Biblioteka Główna AP Słupsk nr inw. : kg - 161468 161487 zs HISTOIRE DES MATHEMATIQUES, Dans laquelle on rend compte de leurs progrès depuis leur origine jufqu’à nos jours; où l’on expofe le tableau & le développement des principales découvertes , les conteftations qu’elles ont fait naître, Sc les principaux traits de la vie des Mathématiciens les plus célébrés. Par M. Montucla 3 de lAcadémie Royale des Sciences & Belles-Lettres de P rufie. Multi pertranfibunt Sc augebitur fcientia. Bacon, A PARIS, Chez C h. A N T. Jombert, Imprimeur-Libraire du Roi pour l’Artillerie & le Génie 3 rue Dauphine, à l’Image Notre-Dame. M. D C C. L y I I I. Avec Approbation & Privilège du Roi, HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES. QUATRIEME PARTIE, Qui comprend VHiftoire de ces Sciences pendant le dix-feptieme fiecle. LIVRE PREMIER, Qui contient les progrès de la Géométrie &: des Mathématiques pures , traitées à la maniéré des Anciens. SOMMAIRE. L Tableau général des découvertes Mathématiques dûes au dix-feptieme flecie. IL Lucas Valerius fait quelque progrès au-delà d Archimede dans la théorie des centres de gravité. S ne llius facilite auJJi par quelques inventions la mefure approchée du cercle. III. Invention des logarithmes parle Baron de Neper. Propriétés & nature de ces nombres. Comment Neper les envifage. Quels font ceux qui l’ontfécondé dans la conflruclion des Tables Tome II. A * -HISTOIRE de logarithmes que nous poffedons. Autres travaux de Neper. Ses inventions 1 rigonométnques , fa Rhabdologie. IV. Kepler propofe dans fa Stéréométrie quelques vues & divers problèmes qui paroif ent avoir influé jur la naiffance des nouvelles méthodes. V. De la méthode de Guldin , application quen fait fon auteur aux problèmes de Kepler. VI. De la Géométrie des indivifibles traits abrégés de la vie de Cavalleri. Explication de fa méthode 3 & fon accord avec celle des Anciens. U]âge qu il en fait pour la rêfolution de quantité de que fions. Découverte de F analogie de la fpirale & de la parabole. VU. La Geometrie s'élève vers ce temps en France à des recherches plus difficiles ; on y confidere les courbes dune maniéré plus générale ; la fpirale logarithmique & la cycloidey prennent naiffance, ou y occupent les Geometres. VIII. Ingénieufe méthode pour les tangentes des courbes imaginée par Roberval 3 & fon analogie avec celle des fluxions. IX. Hifloire de la cy cloide & des démêlés quelle occafionne. Problèmes propofésfur cette courbe par M. Pafcal, & ce qui fe paffie à cette occafion. Propriétés di-verfes foit purement géométriques , foit méchaniques, que les Géomètres ont découvertes dans la cycloide. X. Récit des travaux de divers Géomètres célébrés qui ont cultivé la methode ancienne durant ce pecie. I. P ar mi les fîecles qui ont fucceflivement contribué à l’avancement des Sciences, celui qui vient de s’écouler doit fans doute tenir jufqu’ici le premier rang, 6c cet avantage ne lui fera probablement ravi par aucun de ceux qui le fuivront. Nous fommes bien éloignés de prétendre fixer des bornes x l’efprit humain ; qui fçait quels font les derniers termes de connoiflances où il peut atteindre ? chaque jour ajoute aux découvertes du précédent, 6c ne pas le reconnoître, ce feroit refufer injuftement à plufieurs de nos illuftres contemporains le tribut de louanges qui leur effc dû. Cependant quand on fera attention à l’efïor prodigieux qu’ont pris les Sciences , 6c furtout les Mathématiques dans le dix-feptieme fiecle, il faudra convenir que quelque perfection qu’elles reçoivent des fuivans, une grande partie de la gloire en doit revenir à celui qui a fi heureufement ouvert la carrière- DES M AT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. I. 3 Avant que de faire l’hiftoire particulière des découvertes Mathématiques dues au dix - feptieme fiecle , nous croyons devoir les confidérer quelques momens fous un point de vue général. Quel fpećtacle brillant que celui qu’elles nous pré-lentent ! qu’il eft ravifïant ôc admirable pour un œil philofo-phique! Si nous nous attachons aux Mathématiques pures , nous trouvons d’abord dans les premières années de ce liecle , l’invention ingénieufe 6c plus utile encore des logarithmes ; nous voyons bientôt après une nouvelle Géométrie naître entre les mains de Cav alleri, 6c cultivée par divers autres, s’élever à des recherches fort fupérieures à celles qui occupèrent l’antiquité. Cependant Dejcartes prend une autre route , 6c appliquant l’analyfe à la Géométrie, il donne à la théorie des courbes une étendue 6c une facilité qu’elle n’avoit point encore eues ; il invente diverfes méthodes pour réfoudre par Une voie certaine les plus difficiles problèmes qu’on puifTe pro-pofer dans ce genre. Fermat, fon rival 6c fon contemporain, marche dans la même carrière, 6c propofe auffi des inventions qui font un germe fort développé des nouveaux calculs. JVal-* lls y Barrow, Gregori , enrichiiïent la Géométrie d’une multitude de méthodes nouvelles 6c de découvertes : Rewton enfin donne naiffance à cette fublime Géométrie, pour laquelle ce qui avoit coûté jufque-làtant de peine n’efl plus qu’un jeu, 6C qui eft feule capable de donner accès dans les recherches difficiles dont s’occupent aujourd’hui nos Géomètres 6c nos Phy-fleiens. Si delà nous portons nos regards fur les Mathématiques mixtes , nous ne ferons pas moins fatisfaits de l’accroiflement que nous leur verrons prendre. La Méchanique nous offrira la découverte des loix du mouvement 6c de fa communication , de celles de l’accélération des corps graves, du chemin des projećtiles, de l’action mutuelle 6c du mouvement des fluides. Nous la verrons s’accroître de plufieurs théories profondes , comme celles des