qu'un defir fmcere de voir augmenter, fans ceffe, le nombre des Enfans de l'Eglife Catholique, & que , pour la gloire de Dieu, & le falut de tous les hommes, dans vos principes, votre Foi devienne celle de l'univers entier. Tant que vous ne ferez que fouhaiter cet événement, & que, par vos bons exemples , par l'innocence de vos mœurs, & par des follicitations tendres & perfua-fives , vous vous contenterez d'inviter c jux qui penfent différemment de vous3 à embrafîer votre Religion, vous ferez dans l'ordre, & tous vos devoirsrk cet égard, feront remplis. Pour le fuccès de Vos vœux, c'eft l'affaire de Dieu même: fa Loi vous défend toute, contrainte & toute violence pour le faciliter ; & le glaive féculier n'auroit jamais du fe mêler de forcer les confciences , & de faire des converfions. Que votre Apoftolat travaille à la propagation de votre Foi, & qu'il y emploie toutes -les reffources d'une charité fervente , c'eft fon Miniftere propre , & l'Etat peut l'encourager & le foutenir ; mais s'il oublie que la modération & la douceur doivent cara&érifer les Minières du Chriftianifme ; fî, loin de porter les Fide-les à la pratique de ces deux vertus , ces Miniftres ne leur infpirent que du mépris & de la haine pour les Sénateurs d'une profefîion de Foi differente;' s ils intéreflent leur piete à- les maltraiter, a les injurier , & à les perfécuter à force ouverte , le Gouvernement doit réprimer un żele aufïi dangereux pour le repos de la fociété, qu'il eft également déiavôué par l'humanité & par la Religion. Le Sacerdoce doit fe fouvenir qu'il n'efl qu'un Miniftere de paix, d'édification, d'inllruc-tion & de charité ; & que l'efprit d'orgueil, de cupidité & de vengeance,-eft cjsj le plus oppofe à celui de fon mfKtution; Ce n'eft point à lui à vous mettre les armes à la main : il doit fe borner à les bénir, quand l'Empire les juge néceffai-Tes pour la défenfe de la Patrie. Tous ces principes font inconteftables , & puifés dans le vrai des chofes. Chaque Religion les réclame, & les appelle à fon fecours par-tout où elle n'eft point dominante, & par conféquent malheu-reufe & perfécutée; preuve certaine de leur conformité avec le cri de la nature , & avec cette Loi primitive, fource de toute jufti.ce, qui nous défend de faire aux autres ce quenous ne voudrions pas éprouver de leur part. Pour l'honneur de vos Catholiques, ( c'eû toujours les Politiques Philosophes qui parlent) il feroit à fou-liaiter que vos Théologiens eufTent conA tamment donné l'exemple de cette, modération ; & que le cara&ere de douceur & d'honnêteté, autant que la caufe qu'ils défendoient, les eût fait diftinguer de ceux qu'ils entreprenoient de combattre dans leurs Ecrits. Le langage de la dignité & de la raifon , eft le feul qui convienne à la vérité, & il a fur les cœurs & fur les efprits, un tout autre pouvoir que les inve&ives, les injures & les emporte-mens. Les plus grands hommes des différentes branches du Chri&anifme, ont penfe corn-me nous à cet égard. La vente eft une par-tout, quand il h'eft point queftion des myfteres d'un dogme particulier. U ncfl point pour médire, écrivoit 1 Auteur de la Confeffion d'Ausbourg, à un des Apôtres de fa Dottrine, que vous ave{ reçu votre Mi(fion,ćeJlpour annoncer l Evangile. J'aime a voir votre {eie; mais je ne puis Vapprouver, qù autant que la douceur (y La. modeflie en régleront Vactivite. Souvenez-vous que vous ne deve^pas moins imiter U Chrifł par la modération de vos dijeours , que par l'innocence de vos mœurs : Evangeli fatum , non maledicîum mi fus es; condono , imo laudo {elum, modò ne defidere-tur manfuetudo. Vide ut Chriftum vita ex-primas , exemplo, inquarti, dicendi. Soyez , tant qu'il vous plaira, nous diroient encore les mêmes Politiques, op-pofés de dogmes & de formes particulières du culte extérieur ; mais reuniffez-vous dans la morale. Tout ce qui tend dans la Religion à Vaffoiblijfement de l'Etat, dit un Auteur Anglois, auffi judicieux que zélé pour la Foi de fa Nation, n'eft point d'inflitution divine : c'ejl Vouvrage des hommes & des fauffes maximes qu ils fe font faites a eux-mêmes ; & fi, * l occafion e la Foi dominante , il arrive des déjordres dans le Gouvernement, cefi une preuve que C 4 -, [4° î l on fuit un fyjlêmc aujjl oppofc à la Religion qu'a la t o li tique. Ł irrtolerance eft ici défignée bien fpé-cialement comme îa fource la plus féconde des malheurs d'un Etat. C'eft donc à l'autorité ^civile à en arrêter les excès, & a empêcher que, fous prétexte d'orthodoxie , les différens Membres du Clero é ne fement la haine & l'animoftîé entre les Citoyens de la Nation. En tout temps, cette précaution feroit auffi néceffaire ] . . . fées clairement de principes îndifputa-bles, ou par des faits avoués de part & d'autre. Les Grecs défunis les Partifans de la Confefîion d'Ausbourg , & ceuxde la Réformation de Geneve , réclament aujourd'hui, en commun, les droits de Ci-< toyens, tant au fpirituel qu'au temporel. Etayés ou conduits par la Rufîie, la Pruffe , la Suede & l'Angleterre, ils viennent de fe former en Confédération , & ils demandent conjointement la liberté de leur culte refpeftif y & les droits de leur naiffance. Dans la réponfe que je crois pouvoir leur faire y au nom de là République , je n'ai garde de confondre les Grecs défunis ; la confidération de leur état eli entièrement différente. Je l'examinerai en-fuite féparément, & en peu de mots ; je n'ai en vue maintenant que les deux autres Corps de Diffidens, Leurs prétentions nous offrent une queftion bien grave & bien délicate à difcuter : il s'agit de décider fi la naiffance feule fait le Citoyen d'un Etat, ou fi, pour en obtenir tous les droits , on a encore befoin d'etre avoué par la Religion dominante ; de maniere qu'un dogme de Foi reçu, avec fon culte, par une Nation, à l'exclufion de tout autre contraire , ait le droit d'af-fujettir à fa croyance tous les Membres tfune Société politique, ou de priver, •en tout ou en partie , des droits de leur naiffance, ceux qiii adoptent un dogme & un culte différent de celui de l'Etat. Pour répondre à cette queftion, je dis, fans balancer , que dans l'ordre primitif & naturel, la naiffance fuffit pour faire un Citoyen ; & que l'enfant d'une famille indigene , ou incorporée à la Nation, étant né pour fervir & défendre la Communauté civile, acquiert auffi , en naiffant, le droit de prétendre à la proteftion des Loix, à celui de fuffrage dans la Légifla-tion d'un Etat libre , & aux grâces & aux bienfaits que cet Etat accorde aux fervices &c aux talens. Ce principe fut toujours iaconteftable, & l'eli encore où les Religions ne font point D ogmatiqu.es, & conféquemment intoUranus. Dans les beaux fiecles d'A-thenes & de l'ancienne Rome , la Religion n'entroit pouf rien dans l'état de Citoyen. Comme le culte des différentes Divinités du Paganifme n'occafionnoit que des Fêtes & des cérémonies , fans exiger aucune croyance de dogme, qui pût influer fur l'Etat & fur les mœurs, chaque Divinité étrangère étoit la biei> venue à Athènes & à Rome, & avoit fa place ^ dans le Panthéon. L'Etat recom-penfoit les vertus utiles à la Patrie, &£ D a puniffoit les crimes ou les excès qui pou-voient en troubler la tranquillité, tandis que les Philofophes épuroient les mœurs par la beaùté de leur morale, & tenoient lieu de Théologiens. Tel étoit le fyftême religieux des deux Peuples les plus illustres de l'antiquité. On ne perdoit le droit de Citoyen, dans ces deux Républiques, que par la violence des Loix de l'Etat, fans aucun rapport aux Dieux Penates, pour lefquels chacun, à fon gré, pouvoit avoir une dévotion particulière. Ce n'eft donc pas que l'Empire & le Sacerdoce ne fuffent, dès-lors, connus & dilîingués par la différence de leur pouvoir & celle de leurs fondions. Dès la naifîance des Sociétés civiles, toutes ont eu, en même temps, des Magiftrats & des Minières du culte public. Les premiers Légiflateufs ont fenti la nécefîité d'ap-peller la crainte d'un Être fuprême au fe-cours des Loix humaines. Delà cette opinion , généralement répandue , d'une vie future, & la Do&rine de l'Elifée & du Tartare : delà , ces Divinités locales & Tutélaires, non-feulement de chaque Peuple, mais même de chaque Province & de chaque Ville : delà, les difîerens cultes qui leur étoient confacrés, le refpećt pour les Temples & pour les Autels,, Finftitution des Prêtres, la fixatioa de leur rang, & l'ordre de leur Miniftete dans la célébration des Fêtes & pour les facrifïces ; mais, quoique la Religion fût, dès-lors, la feconde branche du Gouvernement , & qu'elle eût même le droit de pourfuivre & de faire punir l'impiété, fon autorité n'entroit pour rien dans la confHtution de l'état de Citoyen. L'étabiifTement du Chriftianifme a caufé un grand changement, à ce fuj et, dans tous les fyflêmes politiques qui l'ont reçu, L'excluiion que cette Religion exige de toute autre Divinité que celle que la Foi nous fait connoître, les dogmes de cette Foi, les principes de la Morale Chrétienne , & fur-tout le zele pour fes progrès, étant incompatibles avec le culte de Po-lythéifme, il ą fallu néceffairement que 1 un cédât à l'autre ; & par un miracle fenfible de la Providence, la Croix du Chr'ift a détruit le Panthéon de l'Idolâtrie. Avant cette époque, le Çhriftianifme, proferit par-tout, comme uneReligion contraire à la Nationale, faifoit déclarer fes Difciples incapables d'obtenir & d'exercer aucune charge dans le Gouvernement, & les expofoit même à des peines capitales ; mais lorfque les Souverains de l'Ęm-pire Romain eurent adopté la Foi des Chrétiens, cette Foi devint, avec le temps, une Loi de l'Etat, par l'ordre de ces Era- 3 pereurs , & prit ainfi la place de l'ancienne Religion Nationale. Depuis ce moment, le Chriftianifme a concouru^ avec la naiffance, pour conférer les droits de Citoyen dans les Etats oli il étoit reçu par le Souverain ; & ce Sacerdoce a tellement influé fur le Gouvernement temporel , que, dans la fuite, ils ont eu peine a reconnoitre les bornes de leur pouvoir refpedif, & que ce mélange de puiffance a caufe des fcandales & des maux infinis, dans l'Occident. Ce n'eft pas ici l'occafion de traiter ce point de FHiftoire ; je ne fui vrai pas non plus l'ordre fucceffif, & l'efpece des différentes opinions qui ont déchiré le Chrif-tianilme prefque dès fa naiffance , foit dans le cours des perfécutions qu'il a effuyées, foit dans le temps même de fon triomphe & de fa liberté fous Conf-tantin-le-Grand ; je n'entrerai pas non, plus dans la difcuffion des différens fyftê-mes de croyance qui l'ont divifé, depuis les fameufes querelles pour la fupréma-tie du Pontificat entre Rome & Conftan-tinople, les deux Capitales de l'Empire Romain ; il nie fuffit d'avoir fait fentir que cette R.eIie;ion , qui, dans le temps de fon obfcurité, faifoit exclure fes Difci-ples des droits de Citoyen, en a privé, k fon tour, les ennemis de /à Foi, après fon triomphe fur le Paganifme ; & que devenue Loi de l'Etat, la naiffance feule n'a plus fait le Citoyen, & qu'elle a eu befoin de l'aveu de la Religion pour en procurer tous les droits. Je puis maintenant examiner, avec plus de précifion, fi, embraffant des doctrines contraires à la Religion Catholique-Romaine , dominante en Pologne , les Diffidens d'Ausbourg & la Réformation ont dû perdre les droits de Citoyens, &£ à quel titre ils ont pu les recouvrer. Pour prononcer à cet égard, il faut auparavant approfondir, fi un dogme Chretien êc fon culte, une fois reçus par un Souverain &C fa Nation, peut, à titre de dominante, obliger tous les Sujets del E-tat, & exclure de la Société civile, tout dogme & culte contraires. Par Souverain, je n'entends ici que la fuprême Magiftra-ture d'un Etat libre , fans prétendre difcu-ter cette queftion lous la puiffance d'un Monarque ou d'un Defpote : après cette fim-ple précaution, j'oie,fans héfiter, prononcer affirmativement en faveur du dogme reçu, lorfque le Souverain en a fait une Loi expreffe, de concert avec la Nation. En effet, une pareille Loi, ( en ne lui donnant, pour objet, que le bon ordre & la tranquillité publique ) devient, des-lors, auffi obligatoire & générale que D 4 les Loix conftitutives de l'Etat. Nulle différence entre elle & ces dernieres. La profefïion de Foi, reçue à l'exclu-fion de toute autre, fait corps avec là Conflit u tion même de l'Etat; & la Loi qui lui donne cette préférence , n'eft pas moins que les Loix fondamentales du Gouvernement, l'exprefïion claire de la Volonté publique pour le choix d'un Sacerdoce. La Nation entiere peut, à la vérité, revoquer fon choix, comme elle peut changer la Nature de fon Gouvernement; mais elle feule a légitimement ce double droit ; & des particuliers ne font pas plus autorifés à la troubler dans le fyfieme de fpiritualité qu'elle a choifi, que dans fon administration publique , puifque le Sacerdoce en fait une partie efFentielle. Il efl donc confiant, que tant qu'une Nation libre demeure attachée ay choix qu'elle a fait d'une Religion, & qu'elle n'a point retra&é la Loi, qui défend la profefïion & l'exercice de toute autie dans 1 étendue de la domination , les particuliers , qui adoptent des opinions étrangères, deviennent, par le fait meme, rebelles aux Loix de l'Etat , Se conféquemment fournis aux peines prononcées par ces Loix. Ce principe, de la derniere évidence par lui-même , eft juf-tifie par la conduite uniforme de tous lei Corps Politiques. Par-tout la Religion dominante exclut ou tolere, à fon gré, les autres Religions. La Société, qui l'a reçue, efl à la tête du Gouvernement, & maitrefTe abfolue de difpofer du Ministère public & des faveurs de l'Etat. Dans les pays qui reconnoiffent la Confefïion d Ausbourg ou la Réformation , on ne trouvera point les Catholiques en égalité de droits avec les Citoyens dominans. A quel titre donc obîigeroit-on les Catholiques, dans un Etat fournis à leur Foi, a confentir à une égalité dont ils ne jouifTent point dans un Etat Diffident ? La meme rai fon qui leur faitrefufer cette égalité dans ces Etats , leur fait une Loi de ne pas l'accorder dans un Etat Catholique; je veux dire, la tranquillité publique & la fureté du Gouvernement. Si les Sujets du Catholicifine font obliges de fe contenter des feuls privilèges que les autres Communions Chrétiennes veulent bien leur accorder dans les Etats de leur domination, ce feroit renverfer toutes les idées de la Juftice diftributi-ve, que de^pretendre que la Communion Romaine n'a pas le même droit dans les Etats qui lui font fournis, fur les Se&a-teurs des Communions différentes , à moins qu on ne lui fafTe un démérite de n avoir pas les grâces de la nouveauté. Ce droit ne peut être contefté à aucune Religion, que parle fyftême Philofophi-que d'une tolérance générale, qui n'admet-troit dans l'Europe aucune Religion dominante ; mais la queftion préiente n'a rien à démêler avec ce fyflême, qui, dans le vrai , n'eil autre chofe qu'une indifférence réelle pour toute Religion, ou y tout au plus, le retour de la Loi naturelle, lx on veut l'annoncer moins défavorablement. Je fens combien l'humanité & la faine raïfon, & même cet efprit de douceur & de paix, qui càra&érife la morale de notre divin Légillateur , défavouent ce zele perfécuteur, Se cette intolérance cruelle, qui a caufé tant de maux dans le monde Chrétien ; je fais que dans le for de la confcience, toute Religion ne peut avoir que des Sujets volontaires ; que la foumirfion qu'on lui doit, n'oblige qu'autant qu'on eft perfuadé de fa vérité ; que la contrainte n'agit que fur l'extérieur , & que ce n'eft qu'à la convi&ion intime que l'efprit & le cœur peuvent fe rendre. Perfonne n'eft plus que moi Fami de ces maximes, & l'ennemi de la violence en matiere de Religion ; mais toute Société civile a befoin d'un Sacerdoce autorifé à être la regie de la croyance & des mœurs publiques ; & ce Sacer* doce, une fois établi par la Nation, devient dominant, & acquiert tous les droits d'un pareil titre. Je conviens que ces droits gênent la liberté des confidences, ou font perdre bien des avantages civils , fi on veut préférer fes propres lumières à la Foi publique ; mais enfin, dans la difcuilion dont il s'agit, je dois être conféquent; & je ne puis l'être, qu'en rendant à la Religion dominante d'un Etat libre, toute l'autorité que la Nation lui a donnée, & que des Loix formelles ont rendue inviolable pour l'intérêt des mœurs & le bon ordre de la Société. Je dois maintenant prouver que la Religion Catholique-Romaine a toujours été dominante en Pologne, avant même la fin du 10e. fiecle , & qu'elle en a conftam-ment conferve le titre & le pouvoir, foit fous la Monarchie héréditaire des Piafles , foit fous l'Ariftocratie Royale ou Election libre, mais fuccefllve des Jagellons , foit enfin, fous la Légiilation des Ordres qui gouvernent aujourd'hui la République. Il n'y a pas d'apparence que les Difiidens veuillent foutenir le contraire, fous le regne des Piafles , depuis Bolellas Chrobri, & fous celui des Jagellons , juf-qu'en 1550, la deuxieme année du regne de Sigifmond-Augufle ; il faudroit, pour I>] cela, démentir toutes les hiftoires générales & particulières qui conftatent cette vérité. Ils ne perfuaderont à perfonne que la Religion CatholiquerRomaine ne s'efl pas établie en Pologne fur les ruines de l'Idolâtrie fous Miécifìas , Pere de Boleflas Chrobri; & qu'elle n'ait été la Religion dominante & nationale, fous les régnés de tous les Succeffeurs de ce Prince, juf-qu à la mort de Louis d'Hongrie. Les privilèges accordés à la Ruffie-Rouge, en 1340 łk. 1344, par Cafimir-le - Grand , lors de la réunion de cette Province au Royaume de Pologne, pour le libre exer^ cice de la R.eligion Grecque, ne font point une exception, dont les Diiiidens d'Aiis-* Bourg 6c ceux de la Réformation puiffent prévaloir, pour ôter à la Religion Ro-r maine le titre de dominante fous cette époque. Ils ne font pas mieux fondés à le lui contefler fous les iix premiers Rois de la famille de Jagellon. Ils ne peuvent, fe déguifer à eux-mêmes que cette Religion n'ait mis ce Prince fur le Trône, & détruit, en le couronnant, les fauf-fes Divinités de Lithuanie. Je ne penfe pas qu'ils veuillent s^tayer, à ce fjjet , des différentes Sećłes qui fe répandirent alors en Pologne, & contre lefquelles on mit en ufage toute la rigueur des Loix les plus féveres. Je ne prétends ni ne [6l,] crois convenable d'étendre, par antici* pation, la févérité de ces Loix fur la profefîion de Foi qui leur eft propre ; mais je puis citer la Loi de Jagellon , de 1424, & celle de la Confédération générale dé Korezin, en 1438, comme des preuves évidentes que le Souverain & la Nation n'admettoient dans le Royaume d'autre culte & d'autre profefîion de Foi que celle de l'Eglife Romaine. Cette Loi avoit même tant de force au. commencement du i6e.fiecle, qù'Helene j femme du Roi Alexandre, & fille du premier Czar de Mofcovie, ne put être couronnée, parce qu'elle profeffoit la Religion Grecque. On fait la date de la naifïanee de la Confefîion d'Ausbourg & de celle de là Réformation. Les Dilciples de l'une & de l'autre n'ont pu paroître en Pologne que fur la fin du regne de Si-gifmond I ; de maniere que l'on peut dire que ces deux Religions étoient encore au berceau , lorfque Sigifmond-Augufte monta fur le Trône en 1548 , & certainement la Nation n'avoit point alors révoqué l'exclufion qu'elle avoit donnée à toute autre Religion que la Catholique Romaine. Il eli donc impoffibleà ces deux Corps de Diflidens, de ne pas avouer qu'au milieu du 16e. fiecle, la Religion Romaine étoit celle de la Nation, & que féi] ìa profefìion & l'exercice de toute aiitfë y étoient profcrites & défendues par les Loix les plus formelles. Il faut donc , par confequent, qu'ils conviennent que leur Religion étant manifestement oppofée & contraire à la ProfeiTion de Foi & au culte de l'Eglife Romaine , la Loi publique les retranchait alors de la Société civile , à titre de Se&ateurs d'une autre Religion que celle de l'Etat, _ Pour fe fouftraire à cette profcription civile, depuis 1548 jufqu'en 1573 , il faudrait prouver bien évidemment que ïe choix qu'une Nation fait d'une Religion pour être la feule de l'Etat, & que la Loi qu'elle impofe aux Citoyens de s'y foumettre, & de n'en :o >pter aucune autre, ne font qu'une pure fpiritualité qu'on peut traiter légèrement, qui n'engage à rien, & qui lai/Te à chacun la liberté de ì»enfer & d'agir comme bon lui femble a cet égard. Que deviendrait alors Pordre & l'uniformité de la police d'un Etat? L'objet de la Religion tient de fi près au Gouvernement, que la Politique même en détermine fôuvent le choix, & que les Souverains font obligés de profeffer celle qui fait regner. Les Diffidens d'Ausbourg & de la Réformation font donc forcés de fe reconnoître ici infra&eurs des Loix de VEtat pendant cet intervalle, &, comme tels, exclus de la Société civile, & des droits que leur affuroit leur naiffance avant leur défertion de la Foi publique. Tous les mouvemens qu'ils fe font donnés fous le regne de Sigiimond-Augufte , & après la mort de ce Prince, pour obtenir des titres de réhabilitation, font autant de preuves de la folidité de mes principes, & de l'éxa&itude des conféquences que j'en ai tirées, pour conftater au vrai leur état en 1 550. Examinons maintenant quelles font les fuites réelles du changement qui s'efl: fait en leur faveur en 1583. Accrus & protégés par le dernier des Jagellons , & devenus puiflans : r> mort de ce Prince par le nombre & le crédit de leurs Parti-fans ,As demandèrent, les armes ala main, & obtinrent la liberté entiere de leurs dogmes & de leur culte, & cette paix fameufe, le premier & le plus authentique de leurs titres ; mais quelque figni-fication que l'on veuille donner à cette paix, établie par la Confédération générale pour Féle&ion de Henri de Valois, elle ne peut fignifier, dans fa plus vafte étendue, que la jouiffancepaifible, des droits d'un chacun, fans qu ii fût permis à un parti d'inquiéter qui que ce fut jur fa profef-Jion di Foi. ,[64] Je lì e veux point profiter de cette ex-" preffion affez indéterminée, pour foute-nir que jamais la INation n'a accordé aiu£ JDiffidens, en termes exprès, ia capacité ^e pretendre aux dignités, aux charges & aux grâces de l'Etat. Je veux croire que ^ fi les Diiïidens ne l'ont pas obligée de^s expliquer clairement à ce fujet, c'eft qu'ils ont ^ voulu fuppofer leurs droits affé*, affures , foit par la poffeffion actuelle où 1 es plus confidérables d'entr'eux pouvoient être avant leur changement de Religion, foit par ia faculté d'y prétendre que Sigìfmoncl-Àugufle leur avoit accordée par un Diplôme particulier. Je m en tiens donc au fens naturel du mot de paix, qui, fuppofant ou connrman. implicitement la réintégration des Diffi-dens dans les droits de leur naiffaice ? reconnoît & conferve au parti Catholique tout Ion etat & toutes fes préro* gatives , & ne lui interdit que le pouvoir de troubler les autres Religions dans 1 exercise de leur culte. Cette interprétation, la plus favorable que les^ Diffiderò puiffent donner eux-rriemes a cette Loi, ne porte évidemment aucune atteinte aux droits effentiels de la Religion ni du Parti Catholique. La Relig.on ne ceffe point d'être nationale & dominante, & le Parti Catholique continue tinue à regner, & à diiłribuer les dignités &: les grâces. La Religion tolere différens cultes, & nos Rois permettent aux Dif-fidens d'afpirer aux honneurs & aux bienfaits de l'Etatv Je né Vois , dans ce qui fe paffa à la Confédération de 1573 , qu'un parti puif-lant, arme, audacieux, & même grofîi par les Profélytes de plusieurs Se&es grof-fieres & proferites, faire la loi à la Pa^-tne. Forcee par la neceffité, & pour éviter les malheurs d'une guerre civile, cette Patrie fe réfout à la modération & à la tolerance de ce qu on exige d'elle. La force peut tout demander & tout obtenir : Arma. tenenti omnia dat, qui jujla negatj mais comme le droit qu'elle acquiert n'eft fondé que fur l'ufurpation & fur la violence, dès que la force ceffe, l'autorité légitime reprend fes droits ; & femblable à la palme, elle fe releve , quand l'obflacle qui la captivoit, n'exifte plus : Deprcfa. refurgit. Telle eft, en peu de mots, l'hif-i.oire de ce qui eft arrive aux Diilidens d'Ausbourg & à ceux de la Réformation , depuis la paix de 1573 , jufqua fa limitation légale de 1717. Il n'eft plus temps d invoquer contre eux les anciennes Loix de l'Etat pour l'unité de Religion, ni de leur donner des noms di&és par l'efprit de parti, La lag effe parle une autre tanfi j66l . , gue que la pamon. Loin de nous permettre aucune dénomination indécente , il feroit à fouhaiter, pour la tranquillité publique , & pour la dignité même de notre Religion, que le vulgaire en perdît l'ufage. La profelîion de Foi de ces Difîidens eft devenue celle de plufieurs Etats puiffans, & celle de Têtes couronnées bien refpe&ables en Europe. Laif-fons donc à Dieu le droit de prononcer contre eux & nous ; & fi notre Religion nous apprend qu'ils fe trompent, ne cherchons à les en convaincre, que par notre modération, notre jufiice & l'innocence de nos mœurs. Si, au milieu du 16e. flecie, la République pouvoit les traiter de rebelles aux Loix de l'Etat, & agir comme le Pro-félytifme & l'efprit intolérant firent alors agir la France & l'Allemagne, une politique bien plus fage, en les traitant en Citoyens , prévint , fans aucun danger pour la Religion ni pour l'Etat, tous les maux qui défolerent le milieu de l'Europe. On fait tout ce que le zele du Clergé, ôc celui des Catholiques féculiers , voulut oppofer à l'introduction de pareilles nouveautés ; mais on ne peut lire aufîi, fans line véritable fatisfa&ion , les confidéra-tions que des perfonnes, capables de juger fainement des chofes, firent valoir, pour amener les plus ardens Catholiques à la modération, & à la paix à laquelle on fe détermina. Ce ne fut pas fans peine que l'on fit fentir aux Sénateurs Eccléfiafliques les conféquences d'une fermeté fans bornes : » il ne fut pas aifé de leur faire entendre , » qu'une réfiflance fans ménagement, por-» teroit les chofes au dernier excès ; que » l'autorité des Loix ne parloit que foible-» ment devant une multitude armée, &: » prête à en venir aux mains ; que c'étoit » expofer, fans fruit, la Patrie & la Re-» ligion même à l'incertitude des événe-»mens, & d'une révolution dangereufe; » que lorfque le crime étoit trop puiflant » pour être puni par l'autorité publique , » il falloit employer la douceur & de fa-» ges tempéramens, pour affaiblir, dans » les criminels, le plaifir de l'être ; & qu'en-» fin, la licence fatisfaite, rentroit fouvent » d'elle-même dans fon devoir, foit par » dégoût de fes excès , foit par amour de » la vertu : Sed cum rem ad Dijjidium in-clinari ipji CathoLici vidèrent, m a gif que au-daciam incendi, diun in tantâ Dijjidentiiim multitudine , parva legum appareret auclori-tas; perfuafere infulatis quatenus fuperfede-rent, meliora defuper fperaturi ; nonnunquam prudenti conniventia , ubi feelusprohiberi non potefi, citais peccandi voluntatem hebitari , E z , .. t6S3 aut dum vitiofœ licentia fatietas peccanteS carperet, aut ipjls tandem placent virtus. Ce n'elì: pas un Théologien qui parle ici, ni un Enthoufialłe de la Religion dominante , c'eft Maximilien Fredro, c'eil un vrai Sage, & le Sénateur le plus inf-truit des droits de la Patrie : il caraûérife bien clairement ce qui fe paffa dans l'Af-femblée violente & tumultueufe pour l'é-lećlion d'Henri de Valois. Son témoignage juftilie pleinement tout ce que j'ai avancé • liir le pouvoir inconteftable de la Religion dominante, fur l'exclufion de toute autre que la Catholique - Romaine , toujours fubfiftante alors, & fur l'état des Dilìidens avant leur réhabilitation. Lorfque la fureur de l'efprit d'intolérance pofledoit le milieu de l'Europe, le Clergé de Pologne fut alTez modéré pour fe rendre à des réflexions aufïï prudentes : fa conduite, également politique & Chrétienne, épargna à la République ces fpeclacles de fang & d'horreur qui déshonorent la raifon, & dont la France, l'Angleterre & l'Allemagne , ont été fi longtemps l'affreux théâtre. On fut alors céder , pour un temps, le fpirituel au temporel. Les Evêques fe tûrent, & l'Etat lit la paix, en fe contentant de ftipuler que cette condefcendance des Catholiques ne porteroit aucun préjudice à la Foi ., [«9] , Romaine, qui etoit celle de l'Etat : Ne in preejudicium fidei Romance ea lex extendi pojfet. C'eft ainfi. que, fans l'avoir appris du Roi Etienne, que l'on vouloit porter, peu d'années après , à févir contre les-Diflidens, la République fe réfolut à laif-ler à Dieu le droit de commander aux confciences , comme il a celui de tirer du néant ce qui lui plaît, & de prévoir l'avenir ; & parut dire , comme ce Prince : Ex nihilo creare, preevidere futura & confcientiis imperare non nojìrum ejl ,fed joli Deo competit. En obtenant le libre exercice de leur Religion, les Diffîdens fe fournirent à refpe&er les droits de celle de l'Etat, & ils prouvèrent leur foumilïion, à ce fuj et, en concourant à l'éleûion d'un Roi Catholique. Dès-lors ils cefferent d'être cenfés rebelles aux Loix de l'Etat; & la tolérance, accordée à leur Religion, s'étendit tacitement fur la polfellion des charges & des grâces qu'ils avoient précédemment obtenues, ou qu'ils pourroient obtenir par la fuite. Que leur condition, à ce fujet, eût changé, comme ils le prétendent , dès le regne de Sigifmond-Au-gufte: par l'Edit de ce Prince, de 1 563 , & autres, cette affertion ne leur donne qu'une tolérance légale, antérieure de peu d'an- E 3 nees à celle qu'ils ont obtenue, dix ans après, du conlentement forcé de la Nation : ii faut même obferver, que plus on fait d'efforts pour multiplier les a&es qui les ont tirés de l'état où les avoit réduits la violation des Loix, plus on prouve le befoin qu'ils avoient de l'indulgence de la République. Cette indulgence légitima, à la vérité , l'exercice des dignités & la jouiffance des grâces de l'Etat, dans la perfonne des Diffidens qui les poffedoient alors, & qui les avoient obtenues avant ou après leur défertion de la Foi dominante : elle au-torifa même implicitement les Rois à leur faire part, clans la fuite , des avantages des Citoyens Catholiques; mais dès ce moment, on ne peut pas foutenir qu'ils les aient poffédés , ou qu'ils les aient obtenus à titre de droit primitif & inhérent à leur naiffance, comme on le prétend dans le Mémoire de la Ruffie ; ce ne peut être qu'à titre de Citoyens tolérés , dès qu'il eli prouvé que la Religion Catholique etoit la Religion dominante , & la feule reçue dans l'Etat par des Loix expreffes, avant leur réhabilitation, & que depuis cette époque, elle n'a rien perdu des droits qui cara&érifent une pareille Religion. En vain on voudroit déployer toutes les combinaifons poffibles, toutes les ref-fources de l'art, & toute la force des expreffions, pour établir une parfaite égalité de droit entr'eux & les Catholiques ; on ne perfuadera jamais un Juge éclairé & impartial. Le tableau fidele que je viens de faire de leur Etat, fous le regne de Sigifmond-Augufte , & à l'éle&ion de Henri de Valois, fait affez fentir la différence réelle qui étoit entr'eux. Sous cette époque, & même dès 152.5, la 18e. année du regne de Sigifmond I, il eff impoiîible de ne pas diffinguer deux fortes de Citoyens dans l'Etat : les premiers , que j'appellerai Dominans, for-moient l'ancien Corps National, fous le même Empire & le même Sacerdoce, & conféquemment étoient en poffeffion des droits légiflatifs à titre de naiffance, & comme Enfans de la Religion de l'Etat ; les féconds, que je nommerai Religionnai-m, infra&eurs des Loix, par l'abandon de la Foi publique, ne jouiffoient des droits de leur naiffance, que par la dif-fimulation volontaire , ou la complai-fance fecrete du Prince régnant ; & ils n'obtinrent, après fa mort, leur réhabilitation , que par la violence , & à la faveur d'un inffant critique, auquel la prudence du Gouvernement crut devoir cette tolérance. E 4 Mais fi cette différence étoit auffi fen* fible alors , elle n'a fait qu'augmenter d'un regne à l'autre fous les Rois purement éledifs, à meiure que les grandes Familles Diffidentes revenoient à l'unité du culte, & rentroient dans le fein de l'Egide Romaine ; on voit croître l'inégalité d'état entre un Citoyen Catholique & un Citoyen Difîident : l'un, toujours fur de fes droits, qu'il tenoit de l'Etat & de la Religion , n'avoit d'autre foin que de fe rendre digne de 1'efUme de fa Patrie, pour en obtenir les honneurs & les grâces ; l'autre , fans ceffe incertain fur fa fituation, qu'il ne devoit qu'au hafard d'un événement fingulier , n étoit occupé qu'à chercher les moyens de faire continuer au refte du Parti,. les avantages qu'il avoit obtenus dans un moment favorable : on le voyoit redoubler d'attention & de crainte à chaque mutation de regne , & dans toutes les pccaftons qui pouvoient aider ou nuire à fes prétentions j Comme ce n'etpit qu'à la confidéra-tion & à la force des premières Familles de la Couronne & du grand, Duché de Lithuanie, que la République avoit con-fenti à la paix des Dlilidens, dès que ces Familles furent revenues à la Foi de leurs Peres, l'Etat fut en droit de mettre une (Min&ion marquée entre les Catholiques &£ les Difîidens, & d'en agir, avec ces derniers, comme avec des Citoyens tolérés , dont il pouvoit, à fon gré, régler les droits & les privilèges, fuivant la diverfité des circonfbmces ou de fes intérêts. La même force, qui feule avoit oblige la République à fouffrir d'autres Religions que la fienne, paffant, de ion coté, par le retour des premieres & des plus puiffantes Familles, à FEglifeRomaine , l'Etat a pu juftement reprendre fes droits primitifs. S'il a donc jugé à propos d'avoir moins d'indulgence & de libéralité pour les Diffidens, foit dans les Confhtutions qui ont précédé la guerre de Suede, de 1654, foit dans celle de 1717 & les fuivantes, dès qu'il eft prouvé qu'une Religion, choifie par une Nation , a 1 exclufion de toute autre, concourt, avec la naiffance , pour conlKtuer le Citoyen ; il faut convenir que l'Etat n'a fait qu'ufer de fes droits, ou , tout au plus, s'écarter de la complaifance qu'il avoit bien voulu avoir jufqu'alors. En efîet, li la Religion Nationale met l'Héritier légitime d'un Trône dans la né-ceffîté d'abandonner la fienne pour elle, pu de renoncer à la Couronne de fes ?e,res ' ^ e^e feule admife aux Con-feils & à l'adminiflration publique dans les Etats libres; &fi, enfin, la Pologne elle-même ne peut avoir pour Chef qu'un Roi Catholique, à quel titre, fi la force n'en a voit pas décidé en 1573 , les Difîi-dens auroient-ils pu prétendre que la République confiât les Minifteres publics à des Citoyens d'une Religion contraire à la fienne ; elle ne leur devoit, fiiivant tout principe d'humanité & de juftice, qu'une tolérance raifonnable, & quelques charges & grâces fubordonnées au bien public & à la tranquillité de la Nation. Je conviendrai volontiers que la liberté de Religion en général eft inhérente à la qualité d'homme; mais je crois avoir démontré ci - defliis , que cette liberté n'eft pas également identifiée à celle des Citoyens d'un Etat libre, qui en a choifi une pour être la feule qu'il a permis de profeffer publiquement. Dans tout Pays Républicain, c'efi: le droit de la Religion dominante d'exclure toutes les autres, ou d'admettre celles qu'elle juge à propos de tolérer. On ne doit pas regarder ce droit comme problématique en Pologne , par la raifon que la Religion dominante n'a pas donné la Loi à l'éle&ion de Henri de Valois; ce feroit ouvertement abufer des circonflances, & mettre la violence & l'audace à la place de l'autorité légitime & légiflative. Je ne vois pas non plus par quelle raifon on pourrait prétendre que la Pologne ne fût pas dans le cas des autres Pays libres de l'Europe ; je cherche en vain d'où pourrait réfulter fon infériorité dans 1 ufage de fa liberté , & de fes droits conftitutifs ; & je penfe , qu'à cet égard , elle peut foutenir toute comparaifon. Le libre Feto, qui, félon les Diffidens, balance le pouvoir de la République, n'infirme point fon indépendance & fa liberté : c'eft un abus unique en fon efpece, introduit, par la licence, dans les temps les plus malheureux, & qui, comme je 1 ai dit dans mon Effai Politique fur le Gouvernement de Pologne , ne peut être bon qu'à fervir la politique des Cours étrangères , les intérêts de l'autorité Royale ou 1 ambition des Grands ; mais cet abus n'a jamais fait Loi exprefTe dans l'Etat, comme le Vcto des Tribuns à Rome ; & dans des occafions eflentielles, la République peut s'affranchir de fa tyrannie par l'Af-femblee d'un Grand-Confeil, ou par une