centres d’ofcillation , de la réfif-tance des fluides, des forces centrales, 6cc. Les progrès que fait l’Optique pendant le même temps , ne font pas moins brillans; la maniéré dont fe fait la vifîon eft expliquée ; la loi de la réfraction découverte, 6c une nouvelle fcience s’élève fur ce fondement : le Télefeope 6c le Microfcope offrent à la vue des fecours 4 HISTOIRE inconnus à l’antiquité : la caufe du phénomène de l’Arc-en-Ciel eft foumife à la raifon : la lumière eft analylée, 6c la différente réfrangibilité des couleurs eft reconnue : le Télefcope à réfiec-tion elt inventé 6c exécuté avec fuccès. L’Aftronomie enfin nous préfente d’abord la découverte de la vraie forme des orbites que décrivent les planetes, 6c des loix qui préfident à leurs mouvemcns : bientôt après aidés du Télelcope , on voit les Aftronomes s’élancer en quelque forte dans les cicux, 6c y découvrir les taches du foleil ; le mouvement de cet aftre autour de fon axe; les phafes de Venus 6c de Mercure; ces petites planetes qui,, femblables à notre lune, accompagnent Jupiter 6c Saturne avec le fingulier anneau dont celui-ci eft environné, phénomènes qui jettent un grand jour fur le vrai fyftême de l’Univers : la Géographie eft entièrement réformée fur les obfervations : la terre eft mefurée avec une exactitude bien fupérieure à celle des Anciens, 6c fa vraie forme eft reconnue : ce que les obfervations avoient appris à Kepler eft démontré , à l’aide d’une application profonde de la Géométrie 6c de la Méchanique aux mouvemens des corps célef-tes : les Cometes font mifes au rang des planetes 6c leur cours eft fournis au calcul, malgré la rareté de leurs apparitions : la lune, cette planete fi long-temps rebelle à tous les efforts des Aftronomes, reçoit des fers , 6c la caufe de les irrégularités eft dévoilée. On voit enfin fortir des mains de l’immortel Newton un fyftême Phyfico-Aftronomique, chef-d’œuvre de la Géométrie 6c de la Méchanique, 6c qui reçoit de jour a autre une nouvelle confirmation des travaux réunis des Geometres 6c des Obfervateurs. Tel eft le tableau général des Mathématiques durant le dernier fiecle; tableau que nous aurions pu charger de quantité d’autres traits, fi vifant à la brièveté nous ne nous étions pas bornés aux plus intéreffans. PalTons maintenant à préfenter ces différens objets avec le détail qu’ils exigent. Il eft naturel de commencer par la Géométrie, qui porte le flambeau dans ces fciences. Afin d’expofer avec diftinćbion les découvertes nombreufes 6c de divers genres dont elle s’eft accrue, nous en ferons trois parties, qui formeront autant de Livres. Dans celui-ci, il ne fera queftion que de la Géométrie traitée à la maniéré des Anciens , c’eft-à-dire , fans calcul algébrique. Dans le fuivant, nous nous DES MATHEMATIQUES. Patt.Yf.LivX 5 occuperons de la Géométrie de D efcartes s 6c de Panalyfe algébrique. Nous donnerons enfuite quelques Livres au récit des progrès des autres parties des Mathématiques durant la première moitié du dix-fcptieme fiecle ; après quoi revenant à la Géométrie , nous ferons l’hiftoire des nouveaux calculs juf-qu’au commencement de celui-ci. Enfin nous reprendrons celle des autres parties des Mathématiques jufqu’à la même époque. I L La Géométrie fit dès les premières années du dix-feptieme fiecle quelques progrès dignes d’attention au-delà du terme où les Anciens en étoient reftés. Elles les dut au Géomètre Italien Lucas Valerius. Ce Mathématicien s’appercevant qu’Archimede avoit négligé les centres de gravité des folides, & que Corn-mandin , qui avoit tenté d’y fuppléer , n’avoit pu refondre que les cas les plus faciles , s’attacha à porter plus loin cette théorie. Plus heureux, ou plutôt plus doué du génie de l’invention que Commandin , il y réuflit, &: il détermina ces centres dans tous les conoides & fphéroïdes, & leurs fegmens retranchés par des plans parallèles à la bafe ; il publia ces vérités intéref-lantes, je'dirai même difficiles pour fon temps , en 1 (304, dans fon Livre de Centro Gravitatis Solidorum. Lucas Valerius nous a laide un autre monument de fon génie , dans une quadrature de la parabole , différente pour les moyens de celles qu’Archimede avoit autrefois données : on la trouve à la fuite de l’ouvrage dont on vient de parler. Ce Géomètre edimable étoit Profedeur de Mathématiques à Rome ; c’eft tout ce que nous en fçavons ; &, nous l’avouerons , furchar-gés de matière nous n’avons pas cherché à prendre une con-noidànce plus approfondie de ce qui le concerne. Nous placerons encore ici un Géomètre qui perfectionna en quelques points une des découvertes & Archimede ; c’eft Snel-lius, dont le nom eft célébré par fa mefure de la terre fa découverte de la loi de la réfraction. Pour prendre une idée de fon travail , il faut fe rappeller qu Archimede avoit trouvé fon rapport fameux du diametre à la circonférence du cercle , par le moyen de deux polygones, l’un infcrit ,• l’autre circonfcrit , & chacun de 192 côtés. Ludolph doublant continuellement le Lucas Vais rius. Snsllittsr ‘ 6 a HISTOIRE nombre des cotés de ces polygones, étoit parvenu à un rapport exprimé en 3 5 chiffres , dont le dernier feul étoit inexaéf, ôc ne différoit du vrai que de moins d’une unité. Ce procédé parut exceffivement laborieux à Snellius, 6c ce motif lui en fît chercher un autre moins prolixe. Il trouva en effet deux théorèmes (a) par lefquels les cotés de deux polygones femblables, l’un infcrit, l’autre circonfcrit, étant donnés, on détermine des limites du cercle beaucoup plus refferrées que par cespolygones traités à la maniéré ordinaire. Un exemple va faire fentir ceci, Tandis qu’ Archimede ne trouve fon rapport de 7 à 2 2, ou de 100 à 314, que par le moyen de fes