Confédération volontaire des Ordres de l'Etat. D'ailleurs, ce n'efi: point à l'unanimité que les Diffidens ont dû leur fuccès en 1573- Cette forme finguliere de délibération ne s'eft introduite qu'environ un fiecle après, fous l'infortuné Jean Cafimir. La pluralité décidoit tout ail 16e. flecie, & la force la fit prononcer en leur faveur, à la Confédération générale de 15 73. Libre , en 1716, la même pluralité leur fut moins favorable dans le Traité de Varfovie; & fa décifion eil d'autant plus authentique , «jue ce Traité, néceffaire au repos de l'Etat , fut arrêté & conclu, entre les Corn-miffaires du Roi, ceux de la Confédération générale de Tarnogrod, & ceux des Armées Confédérées de la Couronne & de Lithuanię , fous la médiation de la Riiffie. Pour 11e rien laifTer fans réponfe, il faut encore prouver aux Diffidens, con-îradi&oirement à l'expofé de la Ruffie, «pie ce n'eft point à leur coiicours que la République eft redevable de fa Conf-titution aduelle ; & que ce n'eft pas à l'inftant de fa fondation, qu'ils ont obtenu cette liberté de leur Religion , & cette capacité aux charges & aux grâces de l'Etat, dont ils demandent aujourd'hui le rétabMement. Je vais tâcher de leur faire voir que leurs privilèges, à çet égard, n'ont d'autre époque que celle de l'élection libre de 110s Rois , ou l'incorporation finale de la Lithuanie au Royaume de Pologne, fi 011 veut leur donner quatre ans d'antiquité de plus. '' On ne peut entendre, je crois, parla fondation de îa République , que le moment ou elle a ccfté d'être une Monar^ chie , pour devenir un Etat libre, dont la Souveraineté eil compofée d'un Chef-Roi , d'un Sénat & des Nonces de FOrdre Equeftre. Voyons maintenant lì la République n'a eu ce caraûere d'Etat, que depuis que les Difïidens ont bien voulu fe joindre aux Catholiques pour le lui procurer. Pour trouver la naiffance de la liberté dont jouit la Pologne, & , pour ainlî dire, le berceau de Ion état a&uel, l'Histoire , bien approfondie, comme je l'ai démontré dans un Ecrit avoué de la Nation , nous fait remonter jufqu'au regne de Cafimir-le-Grand. C'eft fous ce Prince que le Sénat, qui, fous fes Prédéceffeurs n'étoit que le Confeil du Roi, devint celui de la Nation : dès-lors, ce premier Corps de l'Etat partagea, avec le Souverain, l'autorité légrflative ; & ce ne tut que par fon conientement, que Ca-fimir appella au Trône fon neveu Louis d'Hongrie. Après la mort de Louis, fa fucceffion à la Couronne devint élective ; & le Sénat traita, avec le nouveau Roi, des conditions qui pouvoient la lui procurer , en affurant les privilèges & la liberté de la Nation. Si, pendant près de deux fiecles , le Sénat , & enluite l'Ordre Ëqueftre, de concert avec lui, ne chercha des Souverains que dans Taugufte Famille de Jagellon ; ce ne fut jamais que de l'aveu de ces deux Ordres, que les Princes de fa poftérité fe fuccéderent les uns aux autres. Nous les voyons tous reconnoître la liberté de la Nation, confirmer fes droits & fes privilèges, & contracter , dans leurs Diplômes, les nouveaux engagemens qu'elle exigeoit d'eux. Plus d'un iiecle avant que l'on connût les Diffidens, l'Ordre Equeflre avoit part au Gouvernement. Dès le temps de Ca-fimir Jagellon , il tenoit fes Affemblées particulières dans les Palatinats, prenoit connoiffance des matieres d'Etat, & en-voyoit fes Députés aux Dietes, pour délibérer, fuivant le vœu & les ordres des différentes Provinces, fur toutes les affaires publiques. Voilà, fi je ne me trompe, le moment précis de la naiffance, & la fuite du progrès de notre liberté bien marqués. Roi éle&if, puiffance du Sénat, autorité de l'Ordre Equeftre, & réunion des trois Ordres pour le Gouvernement & la Lé~ giflation aćiuelłe, tout fe raffemble ici pour former l'entiere & vraie Conftitu-tion de notre République ; mais tout cela eft antérieur à l'apparition des Diffidens, &: ne fauroit être un ouvrage dont 011 puiffe leur faire honneur. L'incorporation de la Lithuanie à la Pologne, a, fans doute, contribué beaucoup à l'agrandiffement & à la puiffance du Royaume ; mais elle n'a pas conf-titué les Loix fondamentales qui le font tel qu'il e ił , & qui le distinguent de tout autre. Affez incertaine & mal affu-rée, fous le regne des fix premiers Jagel-lons , on ne peut pas attribuer à cette incorporation , la forme fpécifique de l'adminiftration publique de la Pologne. A prendre cette incorporation au moment de fa confommation finale , en i 569, fous le feptieme & dernier Prince de ce nom , la Lithuanie n'a fait que fe joindre intimement au Corps de la République , & en adopter les Loix & les ufages, pour ne former déformais qu'une Nation avec elle ; mais cette jonćtion fi importante, n'eft due, en aucune façon, aux Diffidens : elle s'eff faite fous les aufpices de la Religion dominante dans l'une & l'autre Nation, & par les foins d'un Roi Catholique. La paix, qui leur a été accordée à Télefìion de Henri de Valois, n'eft donc pas l'époque de la République ; & toutes les belles conféquen-ces qu'ils tirent fi adroitement, en leur faveur , d'une pareille fuppofition, tom* [So] k0nt ^'elles-mêmes, faute d'appui, paf la chute de leur principe. Il luit naturellement, de ceux que j'ai établis, que, dans le civil comme dans le fpirituel, il y a toujours eu une différence réelle entre les Catholiques & les Diffidens, même dans le temps du triomphe de ces derniers , en i 573 ; que quelque dénomination que l'on veuille donner a la paix qu'ils ont obtenue, ce n'efî: qu'une conceffîon forcée ; c'efl toujours un Etat Catholique, qui cede volontairement fes droits légitimes à des Citoyens qui n'en ont d'autre que leur grand nombre & leur violence : que quand même leur fupériorité momentanée fe fe-roit portée aux derniers excès, & qu'elle auroit traite la Religion Romaine en Pologne, comme elle l'a été en Angleterre & en Hollande ; ce n'auroit été, dans le fond, qu'une ufurpation de p affa g e, qui ne peut fubfifter qu'autant que la force la foutient, & que la poffelïïon légitime n'a pas le pouvoir de rentrer dans fes droits ; qu'en conféquence , cette inégalité d Etat n'a fait qu'augmenter, à mefure que les principaux Brofélytes de la Religion des Diffidens revenoient à celle de leur Patrie ; que celle-ci n'ayant jamais perdu le titre ni le carattere de dominante, la République n'ayant pas les mêmes raifons .[8Î] fraifons dé contrainte, a pu donner, àveè juftice, moins d'étendue à fa tolérance , &confulter, en 1717, l'intérêt du Gouvernement, êc lâ tranquillité de la pro-feffion de Foi Nationale, dans le choix des diftin&ions & des grâces qu'il lui con-venoit d'accorder aux Diffidens. Vous voyez, Monfieur, que fans rien emprunter de la fpiritualité, & par les feules raifons de politique, on peut, avec dignité, défendre la caufe de notre Patrie, & réfuter les allégations des Diffidens ; mais, content d'avoir réduit leurs plaintes à leur juńe valeur, & d'avoir juftifié la conduite de la République, jé fuis bien éloigné de vouloir exciter con-tr'eux l'animoiité ou le reffentiment des Catholiques , & d'approuver les Confti-tutions dont ils fe plaignent. Il me fem-ble, au contraire, qu'il feroit à fouhaiter que la République n'eût jamais changé de fyftême à leur égard. Sans aucune utilité réelle, la févérité de ces Confłitu-tions modernes n'étoit propre qu'à ranimer un Parti incapable de niiire & prêt à s'éteindre ; 8c l'on fait, par l'expérience , qu'il fuffit de perfécuter une profef-fion de Foi, pour la rendre plus entreprenante , & lui procurer des relïburces qu'elle n'a voit pas. Avant le Traité de Varfovie, la tolé- F [Sx] f ance du culte des Diflidens, & les fuites de cette tolérance dans l'Etat civil, de» meuroient, àia vérité, confignées dans des aćles folemnels ; mais ces actes n'é-toieot, de la part de la Nation, dans les Confédérations générales , & du côté de nos Ilois, dans leur Pacîa Conventa , qu'une prolongation volontaire de la paix qu'ils avoient obtenue; & l'étendue de cette paix devenoit d'autant plus arbitraire , que le nombre des personnes qui avoient le plus de droit d'y prétendre, devenoit moins confidérable de jour en jour. L'Etat &: la Religion bien entendue , confeilloient également la paix & la modération ; & ni l'un ni l'autre ne rifquoit rien à laiffer cette grande querelle dans l'indécifion. La paillon pour la doctrine de la Con-feffion d'Ausbourg , ou pour celle de la Réformation , ne fut pas, en Pologne, un accès de longue durée ; ce ne fut, pour ainfi dire, qu'un torrent, que la réfiflance eût rendu furieux; mais dont les eaux s'écoulerent avec rapidité, en leur facilitant le paffage. Les Familles les plus puiffantes & les plus refpe&ables de fa Couronne & de Lithuanie , rentrerent bientôt après cette fameufe époque, dans le fein de la Religion de l'Etat. Le feuî attrait de penfer, comme fa Patrie avoit toujours penfé pendant plus de 500 àns ^ oç den obtenir naturellement, & fans peine, les dignités & les grâces, (pour ne joindre ici aucun motif furnaturel ) ramenoit, chaque jour, les plus raifon-nables, & les plus diftingués, à l'uniformité du dogme & du culte reçus exclu-iivement par la Nation. Cet heureux changement, dont le même Fredro fut le témoin, eng'ageoit ce Ze Sénateur a féliciter les Catholiques de l'indulgence qu'ils avoient eue, en 1573 pour cette partie de leurs Compatriotes ' qui avoient abandonné la Foi de l'Etat. »5ans aucune contrainte, dit-il, nous les » voyons tous fe réunir à l'Egîife Romai-»ne , leur véritable Mere, & rejetter "des dogmes étrangers , qui, pour un » un temps , les avoient éloignés d'elle ; >>ce qui prouve bien clairement, ajoute » cet Ecrivain judicieux, que la douceur » & rmfinuation ont plus d'empire fur les » hommes, que la force & la Violence : Ncque parvo s modefii confila fructus carpi-mus,fine impulfu & armis.fpontaneoJe ma tu, reftituentibus fingulis y eroi Matrï EccUfuz \ qui per peregrina jidei dogmat a ablati e rant ri diverfa, ut ver u tu fit dudu fiecłi, non impulju frangi hominum animos. AuiFi l'Hifìoire nous apprend-elle que, es la du regne de Sigifmond III, on F % • , ^, « è cômptoit plus que deux Sénateur^ Difîidens, quelques Dignitaires de l'Ordre Equeflre, & peu de Nonces à la Diete. Ce Parti j fi nombreux & fi impofant par les lioms refpéôables de Tes Chefs , que l'ori fupprime ici, & qlti fe trouvent dans les Mémoires dit 16e. fiecle, n'auroit cer* tainementpas, à l'éle&ion de Uladiflas IV , forcé l'Etat à admettre les Religions contraires à la fienne , ni diôé l'article de la paix dans le Pacla Convento, de cë Prince. Loin qtte le fuccès des Difîidens eût contribué à accréditer leiif doârine, & à grofîir le nombre de leurs Profélytes y en moins de 60 années le plus grand nombre l'aVoit abandonnée ; leur crédit &Ł leurs forces ne firent que diminuer fous les régnés de Jean Cafimir > de Michel &: de Jean Sobieski. A peine trouve-t-on quelques Juges terreflres ou de Grod de leur Confeffion, en 1717 ; & le feul Pie-* trowski étoit Nonce à la Diete de 1718, lorfqu'un Officiai de Vilna, fimple Spectateur , excita l'Ordre Equeftre à ne pas î'admettre à fes délibérations* Si tel étoit l'état des Difîidens au commencement de ce fiecle, la Confédération de Tornogrod pouvoit bien donner un peu moins à fon zele religieux, ou plutôt à la défiance & à la patììon> dan£ le Traité de Varfovie, & laifler agir fan* cienne modération ; l'effet de cette mor dération lui prouvoit manifeftement qu'on écoutoit plus volontiers la douceur qui commande, que les ordres de l'emportement : IJeragit tranquilla, pottjlas, quod violenta ncqult. Mais il ne s'enfuit pas de cette confidération , que la République n'ait pu, fans injufłice, en 1717, déterminer, comme elle a fait, les grâces qu'elle confentoit à accorder, dans la fuite , aux DifTidens ; & qu'en les déterminant ainfi, elle ait donné aux Traités de Velau & d'Oliva , ime atteinte qui puifîe bleffer les Puiffances principales , ou garantes de ces Traités. Je ne m'arrêterai point à en difeuter la valeur exaûe > par rapport à cet objet; je le ferois peut-etre avec avantage, s'il s'agiffoit d'une défenfe hoftile , pour faire précéder le combat de la raifon à celui des armes * mais, fans prétendre réfuter le degré de force qu'on veut donner à ces Traités , il me fuffit d'avoir démontré la légitimité des droits de la République pąr rapport aux Difîidens. Ces Traités ne peuvent dénaturer l'état des chofes ; & tout ce qu'on peut exiger , en conféquence des ftipulations qui y font portées, c'efi: que les Difîidens continuent à jouir des con? Citions, dont leur Religion jouiffoit avan£ '? ? [*«■'] J ouverture de la guerre de Suede, en 1654. Il eft évident que ces Traités ne peuvent leur en procurer d'autres, que celles que le cours de la guerre leur avoit fait perdre : c'eft l'efprit général de pareils aftes ; & pour fatisfaire pleinement à ceux de Velau & d'Oliva , il ne s'agit que de prendre la Conflitution de 1642, pour regle des droits que doit recouvrer la liberté de leur culte. Je n'ignore pas d'ailleurs , que dans lin examen férieux, quant à cet objet, les Traités ne font regardés , en politique, que comme un dernier afte de protection que tout Souverain accorde à fes Sujets qui paffènt fous une autre domination , ou à ceux d'un autre Etat, que la guerre a mis dans le cas d'encourir la diigrace du Gouvernement. Cette claufe d'un Traité eft toujours cenfée refpefti-vement fubordonnée aux intérêts de l'État acquéreur, ou de l'Etat mécontent; & fi, à la place d'une meilleure raifon, elle peut fervir de prétexte à une nouvelle guerre , elle n'en fera jamais le motif réel. Je pourrois encore ajouter, que, fuivant les plaintes mêmes des Diffidens, la République n'ayant commencé à s'écarter de ces Traités qu'en 1717, il s'en-fiut qu'elle les a régulièrement obfervés pendant 60 ans, & qu'une fidélité auffi •confiante en pareille matiere, jointe à fes autres droits, & les mécontentemens par* ticuliers qui l'ont fait agir alors, doivent pleinement la mettre à l'abri de tout reproche ; d'ailleurs, pendant plus d'un fie-^ cle, la Pruffe ne s'eft jamais, plainte de l'inexécution du Traité de Velau fur cet article, ni la Suede, de l'ïnfraftion de celui d'Oliva, dans le dernier Traité de paix, en 1732. Je crois, Monfieur & cher Compatriote , vous avoir préfenté l'affaire des Dif-fidens d'Ausbourg & de la Réformation, fous toutes les faces qu'elle peut avoir; je ne crains point d'être acculé , d'aucun côté, de partialité ou de complaifance : on me trouvera paivtout zélateur du vrai, du jufle & de la circonfpeftion nécëfîaire. Pour prouver à l'Europe que nous n'avions été que féveres, & non injufles, en 1717, j'ai cru devoir juftifier notre Patrie, fur les Conftitutions dont les Puiffances, pro-teftrices des Dilîldens, ont defire le changement; mais, avant de le faire , je n'ai oublié aucune des confidérations qui pou-voient nous porter à la condefcendance ; je vous ai fait voir que ce n'étoit qu'une affaire de conciliation, loin d'être un fu-jet de rupture & d'ébranlement général de la Nation; je vous ai représenté que nous n'étions plus dans les mêmes çir^. Y [88] confiances qu'en 1717, & que la différence des temps demandoit une conduite différente ; & j'ai fait les derniers efforts pour tranquillifer votre raifon & l'Etat, ïiir les apparences qui vous allarmoient, & fur les fuites que pouvait avoir notre déférence en pareille occafion. Malgré la droiture de mes intentions, la folidité de mes principes , & toutes les précautions dont j'ai fait ufage , je fens bien que je cours rifque de déplaire à ceux dont le zele pieux n'admet aucun tempérament „ & de n'être pąs non plus approuvé de ces Patriotes , à qui l'idée de liberté fait croire qu'une Nation libre doit faire tout ce qui lui plaît, ïk que fą volonté ne doit fournir aucune contrainte ; mais pour la juflifkation de mes fentimens, j'ai la conduite, que d'aufli bons Catholiques que nous, des Evêques non moins illuftres & religieux que ceux de nos jours, & des Républicains aufïi jaloux de leur liberté que nous pouvons l'être , n'ont pas cru indigne d'eux, en 1 573. Je puis encore me flatter de l'approbation de tous les Citoyens modères &fages, qui voient, de fang froid, les chofes telles qu'elles font, & qui ne fe décident point par les mouvement de la multitude, ou par le caprice des pafîions ; j'ofe même efpérer d'être avoué de tous les Politiques de l'Europe, • M. ,A qui favent concilier les interets d'un Etat, avec la nature & la force des circonffan*. ces dans lefquelles il fe trouve. Quant aux Grecs défimis, leur caufe me paroît bien moins compliquée ; ils n'ayoient pas befoin de la paix de 1 573 , pour être réhabilités dans leurs droits & dans l'exercice de leur Religion. Dans ce qui les regarde, je ne vois qu'une querelle d'intérêt & d'avidité entre leurs Ee? ciefiaftiques & ceux des Grecs unis ; querelle qui a occafionné les guerres les plus fiineftes dans le Royaume, Ions les régnés malheureux de Jean Cafimir & de Michel, & qui, à la honte du Sacerdoce, ne prouve que trop que la Religion fert fouvent de voile à l'ambition & à la cupidité. Souvenons-nous qu'Anne , fille de l'Empereur Bafile , failoit adopter la Religion Grecque à fon mari Volodzimir , Duc de Paifile, lorfque Dambrowa, fille de Boleflas, Duc de Bohême , foumettoit à l'Eglife Romaine fon mari Mieciflas V, Succefleur de Piaffe. Faifons attention que le Dogme & le Rit des Grecs met, entr'eux & nous, fort peu de différence. N'oublions pas que, depuis 13 40, tous nos Rois les ont, fans interruption, maintenus dans le libre exercice, & dans la profefîion ouverte de leur Religion ; privilèges qui leur a voient été accordés, lors [9° ] de l'incorporation de leurs Provinces an Royaume de Pologne. Ne regardons pas la réunion d'un grand nombre de leurs Eveques à l'Obédience deRome, eni^j, comme un titre pour leur faire perdre une poffeffion tranquille, & fuivie, juA qu'alors, pendant 600 ans, de la liberté de leur culte. Sans rien prendre fur les droits de notre Religion , ni fur l'intérêt de l'Etat, nous pouvons, enfin , nous refoudre à faire ceffer ces fujets de plaintes éternelles qui ont caufé tant de dé-fordres, & que des Dietes, des Confédérations générales, des Commiilions particulières, & l'autorité même des SucceA feurs de Sigifmond III, n'ont encore pu terminer jufqu'à pr^fent : Tantcznc animis cœleflibus