polygones de 192 cotés, Snellius y parvient en employant deux exagones, 6c il furpaffe du double le Géomètre ancien en fe fervant de deux polygones de 180 cotés. Il vérifie de même le rapport de Ludolph avec un polygone qui n’auroit donné à celui-ci que la moitié autant de chiffres vrais. Il y a dans cet écrit de Snellius, qui eft intitulé Cyclometricus, plufieurs autres chofes remarquables ; mais nous nous hâtons de paffer ces objets, pour arriver aux grandes dé* couvertes qui ont eu des fuites fi heureufes pour le progrès de la Géométrie. I I I. Invention des Une ces découvertes , 6c la première qui illuftre le fiecle logarithmes, pafl'é , eft celle des logarithmes, de ces nombres qui, outre l’avantage qu’ils ont de diminuer extrêmement la longueur 6c l’embarras des calculs, ont des ufages fi fréquens jufques dans la Géométrie tranfeendante. Cette belle découverte eft l’ouvrage du Baron de Neper, Ecoffois ( b ), qu’elle immortalife à jufte titre. Entrons dans des détails proportionnés à l’importance de cet objet. l'arc B G. Mais il eft facile de trouver la grandeur de la tangente B H, & à l’égard de la fécondé B I , on fait voir qu’elle eft égale au double du finus du tiers de l’arc , plus une fois la tangente de ce tiers. Ainfî un arc quelconque étant donné , on peut facilement trouver des limites de fa grandeur fort rapprochées. {b) Jean Neper, Baron de Merchiftoti en Ecofte, mort en 1618. (a) Le premier de ces théorèmes eft celui-ci. Si l'on prolonge le diametre d'un demi-cercle en E, de forte que AE foit égal au rayon y & que par un point quelconque G , on tire E G H, la partie de la tangente qu elle retranche , fçavoir B H eft moindre que l'arc BG, mais elle en diffère d'autant moins que cet arc ejl plus petit. Voici le fécond : Si du même point G , on tire F G I, de maniéré que D F foit égale au rayon , la portion de tangente B X eft plus grande que ; DES M AT HÉM AT IQ U E S. Part. IV. Liv. I. 7 Les logarithmes font des nombres difpofés en table à coté de ceux de la progreffion naturelle , de qui font tels que toutes les fois que dans celle-ci on prend des nombres géométriquement proportionnels, ceux qui leur répondent dans la table des logarithmes font en proportion arithmétique. Faifons ufage de cette propriété fans nous embarrafler de quelle maniéré on eft parvenu à conftruire cette table , de nous verrons facilement s’en déduire tous les avantages qui rendent les logarithmes Ci utiles de Ci précieux aux Mathématiciens. Lorfqu’on cherche le quatrième terme d’une proportion géométrique , on le trouve en multipliant le fécond par le troifieme, de divifant le produit par le premier. Au contraire dans la proportion arithmétique, la fomme du fécond de du troifieme diminuée du premier, eft le quatrième. Lors donc qu’on aura à trouver une quatrième proportionnelle à des nombres prolixes , il fuffira d’ajouter les logarithmes du fécond de du troifieme , de d’oter de leur fomme celui du premier , le reftant fera le logarithme du quatrième ; de forte qu’en le cherchant dans la table on trouvera à fon coté le produit demandé. Ces abrégés de calcul s’étendent aux (impies multiplications de divifions ; car perfonne n’ignore que lorf-qu’-on multiplie deux nombres, c’eft la même chofe que fl l’on faifoit une regle de proportion dont le premier terme fut l’unité, &e les moyens , les deux nombres à multiplier. Ainfi il faudra ajouter les logarithmes des nombres à multiplier, de en ôter celui de l’unité , le reftant fera le logarithme du produit. Dans la divifion , le divifeur eft au dividende comme l’unité au quotient ; il faudra donc ajouter enfemble les logarithmes de l’imité de du dividende, de ôter de leur fomme celui du divifeur , le refte fera celui du quotient. Tout ceci fera même encore plus (impie, fi en conftruifant les tables on a fait enforte que le logarithme de l’unité fût o , ce qui eft dans les tables ordinaires. Alors la multiplication fe réduira à une (impie addition des logarithmes des nombres à multiplier, de la division à une fouftra&ion du logarithme du divifeur de celui du dividende : dans l’un de l’autre cas ce qui réfultera fera le logarithme du produit ou du quotient. L’extraéfcion des racines, ou la formation des puiffances, reçoit également de grandes facilités de l’invention des logarithmes : car le cube d'un Fig. z, 8 HISTOIRE nombre, par exemple , eft la troifieme des proportionnelles continues à l’unité & à ce nombre ; 6c en général la puiflance n d’un nombre eft la continue proportionnelle à l’unité 6c à ce nombre, dont le rang eft défigné par n. C’eft pourquoi, les logarithmes des quantités géométriquement proportionnelles étant en proportion arithmétique , 6c celui de l’unité étant Zero, le logarithme du quarré fera double de celui du nombre, celui du cube fera triple, 6cc. 6c enfin le logarithme de la puif-fance n fera le logarithme du nombre , multiplié par n. Ainfi le logarithme de la racine cube d’un nombre fera le tiers du logarithme de ce nombre ; 6c enfin celui de la racine n d’un nombre fera le logarithme de ce nombre, divifé par n. Telle eft la nature des logarithmes: il nous faut maintenant expofer de quelle maniéré Neper les envifagea pour la première fois. Outre que notre hiftoire l’exige, nous le faifons d’autant plus volontiers, qu’il y a une certaine analogie entre les idées du Géomètre Ecoffois , 6c la maniéré dont Newton a envifagé fon calcul des fluxions. Imaginons avec Neper un point fe mouvoir le long de la ligne indéfinie PAE, avec une vîtefie tellement tempérée, qu’elle foit toujours proportionnelle à la diftance de ce point au terme fixe P. Cette fuppofition eft facile à entendre : le mobile à une diftance double de P, aura une