irez. Tel eil, j'ofe l' avancer, le parti le plus prudent que la fageiîe de la Nation puiiTe prendre pour parer à tout ce qu'on voit, & pour fe garantir de tout ce qui fe manifefłe le moins. Rapprochons-nous des raifons d'Etat, & déférons plus aux conjon&ures préfentes , qu'à un zele imprudent d'orthodoxie, ou à. une liberté impuiffante ; c'eft notre situation aduelle que nous devons mûrement confulter, Mettrons-nous à l'écart tout ménagement & toute convenance, pour n'écouter qu'un droit rigoureux, & qu'il nous eft prefquç impofîîble de fouteiiir ? Peruflerons-ncus dans notre premiere decilion , & devons-nous tout lacrifrer à un intérêt, que de fagęs précautions peuvent rendre allez indifférent au bien de l'Etat & de la Religion ? Sans efpérance de fecours étrangers , & fans être même bien affurés des ientimens de tous nos Concitoyens, ferons-nous un point d'honneur aux Puif-fances voinnes & amies, de faire obtenir, de force, aux Difiidens, ce qu'une protećlicn , auffi déclarée, leur a promis, & s'eft folemnellçment engagée à leur procurer. Voilà, fi je 11e me trompe, le grand & veritable objet des délibérations de la prochaine AfTembiée du Sénat. C'eft à ce premier Corps de l'Etat à prévoir toutes les fuites des difterens partis que l'on peut prendre, & à le déterminer pour le moins dangereux. Sans un plan bien mefuré , à cet égard, & concerté avec prudence, la Diete ne peut manquer d'être très-ora-geufe, & peut-être même plus qu'inutile ; c'eft aller fans armes au combat, & je ne fais même ń le repos & la gloire du Roi & de l'Etat n'exigent pas un tel plan de cette augufte Affemblée. La Rufile demande une Diete de pacification, pour décider le fort des Difîidens ; refufer cette Dicte, c'eil déclarer la guerre; la coìir. , f 91 ] voquer fans une reiolution prife, c'eft ex* pofer ia Nation à fe conduire au haiard, & à ne prendre confeil que du moment, & du choc des' pallions. Dans l'incertitude de l'événement, je crois donc pouvoir fuppofer que le Sé-» nat jugera la Diete néceflaire , & confé-quemment la neceiiité de s'arranger avec les Puiffances prote&rices des Diffidens : en ce cas, je penfe que tous ceux qui, comme vous , aiment la Patrie, & qui, par leurs lumières , peuvent éclairer leurs Compatriotes , doivent férieufement exa-» miner 1 utilité de la chofe que nous avons refnfée , & le danger de la continuation de ce refus. Si le péril nous paroît plus grand que l'avantage, ne nous laiffons point emporter par une fauffe gloire, ni par une chaleur indiferete ; adoucirons , s'il le faut, le jugement que nous avons prononce ; mettons la conciliation & la condefcendance à la place de l'aigreur «3c de 1 obffcination ; ne craignons point de modifier desLoix modernes, fi une convenance raifonnahle & la tranquillité de l'Etat fe^ réunifient pour l'exiger, & que notre decifion , à cet égard, tienne plus à une bonté & a une indulgence générale ? qu'à une juftice aufłere ; faifons entendre à nos Concitoyens, qu'il n'y a rien à craindre pour l'Etat ni pour la Religion ? dans une Loi moins défavorable au£ Ï)ifïidens ; donnons ce témoignage de déférence & d'amitié aux Puifîances qui le défirent, & levons heureufement pour la Patrie ce principal obflacle à la paix & à la bonne intelligence avec les Cqu-ronnes voifines ; ccji d'ailleurs U feul moyen de connoître le fond, de leur politique , 6* de leur ôter tout prétexte à de plus vajles dejfeins. Si le College des Prélats & le Clergé ne peuvent, par leur état, donner ouvertement, & fans refhiftion , leur fuffrage en pareille matiere, qu'ils gardent lefilence* ou, fi l'on veut, qu'ils y fouf-crivent; ils peuvent le faire comme Citoyens pour la paix de l'Etat. Dès que ce Corps refpe&able verra évidemment, a couvert, les droits de la Religion, il efl trop éclairé fur le véritable efprit du Chriflianifme , pour vouloir animer un zele aveugle, capable d'expofer la Patrie aux derniers malheurs ? fans aucun avantage pour la Foi dominante. Les Pafłeurs du Troupeau Catholique voudront bien fe fouvenir de la modération de leurs Prédéceffeurs à l'éleôion de Henri de Valois ; ils fe rappelleront, fans peine, le peu d'inconvénient pour la Religion , que cette modération a occafion-ne; ils envifageront, en même-temps, fans doute, les fuites dangereufes d'une conduite différente. Non moins modelłes & retenus que Czarnkowki, cet ancien °L vivement, d'avoir pacifié nos troubles «, d'avoir réuni les cœurs & les efprits , & de nous voir travailler tous , de concert , à une Légiflation fîable, oc digne d'un Peuple libre. Notre République n'a pas befoin d'une Confédération de Mécontens ; je vous en. ai fait voir le peu de décence , quelque objet qu'elle puiffe fe propolèr ; & je vous en ai fait envifager les fuites , fi elle s'étaie d'un fecours étranger. L'intérêt vrai de l'Etat ne demande qu'une affo-ciation de tous les Citoyens éclairés & Patriotes, pour décider, une fois pour toujours, le fond & la forme que doit avoir notre Gouvernement pour le bonheur de la Nation. Si nous ne jugeons point à propos de le changer , ces deux parties conftîtutives de l'Etat doivent iixer les droits & les devoirs d'un Peuple libre fous un Chef-Roi électif. Tel eft le fond de notre Gouvernement, fur lequel doit porter tout l'édifice de nos Loix. Le fond doit être ilable, invariable, & à l'abri du caprice des temps. Tout doit être proportionné & ajufté à cette bafe inébranlable, & il ne* nous refte plus qu'à régler la Légiflation dont elle peut fup-porter le poids; c'eft-à-dire, quel peut être VEmpire & le Sacerdoce dans un Etat de cette nature. .[I0I1 En cédant, fuivant mon fyftême, à la conjoncture préfente , le Sénat détermi-^ neroit la forme légale du Sacerdoce, dans l'arrangement qu'il pourroit prendre avec les Minières de Ruffie fur l'affaire des Diffidens. Le Traité particulier en feroit tout convenu & drefîé avant l'ouverture de la Diete. On le communiqueroit aux Ordres affemblés ; & comme on auroit eu foin de prévenir les efprits fur le peu de danger & fur la néceffité de la chofe, on feroit fûr des fuffrages pour la foulcription de ce Traité. Ce point important arrêté & conclu, on n'auroit plus à s'occuper que de la combinaifon d'un Empire bien ordonné : on. pourroit pareillement en projetter le plan avant la tenue de la Diete. Quelque étendue & fuj ette à difcufïion que puiffe être notre Légiflation civile, il ne me paroît cependant pas impoffible d'en arranger les différentes parties, d'une maniere folide & avantageufe pour nous , fatisfaifante pour nos Voifms, & qui n'ait rien à craindre du libre Veto. J'oferai même vous propofer mes idées fur ce fu jet, bien éloigné certainement de les donner pour regle. Je veux feulement, en ébauchant le cannevas d'un pareil arrangement, vous montrer la facilité de fon exécution. G 3 [idi] Je vous envoie donc le plan réparé* ment ; j'aurais pu l'inférer dans le corps de cette Lettre , comme une fuite natu* relie du parti que je voudrais voir concerter par la prochaine Affemblée du Sénat , pour être pris enfuite à la Diete qui doit etre convoquée ; mais j'ai craint de vous difiraire de l'objet principal, par un détail d'çconomie politique afiez étendu, pour meriter que vous l'examiniez à part.. Il me femble qu'après l'avoir lu, vous conviendrez, fans peine, que, s'il étoit perfectionné & adopté, notre Gouvernement préfenteroit, pour la premiere fois , une forme réguliere &: durable, qu'il ne paroît point avoir eue jufqu'ici. Je puis, au moins, vous répondre d'avance, que je ne vous offrirai qu'un tableau bien confolant ; & que fi les chofes tournoient ainfi que je les expofe, & que je les delire, vous feriez le premier à revenir de vos préventions. Malgré toute l'intolérance de votre zele orthodoxe, je vous verrais adouci en faveur des Diffi-. dens ; le retour de la tranquillité de l'Etat, & la fin de nos divifions, vous feraient confentir à des Loix moins féveres à leur égard ; vous avoueriez que cette protection , que leur accorde la Ruffie, & qui nous fait murmurer aujourd'hui, en nous montrant le feiil parti que nous devions [103] ^ prendre , nous a du moins procure la réunion de nos premiers Citoyens. Vous conviendrez enfin, qu'en nous éloignant, pour de bonnes raifons, d'une Confédération de Mccontens, que cette Puifîance nous propofoit, & en nous réunifiant, comme je le crois, d'une néceflité abfo-lue, nous nous ferions mis en état de donner librement à nos Loix la fiabilité qui leur convient, & l'autorité qu'elles doivent avoir, pour faire cefier ce Gouvernement féodal, qui nous afiervifîoit au fein même de la liberté. Que ne puis-je donc infpirer à tous nos Citoyens la réfolution patriotique d'entrer dans une négociation judicieufe fur l'affaire des Difiidens, & de facrifier au bien de la paix quelques difpofitions rigoureufes de nos Loix. Que ne puis-je faire fentir aux Grands la néceffité de faire taire leur rivalité, & de fe réunir autant pour leur propre falut, que pour celui de leur Patrie. Jufqu'à quand cette malheureufe Patrie fera-t-elle la vittime de leur ambition & de leur cupidité ? Egale à eux en naifîance par les Loix de l'Etat, la No-bleffe ne fera-t-elle jamais que le jouet de leurs intérêts & de leur jaloufie? N'y a-t-il donc que ces pallions funefies qui puiffent regner fur des hommes libres } [ 104] L amour de la belle gloire, celui de la ł a trie & de la liberte , ne peut-il les remplacer , & n'eft-il plus qu'une vaine chimere digne de leur mépris ? Verrons-nous toujours la Pologne à la veille des guerres civiles , & dans le défordre d'un Gouvernement fans vigueur & fans autorité? L'exemple des anciens Romains ne portera-t-il jamais nos premiers Citoyens à oublier leurs animofités particulières , pour ne s'occuper que du falut public & du bien commun, fource de leur élévation, Je veux qu'il foit prefque impoffible que la mefintelligence ne fe mêle pas de l'élection de nos Rois. Laiffonsce mouvement a 1 imperfećhon de la nature humaine ; mais lorfque ce temps de trouble & d'intrigue efł pafie ; lorfque nous avons pour Roi un Citoyen, dont les Puiffan-ces ont reconnu, comme nous, le mérite , & déliré le couronnement, comment les inimitiés peuvent-elles fubfifter encore ? Voudrions-nous retomber dans les horreurs des interregnes précédens ? L'in-teret de la Patrie, aidé d'un jufi:e amour pour notre Roi, 11e peut-il. enfin réconcilier les Grands , anéantir tout efprit de parti, & faire regner à fa place l'union & la paix? Sans ce concours des cœurs & des eiprits, il eft difficile de deviner , [ I0,5] ce que nous deviendrons. Tout ce qu'il y a de plus certain, c'eft que notre fort fera a la dilcrétion de nos voilins; ou que le défefpoir nous portant aux dernieres extrémités, nous expoferons notre trille Patrie à toutes les fureurs d'une guerre, en nieme- temps civile (S' étrangère Le parti que je propofe de modifier la rigueur de nos Loix modernes en faveur des Dilïidens , & de nous réunir tous pour convenir librement, & de concert, d'une forme de Légiflation fage & durable, ce parti, dis-je, n'efl-il pas préférable , plus prudent & plus digne de nous, que de convoquer une Diete, fans avoir un plan de ce que nous devons faire, de nous y rendre avec des cœurs ulcérés, & des efprits aigris les uns contre les autres, fans favoir quelle fera la fuite de nos mécontentemens refpećtifs , & peut-être expo fis à recevoir malgré nous une Loi étrangère. La perfpe&ive eft bien plus flatteufe dans mon fyftême. Le fort des Diiîidens , réglé de concert avec la RuiTie, conformément aux droits de la Religion & de ^ Etat, &, d'un autre côté, notre Légation arrangée entre nous, de maniere d ne donner aucune inquiétude à cette Couronne, toutes nos allarmes font évanouies. Nous verrons la Pologne fortir du [ io6 j désordre, le Gouvernement reprendre un nouvel éclat, & notre pleine pacification intérieure,v rempliffant les defirs que l'Imperatrice fait paroître, ramenera le calme & la tranquillité dans la République. C'eft alors que cette Souveraine fera en droit de s'applaudir de la confommation de l'ouvrage qu'elle a annoncé. Rien ne l'empêchera de goûter cette douce & pure fatisfà&ion d'avoir fait U bien, qu'elle en-vifage & qu'elle déclare à l'Europe rechercher uniquement, comme le plus digne prix de fes foins 6c de l'ufage difpendieux de fa puiffance. L'Europe, convaincue par fait î de la fidélité de l'Impératrice dans 1 execution de fa parole, ne pourra lui refufer cette gloire, fi rare parmi les Souverains , & fi fupérieure à toute autre , de n'avoir pas moins contribué au bonheur d'une Nation voifme, qu'à celui de fes propres Etats. Comparez maintenant, Monfieur & cher Compatriote , l'honorable & l'utile d'un pareil point de vue, avec les fuites funefles que peut avoir notre obftination à refufer tout arrangement avec les Dif-fidens , pour y être forcés enfuite. Pour peu que vous écartiez l'efprit de parti &: de préjugé , je doute que vous publiez preférer la prétendue gloire de foutenir, faas eipoir de fueces, toute la rigueur de [ï °7 ] la derniere Conftitution, à une réformation libre & modérée de cette Loi. Dans l'examen que vous ferez de cette alternative, fouvenez-vous qu'il feroit très-aifé, comme je vous l'ai fait voir, de concilier les intérêts de la Religion & de 1 Etat, avec la déférence & les juffes égards cjue nous devons aux Puiffances voifines &Z prote&rices des Diffidens. Je crois donc pouvoir me flatter, qu'après avoir mure-* ment pele mes raifons, vous ne balancerez point à vous décider pour le parti que je propofe ; & qu'accrédité par votre fuf-frage, il ne prenne aifément faveur dans la Nation. Je luis, avec les fentimens les plus étendus & les plus vrais, Monfieur & cher Compatriote, ^AvrYuyY Ce Votre très-humble & très-très-obéifiant ferviteur. [ io81 ' "S, Ą . I' ' -'<=» APPROBATION De fon Excellence Monfeigneur le Comte Durini , Nonce Jpofloli-que à Varjovie. Quod Romae bifquinque viri, Spartceque Lycurgus, Cecropiifque Solon, genti potes effe Poloni. Plaudebat Augustinus Durini, Archicpìfcopus Aneyranus, Nuntius Apoflolicus, VarfovitS , XII Kalendas Februarii 1768, [109] LETTRE A S. E xc. M. Le Comte de P ANI n 7 premier Minijlre de S. M, CImpératrice de RuJJle, en lui envoyant Us Réflexions Politiques fur F état des chojes en Pologne, au mois d' Août iy68, avec un plan de conciliatiofi générale. Monseigneur, S'ïl y a quelque indifcrétion dans la démarche que je fais, trop de motifs puif-fans la rendent nécelfaire, pour ne pas me flatter qu'elle trouvera grace auprès de votre Excellence. Elle n'efl, en effet, Monfeigneur, que l'ouvrage du jufle attendriffement d'un Citoyen fur les malheurs de fa Patrie, de l'intérêt tendre & fmcere qu'il prend au bonheur de fon Roi, & d'un zele pur & vrai pour la gloire de votre Miniftere, & conféquemment pour celle de Sa Ma-* jefte Impériale. Plein du defir de concilier, s'il efi pofE- [.II01 ble, ces grands objets, je me fuis déter* miné à envoyer à V. Exc. les Réflexions Politiques que je joins ici, & le projet d'un arrangement général. L'honneur, ce fentiment fi vif, a fait taire toutes les confidérations qui pouvoient m'arrêter. II m'a elevé même au defïlis des craintes que ma réfolution infpiroit pour moi à tout ce qu'il y a de grand & de refpetìa-ble dans la Nation. La République entiere defiroit qu'un pareil tableau flit mis fous les yeux de V, Exc. ; mais perfonne ne vouloit fe charger de le lui préfenter. Témoin de fon impatience à ce fuj et, & de la conflernation générale, je me rends volontairement fon Interprete, &je me dévoué pour elle, fans autre précaution que de le faire avec refpeâ: & modeftie. Je ne me compromettrois pas ainfi, Monfeigneur, avec un Miniftre tout puif-* fant comme vous, qui n'auroit d'autre mérite que le pouvoir de fa place. La pru« dence m'auroit averti qu'il n'y auroit eu rien à attendre de fa modération pour la République, & que ce feroit m'expofer, fans fruit, au reflentiment de fon autorité. J'aurois donc gardé le iìlence, non par crainte, ( l'honnête homme n'en connoît d'autre que celle de faire le mal ) ; mais pour épargner à ma Patrie une tentative inutile, & à moi le danger de la faire, [ni] La Pologne penfe bien différemment -de V. Exc. ; elle eft perfuadée, au contraire, qu'il fiiffit de vous faire connoître l'état d'opprellion arbitraire où elle eft, pour vous difpofer à écouter fes plaintes , Se à finir les maux dont elle gémit. En moia particulier, Monfeigneur, l'idée que j'aime a me faire de la iupériorité de vos lumières , & de l'élévation de votre ame, eft li digne de vous, que je croirois vous ofFenfer en me cachant fous l'anonyme. Mes intentions d'ailleurs, font trop innocentes, pour ne pas ofer les avouer, & V. Exc. efł faite pour en fentir toute la droiture & la candeur. Je fais qu'il n'y a rien à craindre d'un génie fupérieur, &£ né pour l'adminifiration d'un Etat du premier Ordre. Ces ames rares ne cherchent, en tout, que la vraie grandeur, &C donnent, fans peine, accès à la vérité, quelle que foit la main qui la conduife ; c'efî: dans cette jufte prévention que j'ofe la préfenter à V. Exc. telle que j'ai pu la découvrir , & je le fais avec cette franchile qui cara£iérife un zele fans mélange d'adulation ou d'intérêt. Plus accoutumé, Monfeigneur, à réfléchir fur les affaires d'Etat que bonnom-pe de mes Concitoyens , & libre d'ail-"-urs de toute cabale & d'intrigue , j'ai luivi, avec attention, tous les évenemens, & j'ai été à portée cle connoître le fond des fentimens de tous les Partis qui di-vifent ia Pologne : malgré la diverfité d'intérêt qui les fait agir , tous foupireni également pourle même objet; c'eft-à-dire, pour le retour de la paix, & de la réformation des Loix modernes. J'oferois même avancer que , dans le moment pré-fent, tout ce qu'il y a de confidérable & de plus fage dans la Nation, feroit prêt à foufcrire , quant au fond , le projet de conciliation générale qui accompagne mes Réflexions Politiques. J'avoue qu'il m'auroit été facile d'adoucir les traits du tableau, en affoibliffant la vérité des chofes ; mais je me fuis fait un devoir de l'offrir toute nue & fans draperie à V. Exc. , pour la mettre en état d'agir avec pleine connoiffance de catife. J'efpere que loin de déiapprouver la coî> fiance que j'ai dans fon équité, elle mefau-ra quelque gré de l'avoir, pour ainfi dire , tranfportée, incognito, au milieu de la