vîtefie double ; à une diftance moindre de moitié , cette vîtefie ne fera que la moitié de la première , 6cc. Ainfi cette vîtefie ne fera la même dans aucun point de la ligne P AE, mais toujours plus grande ou moindre à proportion que le mobile fera plus loin, ou plus près de P. Or il eft facile de démontrer que fi P A, P B, PC, font en progreftion continue, AB,BC,CD le feront auflï, 6c que ces efpaces feront parcourus dans des temps égaux. Suppofons maintenant que V foit la vîtefie du mobile quand il eft en A, 6c qu’en vertu de cette vîtefie confervée fans augmentation ni diminution, un autre mobile partant du point A', eût parcouru l’efpace A/B/ fur la ligne indéfinie A'F', dans le même temps que le premier a parcouru AB. Nous aurons de cette maniéré deux points, dont l’un fera porté d’un mouvement continuellement accéléré de A vers E, ou retardé de A vers e, 6c l’autre d’un mouvement uniforme DES MATHEMATIQUES. Pan.IV.Liv. I. 9 de A7 vers E7, ou c. Ainfi pendant que AB, B C, CD, DE, ôec. feront continûment proportionnelles, AB7, B7 C7, C7D7* ôcc. feront égales , 6c pendant que PB,PC,PB,PE, 6éc. croîtront géométriquement A7 B7, A7C7, A7D7, 6cc. croîtront arithmétiquement. C’eft pourquoi A7B7, A7C7, 6cc. feront les logarithmes de P B, PC, ôcc. refpeéfcivement. Enfin le logarithme d’une quantité quelconque PS, fera la ligne A7 S7 parcourue depuis le terme A7 d’un mouvement uniforme, pendant que  S l’a été d’un mouvement accéléré. De cette idée il eft facile de déduire toutes les propriétés des logarithmes ÿ mais comme ce détail intérefïant pour les Géomètres, ôc même néceflaire pour ceux qui afpirent à quelque chofe de plus que l’élémentaire de cette théorie, fatigueroit peut-être d’autres leéteurs , nous le renvoyons à une note que ceux-ci pourront omettre. (a) (a) Voici quelques-unes des propriétés des logarithmes développées à la maniéré de Neper. i°. Si A & A' font les termes d’où les deux mobiles, l’un mu d’un mouvement accéléré ou retardé , l’autre d’un mouvement uniforme , partent enfemble, le logarithme de P A fera zero. Car lorsque le premier mobile eft en A, le fécond n’a encore parcouru aucun elpace. z°. Si les logarithmes des quantités P A, P B, P C , &c. font pris positivement, ceux des quantités décroiffantes, P b , P c , &c. comme A' b', A' d, &c. feront négatifs. Car afin que A' C', A' B', o, A' A', A' c\ foient en progrellîon arithmétique, tandis que P C, P B , P A , P b , P c, &c. font géométriquement proportionnels , il faut que A' b\ A' c' foient pris négativement. Ainfi fi le logarithme de l’unité ou P A eft zero, & ceux des nombres naturels, pofitifs, ceux des fraétions moindres que l’unité feront négatifs. Le logarithme de f, fera le même que celui de z , mais pris négativement ; celui de j, le même que celui de 3 j &c. Au refte, rien n’empêche qu’on ne fa {le pofitifs les logarithmes des nombres décroitfans & moindres que PA; mais alors ceux des nombres plus grands que P A feroient négatifs. 3 °- H eft vifible que le logarithme d’une rajfon quelconque ^ par exemple, dePCà I B, fera celui de P C moins celui de P B, Tome 11. c’eft-à-dire , B C ou A B. Mais le Iogarith-* me du rapport de P E à P B , qui eft triplée de la première , fera par la même rai-fon B E ou 3 A B , ce qui montre que les logarithmes font les mefures des raifons , ou qu’ils font autant & femblablement multiples les uns des autres que les raifons qui leur répondent font multipliées les unes des autres. Delà leur vient le nom de logarithmes , comme qui diroit, qui nu-merant rationem. 4°. Il peut y avoir autant de fyftêmeS' de logarithmes qu’on peut alligner de valeurs différentes a la raifon de P A à P B , & à A' B'. Car fi P A = 1, & P B = 10 , 8c A' B/ = 1 , ou 1.000000, on aura nos logarithmes ordinaires des tables deBriggs, Ulacq, Scc. Mais rien n’oblige à cette fup-pofition , on pourroit donner à A'B' telle autre valeur qu’on voudrait, & alors tous les logarithmes de ce nouveau fyftême feroient aux correlpondans du précédent, comme cette valeur à l’autre. j-°. La maniéré dont Neper calculoit fos logarithmes , fuit naturellement de celle dont il les concevoit. Pour trouver l’elpace A' B' parcouru d’un mouvement uniforme pendant que A B l’étoit d’un mouvement accéléré, il fuppofoit entre P A & P B, un fi grand nombre de proportionnelles continues , que l’excès de P a la plus voifine de PA fur celle-ci, c’eft-à-dire Aa, fût B io HISTOIRE La maniéré donc Neper conçoit fes logarithmes , Se dont il décrit leur génération , le met a l’abri de l’imputation de n’avoir fait que perfećtionner l’idée d’un Arithméticien Allemand ( Michel Stifels ), qui les avoit entrevus au milieu du fiecle précédent. En effet, ce Mathématicien dans fon Arithm, integra , compare les deux progreffions , la géométrique &C l’arithmétique , comme on le voit ci-deilous, i. 2. 4. S. 16. 32. 6ą, 128. &:c. O. I. 2. 3. 4. 5. 6. 