Nation, pour lui faire voir ce qui s'y paffe, & connoître fes véritables difpofitions. Je fuis affez heureux pour pouvoir compter fur la bienveillance publique, & le témoignage que l'on me rend en Pologne , éloigne de moi tout foupçon d'un fanatifme religieux, ou d'un patriotifme outré. je ne crois pas que l'Ecrit que j'ail'hon^ rieur d'envoyer à V. Exc. , puiffe démentir l'opinion que j'ai donnée de ma façon de penfer, & je me flatte qu'elle n'y trouvera rien qui approche de ces deux genres de folie populaire. Puiffe-t-elle ne me voir que tel que je fuis; c'ell-à-dire non moins zélé pour le fuccès & la gloire de votre Miniftere , que bon Citoyen , & touché des maux cle ma Patrie ! A tout événement, j'en appelle au témoignage de ma confcience & au jugement de la poftérité ; l'un & l'autre m'af-furent l'honneur de n'avoir confulté, en écrivant, que mon amour pour mes Concitoyens, ma fidélité pour mon Roi, mon admiration pour Sa Majefté Impériale, & le profond refpeâ: avec lequel je fuis ? Monseigneur, De votre Excellence,, Le très-humble, &c. H ["4] RÉFLEXIONS POLITIQUES Sur l1 état actuel de la Pologne, au premier Août iy6 8 , avec un projet de conciliation générale, envoyé (a) aw Minijlere de RuJJle, le 5 vSe/» tembre de la même année. Q U E l'affaire des Diffidens foit la véritable caufe de tout ce qui eft arrivé en Pologne depuis la Diete de 1766 , ou qu'elle ne foit que le prétexte dont la (a^ Cet Ecrit, après avoir été communiqué aux premières perlonnes de l'Etat, & approuvé de tous les Partis qui divifoient alors la Pologne , fut envoyé à M. le Comte Paniti, après le maffacre de tous les habitans de la ville de Human, en Podolie, par les Cofaques Zaporoviens , & la dépopulation prefque entiere de l'Ukraine. Toute- la Nobleflé des Provinces voifines du Nieper & du Nieftre avoit été égorgée par les Payfans du Rit Grec. Cracovia avoit été pus par les Ruffes,. & plus de 600 Gentilshommes avoient été traînés en captivité à Kiou, contre la foi «3e leur capitulation. La confternation étoit générale ; des intrigues intérieures enchaînement le défefpoir de la Nation ; nul fecours étranger n'étoit déclaré, ni même foupçon-iié ; tout plioit fous'es ordres & fous les armes de la Ruffie; perfonne n'ofoit même fe récrier furies maux publics ; 8c les meilleurs Citoyens, forcés au filence Se à l'ina&km 3 ^émiffoient, en fecret, du fort de leur Patrie» Cour de Ruffie a jugé à propos de fe fervir, par préférence, pour affurer & étendre fon afeendant fur cette République ; on ne peut difeonvenir que la contrainte ne fe foit montrée trop à découvert dans la derniere Diete. Il faîloit peut-être diftinguer, par rapport aux Dif-iidens, ce qu'un zele légitime pour la Religion Nationale ne pou voit leur accor-der, & ce que l'ardeur aveugle d'un pur fanatifme s'obftinoit à leur refufer. La force pouvoit, avec juftice, réprimer ce dernier ; mais il feroit à defirer que le Miniftere de Ruffie eût eu plus de ménagement pour l'autre. Quant aux Loix intérieures de la Po-logne ; contente d'exiger ce qui pouvoit convenir à fa politique, fans révolter la Nation, ni éveiller l'Europe fur fes def-feins, la Ruffie ne rifquoit rien à laiffer entièrement à la République la liberté d'arranger, à fon gré, les différentes parties de la Légiflation. Son véritable rôle celui d'Arbitre & de Médiatrice pacifique ; & 1 efpnt de modération auroit toujours dû précéder les a&es de févé-rité , fi le cours des événemens les avoit rendus indifpenfables. Trois choies paroiffent donc affez clai-jjment caufer le mécontentement de la dation, & occafionner tous les troubles ; H 2 (ii63 i°. l'égalité parfaite accordée aux Diffiderà; 2°. la plus grande partie du fond & de la forme des nouvelles Loix; 3°. la garantie forcée d'un corps entier de Lé-giflation qu'elle n'avoue point , & que cette garantie rend néanmoins invariable. La Nation croit que la Ruffie a voulu s'emparer de tout le Gouvernement de la République , & qu'il ne lui refteroit que l'ombre de la liberté, fi elle laifToit fubfifter, dans fon entier, la derniere Constitution. Quant à l'affaire des Diffîdens, les Catholiques modérés prétendent que l'on chercheroit.cn vain à juftifìer ce qui a été décidé en leur faveur ; que l'égalité civile qu'on leur a accordée , n'eit, ni jufle , ni admife chez aucun Peuple d'une Religion aufTi différente, & d'une Confli-tution légale telle que la Pologne ; qu'il n'y a point de Na ion en Europe , qui ne trouvât infupportable un pareil règlement pour des Religions directement contraires à la Nationale ; que toute Société civile a fa Religion dominante, & que toute Religion dominante rend fes Difci-ples maîtres du Miniftere public; que par conséquent, c'eft renverfer toute idée de juftice pratique, tout droit de poffef-fion légitime , & tout fyflême connu de Gouvernement, que d'exiger d'une Na- tion, ce qui n'eft fouffert cheż aucune autre, par des raifons communes au bien de chacjue Etat. A l'égard des nouvelles Loix, la Na-fron ne les reconnoît point pour Ion ouvrage. Les formes légales dont on s'eit efforcé de les revêtir, ne lui paroifTent, Se ne font en effet, qu'un voile léger incapable de couvrir l'oppreffion : elle fou-tient que trop d'a&es répétés d'un pouvoir arbitraire, décelent la violence : elle trouve, enfin, que ces Loix font évidemment contraires, en beaucoup d'articles, à fa Religion & à fa liberté, & préjudiciables, fans objet utile, à la fortune des Citoyens. D'après ces idées, la NoblefTe n'a pu fe réfoudre à recevoir, comme une Loi immuable, une Conftitution qui ne lui préfentoit qu'un efclavage réel, & qui ne lui laifToit aucun droit au Gouvernement de fa Patrie. Pour ce qui regarde l'afte de la garantie , la Nation croit ne devoir pas adopter un Traité qui lui ravit, fans ménagement, tout ce qu'un Peuple peut avoir de plus cher : elle penfe que cette garantie feroit de la Pologne , ce que Marguerite de "Waldjmar fit de la Suede, en 1395, ^ ce que , pour le malheur de fa famille , Jacques I fit de l'Ecoffe, en 1603 : à fon avis, ce feroit le fceau de fa dépendance H 3' {»*'] abfoîue : elle penfe qu'après lui avoir di&é, en Souveraine, tous les points de fa Légiflation, & avoir rendu cette Lé-giflation immuable, la Ruffie ne le pro-pofe que d oter à la République tout exercice de droit légiflatif, & ne lui laiffer par confequent, qu'une exiffence précaire. Mais pourquoi, continue la Nation, cette violence ouverte faite à notre li-berte ? Sans rien ajouter réellement à 1 alcendant que la fupériorité de fes forces donne depuis long-temps à la Ruffie fur la Pologne, cette garantie ne fait que publier hautement, que déformais le iort de ce Royaume Républicain , dépendra uniquement de la Puiffance garante : c'eft oéclarer nettement que nous fommes ef-claves, & que la Pologne n'efî plus qu'une Province de la Ruffie; c'eft nous dire qu on s'embarraffe peu des derniers efforts de notre liberté , ni de l'intérêt que le relie de l'Europe doit prendre à notre fort. Une pareille proclamation eff peu propre à nous apprivoifer au joug qu'on veut nous impofer ; & cette garantie, auffi imperieufe qu'humiliante pour nous, ne peut qu'ulcérer nos cœurs, loin de pouvoir repondre à la Ruffie de notre conduite à ion égard. Il étoit aifé de fentir que la Puiffance prépondérante de cette Couronne, jointe à des témoigna- IIJ9] ges de fa bonne volonté pour notre République, lui garantiffoit plus naturellement la reconnoiffance de la Nation , & fa déférence pour fes intérêts politiques. Tels font les difcours & les réflexions de la Nation, & les points capitaux fur iefquels elle fe fonde , pour ne pas fe foumettre à la derniere Conftitution. Bien des circonftances , d'ailleurs , ont contribué à aigrir fon reffentiment. La plupart des Nonces fortirent de Varfovie à la fin de la Diete, comme Coriolan fortit autrefois de Rome, la honte & la vengeance dans le coeur, non contre leur Patrie, comme ce R.omain, mais indignes del'aviliffement qu'ils avoient effuyé. Ceux même dont l'ambition ou l'intérêt avoient lieu d'être fatisfaits, rougiffoient intérieurement des avantages qu'ils avoient acquis aux dépens de l'honneur & de la liberte de leur Patrie. Il étoit impoffible de fe perfuader qu'un pareil ouvrage pût être durable, & que la Nation ne feroit aucun effort pour fecouer le joug qu'on lui avoit impofé. En effet, le Miniftere de Ruffie ne fau-roit fe déguifer à lui-même, que tout a été forcé à la derniere Diete, & qu'on ne peut y reconnoître une Nation en liberté : il fait les ordres qu'il a donnés , & il Signore pas non plus les moyens qu'on Ilio] a employés pour les exécuter, & pour étouffer toutes les repréfentations & les plaintes des Sénateurs, des Minières & des Nonces. Contrainte dans les Diétines Anti-Comitiales pour l'élection des Députés de chaque Palatinat, & pour leur faire enfuite recevoir une infłrućtion étrangère ; contrainte la plus marquée, (a) & violence d'un genre nouveau dans les premiers jours de la Diete, pour l'acceptation du projet d'une délégation générale; contrainte dans la nomination des Commiffaires qui devoient former cette délégation; contrainte continuelle dans le cours des délibérations de ces Commiffaires , & nulle liberté enfin, dans l'Af-femblée finale de la Diete, pour la fouf-cription des nouvelles Loix. Voilà le vrai de ce qui s'eft pafle dans cette Diete, qui devoit fixer, à jamais ? le bon ordre & la tranquillité de l'Etat y O) L'Auteur indique ici l'enlevement violent, Se fans exemple, de deux Evêques, d'un Palatin & d'un Nonce » au milieu de l'Alfemblée générale de la Nation , pour avoir ofé dire leur fentiment fur le projet d'une délégation extraordinaire , dont l'Ambaffadeur de Ruffie exigeoit» fans ménagement, la foufeription. L'objet de cette délégation étoit de réduire à un petit nombre les Commiffaires de la Nation ; pour leur en impofer plus facilement » fe rendre maître des délibérations , & pour n'avoir riea à démêler enfuite avec la Diete, on fit forcément donner à cette délégation toute l'autorité que pouvoit avoir la Diete, (ans laitier même à la Nation affemblée , le droit, d'examiner le^ corps de Légiflation , que ces Commiffaires. auroient dreffé fous les ordres de la Ruffie, [ï2ï] Se dont on veut foutenir la parfaite légalité. Le détail de chaque article ne fe-roit qu'aggraver les faits, & juftifier davantage le mécontentement général de la Nation; la Ruffie doit le croire tel, & ne pas fe laiffer méprendre à l'apparence contraire : ce n'eft qu'un faux dehors , & un extérieur forcé dans ceux qui pa-roiffent favorifer le fyltême aûuel , & malgré l'oppofition d'intérêt des diîférens partis, l'unanimité des vœux efl certainement pour la modification des nouvelles Loix. Une longue & pacifique Anarchie , l'habitude du bien-être & de la tranquillité, la crainte de perdre l'un & l'autre, l'ambition & l'efpérance des grâces , & la vue du danger prochain , tous ces motifs réunis ont impofé filence à la Nation pendant le cours de la Diete ; on s'eft donc contenté de gémir en fecret, & on a fouffert ce que Ton ne pouvoit empêcher dans le moment. Mais aujourd'hui le premier pas efî: fait, & la honte de l'oppreffion a dixFipé la crainte ; le fentiment de la liberté a reveillé l'honneur dans des cœurs Répu-biicains, & le Polonois a trouvé moins dur de facrifier fa famille, fa fortune & la vie, que honteux de devenir efclave. •Le plus difficile étoit d'accréditer cette [I22l façon de penfer dans une Nation tombée dans une efpece de léthargie depuis près d'un demi-fiecle, & uniquement occupée du menu détail d'une économie champêtre , ou de petites intrigues de Diéti-nes ou de Tribunaux ; mais dès que l'amour de la Patrie & de l'indépendance efl parvenu à la familiariser avec le mépris du danger, l'adveriité même lui formera de braves défenfeurs, & l'héroïfme naît iouvent du comble de l'infortune. Ce fut des carrieres de la Dalécarlie qu'il fortit un Libérateur à la Suede, & c'eil à la tyrannie du Duc d'Albe que la Hollande efl redevable de fa liberté. Les Provinces les plus éloignées de la Capitale fe font expofées les premieres pour la défenfe de la caufe commune; plusieurs autres ont fuivi depuis leur exemple ; & li l'ébranlement n'eft pas encore général, il n'en eft pas moins à craindre ; & il eil confiant que , fans des confidéra-tions intérieures, la Nation entiere au-roit déjà levé le mafque. Que quelques perfonnes puifiantes aient eu des motifs particuliers , pour mettre en action le mécontentement delaNoblef-fe, il n'en efl pas moins certain que la Religion & la liberté avouent également fon zele généreux. On doit plaindre l'Ordre Equefîre de n'avoir que fon courage pour guide, & pour reffource, d'être fans Chefs exercés dans l'art militaire, & fans Soldats inftruits & difciplinés ; de n'avoir qu une Cavalerie rafTembîée au hafard &c fans fubordination ; d'avoir commencé la guerre à contretemps , & fans appui déclaré , fans plan mûrement réfléchi, & fans concert bien afTuré dans l'intérieur. On peut même aujourd'hui taxer d'imprudence le Corps de la Nobleffe, de s'ex-pofer tumultuairement & par pelotons au danger, & de ne pas faire un enfemble animé du même elprit, & agifTant en meme-temps dans toutes les Provinces du Royaume ; mais on ne peut donner aux Confédérés , ni le titre de Fanatiques (a), ni celui de Rebelles. En effet, ce n'efł point par fanatifme qu'un Peuple libre foutient les droits civils du dogme de Foi, & du culte qu'il a reçu, pour être îa regie de fa croyance & de fes mœurs. Chaque Nation eli: au-torifée à regarder fa Religion comme vraie & utile à fa Patrie ; & ce n'eft même que fous cette double conlidération qu'elle peut lui être chere. Des Philofophes Citoyens s'armeroient comme le limplePeu- (o) La Cour de Ruffie les traitoit ainli dans fes Deca rations répandues en Europe , & ne leur épargnoit pas fiée riffa ^ clua'^ęat'0,ns ^es P'us mépri(ables &. les plus - , t'*4] ple, pour défendre les privilèges de îa Religion de leur Pays, telle qu'elle pût ctre : il ne faut, pour cela, que penfer avec les Légiflateurs, qu'un Etat efl: eflen-tiellement intéreffé à faire refpe&er le fyftême religieux delà Foi publique, &C les principes de la morale qui en font la fuite. Ces Philofophes ne croiraient peut-être pas que le Ciel eût befoin de leur bras pour défendre fa caufe, ni que l'Être fu-preme ne pût être honoré que par le culte établi dans leur Patrie; mais, fans craindre d'être confondus avec de vrais Fanatiques, ils prendraient ouvertement les armes, pour conferver à la Religion Nationale la préférence & le refpeâ: qui lui font dûs, & pour affurer le droit de fufFrage dans la Légiflation aux feuls Sectateurs de fa Doćłrine. Ce n'efl donc pas à défendre les privilèges de la Religion dominante, que confitte le fanatifme. Cette manie populaire n'efl autre chofe qu'un zele furieux & aveugle , qui croit devoir haïr & exterminer, pour la gloire de Dieu , tout autre culte que le fien. La qualification de Rebelles ne convient pas mieux aux Confédérés ; mais ils ne peuvent être traités ainfi, ni par la Ruffie, ni par la République. Jufqu'ici les Polo-nois font pleinement indépendans de toute domination étrangère. Dans les temps les plus malheureux, cet Etat s'eft toujours maintenu dans fon indépendance, Se n'a jamais eu d'autres Souverains que ceux qu'il a jugé à propos de mettre à la tête de fon Gouvernement. Loin de s'arroger aucun droit fur ce Royaume, l'Imperatrice , à l'exemple de toutes les autres PuifTances de l'Europe, a protelié, le plus authentiquement, qu'elle refpe&era toujours les privilèges & la liberté de cette République. Avant donc que la Ruf-fie piiiile donner le nom de Rebelles aux Confédérés , il faut du moins qu'elle déclare , avec précifion, qu'elle regarde la Pologne comme une partie de fes Etats, oc ^qu elle entend y donner tels ordres qu'elle jugera à propos. La République ne peut pas non plus qualifier de révolte l'oppofition des Confédérés aux nouvelles Loix. S'il eft vrai que la derniere Confritution anéantit les droits les plus facrés de l'Etat, comment pourroit-elle traiter de Rebelles des Citoyens qui onj; ie courage de les défendre au prix de leur fortune & de leur fer oit une contradiction mani-e ^dans la bouche. En vain voudroit-f n-pf. nutorifer contr'eux des déciiions de a *ete, & de quelques aćies fabféquens LirPris par violence : cette apparence de [ Ï2.6 3 légalité eft incapable de faire illufion. Oit fait que la République étoit fous le joug, & que les armes de Ruffie ont parlé pour elle. Ce n'eft donc que fur l'examen des différentes difpofitions de la dentiere Conf-titution, que les Confédérés peuvent être jugés ; & ils ne peuvent être décidés Patriotes ou Rebelles, qu'autant que les décidons de la Diete fe trouveront conformes ou contraires au bien public ; mais fans rappeller ici, pour leur junification, la légalité civile accordée auxDiffidens, & la garantie ahfolue du corps entier de la Légiflation d'un Peuple libre, les Confédérés n'ont pas de peine à trouver beaucoup de chofes à réformer dans le fond dans la forme des nouvelles Loix qui doivent régler, à l'avenir, toutes les branches du Gouvernement. i°. En convenant que le partage, qui s'y trouve de la maffe du Gouvernement en trois claffes, eft bon & judicieux, les Confédérés defireroient que la diftribu-îion des matieres dans chacune de ces claffes, fut moins arbitraire que mefurée fur la gravité des objets. Ils penfent que l'immutabilité abfolue des Réglemens des deux premières clalfes, feroit trop préjudiciable à l'Etat; que les impôts font moins proportionnés auxbefoins du tréfor r * ^7 ] public , que relatifs à des intérêts partici! îers. A ces premieres obfervations, ils ajoutent que aans le renouvellement d'une onltitution fondamentale de la Republice, on ne devoit point s'attendre â ce melange confus du droit public & du oit l?r]vé s'y rencontre; qu'une faveur arbitraire ne devoit point faire prononcer 1 Etat fur des intérêts litigieux entre des particuliers , ni difpofer, à fon gi e, aes fonds & des terres de la République , par des donations & par des échanges onéreux à la Nation ; & qu'enfin , on ne devoit point trouver dans une refonte d^Etat, ce menu détail de toute efpece d affaires, qui ne peut être que l'objet des Juriidicrions ordinaires. . 