7. èCC. &C il fait la remarque fondamentale de la théorie des logarithmes ; fçavoir que h l’on ajoute enfemble deux termes de la progrellion arithmétique, comme 3 Se 5 , qui répondent à 4 &c 32 , il en réfultera un nouveau terme * comme ici 7, qui répondra au produit de 4 Se 32. Mais cette remarque refta ftérile entre fes mains, Se quoiqu’il dife qu’il fupprime à regret di-verfes autres propriétés de ces progreffions comparées , ce fe-roit fort gratuitement qu’on lui attribueroit une idée plus développée des logarithmes. Kepler dit auffi que Jufle-Byrge, un des Aftronomes du Landgrave de Hefte, avoit autrefois imaginé les logarithmes. Mais foit que Byrge ait eu vraiment cette idée, foit que Kepler, porté d’un amour national , ait vu dans les écrits de ce Mathématicien plus qu’il n’y avoit réellement, cela ne fait aucun tort à Ńeper. Car on fçait par le témoignage de comme infiniment petite, ou exprimée par une fraction décimale, commeo, ooooooi. Or dans ce cas l’elpace A a peut-être cenfé parcouru d’un mouvement uniforme , de forte que Neper prit a A lui-même pour lê logarithme de P a. Puis il trouvoit par l’ë calcul, qu’entre P A l’unité & P B , il y avoit 6931471 de ces proportions continues , & qu’entre x & i o , il y en avoit 13 oz f 8 )-©. C’eft pourquoi, fuivSnt la théorie ci - défi us , il multiplia A a ou o. 0000001 par les nombres 6931471 8c 23023830 , 8c il eut o. 6931472 pour Je logarithme de z , & i. 3015-8 j-opour celui de xo- Mais il n’y a aucune nécefîité de prendre A a pour le logarithme de la raifon de PAàPrf» Tout multiple ou fous-multiple de A a le pourroit être également, & alors tous les autres logarithmes feroient augmentés ou diminués proportionnellement. Nos tables ordinaires, par exemple , font conftruites comme fi au lieu de A a, on n’en eût pris qu’un peu moins de la moitié, ou la o. 4 3 419-94* partie. Car en faifant cette fuppofition , on rencontre l’unité pour le logarithme de 10. Ainfi nos logarithmes ordinaires font à ceux de Neper dans le rapport de o. 4341994 à 1 , ou cc qui eft la même chofe , dans celui de 1. à 2. 302 f 8 j-o 5 c’eft pourquoi en multipliant les logarithmes ordinaires par 2. 302;8yo, on les réduit à ceux de Neper , ou an contraire divifant ceux-ci par 2. 3023, &c. ou les multipliant par o. 4342994-, on a ceux dont nous nous forvons vulgairement,. DES MATHÉMATIQUES. Part. IV. Liv.I. n Kepler même, que cette découverte ne vit jamais le jour.. A l’égard de Longomontanus , à qui on a aufft attribué l’invention des logarithmes (a), cela eft fans fondement. Cet cet Aftronome qui ne mourut qu’en 1647, ne s’étant jamais avifé de réclamer fes droits fur elle, ce doit être une preuve fuffifante qu’il n’en eut jamais aucun. Neper publia fa découverte en 1614 dans fon Livre intitulé: Mirifici logarithmorum canonis defcriptio. Il y donnoit une Table des logarithmes des ftnus pour tous les degrés de minutes du quart de cercle ; mais elle avoit quelques particularités en quoi elle difteroit de celles que nous employons aujourd’hui. Premièrement Neper remarquant que le ftnus total étoit le plus fou vent un des termes de la proportion à laquelle fe réduifent les réfolutions des triangles, avoit fait le logarithme du ftnus total égal à o , afin d’éviter une opération dans tous ces cas. En fécond lieu, fes logarithmes différoient de ceux que préfentent nos tables ordinaires, en ce que dans celles-ci le logarithme de 10 eft l’imité ou 1. 000000. de dans celle de Neper c’étoit 2. 3025850; ce qui fuivoit de fa maniéré de les conftruire que nous avons expofée dans la note ci-dciïus. Mais il réfultoit de Tune & de l’autre de ces fuppoft-tions quelques inconveniens qui le frappèrent, de qui l’engagèrent bientôt après à donner une autre forme à fes logarithmes. C’eft ce qu’il propofe dans un écrit pofthume intitulé , Appendix de logarithmorum pmfiantiori ufu, que fon fils publia en donnant une nouvelle édition de l’ouvrage précédent. Neper fuppofe dans cet appendix , comme nous le faifons aujourd’hui, le logarithme de l’unité égal à o, celui de 10 à 1. cooooo. celui de 100 à 2. 000000. celui de 1000 à 3. 0000000 ; de ainfi de fuite. Par-là le logarithme du ftnus total qu’on fuppofe l’unité fuivie de dix zéros, eft 10. 000000. Cette nouvelle fuppofition remédie à tous les inconveniens de la première, de en réunit tous les avantages avec divers autres qu’il feroit trop long de déduire ici. Tous les logarithmes des ftnus, tangentes de fécantes, font pofttifs, de il n’y a de logarithmes négatifs que ceux des fractions proprement dites ou moindres que l’unité ; quant à l’addition de la (a) Suppl, au Did. de Bayle, par M. delà Chauffep'U, au mot Henri Briggs. B ij ii HISTOIRE fouftraétion fréquente du logarithme du finus total, elle n’a rien de laborieux, puifque ce logarithme eft tout compofé de zéros hors le premier chiffre qui eft même Punite. On n’a cependant pas entièrement rejette la forme des logarith^ mes de Neper pour les nombres naturels. Ils ont leur ufage dans la Géométrie tranfcendante : car ils repréfentent les aires de l’hyperbole équilatere entre les afymptotes , l’unité étant la valeur du côté du quarré infcrit ; c’eft pourquoi on les nomme hyperboliques. Ce n’eft pas que les autres logarithmes ne repréfentent aufîi des aires hyperboliques , mais elles appartiennent à des hyperboles entre des afymptotes obliques l’une à l’autre , 6c l’hyperbole équilatere étant comme la principale entre toutes les autres , a donné le nom aux logarithmes de Neper. Nous nous bornons ici à ce peu de mots fur l’analogie des logarithmes avec les aires hyperboliques , parce que nous aurons occafion ailleurs de la développer davantage. Neper eut à peine la fatisfaCtion d’être témoin de l’accueil que fa découverte reçut des Mathématiciens, 6c le temps de la perfectionner comme il défiroit. Il mourut en 1618 ; mais il eut dans Henri Briggs un fuccefïeur qui entra parfaitement dans fes vues. Neper n’eut pas plutôt publié fon ouvrage , que ce ProfefTeur d’Oxford l’alla trouver à Edimbourg pour conférer avec lui fur cette matière. Il y fit même divers voyages, 6c il y étoit lorfque Neper mourut. Celui-ci lui fit part du projet qu’il avoit formé de changer ,1a forme de fes logarithmes , 6c lui en recommanda l’exécution avec inftance. Briggs en fentit l’utilité , 6c il ne tarda pas de mettre la main à l’œuvre. Il entreprit fur ce nouveau plan deux immenfes Tables, l’une qui devoit contenir tous les logarithmes des nombres naturels depuis l’unité jufqu’à i ooooo, l’autre ceux des finus 6c tangentes pour tous les degrés 6c centièmes de degrés du quart de cercle. Ce zélé Calculateur exécuta une partie de ces projets. Il publia à Londres en 1624, les logarithmes des nombres naturels depuis l’unité jufqu’à 20000,6c depuis 90000 jufq u’à 101000. Ils y font calculés jufquà 14 chiffres.. Cet ouvrage intitulé, Arithmetica logarithmica, (injol. ) contient aufîi une fçavante introduction , où la théorie 6c I’ufage de ces nombres font amplement développés. A l’égard de la. DES MATHÉMATIQUES.Part. IV. Liv. I. 13 fécondé Table, Briggs l’avoit allez avancée, mais la more le prévint, 5c l’empêcha de l’achever. Henri GelLibrand y mit la derniere main , 5c la publia en 1630, fous le titre de Tńgonometria Britannica. ( in fol. ) L’invention des logarithmes ne fut pas moins accueillie dans le continent. Kepler en fentit le premier tout le mérite. Il publia en 1624(0) Lm ouvrage fur ce fujet; 5c comme il travailloit alors à la conftruétion de fes Tables Rudolphines, il y introduifit le calcul logarithmique. Benjamin Urfinus , Mathématicien de l’Eleéteur de Brandebourg , calcula des Tables de finus avec leurs logarithmes, pour tous les arcs croiflans de 10 en 10 fécondés, jufqu’au quart de cercle. Mais , de même que Kepler, il s’en tint à la première idée du Mathématicien EcofTois ; ce qui rend aujourd’hui fon travail peu utile. Adrien Ulacq, dont les petites Tables ont eu un grand nombre d’éditions , eft après Neper 5c Briggs , celui à qui nous avons le plus d’obligation dans ce genre. Per-fonne ne les féconda avec autant de zele que ce Calculateur des Pays-Bas. Inftruit de la découverte de Neper par un exemplaire de l’ouvrage de Briggs , il fe mit aufîitôt à travailler fur le même plan , 5c à fuppléer à ce que celui-ci avoit laifTé imparfait. Il remplit la lacune qui fe trouvoit entre 10000 5c 90000, comme Briggs l’swoit recommandé, 5c il fhpputa les logarithmes pour les finus, tangentes 5c fécan-tes du quart de cercle, en les réduifant à 10 chiffres. Cette importante addition à l’ouvrage de Briggs parut dans la-nouvelle édition de 1’Arithmetica logarithmica , que donna Ulacq en 1628. Il ne s’en tint pas là: il s’engagea bientôt dans une entreprife plus confidérable , en étendant fes Tables jufqu’aux finus, tangentes 5c fécantes, 5c leurs logarithmes de 10 en 10 fécondés. Ces nouvelles 5c amples Tables furent publiées en 163 3 , avec les logarithmes des nombres naturels depuis l’unité jufqu’à 20000. Depuis ce temps une multitude d’Auteurs, entr’autres ceux de Trigonométrie, ont traité des logarithmes , 5c en ont donné des Tables. L’énumération en feroit longue 5c ennuieufe: c’eft: pourquoi je crois devoir *ïfen difpenfer. Il eft facile de fentir que le mérite efïcntiei (a) Chilias logarithmorum, cum ipforum dem. & ufu. Linzii 1624. Supplcm. ad, chil» logantk. ibid. 162 y. in-40. Ces ouvrages fout aujourd’hui entièrement inutiles. i4 HISTOIRE des ouvrages de cette forte confifte dans l’exa&icude & une parfaite corre&ion. Les Tables qui ont aujourd’hui le plus de réputation pour l’étendue & pour ces qualités fi néceffaires , font celles de Gardiner { in 40. ) Celles de Sherwin imprimées à Londres en 1705 , ( in-od. ) fous le titre de Tables Mathématiques, méritent aufli d’être recommandées, à caufe des commodités quelles préfentent pour le calcul des logarithmes des plus grands nombres. Au défaut de ces Tables', celles que nous croyons mériter le plus l’accueil des Aftronomes de des Trigonometres , font celles de M. Depar-çieux. L’invention des logarithmes a donné naiftance à une courbe célébré depuis ce temps parmi les Géomètres, 6c qu’on nomme FiS- 3 • la logarithmique : en voici la nature.Sur les points A,B,C,D,&:c. à égales diftances foient élevées les perpendiculaires Aa3 Bbs &c. en proportion géométrique continue : la courbe qui paffera par les extrémités de toutes ces proportionnelles , ôc par celles de toutes les autres moyennes en nombre infini, qu’on pourroit inférer entr’elles, eft celle dont nous parlons. Il eft évident que cette courbe repréfentera les logarithmes par les fegmens de fon axe: fi A a, par exemple , eft l’unité, ï'f= 1, Gg = 3 , ôc que le logarithme de 1’unité foit zero, AF, AG, feront les logarithmes de 1, 3 , dcc. &: AB, AC, AD, êec, feront ceux de B b9 Cc, D d, &cc ; de même AO, AP, feront les logarithmes des nombres repréfentés par O o, P p, &c , moindres que l’unité ; c’eft pourquoi ces logarithmes feront négatifs. Car les abeilles étant prifes pofi-tivement du côté de G, elles font réputées négatives du côté oppofé. La premierę idée de cette courbe eft due, à ce que j’ai lu quelque part, à Edmund Gunther, Mathématicien Ânglois, contemporain de Briggs : mais je n’ai pu recouvrer fon écrit pour fçavoir quel ufage il en faifoit. Elle a excité la curiofité des Analiftes modernes qui y ont découvert des propriétés fort remarquables ; par exemple que fa fous-tangente eft une ligne confiante, c’eft-à-dire que dans quelque endroit quelle foit touchée, l’intervalle entre l’endroit ou la tangente rencontre l’axe , &: l’ordonnée abaiffée du point de contaôb comme G i ou Al, eft le même ; que l’ef-pace prolongé à l’infini du coté où elle s’approche de fon DES MATHÉMATIQUE S. Part. IV. Liv.l. 15 afymptote, eft fini ^ &c. La confidération de cette courbe jette une grande lumière fur la nature & les propriétés des logarithmes. C’eft par ce motif que M. Keil ^ quittant la route frayée par les écrivains ordinaires fur cette théorie, a fait fuivre fon édition des Elémens d’Euclide d’un petit Traité intitulé : de Naturâ & Arithmetica logarithmorum où il développe les propriétés de ces nombres par le moyen de la logarithmique qu’il emploie aufîi à la folution