2 • Quoique les Confédérés penfent ? amfi que la Nation entiere, que la République feule efi en droit de régler le nombre des troupes qu'il lui convient d'entretenir; & que, quand même elle les perteroit juiqu à 50000 hommes, la Ruffie eâ trop Plll^ante pour devoir s'en inquiéter : cependant, pour ne donner aucun ombrage a cette Puiffance voifme, ils confentiroient a déterminer, comme on a fait, de concert avec elle, îa fixation des troupes, & es fonds néceffaires pour leur entretien pour leurfubfiftance ; mais ils foutien-nent? en même-temps, que les dépenfes [ii8] à faire, foit pour les différentes branches du Miniftere public , foit pour les établiffemens convenables, ou pour les entreprifes utiles à la Nation, ne devroient être affujettis qu'à la nécefiité des temps, à la convenanee des conjon&ures, & à la décifion d'une pluralité fixée à un certain nombre de fuffrages. 3°. Quelque itables & inébranlables que doivent être les Loix fondamentales d'un Etat, il furvient cependant des circonstances qui en néceiïitent le changement. L'occafion de changer celles en ma-tiere d'Etat, eft encore plus fréquente , par leur fiibordination aux évenemens extérieurs. Ne pouvoir changer ni les unes ni les autres, que fous le bon piai-lir d'une Puiffance étrangère , c'eft une dépendance réelle & abfolue ; la liberté de le faire fous le libre Feto , eft une pure illufion. Plus de liberté , fi le fond de l'Etat eft dépendant ; liberté vaine 6c chimérique, fi le caprice d'un feul Citoyen peut empêcher toute la Nation de prononcer fur les véritables intérêts. Sans préfenter cette alternative effrayante, on pouvait fe contenter, dans chacune des deux premieres clafles, de fixer le nombre d'oppofans qui auroit été en droit d'arrêter tout changement que l'on auroit cru devoir prévenir. De [129] . ^eJ expofition des faits & des raifons ci-deilus, il réfulte que la Nation ne ré-tlame pas , fans fujet, contre la nouvelle Législation qu'on veut lui donner, & que les Confédérés ne peuvent être traités de anatiqucs ni de Rebelles. Que deviendroit J-ette double qualification, fi tous les Pa-jatinats fuivoient l'exemple de ceux de craclau, dePodolie, de Pryemiflie, de send,omir, de Cracovie, de Rava, de }Zl reA & de Plufieilrs autres, dont les " 1 e^es lont répandus dans l'Europe ? f ,e pourroit-elle dire encore que ptgne.que p°uf ndre la République, & maintenir fes contre des Fameux, dont le fana-trlme ! J'ambltl°n veulent troubler la aW^ »îe P^^ue * A quel autre titre fïrlpn ^Ua Cel1^ Prote&rice des Di£ fi I xt Pourroit-elle continuer la guerre, Cnnft °n Venoit à fentir 1ue la cir- a !ance demande la réunion de toutes de Ia ce^ation de tout parti & cbiS ln'ri?Ue intéreffée> & une ré-mation generale & authentique contre les nouvelles Loix ? d'exam- S 3§lt di°nc plus maintenant que deTamr er véritable DiptP a °-Ur- Cuffie. L'ouvrage de la trice no?'1! • !łre affez cher à Wmpéra-> pour lui faire tout facrifier au plaifir f'3°l de le maintenir dans fon entier, ou tou*. chée par la vérité de l'expofé ci-deffus ^ Sa Majefté Impériale peut-elle fe prêter à des voies de conciliation qui ne peuvent que faire honneur à fa juftice & à fa modération, fans bleffer fa dignité, ni les vues d'une fage politique ? C'eft au Confeil de Pétersbourg à prononcer fur cette importante queftion , & on ne fe permet ici que d'expofer les fuites du double parti qu'il peut prendre. Si la Cour de Ruffie s'obftine au maintien des Loix telles qu'elles font, il arrivera de deux chofes l'une : ou il n'y aura qu'une partie des Palatinats qui fe confédéreront fucceffivement, ou toute la Nation fe ma-nifeftera contre la nouvelle ConlKtution. Dans le premier cas, la fupériorité des forces de la Ruiîie pourra, fans doute, diffiper ces Confédérations l'une après l'autre ; ce n'eft cependant pas l'affaire d'un moment, & il ne peut manquer d'en coûter à la Ruffie beaucoup d'argent, de bonnes troupes & bon nombre de braves Officiers ; mais, a la fin, que pio— duira le fuccès de fes armes? l'appau-vriffement & la deilru&ion d'une partie de la Nobleffe, & la ruine de la plupart des Provinces; mais il n'établira jamais en Pologne , qu'un calme de contrainte 6c une tranquillité d'impuiffance. Y\ r t 13 1 Ì Dans fon épuifement, la Nation, pleine ûu louvenir de fes maux, & honteufe du changement de fon état, ne s'occupera lourdement que du defir naturel de fortir un veritable elclavage î elle ne verra plus que comme une tyrannie l'influence Pailible que la Ruffie avoit jufqu'ici fur ^ ologne. Les Diffidens lui deviendront odieux ; elle ne pourra les regarder que comme les auteurs de tous les malheurs de la Patrie, & conféquemment ils feront expofés aux fureurs d'un double fa-natifme religieux & patriotique, Les nouvelles Loix feront un fuj et continuel de troubies & de faftions, & ne pourront fubfifter qu autant que l'oppreffion fera fne neceffite de s'y foumettre. Une violence continuée peut feule affurer leur *egne : il ne peut être durable que par une •acceptation, volontaire, & jamais la Nation ne les adoptera fans une jufle modification. Il faut donc qu'après avoir abattu tou-s les Confédérations a Quelles, la Ruffie e détermine à entretenir en Pologne un orps de Troupes au moins de 30000 ommes, pour maintenir la nouvelle Lé_ fée épui- le filen î'f* PreiqUe détruite> garde enee de la confternation. Ue ldée peut-on fe faire de l'état de îa Pologne, fous une adminifłration fern* blable? Quelle forme extérieure fe pro-pofe-t-on de donner à un Gouvernement où le Roi & le Citoyen feront également fujets d'une force étrangère ? Eft-ce à coups de fufils & de baïonnettes que l'on prétend établir la bonne intelligence & le compatriotifme entre les Catholiques & les Difîidens ? Croit-on pouvoir unir étroitement la Rufîie & la Pologne, par le fé-jour d'une armée, toujours prête à porter la terreur & la mort dans le fein des familles, & la défoîation dans les Provinces ? Ce fyftême conviendroit à peine à des efclaves de la Guinée : il n'eft propre qu'à aigrir, fans reffource, le reffen-timent de la Nation, par un joug d'autant plus infupportable pour elle, qu'elle eli moins faite à la fervitude. Nourri par la honte & par la douleur, loin de s'éteindre , ce refTentiment prendra conftam-ment de nouvelles forces , & peut fe porter, enfin, à tous les excès des fie-cles de l'ignorance & de la barbarie. C'eft ainfi qu'au lieu de cette alliance intime, que Sa Majefté Impériale fe propofoit d'établir entre les Etats & la Pologne, un fentiment tout contraire fera le fruit de la continuation des hoflilités ; en effet, fi le fpeâacle affreux de la ruine & de la défoîation de quelques Provinces Méri- dionales , fi les horreurs de toute efpecc, & les excès d'inhumanité qui ont effrave les rives du Borigliene , du Bog & du Niefłre, loin d'abattre les courages, n'ont excite que le defir de la vengeance dans les Palatinats à l'autre extrémité du Pvoyau-me, peut-on attendre autre chofe de la repetition de feenes auffi fanglantes , que tout ce que peut entreprendre un défef-P°lr dangereux, animé par le fanatifme de la Religion & de la liberté. . Mais quel fera le fort du Roi dans des circonftances auffi malheureufes ? Placé fur le Trône de Pologne par Sa Majefté Imperiale , ce Prince n'y regnerà que fur les débris fanglans de fa Patrie. Cette Patrie ne ceffera de regretter, fous fes yeux, a perte de fa gloire & de fa liberté : elle ui rappellera toujours le pillage & l'incendie de fes villes & de fes Provinces , ^ la profanation de fes Temples; elle n oubliera point les outrages faits aux f'rwinnes.^e Premiere diftin&ion dans rare Civil & Eccléfiaftique, & la dure captivité des meilleurs Citoy ens. La vue v e plufieurs' milliers de familles réduites a la derniere mifere, mettra fans ceffe, ^evant les yeux de ce Prince , le carnage , e meurtre de fes Concitoyens , qui n ont péri que pour avoir voulu défendre Kehgion &; la liberté de leur Patrie. I 3 S'il porte fa vue fur ces campagnes de l'Ukraine, jufqu'à nos jours fi fertiles &C fi abondantes, il n'y verra que des objets d'horreur & de commifération ; un dé-fert vafte & inhabité (a), des monceaux de cendres, ou l'on voyoit des Villes floriflantes & de riches Villages ; des fleuves teints de fang, & arrêtés dans leurs cours par des cadavres entaffés ; des champs étonnés de ne plus revoir leurs Laboureurs ; quelques malheureux relies d'habitans échappés à la fureur des Co-faques Zaporoviens, errans çà & là, & demandant un afyle & du pain ; des filles défigurées, & vi&imes infortunées de la brutalité infâme de ces barbares ; des en-fans , encore à la mamelle, arrachés du fein de leurs meres, expirans fur le bout d'une pique , & fervant ainfi de jouet à ces monftres dénaturés : ces images terribles, & à jamais déplorables, & peut-être des malheurs encore plus grands dans la fuite , perpétueront les gémiffemens de fa Patrie , & rempliront d'amertume tout le cours de fon regne. Une pareille perf-pe&ive eft peu faite pour rendre heureux un Roi Citoyen , né avec tous les ta-lens & tous les fentimens néceffaires pour etre l'amour & les délices de fa Nation», (a) Ce n'eft point ici une defcription poétique : chaquç mot exprime une vérité réelle autant que terrible. L'ame de l'Impératice, fi grande & fî belle, voudroit-ellepréparer une fituation femblable à un Prince qu'elle a couronné par préférence ? Pourra-t-elle jetter les yeux fur un tableau auffi funefte, fans en etre attendrie ? Elle n'eft pas faite pour goûter le plaifir cruel des deftru&eurs du genre humain, elle dont toute la conduite , à l'égard de fes Sujets, n'annonce que la plus tendre humanité, & dont toutes les Déclarations, au fuj et de la Pologne, ne refpirent que le bonheur de la Nation. Cette Souveraine croit, fans doute, qu'il n'y a que quelques ambitieux, dont le mécontentement trouble deux ou trois Provinces à l'extrémité du Royaume, & qu il ne s'agit que de les foumettre, pour rétablir la tranquillité de l'Etat ; mais fi elle voyoit la confternation profonde & la douleur de la Pologne entiere, de le voir ainfi accablée par une PuifTance qu'elle regardoit comme fon plus folide appui, nous la verrions préférer, fans peine, les mouvemens de fa bonté & de fa juftice , à l'éclat de fon pouvoir, & a des projets d'agrandiffement. Si telles font les fuites du refus de tout ?rrangernent} & ^e }a continuation des °ftilites contre les Confédérations aćhiel-r *-/^e^es doivent être celles d'une Confédération générale r & de la récla- U ińation de la Republique entîere contre les nouvelles Loix ? Comme il ne s'agiroit alors à découvert , de rien moins que de la liberté ou de l'efclavage de la Nation , qui répondra , en premier lieu, à la Rufïie, que les Diffidens même ne lui ôteront pas le feul prétexte qui lui reiîeroit de faire la guerre à la Nation? Las d'être regardés comme la feule caufe des malheurs de leur Patrie , ils craindroient peut-être de tout perdre, fi la fortune favorifoit le courage des Ca-tholiques, eu de devenir efclaves avec eux, de Citoyens qu'ils étoient d'un Peuple libre : changement d'Etat, qui les ex-poferoit à l'improbation même des Pro-ïélytes de leur Foi dans les autres Nations. Des. motifs auffi puiffans font bien capables de les porter à s'arranger avec les Catholiques fur les droits qu'ils peuvent légitimement prétendre, &c à faire caufe commune avec eux. Après le ton que la Rufîie a pris dans toutes fes Déclarations , fous quel autre prétexte alors, que celui de fon bon plailir, cette Couronne pourroit-elle tenir line armée en Pologne, & y envoyer de nouvelles troupes ? Il lui faudroit attaquer à force ouverte, & à titre de Conquérante, les Domaines & la liberté, de la Nation» L Europe, qui, depuis le commencement de l'interregne , n'a jamais perdu de vue les démarches de la Ruffie , pourront alors accufer cette Couronne de n'avoir eu d'autre but, dans tout ce qu'elle a fait jufqu'ici, que l'invafion de la Pologne. On lui imputeroit d'avoir habilement mafque fes deffeins fous le voile de l'humanité & du défintéreffement. On diroit qu'elle n'a prévenu la Nation par les promeffes les plus généreufes , que pour l'empêcher de fe mettre fur fes gardes , & pour lui faire recevoir , avec confiance, des troupes qu'elle deftinoit à l'affervir. On ajouteroit, que pour faciliter 1 execution de fon projet, elle a fu jouer deux Partis puiffans l'un après l'autre, en les élevant & les abaiffant tour-a-tour , fuivant les circonftances, & au gre de fon intérêt; qu'elle a fu profiter alternativement de leur influence fur la Nation, pour en faire fervir une partie a la défaite de l'autre , & qu'elle veut nir par rendre leur fort commun , en 'es foumettant tous deux à fa domina-tlQn, ainfi que leur Patrie. Tels feroient, fans doute, les difeours , .les réflexions de l'Europe fur la con-_ Ruffie ; & fi cette marche lui Pi oiiiolt auffi adroite que nouvelle, elle y rouveroit peut-être moins de juftice C'î«] &c de grandeur, que de dextérité & de raffinement. Dans cet état de caufe, eft-on bien ąffure qu'il ne furviendra aucun changement dans la combinaifon des intérêts politiques de l'Europe ? Peut-on croire, fans craindre de fe méprendre, que les Puiffan-ces du Midi & de l'Orient verront, avec indifférence, fubjuguer ainli une Nation libre & leur ancienne Alliée, & la Ruffie, par un pareil ff rata géme , joindre un Royaume aufîi étendu que celui de la Pologne à fes vaftes Etats ? Ces réflexions, & plufieurs autres qui s'offrent en foule, font de nature à mériter l'attention la plus férieufe, de la part du Miniffere de Pétersbourg. L'événement de l'entreprife, dont il efl chargé > a des fuites bien graves; le fuccès le plus grand ne peut être que momentané, d'ailleurs il n'affure à Sa Majeffé Impériale que cette gloire de Conquérans, toujours odieufe à l'humanité : il ne couronne cette Souveraine que de lauriers arrofés du fang & des larmes d'une Nation arbitrairement opprimée ; & il ne lui prépare qu'un triomphe , que l'équité & le véritable honneur auraient peine à avouer. Si le plan de l'Impératrice, par rapport à la République, répond à l'idée [13 9 ] ainie à fe faire de fon cara&erç héroïque, rien de moins propre à fatis-faire l'élévation de fon ame, que l'emploi que l'on fait de fes finances & de les troupes. Pourquoi facrifieroit-elle fes trefors & fes armées à ruiner & détruire une Nation qu'elle ne veut qu'éloigner des alliances contraires à fes intérêts, &c $ui n'a d'autre tort, vis-à-vis de Sa Ma-jefté Impériale, que d'avoir réclamé con^ tre une Légiflation forcée , & qu'elle croit incompatible avec fa liberté ? Peut-on pen-fer qu'un pareil motif foit capable de déterminer cette Souveraine à faire commettre par fes troupes, & dans toutes les Provinces de ce Royaume , tous les exces de la guerre la plus cruelle ? On croirait donc manquer* à la confiance que 1 on doit avoir dans fa juffice, fi on fup-pofoit que l'Impératrice voulût préférer k perte d'un Peuple libre*, & le faccage-Hient de fa Patrie, à la réformation équitable des Loix ouvertement contraires à la liberté & à la Religion de ce Peuple. Qu importe, en effet, à un Empire , tel que la Ruffie , que les Diffidensj qui font en Pologne, & qui ne font pas la trentième partie de la Nation (a), aient ces^deî P^n6 trouveroît-on en Pologne douze Fsmilles de Par leur* ^ifljdens > > par leur fortune ou * ultration > foient en droit de prétendre & de [H0] tine parfaite égalité de droits avec les Catholiques ? Pourquoi exiger de la République ce que jamais aucune Nation libre n'a accordé volontairement à une Religion auffi oppofée à la Nationale ? Ces Difïidens , mieux confeillés, ne pour-roient-ils pas fe contenter de la tolérance la plus favorable, tant au civil qu'au fpi-rituel? Faut-il abfolument qu'il n'y ait aucune différence entr'eux & les Catholiques dans le Miniftere public ? Le libre exercice de leur Religion a-t-il befoin de l'appareil & de l'éclat extérieur qui doit accompagner le culte de la dominante } Ne peut-on, enfin, les affranchir entièrement des prétentions & des entreprifes du Clergé Romain, fans ôter toute dif-tin&ion entre ce Clergé & leurs Minif-tres ? La concefiion forcée de tous ces droits arbitraires eli moins propre à les leur affurer , qu'à les expofer à perdre un jour les plus légitimes , & à devenir peut-être les vi&imes d'un fanatifme en fureur. En fécond lieu , que la Ruffie déclare, fans équivoque, ce qui peut lui faire om- foutenir le rang de Sénateurs : pour s'en convaincre , il fuffit de compter les fou44] Copie de laLettre de M. de S ald ern à M.le Comte ÛGlNSKl^grandGé-ner al de Lithuanie, du zi Juin zyji* -Du moment que j'ai lu votre Lettre, du ii dece mois, je me fuis réfolu de ne plus parler raifon à celui qui n'en a pas. Je rougis d'être, & de me nommer plus long-temps l'ami d'un homme qui n'en connoît pas le prix, & qui ofe fe jouer légèrement d'une chofe auffi facrée que l'amitié. C'en eft fait : renoncez-y à jamais. L'Ambaffadeur vous répété les ordres de fa Souveraine, de vous rendre à Varfovie , fi vous voulez jamais être digne de fa protection : fi vous les mé~ prifez, vous en fentirez les effets, fans que j'aie befoin de vous menacer. Billet t'45] ^=ąSSftss! Billet du même au Prince Primat , qui l avoit invité à dîner le z c\ Juin. f T . Ne infinite de raifons & de réflexions, ll/r con^y^e fe permet Votre Alte le , me défendent de me trouver à fon diner aujourd'hui. J 3Ì 1 honneur d'être, De Votre Alteffe, &c. K [i 46] COUP B'CMÏL S UR les vues fecretes que peuvent avoir les Puiffances de l'Europe , par rapport à la Jiiuation actuelle de la Pologne. Le io Juin 1771. T O ut ce qui s'eft paffé en Pologne depuis la Diete de 1766 , eft moins l'effet d'un plan combiné , que le refultat fortuit des circonftances & de la paffion. En vain voudroit-oii imputer à la Ruffie le vafte fyftême qu'on lui attribue : tout fou ouvrage paroit trop decoufu, & produit par le moment, pour y trouver une com-binaifon politique de tous les événemens que nous avons vu fe fucceder , ce 11 eft donc que fur le fimple récit des faits, & fur leur conféquence, que l'on doit chercher à démêler quelles peuvent être les intentions des différentes Cours de l'Europe , par rapport à la fituation aûuelle de la Pologne. Pierre-le-Grand & l'Impératrice Anne avoient fucceffivement foutenu ou placé r ^ 471 fUrJe7rone Pol°gne deux Princes de la Marion de Saxe, Augnile II & fon Fils, t • ? h avoit été l'Alliée fxdelle de l'Au-"ï"1(:ae> & l'amie confiante d'Augufte III. a mort de cette Impératrice, la Cour Petersbourg a jugé à propos de for-mer de nouvelles alliances. L'Impératrice Regnante, non contente de dépofféder le grince Charles de Saxe du Duché de °urlande , a trouvé bon d'exclure cette Marion Ele&orale du Trône de Pologne, n dJ P;acer un Piafte, qui ne dût qu'à €^e ion élévation, & qu'elle pût confé-quemment tenir dans fa dépendance. La Nation , divifée en deux fadions, 1 t^mbee dans l'Anarchie, par l'inaftion des Loix & les vues du Gouvernement, n a pu refiller aux forces de la Ririîie, ** a celle du Parti qui s'eft offert à facilini" fes deffeins. Diétines Anti-Comitia-*es ? Diete de Convocation, Éleftion & Ronronnement, tout s'eft paffé fous les aulpices & par les difpofitions de cette Couronne ; 6c les Ambaffadeurs des autres Puif-ances, anciennes Alliées delà Pologne, ont eîe obligés da fe retirer, pour faire ola-ce aux nouveaux Alliés de la RufTie, plus dripoles qu eux à favorifer fes projets, i td a/S 11 n2 Pas d'avoir donné à nonvnîF?6 ilm t6^ ^ue l'opératrice e defirer : il falloit perpétuer fon K 2 [>48] ouvrage, & aflurer l'afcendant exclufif qu'elle vouloit avoir fur la Nation. Les mouvemens intérieurs qu'elle y apperce-voit, & les dilpofitions équivoques des Cours du Midi, pouvoient lui donner de l'inquiétude à cet égard; fa politique a cherché les moyens d'obvier à l'un & à l'autre de ces obftacles. L'affaire des Difîidens a paru à Sa Ma-jefté Impériale l'expédient le plus propre à bouleverfer la Nation, & conféquem-ment à lui procurer l'occafion de profiter des troubles domefliques, pour abattre alternativement un Parti par l'autre , pour les foumettre tous à fa domination : elle a faifi ce projet avec enthou-liafme, & fes Minières fe font tout permis pour l'exécuter. Voilà le vrai des chofes. Le Cabinet de Pétersbourg a cru la Nation Polonoife trop foible, trop divifée & trop léthargique, pour être capable d'aucune entreprife de vigueur. Après l'avoir trompée à Radom , & forcée à fuivre fes ordres ; après l'avoir rendue efclave de fes volontés dans les Diéti-nes qui ont précédé la Diete derniere, & l'avoir enfin traitée impunément avec le dernier mépris, & fans aucun ménagement , pendant la tenue de cette Diete , le Prince Rcpninavoit, fans doute, mandé à fa Cour , que tout étoit fait, & que la Pologne n'étoit plus qu'une vaile Province Mofcovite. Mais lorfque tout paroiffoit plier fous la neceffité, & que la conflernation étoit g-nerale, une poignée de Gentilshommes, raii.emblés au fond de l'Ukraine par l'in-j^gnation , & fans autre refïource que leur courage & l'amour de la liberté, ont fe déclarer contre la tyrannie, & former le projet généreux de venger leur ' atrie, ou de périr avec elle. On n'examine point fi les Chefs de la Confédération de Bar ont eu d'aiitres motifs que le bien public, pour mettre la NoblefTe en mouvement ; il efl confiant que cette NoblefTe n'en avoit point d'autres, & que la Patrie avouoit fon zele. L exemple magnanime des Confédérés de Bar a réveillé l'honneur & la honte de efclavage dans le cœur de la Nation. Leur leffentiment a pafTé d'une Province à l'autre , & les excès & les barbaries de toute e.Pe^e n'°nt produit que de nouveaux ma-311 f,? ^ de nouvelles Confédérations. yprit d'indifférence de Religion qui prend faveur , a d'abord fait illulion à Europe, fur la prote£tion que la Rufîîe accordoit aux Diffidens. Sur la foi de quelques miférables brochures & de Ga-zettiers mercenaires , le Public n'a, pen-ant quelque temps, regardé les Polonois K 3 [*5°] que comme un Peuple à qui le fanatifme mettoit les armes à la main. L'état des choies mieux connu, a détrompé le Public : il ne voit plus , dans Finvafion de la Pologne, qu'une Nation libre , arbitrairement opprimée ; & elle ne doit montrer aux Cours de 1 Europe, que l'agran-diffement d'une Puiffance que des fuccèç plus eteridus rendroient trop redoutable. ^ Que la Porte Ottomane fe foit portée d'elle-même à demander raifon à la Ridile de l'infradion des Traités de Pruth, de Conftantinople & de Çarlouis, relativement à la Pologne, & des hoffilités compiles dans des Pays de fa propre domination , ou que quelque Puiffance l'ait dif-pofée à faire cette démarche, il eff confiant que cette guerre eft jufte ; & que fi la Turquie n'a pas la fortune pour elle, les difgraces ne font rien perdre à la bonté de fa caufe, ru à fa fidélité dans l'exécution de^ fes engagemens. Il feroit même à fouhaiter que les Puiffances Chrétiennes euffent autant de refped pour leur parole , que le Miniftere de Conffantino-ple ; mais quelle que puiffe être Mue de cette guerre , iï efl certain que, depuis deux ans, elle intrigue toute l'Europe ; & qu'elle feroit de nature à en occafion-ner une générale, fi la négociation ne trouvoit les moyens de concilier les diffé- • , [I5I ] Tens intérêts qui lé croifent, & qu'il n'eft pas trop ailé de balancer. Depuis que des intérêts d'un moment ont porté quelques Puiffances du Midi à faire entrer la Ruffie dans leurs querelles , on ne voit pas que leur politique ait lieu de s'applaudir d'une pareille démarche. La polition a&uelle où elle fe trouve, juftifie les conféquences qu'il falloit prévoir, & prouve clairement qu'au lieu de la mettre en état de figurer au congrès de l'Europe, on ne devoit fonger qu'à la contenir dans l'intérieur de les Domaines. Depuis l'héroïfme outré de Charles XII, la Rufîie eli; fûre qu'aucune Puiffance de l'Europe ne fera tentée de paffer le Bo-rillhene, pour faire des conquêtes entre ce fleuve & le Volga; mais toutes doivent craindre qu'elle ne le paffe pour s'approcher de l'Allemagne. Des Calmes , des Cofaques & des Condoucs, ne font pas des hommes dont on puiffe regretter la dépenfe : ce font des elpeces de Sauvages qu'on peut hafarder, fans economie , contre des Peuples policés. Ces barbares, infenfibles au froid & au chaud, & prefque accoutumés aux ali— mens des brutes, conduits par quelques troupes régulières, font bien propres à ian e des ravages extraordinaires dans des K 4 Pays abondans & fertiles. Soutenue d'ailleurs de quelques alliances, que la ja-loufie ou les fréquentes divifions des Souverains ne manqueront pas de lui- fournir tour-à-tour, la Ruffie peut aifément devenir redoutable aux premieres Puif-fances. La préfpmption ne doit pas infulter à cette prévoyance politique. Nous ne fommes pas fort éloignés de cet état de diffolution, qui rendit l'Empire Romain la proie des barbares du Nord ; & ce n'eft qu'en prévenant une pareille révolution , qu'on peut s'en garantir. Que l'on faffe , tant qu'on voudra, des Trai-tés de Commerce avec la Ruffie, c'eft à la convenance de chaque Nation à en régler l'elpece & l'étendue : cela n'inté-reffe point fa politique générale ; mais l'intérêt commun de toutes les Cours s'oppofe à l'entrée des troupes de cette Puiflànce dans l'intérieur de l'Europe, & conféquemment à des Traités militaires avec cette Couronne, qui pourroient faciliter l'augmentation de fes Domaines du coté du Midi. La fin de la derniere guerre , & les circonftances aduelles, prouvent la foli-dité de ces réflexions. La Prufle feule , pour des raifons faciles à deviner, pou-Voit favorifer la Ruffie dans Pexclulion r ^ 31 de la Maifon de Saxe du Trône de Pologne, & fe prêter enfuite au projet de mettre cette République dans l'état de -,e °atl°n où elle eft aujourd'hui ; mais 1, er .COll^ant qu'aucune autre Puiflànce rj avoit d'intérêt réel de contribuer à ces eux entreprifes. On peut même ajouter, eue ans 1 epuifement où les avoient jettées es^ evénemens incroyables de la guerre efmere, la France & l'Autriche fe fe-r°ient ouvertement oppofées à l'abaifle-jpent de la Maifon de Saxe , & à l'oppref-10il, d'une Nation libre. L alliance de ces deux Cours, que de or Les raifons d'Etat doivent rendre auffi licere 6c folide, qu'elle eft néceffaire au lepos de 1 Europe, ne pouvoit leur présenter dans la Saxe qu'une Maifon auffi étroitement liée avec elles par des intérêts politiques, que par les liens du fang. Des Vues lages ne^pouvoient également leur laire regarder la Pologne, quecomme une barriere naturelle & importante entre l Allemagne & la Ruffie. Loin de la laif-ei aifoiblxr ou détruire, la pofition actuelle de 1 Europe portoit ces Puiflances a maintenir la liberté de cette Républi-clUe ? & même à lui procurer un Gouvernement fage & bien réglé. J! n'eft pas douteux que les Cabinets po itiques fentent actuellement le danger de FagrandiiFement de la Ruffie, & de la prépondérance qu'elle veut acquérir ; mais une ambition fourde & mal entendue, des méfiances refpeûives & peu honorables , & de fauffes combinailons, les tiennent en échec , & les font chanceler lur l'intérêt commun. A commencer par la Pruffe, quelque avantage momentané qu'elle puilTe retirer de ce mélange d'intérêt, on peut croire qu'elle ne verroit pas , fans inquiétude , la Ruffie étendre fa domination julques fur les frontières de fes Etats. Si elle pouvoit être tranquille fur fes nouvelles conquêtes, & s'affiirer une Pragmatique- Sanction fur Findivilìbilité de fes Domaines, il y a apparence qu'elle feroit vœu commun avec l'Autriche &: la France ; mais dans fa pofition, en voyant le vrai, fà politique fait habilement louvoyer. Alliée de la Ruffie, fubordinément aux conjonćhires , elle la laiffe agir fans accélérer fes fuccès ; & fait , en même-temps , ménager les autres Cours, & compliquer ainfi les objets, pour jouer un plus grand rôle. Telle eli la conduite que l'on voit tenir à la Cour de Berlin. Tandis que fon Minière parle à Varfovie, &agit, de concert'avec PAmbaffadeur de Ruffie, fur les affaire de Pologne, elle n'ell attentive qu'à fe procurer toutes les refTources qu elle peut tirer de la fituation des choies. Prête à devenir aftrice, fuivant les circonftances, elle cft comme le centre des négociations, & tient une efpece de avance, dont fon intérêt tâche de régler *es mouvemens alternatifs. On ne voit pas non plus que le Dane-marek ni la Suede aient un intérêt vif à defirer Fagrandiffement de la Ruffie; & Fon peut croire que ces deux Cours la verroient, fans regret, réduite à fes anciennes poffeffions , dont perfonne n'eft jaloux. La parenté entre Sa Majefcé Danoife & le futur Empereur de Ruffie, n'eft pas une raiion politique afiez forte pour balancer , dans le Confeil de Copenhague, la crainte de voir un jour la branche de Gottorp s'emparer du Siewick & du Holftein ; & du còte de la Suede, fi la Nation veut fe fouvenir de fon ancienne gloire, on ne peut la foupçonner d'un zele bien décidé pour celle de la Ruffie. A l'égard de l'Angleterre , parvenue à la fupériorité maritime , & au plus haut point de grandeur où elle puiffe atteindre, on n'apperçoit pas le motif prefl'ant qui pourroit la porter à defirer Fagrandiffement extraordinaire de la Ruffie. U n eÛ pas à prefumer que la Cour de Lon- C'56] dres prît plaifir à voir cette Puiffance étendre fes conquêtes jufqu'au cœur de l'Allemagne, & couvrir de fes flottes l'Océan & la Méditerranée. La Hollande & Gênes peuvent prêter de l'argent, fur de bons gages, à la Cour de Pétersbourg ; mais il y a peu d'apparence que ces deux Républiques foient tentées de prendre les armes, pour contribuer à l'augmentation de fa Puiffance, & la rendre maîtreffe des Echelles du Levant. Bornée au commerce de la Méditerranée & à celui du Continent, Venife ne peut avoir non plus de fortes raifons de le déclarer pour la Ruffie, & de chercher de nouveaux Alliés dans le fond de la mer Baltique ; de maniere qu'en pe-fant les intérêts de tous les Etats figu-rans en Europe, on n'en trouve aucun qui doive fouhaiter le triomphe de la Ruffie, & que maîtreffe de la Pologne & de Conflantinople, elle puiffe menacer l'Europe du poids de fa domination. Quant à la France, & aux différentes branches de la Maifon de Bourbon, il eft évident que ces Couronnes défirent, fans reftridion, l'affranchiffement de la Pologne du joug de la Ruffie. Les Cours de Verfailles, de Madrid & de Napies ne peuvent avoir d'autre but, (en reliant tinies avec celle d'Autriche) que d'arrêter ia Ruffie au delà du Borifthene, & de voir la République de Pologne rétablie ailS fon indépendance abfolue, tranquille c ans ta poffeffion de fes Domaines, en etat de jouer dans l'Europe un rôle Ccirafterifé par une fage & ferme Législation. Quoique d'accord avec ces trois Couronnes fur le fond des chofes, la Cour de Vienne a pu avoir des raifons particulières pour modifier fes démarches. Diffé-fens intérêts peuvent avoir plié fa politique à certaines confidérations, par rapport à fes Etats héréditaires, & à des evcneinens qu'elle doit prévenir dans 1 intérieur de l'Empire ; & il y a toute apparence que ces confidérations ont déterminé les Alliés de cette Couronne à n être extérieurement, comme elle, que les fpe&atrices de cette double guerre. La pacification de la Pologne néceffitoit celle de la Porte Ottomane avec la Ruffie, 1 une Se l'autre donnoit à fa politique plus d un objet à confidérer. Le Turc motivoit fa Déclaration de guerre fur lnvafion de la Pologne Se le renverfe- jttent de les Loix, fur l'éleôion forcée d'un ? qu>i! Prétendoit incapable d'occu- f 7 r°ne ' ^ *ur ^es hoffcilités commîtes dans fes propres Etats. La Confédération de Bar, que celles des différentes Provinces adoptoient fuc-celîivement, ne s'élevoit explicitement que contre la nouvelle Légillation , que la Rufïie avoit impérieufement dictée à la République, & contre les violences de toute efpece, commifes dans un Etat indépendant par les Minifixes de la Ruflle. Toute l'Europe a bien lenti l'extraordinaire de la nouvelle Légillation que la Ruffie avoit donnée à la Pologne, Se l'excès des moyens qu'elle avoit mis en ufage, pour forcer une Nation libre à paroitre, malgré elle , l'avoir reçue. Le Traité de garantie de ces Loix a paru un phénomene nouveau, & l'on n'a fu que penfer du zele théologique que la Ruffie aiTećłoit pour le fymbole de foi des Dif fidens; mais l'éleclion d'un nouveau Roi, que demandoit la Porte , étoit bien propre à compliquer les intérêts des Puif-fances, & conféquemment à jetter de l'embarras &des longueurs dans les com-binaifons politiques. La difpoiition du Trône de Pologne n'étoit pas un objet d'une légere diffen-tion. La liberté de cette République exi-geoit-elle une élection nouvelle & de nouveaux arrangemens fur tout ce qui s'é-toit paffé depuis l'ouverture de l'inter-regne à la mort d'Augnile III, ou falloit-il [ 1 59] 1 C°^eîlter de remédier aux excès, & os rectifier les abus du Gouvernement, pnlllSnî766 ? En Procédant à une nou-u ni' ' ^ ? à quel Candidat donner P.e/rence ; & le Trône devoit-il refier eitcm ou devenir héréditaire? Dans l'un autre cas, comment déterminer les de l'^itorité royale? Enfin, quel h]]r iUent prendre pour parvenir à réta-ner trancillillité en Pologne, fans don- Auta mte à k Hbertë de Ia Nation? ' 1nF de ftijets de délibération & de bran C,latlon entre les Cours, & dont les b1 anches s'étendoient fort loin. les i^,Vlle toutes ces queflions, que d'int ,1^erenteS .a^iances & la diverfité dp'rend°ienû épineufes , les Cours n . IfQne< & de Verfailles ont pris le L e biffer aller les chofes au pré de rifivp^lme' lanS Paro*tre s'en mêler dé-lerrp ^ d'attendre les fuites de la fùe Pu,?''6 k ,Rllffie & !a Porte- «ta- toile , îea"ôLa,°rSia '°ué' demere Ia le iouer à JT qm m convenolt> pour de la leve ert' cïuand ^ ^eroit temps On pourront fuppofer, avec vraifem-ance , que 1 armée des Turcs, attirant pîe que toutes les forces de la Pallile aux con ns du Royaume de Pologne, toutes es * rovmces de cette République s'élé- « [léo] veroient en meme-temps pour chaffer de l'intérieur les différais Corps de Ruffes-qui y étoient répandus , & qu'elles forceraient leurs Partifans à devenir Patriotes. La Confédération devenue alors générale, légale & puiffante, n'auroit laiffé aucun prétexte à la Ruffie d'abufer des termes , & de fe dire la Protectrice de la République contre des Faûieux, dont l'ambition troubloit l'Etat. La Nation ainfi réunie, ou fe feroit fait feule jufiice à elle-même , ou aurait appelle légitimement à Ion fecours les PuifTances garantes de fa liberté & de fes droits ; & ces Puiffan-•ces n'auraient pu refufer de prendre fa défenfe. D'un autre côté, on pouvoit s'attendre que les Turcs fe défendraient mieux, & que les avantages feraient au moins partagés. On ne prévoyoit point que le Nieftre fe gonflerait aulïi à propos, pour livrer aux Huilés , fans coup férir , un détachement affez coniidérable de Turcs qui avoient paflé cette riviere ; & on pouvoit encore moins deviner que c® léger échec jetterait une terreur panique, & feroit abandonner la rive oppofée à une armée de 8oooo hommes. On ne s'imaginoit pas non plus que la Ruffie n'auroit befoin que d'un brûlot, aidé d'un vent favorable, pour détruire la Flotte Ottomane Ottomane dans l'Archipel. Il y avoit plutôt heu d.efpà.er P ce ^ avol« feneT' dUf°?d de la aux la S » «P;llferoit reffources de faire ^ " rendroit la Paix nécef- Don^aiS 1CS ^nemens n'ayant pas ré-Franc- aPParences » l'Autriche & la frali*/- n .COnt*nué d'obferver la neuves ConfédS perfuadéesquel'a^e^n deBarpnr .i0ns Particinieres à celle fentoif 1 Qrmoit une générale, qui repré-fancpc ,gltimement la Nation , ces Puif-cider "f0,n- P°lnt ìuZé à propos de dé-de TaRSelle les PartiLsPolonois crétion dles ont P°«é la dif- qui ne< faire au:une démarche & 1(! e~feMeur fentiment entr'eux "J Confédérés. pagne eiureT6 TS ^ troiiierrie Cam-l'Autriche f u"" & les Rllffes , Pe"fé oirti VS Cjang-er de a mettre d-j- u,de la prudence de fe faire écoute Un>ftat de force, pour fe Pofition des chi ^ T" befoin; & !a "èceffaire : en effet^ff'conduite ce que i_ p,jtir r ' ??. en croit tout de Catherin p a.ll! Palier, la fortune Obftacles + ' U?iîrieilre a tous les tout en? Cettf lvèra^ne en état entreprendre fur les Turcs Ôe flćlj dans la Pologne. Des rives du Boricene aux fources de là Vifhiîe , cette République eft fous le joug Ruflien, & l'Empire Turc, attaqué par mer & par terre , efł menacé d'une fuine entiere. Refpec-tée d'un bout de la Méditerranée à l'autre , la Flotte de Kuffie parcourt , en triomphe, l'Archipel, enleve les Vaiffeaux de tout Pavillon r & n'attend que le moment de franchir les Dardanelles. C'en eft fait du Trône des Ottomans & du Nord entier , ïi le Midi ne cherche