de quelques problèmes curieux. A l’égard de la conftrućtion des logarithmes fi laborieufe par la voie ordinaire , elle a été extrêmement facilitée par les nouveaux calculs. Des Géomètres du premier ordre , MM. Gregori , Mercator , Newton , Hallei ont donné diverfes méthodes de plus en plus commodes pour les trouver. M. Hallei furtout a donné pour cet effet ( tranf. phil. 1695. ) une fuite fi convergente, qu’un très-petit nombre de termes fuffit pour trouver les logarithmes de Neper jufqu’au vingtième chiffre. Nous invitons le Leéteur à confulter l’endroit cité. Revenons à Nepćr. C’eft principalement de la découverte des logarithmes que Neper tire fa célébrité ; nous ne croyons cependant pas devoir paffer fous filence quelques autres inventions qu’on lui doit, quoique moins brillantes & d’une utilité moins uni-verfelle. Telles font diverfes nouvelles méthodes de réfolution imaginées dans la vue de fimplifier la Trigonométrie fphé-rique. Parmi ces inventions nous remarquons furtout une-regle pour la réfolution des triangles fphériques rectangles , qui au jugement de tous ceux qui la connoiflènt, eft extrêmement ingénieufe & commode. En effet ceux qui pratiquent la Trigonométrie fphérique , fçavent qu’on peut propofer feize cas differens fur les triangles rectangles , oc que de ces feize cas il y en a au moins douze dont la folution ne fe pïéfente pas facilement ; de forte que les Auteurs qui ont écrit fur Ce fujet, ont été obligés pour foulager la mémoire, d’en dreffer une Table qu’on puiffe confulter au befoin. La regle de Neper réduit tous ces cas. à une feule regle en deux parties , qui eft fort propre par fon élégance à s’imprimer profondément dans la mémoire. Auffi les Trigonometres Anglois ne manquent-ils point d’en faire un grand ufage, êc je ne fçaurois diîfimuler ma furprife de n’en trouver aucune Problèmes <5* nouvelles vues de Kepler, 16 HISTOIRE trace dans divers Traités François de Trigonométrie qui ont paru depuis peu d’années, & qui méritent d’ailleurs tout-àTait l’accueil du public. Comme cette regle eft fort bien cxpofée dans le Cours de Mathématiques de M. Wolj\ Livre afTez répandu , nous nous contenterons d’inviter les Trigonometres à l’y rechercher. . . • On a encore un monument du génie de Neper, dans fa Rhabdologie, (a) ouvrage qu’il publia en 1617. L’objet qu’il s’y eft propofé , a été de faciliter les multiplications ôi les df vidons des grands nombres d’une autre maniéré que parles logarithmes. Il 1 exécute par le moyen de certaines petites baguettes qui portent neuf cafés divifées en deux par une. diagonale tirée de gauche à droite, de haut en bas.; Dans.ces cafés font fucceffivement écrits les neuf multiples du premier nombre que chaque baguette porte en tête , le chiffre des di-xaines étant dans le triangle d’en bas. Cette préparation faite il n’y a prefque qu’à ranger ces baguettes les unes à côté des autres , de maniéré quelles portent en tête le nombre à multiplier; & l’on trouve dans les rangs horizontaux chacun des produits partiaux prefque tout fait, de forte qu’on n’a que la peine de les tranferire de les ajouter pour avoir le produit total. Cette invention eft aiïez commode pour la multiplication , mais il eft bon de remarquer qu’elle n’abrege pas fenfl-blement la divilion ; Sc l’on ne doit guere la regarder que comme une curiolité Mathématique. Je doute qu’aucun Arithméticien l’ait jamais pratiquée autrement que par forme d’amu-fement, I Y. Tandis que Neper publioit en Angleterre fon ingénieufe invention des logarithmes , l’Allemagne donnoit naiffance aux premiers germes de la nouvelle Géométrie qu’on vit éclorre quelques années après entre les mains de Cavalleri. Nous les trouvons dans un ouvrage de Kepler. Quoique cet homme célébré ne fe foit adonné qu’en paftant à la Géométrie, ôc que par cette raifon il n’y ait pas fait des découvertes (a) M. Rauflain a perfectionné en quel- mie Royale des Sciences , qui l’a jugé di-ques points les bâtons de Neper , & il a gne qu’il en fût fait mention dans fon hif-donné fur ce fujet un Mémoire à l’Açadé- toire. Voyc{ Mem. de V Acad. 1758. remarquables, I D E S M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. I. i7 remarquables, on ne peut cependant lui refufer d’y avoir montré quelques étincelles de ce génie qu’on voit briller dans Tes autres écrits. Sa Stereometria doliorum , ( Lintz 161$. infol. ) nous préfente des vues qui parodient avoir beaucoup influé fur cette révolution qu’a éprouvé la Géométrie. Il ofa le premier introduire dans le langage ordinaire, le nom de l’idée de l’infini. Le cercle n’eft, dit-il que le compofé d’une infinité de triangles, dont les fommets font au centre , de les bafes forment la circonférence. Le cône eft: compofé d’une infinité de pyramides appuyées fur les triangles infiniment petits de fa bafe circulaire , de ayant leur fommet commun avec celui du cône, tandis que le cylindre de même bafe de même hauteur , eft formé d’un pareil nombre de petits prifmes fur les mêmes bafes , de ayant même hauteur qu’elles. A l’aide de ces notions fous lefquellcs ces grandeurs fe préfenterent fans doute aux Géomètres de l’antiquité, mais qu’ils n’ofe-rent employer de crainte de blefler la délicateiïe de leurs contemporains ; à l’aide de ces notions , dis-je Kepler dé-montroit d’une maniéré directe de très-claire, les vérités qui exigeoient chez les Anciens des détours fi finguliers de fl difficiles à fuivre. Kepler ouvroit dans ce même Livre un vafte champ de fpé* culation. Portant fes vues au-delà de celles & Archimede , il fe formoit une multitude de nouveaux corps dont il recherchoit la folidité, de qu’il préfentoit aux Géomètres comme un objet digne de les occuper. Archimede