pas les moyens d'arrêter ce torrent. Muftapha , fon " Divan, fon Serrai!, fes Janiffai'fes, fes Spahis r fon Miîphti & fes Imans, pourroient bien aller peupler les Déferts de la Sibérie & du Kamchatka , tandis que Catherine , tranfportant à Gonftantinople le fiege de fon Empire, rappellerait'' en Grece les Sciences & les Arts , qui en faifoient autrefois l'Ecole de l'univers.. Comme il n'eft pas bien décidé que cette révolution' fait du goût des PuifTan-ces du Midi de l'Europe, on peut croire qu'elles penfent férieufemenî à la prévenir. Toute la difficulté conMe à deviner la maniéré dont elles- font" convenues de s'y prendre. Leur marche eft fi oblique, qu'il n'eil pas aifé d'en démêler les détours. Les conditions de la force ouverte ou' d&- la médiation font-elles déterminées ? En' ; [ 163 J las que cette derniere ait lieu, fera-t-eile tòt tereffee ou genereufe? Si l'intérêt l'emporte, Jeront les équivalent & les ceffions ré- t-ZTU """ Us BM¥™s (r les Média-fort ' 'r ans ^un & dans £ autre cas, quels en? rrc^r]c~t~0n à là Pologne? Si on lui Jervefon indépendance & fes Domaines, que titre & comment les Troupes Ruffe $ i-ov°/£lr°nt~e^eS * quel moyen réunira-la jiu%Vr,aLS Patriotes avec les Pa, t if ans de traj j ' quand arrivera, la cataf- P e cette cruelle ô- monflrueufe tragédie ? i îer°it trop long d'approfondir tou-m^qUefW ' ^ °n Perdroit aifé-faire affi."5 labyrinthe politique : c'eft tes hr-, u ?PPercevoir ies différen-ruf-A c nc^es- Laiffons aux pallions à dit-çuter le parti de l'intérêt, & le foin d'ar- fonf^ cale"ls arithmétiques. Suppo-deur' confîanc/,e5 une véritable gran-1 1 VU0S ^aêement niefurées fur v emr ? dans la future pacification; & ré- OL1-nS,nos conjechires fur les démarches, non'cerai}v Un P.areil Plan> paroiffent an- triew ldn-e,î?n des Plliirances média-ces , & Jllftlfier l'efpérance que nous concevons. anf u% C"n4n^.que, depuis plus d'un Confédérés^6 ^^le^+chan§ë de to"- Les des rpK n ' ^ n et0ieRt pou]* elle que 0es rebelles, des fanatiques & des ÎU gands, n'ont été enfuite que des ambitieux , dont le reffentiment & l'efprit clé prédomination troubloient l'Etat : ils ne l'ont plus aujourd'hui que des Citoyens qui, lé méprenant à la droiture des intentions de la Paiffie , ont cru devoir prendre les armes. Le changement de fes. Minières à Vario vie , l'alternative de fes menaces & de fes mfinuations, les dif-férens refforts qu'elle a fait jouer pour faire difparoître la Confédération , &£ montrer qu'elle agifîbit de concert avec la République entiere ; enfin, fes Déclarations graduelles, oit, fins dire rien de nouveau, elle lailïe cependant entrevoir qu'elle defire fe rapprocher de la Nation, tout annonce que les Purffances médiatrices font parvenues à lui faire entendre qu'on ne la verroit point avec indifférence fuivre fon premier fyftême. Les Souverains fe permettent bien réciproquement de tromper le public par des Déclarations artificieufes, & de couvrir des apparences de la bonne foi & du défintéreffement, les projets de leur ambition ; mais ils fe connoiffent trop pour fe flatter de fe faire illufion les uns aux autres par de belles paroles. Trop d'ex-* périences les ont mis en garde, & on fe précautionne même contre le nouveau droit de convenance ^ qui voudroit s'accré- [165] diter. Les Cabinets ne traitent point fur le texte des Déclarations publiques. On eli obligé de fe rapprocher du vrai, fur-tout quand la fupériorité des forces ne permet pas de garder le mafque. „ ^ eft donc certain que dans la difcuf- on des faits, la Rulîie n'a pu foutenir la légitimité de fes exploits en Pologne, ^ la juftice de la Légiliation qu'elle a dictée à une République libre, en lui ordonnant , par la garantie, de ne s'en écar-ter jamais, & conféquemment de renoncer à fon droit légiflatif ; mais en faifant 1 aveu de l'irrégularité de fon entreprife, cette PuilTance a pu refufer de le rendre public, & fe réferver le droit de répa' reHe mal qu'elle avoit fait, fans paroître y être forcée, On peut donc fuppofer, comme vraifem-b'able, qlie dans le projet de la pacification , la Rulîie a exigé deux chofes, par rapport à la Pologne : i°. que le Trône relleroit tel qu'il eli fous le Roi a&uel; 2 • que dans les moyens qu'il faudroit prendre pour ramener les efprits à l'unité de lentiniens, &; rétablir la République dans les droits légitimes, on la lailTeroit menager la dignité de fa Couronne, 1 nonneur de fes Minières, , QLlant au refus qu'elle a pu faire de ailier le Trône à la difpofition des Puif- L 3 [ i«6] i'ançes, le Miniftere de Pétersbourg a pv| répondre , que fi FÉleâion s'étoit faite par les ordres de l'Impératrice , il eft au moins certain qu'on a pris foin de la revêtir extérieurement des formalités légales , & que la légitimité en avoit été reconnue par les Pujffances mêmes qui lui propofoient d'en laiffer faire une autre par la Nation. Il pouvoit encore ajouter, qu'en cédant ce point important , dans la pofition où fe trouve aćhiełlement lą Ruffie, non-feulement ce feroit avouer fon impuiflance, & plier fous la néceffité; mais que cet a&e de foibleffe terniroit en-? core fa réputation, en prouvant à l'Eu-, rope que depuis Fou ver tur e de l'interrègne , elle avoit traité arbitrairement une Nation libre, & s'y étoit permis tous les exces que les Confédérés lvii repro-r chent dans leurs Manifelies. Ces motifs d'oppcfition à une Éle&ion nouvelle de la part de la Ruffie, la difficulté que les Puiffances médiatrices ou coopérantes trouvoient à convenir entre elles du Candidat que l'on pourroit fubfti-? tuer au choix que la Ruffie avoit fait faire , & l'embarras des conciliations & des me-? fures qu'un pareil changement rendoit neceilaires, font trois confédérations car pables d'avoir porté les Cours à la con-, defcendançe fur l'objet du T^ône; mk r [167] Comme cette condefcendance doit néce£ rement 5tre confentie par la Turquie, on ne doit la fuppofer que comme un pomt arrêté conditionnellement, &peut- '€tr.c avec des réferves particulières, & T~ a^Lvc$ au confcntement de la Nation. 1 ^ article du Trône a dû être longtemps conteflé & débattu , la maniere e pacifier la Pologne, & de lui rendre on indépendance , telle que fa conftitu-;^gaie la lui affiire , n'étoit pas moins 1 ^ eue a décider ; & on ne voit pas c fixement ce qu'on peut avoir réfolu k ce fujet. Pouf pacifier la Pologne , fans toucher au Trône , il fklloit traiter avec la Na-ion ur les objets de fon mécontente--jneat; mais pour traiter avec elle, il fal-°it 5 ou la reconnoître dans la Confédération gejiérale de Biala , ou la regarder comme divifée, Tant que cette Confédé-jation n'a fait que foutenir la liberté & a Religion de la Patrie, il étoit impof-rzG ne Pas voir en elle la véritable 1 i0p -irUe ' mais dans la fuppofition que 1CS d Uirances laiffoient la Couronne où l/w0 Favoit pofée, comme cette Confédération a déckri le Trône vacant, * ll~7e ne veut voir en elle qu'un parti PP° e a la paix ; & foit conféquence de r COnciiiation fur l'article du Trône , L 4 fl683 ioit politique, les Puifìances médiatrices fufpendent leur jugement. Dès que l'examen des circonfïances générales nous a fait voir les Puiffances difpolées à éviter la guerre, leurs dér marches prouvent leurs conciliations avec la Ruffie, foit pour l'objet du Trône, foit fur les moyens de finir les troubles de la Pologne. La conduite que tient aujour-. cl huila Cour de Pétersbourg, doit nous faire foupçonner qu'elle n'emploie que ceux que les négociations fecretes laiflent à fa difpofitipn ; & nous touchons au moment de connoître le vrai des chofes. En fuppofarit que les apparences ne font point trompeufes, le vrai but de la Déclaration que M. de Saldern vient de donner au nom de fa Souveraine, eft de faire tomber la proclamation de l'inter-regne, & de porter en général la Nation, à finir les troubles qui l'agitent. En ne s'adreffant qu'au Roi, la Ruffie affe&e d'ignorer ou de méprifer les Univerfaux de la Confédération de Biala ; fi elle fait un tableau touchant des maux de la Pologne, elle ne les préfente que comme, une fp&ûatrice qui n'y a aucune part, mais qui ordonne d'y mettre fin. Sans déclarer la Nation divifée , elle fe contente de défigner les Confédérés fous le. nom d'un Parti à qui dc faulfes alląrmes / t - [Ï69] lur les intentions de l'Impératrice ont tait prendre les armes. Enfin , fa politi-, ,e^lement ? ayec foin, d'entrer 01 i p I ^ des Plaintes de la Républi-7e Qes remedes qu'elle confent d'y r.; P er\ C'eft adroitement réferver la P dneation de ces remedes, pour le Ç la pacification, dont on couvre laquelle'onT'S COnditions> & dans la W t' 1 aiira donner aux plaintes de dérok10 1 es cou^eurs convenables, pour dérober les traces de l'oppreffion. tinn 1 lïf 1?efPrit de cette Déclarait i . eniP°tentiaire de la Ruffie fait nrit-ç ern}er.s eff°rts pour raffurer les ef-Lrnî't ramener à la confiance. Il paroit que ne trouvant pas à Varfovie des nS / proPres à accréditer fon Mi. rerT^' tv °bjet PrindPal eft d'y atti-Se c\,QS ^1§nitaires vraiment Patriotes, prendrp Caraaere cher à la Na^n, pour centp< aTe£ eux des mefures auffi décours P efficaces : avec un pareil fede Dom/vV noyvel Ambafladeur fe flatte refneâ:ab]plr f0rmfr . une Confédération relative aux conventions ssScTaTsnaine & les c°iirs fédérât *1 aide d une Pareille Con-confiancT.' a Cr01t P°uvoir rétablir la niffant" n ' 5ue 5, de ^a*a s'j réu-nt' °n reglera légalement, fous cette , [ ]7°']r nouvelle Confédération générale, tous les articles de la future Diete de pacifica* lion. En fuppofant de la bonne foi dans les intentions de la Rufîîe, cet arrangement n'a rien que de raifonnable ; mais le Minière de cette Puiflance eft trop éclairé pour fe flatter de la faire réufîîr par de {impies proteflations de droiture. Cette voie efl, à la vérité, la feule légale pour faire cefler les maux & les défordres de la Pologne ; à moins qu'on ne fe foit dé" terminé à mettre fin à tout militairement, & de faire enfuît e d'autorité ce que l'intérêt des Voilins décidera de cette Répu« blique : mais des démonftrations verbales •d'équité & de bienveillance , accompa-^ gnées du ton de la hauteur & de la menace, n'effaceront jamais dans le cœur cle la Nation l'imprefïion de la féduéfion .& de la crainte, que trop d'événemens y ont profondément gravée, La chofe, au contraire, eft très-aifée? s'il n'y a rien de dangereux pour la Po-» ïogne dans l'intelligence des PuifTances médiatrices avec la Rufîîe; ilfuffit qu'elles fe rendent garantes publiquement, ou •même en fecret, a la Confédération de Biala, qu'en ne touchant point au Trône, łą ïiépublique rentrera dans tous fes ce "f fon indépendance. Tout dans l'È/ 3 fe/aSe' & de refpeûable Ae t>- . tat> & la Confédération même nrv ala ' ne craindront point alors de fe ces P* ur* VOlf ' de conciliation, quand fal„+ . iances.leilr en garantiront l'effet J^utaire ; mais fans l'acceffion de ces ê ouronnes, 1 Ambafladeur de Rufîîe peut iôtd^rw r! à",6 fa Souveraine fera plu, fam engagera a 1 expoler, neuf AfcCau*10n s à la tenue d'une Diete az 1 I0 Plus funef*e & Plus honteufe que la derniere. Après avoir confidéré les Cours du Midi ou n?. ^ a^ernative de la guerre avoir f a H^ciaîion avec la Ruffie, 6c nel ! (îlIe 5 Pai" des raifons perfon- d'llfeS ^latives, elles ont pris le parti o,,»Cr Qe m^nagement ; examinons ce rrn' u Peut conjefturer de la conduite A tlennent ailj0lird'hui. en p/l ^-er' Par ce 5lle ^'on v0**» comme n ^yuque expérimentale, la Maifon de urbon s'intérefîe fans réferve pour la o ^gne ; mais elle concilie fes démar-_ es avec les intérêts particuliers que peut avoir la Maifon d'Autriche. Celi# i ar*«nge eiiiiute en confequence avec ™ ruue, qui fait admirablement fe fer* Tir des avantages que lui donne fa pofî-iion entre ces deux Puiffances. Quant à l'Angleterre, quoiqu'elle ne pa-roiffe pas agir ouvertement, on peut dire que, fans l'appui de la Cour de Londres, jamais la Ruffie n'auroit penfé à envoyer une flotte dans la Méditerranée. Il eiî certain que toutes les réfolutions lui font communiquées ; & que dans les négociations pour la paix, la Cour de Péters-bourg a tout lieu de fe féliciter de l'alliance de la Cour Britannique. D'après la pofition pacifique des principales PuilTances de l'Europe, dont leurs démarches prouvent la certitude, pourquoi l'Autriche arme-t-elle aulli puiffam-ment, tandis que la Prufle refte dans une ina&ion apparente ? Quel eft le but de FAmbaffade du Prince Lobkowitz à Pé-tersbourg , dans le temps précis qu'un nouveau Plénipotentiaire de Ruffie va remplacer le Prince Volkonski à Varfo-vie , fans y porter des paroles de paix } Pourquoi l'Autriche obtient-elle de la Porte la liberté du Minière de Ruffie & de. fa famille, fans demander à la Ruffie la liberté des Sénateurs de Pologne ? Si le parti eft pris de calmer la Pologne, & de rétablir la paix entre la Porte & la Rufïie y pourquoi les hoftilités augmentent-elles en Pologne contre les Confédérés ? Pour-» quoi ny^a-t-il point d'armiftice public entre les l urcs & les Pvuffes ? N'examinons ici que le redoublement des hoftili-4 ^fs. S,°ntre ^es Confédérés ; & laiffons aux Puiffances le fecret de leurs myfteres fuî* tout le refie : fouhaitons feulement que ta Pologne ne foit pas condamnée à eii taire les frais. Pour ne raifonner que d'après notre uppofition prefque vrailemblable, d'une ?°DC1yr*0n P^e*ne ménagement pour a "-u"ie, de la part des Cours médiatrices, 011 Peut rendre compte de la continuation des hoftilités contre la Confédéra-La proclamation de l'interregne en eli ia véritable caufe. Elle intéreffe éga-^uient l'honneur de la Ruffie, & celui du Roi qu'elle a placé fur le Trône; & ce n eft que pour en empêcher les fuites, que e 1 arti du Roi fe joint aux troupes de unie pour diffiper la Confédération, & pas lui donner le temps & la commo-îte de tenir une Diete de convocation. , olt que la Confédération générale ait ait cette proclamation de fon propre mouvement , ou qu'elle y ait été excitée ailleurs, il paroît, par le filence des lrs à ce fujet, qu'elles font convenues *vec la Ruffie de ne pas la foutenir dans [174 ì line démarché de cette nature , 6c qu'elles ont laiffé à cette Puiffance le choix des inoyens qu'elle jugeroit propres à obliger les Confédérés à facrifier au bien de la paix leurs prétentions fur le Trône. Il fe peut auffi caie l'Autriche, en état d'être forcément l'Arbitre de la paix i voit, fans peine, les deux Cours Belligérantes s'épuifer l'une contre l'autre, & la Ruffie employer d'ailleurs une partie de les forces en Pologne. En convenant avec la Cour de Pétersbourg de ne point contribuer au déplacement du Roi, elle a pu lui déclarer en même-temps qu'elle ne vouloit donner aucune atteinte à la liberté de la Nation ; & que le rétabliffement de fon indépendance étant le point effen-tiel de la médiation des Cours pour celui de la paix, o'éîoit à la Ruffie à s'arranger comme elle jugeroit à propos avec la Nation , de maniere à lui faire abandonner légitimement le projet d'une Élection nouvelle. La conduite de l'Autriche jùfqu'à présent rend plus que vraifemblable une pareille Déclaration : elle eft conforme à Fétat des choies, autant que convenable à l'intérêt & à la dignité de cette Puiffance. De quelque façon que les Cours médiatrices aient pu confentir v la continuation Ë 1 ^ 51 0 ! aâuel, elles n'ont pu s'engager à forcer la Nation d'y foufcrire ; ce ieroit «ne contradiffion manifefte dans le plan d une pacification, qui ne doit avoir d'au-- Nation6t qUe 13 lll:>ert® même de cette Une Déclaration de cette nature met la Ruffie dans le cas de fe renfermer dans ImnwT Vme m?d«ratio" = « elle r- w , /e „a orce ^ 'a violence, les Con-œ J0 front certainement fecourus de ™f *?e Pas fuccomber avant l'évé-l,™B"'de la campagne entre les Turcs & es RuiTes. Si le fort des armes fe décla- l P°ur 1:' ia Ruffie doit crain- re que la Confédération ne devienne alors: U maître de fon fort, &qu'Sfe #t ÌS cor'cert avec le vainqueur. che £ f1^0" ftmbiable entre l'Antri-e & la Ruffie rend raifon dg ^ ^ caufeTT P°lltlciues > on y voit la Cor ,l.armement confidérable de la u r* e, »enne, & celle de l'inaûion de r-ncrpllr e " ' en conféquence d'ar- Cours ont partlculiers dont ^s deux c rs ont pu convenir enfemble : on v °we effet de la coopération de la té de îaPD 7 retafififièment de la liber- ficesde PA f6' mrfure d«bonsof-d« 1 Angleterre pour la Ruffie& le C'7«] motif des mouvemens extraordinaires que le nouvel Ambaffadeur de Ruffie fe dorme pour abattre la Confédération générale de Biala, & lui en fubilituer une autre, plus favorable aux vues de fa Cour. Mais fi dans le temps que cet Ambaffadeur envoie contre les Confédérés toutes les forces Ruffes qui font en Pologne , & que le Roi y joint celles qui font à fa difpofition, la Confédération générale n'efl ni fecourue efficacement, ni avertie de renoncer à l'aâe de la vacance du Trône , fous la garantie de fes droits , &C de la liberté de la Nation ; le Machia-velifme peut feul exprimer le fyiłeme qu'on fe propofe de fuivre : un cœur droit fe refufe à en faire la découverte; on n'en voit le développement qu'avec horreur , & en gémiflant fur le fort de l'humanité. Ce qu'il y a de très-affuré, c'efl que nous touchons au moment de l'ouverture d'un théâtre fanglant ou pacifique. Le iort de la Pologne, dans les circon£ tances aćhielles, peut être réglé par la fageffe & l'équité, ou par l'intérêt & l'ambition. Il eft trop douloureux de le prévoir, fi la cupidité ou le caprice dident fon arrêt. L'Egoïfme du fiecle auroit-il conduit [177] conduit les Souverains à n'avoir pouf maxime que celle de Bremus : Malheur Tent P0lir la Rllffie> les ramener^ i,me. atrices contribueront à vifés en PoW La P^f aÌg™ & dp W r•8 Kuliie y apportera nab es ?e,f°^t0UteS les Mités^conve-voiesl/Jl ^ i'0" rentreroit' Par des times, & ils' iu;nr tous fes droits lég>" opranti 1 li. *eroient unanimement garante ; 1 Diffidens n'auroient à fe Plaindre ni de l'État, ni de la Religion regardée16 ' rnK.T.e cor'ffitution ferait tides n .c°mme nulle dans tous les armes qui donnent atteinte aux droits & à la liberté de la République ; l'autorité royale perdroit les moyens d'abufer de fon pouvoir, & la liberté publique ne pourroit dégénérer en licence. Faffe le Ciel qu'une pacification pareille ne foit pas un beau fonge ! F IN. \v> śpi V, Biblioteka GŁÓWNA n WbS Słupsk