n’avoit formé fes conoïdes de fes fphéroïdes , qu’en faifant tourner les feétions coniques autour de leur axe ; encore n’avoit-il fait aucune attention à celui qu’engendreroit l’hyperbole en tournant autour de fon axe conjugué. Kepler faifoit naître les fiens de la circonvolution des feôtions coniques autour d’un diametre quelconque, de leur ordonnée , de leur tangente au fommet , ou enfin d’une ligne prife au dehors de fa courbe. Enumération faite, il en trouvoit quatre-vingt-dix, outre ceux qu’Archimede avoit confidérés , de il leur donnoit des noms tirés pour la plupart de leur reflemblance avec quelques-uns de nos fruits. Il eût tffieux valu fupprimer ces dénominations le plus fouvent fort voifines de la puérilité. Il eft vrai, de nous ne devons pas le diffimuler, que Kepler Tome IL Q lél 18 HISTOIRE ne réfoîvoit que les plus aifés de ces problèmes. Parmi ceux dont il fe tire heureufement, le feul où il y ait quelque difficulté , eft celui où il s’agit de mefurer le folide formé par un fegment de cercle ou d’ellipfe tournant autour de fa corde. Il le développoit en un autre corps formé en coin , 6c dont nous donnerons une idée de cette maniéré. Qu’on imagine fur le fegment propofé un cylindre droit , 6c que ce cylindre foit coupé par un plan pallant par la corde du fegment, de telle Fig. 4• forte que la fléché D E foit à la hauteur C E , comme le rayon à la circonférence. C’eft ici que Kepler ç,mployoit un procédé fort relïemblant à celui de la méthode des indivifibles. 11 dé-montroit l’égalité de ce folide avec celui que formoit le fegment tournant autour de fa corde, parce qu’en les coupant l’un 6c l’autre par un même plan perpendiculaire à l’axe commun , la feétion circulaire de l’un eft toujours égale au triangle qui eft la fection de l’autre : cela étant démontré, pour trouver ce dernier folide , il fuppofoit qu’il étoit la partie fu-périeure d’un autre formé de la même maniéré fur le demi-cercle ou la demi-ellipfe 6c qui étoit connu étant égal à la fphere, ou au fphéroïde. Or on voit facilement que pour avoir Fig. s. le folide A C B , il faut retrancher du total F C H , i°. deux fois le folide AF la , qui eft égal au fegment de fphere ou de fphéroïde , fait par le fegment F al, z . le prifme re&iligne A a I L£B, 3°. le prifme fur la bafe aeb ^ ou A E B , dont la hauteur eft A a. A l’égard des autres problèmes que Kepler fe propofoit , ils étoient la plupart d’une difficulté trop fupérieure à la Géométrie de fon temps pour s’étonner qu’il y ait échoué : il eft vrai qu’on ne peut guere l’excufer fur les efpeces de folutions qu’il crut donner de plufleurs de ces problèmes, quoiqu’il n’ait pas prononcé fur elles en homme perfuadé de leur juf-tefte. Au défaut d’une méthode direćfe , il employa certaines analogies , certaines raifons de convenance plus arbitraires que fondées dans la nature. Auffi fouleva-t’il quelques Géomètres contre lui. Un, entr’autres, nommé Alexandre An-derfon (a) lui reprocha cette fînguliere maniéré de fe conduire en Géométrie , & montra que les vraifemblances qu’il avoit (a) Vindicia Archiined. 161 £ » DES M AT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv. I. 19 prifes pour guides ne l’avoient conduit qu’à des erreurs. Nous paierons légèrement fur la fécondé partie decet ouvrage de Kepler \ elle concerne le jeaugeage des tonneaux, fujet fur lequel il propofe des idées ingénieufes. Nous y trouvons furtout une remarque heureufe concernant les problèmes de maximis & minimis. C’eft que, lorfqu’une grandeur eft parvenue au terme de fon plus grand accroiftement, ou au contraire, dans les environs de ce terme elle ne varie que par des degrés infenfibles. Il eft facile de voir dans cette remarque le fondement de la regle de, maximis & minimis 3 ufitéç dans le calcul moderne. V. Les problèmes propofés par Kepler, femblent avoir été l’aiguillon puiflant qui excita les Géomètres à s’ouvrir de nou- Méthode de velles voies propres à leur en procurer la folution ; éc peut-être Guldln' eft ce à ces problèmes que nous devons l’invention des deux méthodes célébrés qu’on vit paroître environ 20 ans après , fçavoir celle de Guldin, ôc celle de Cavalleri. Ce nombre d’années ne doit pas former une difficulté contre notre conjecture. Les productions Littéraires fe communiquoicnt encore fi lentement en Europe, qu’il n’en falloit guere moins pour donner à l’ouvrage de Kepler une publicité luffifante , èc pour que les géomètres dont nous parlons, puftent découvrir ôc mettre au jour les méthodes dont il occafionnoit l’invention. Avant que d’entrer dans l’explication de la méthode de Guldin (a), il eft néceflaire de fe rappeller quelques connoif-fances préliminaires. La principale eft , que dans toute figure il y a un point qu’on nomme centre de gravité, qui eft tel que fi on conçoit cette figure traverfée par un axe paf-fant par ce point, toutes fes parties relieront en équilibre autour de cet axe, éc la figure retiendra la fituation qu’on lui ( <2 ) Le Pere Guldin naquit à S îint-Gall en 1 177 ? & ayant quitté la Religion Pro-teftante, il entra dans la Compagnie de de Jefus en 1 f 97 , en qualité de F-ee, ou de Coadjuteur temporel. Mais les talons montra pour les Mathématiques , ayant frappé fes Supérieurs, on l’envoya *es cultiver à Rome , où il profelià la Philofophie & les Mathématiques. Il les enfeigna aufli a Gratz & à Vienne Outre Ces Centro-Bar ica, dont les premiers Livres parurent en 16 $ $•, & le relie en 1640, il réfuta Calvifîus au fujet du Calendrier Grégorien , dans un ouvrage intitulé Elenchi Calendarii Grcg. refutatio. Il mourut on 20 HISTOIRE donnera. Une des propriétés du centre de gravité qu’il eft encore à propos de remarquer, eft que fi l’on imagine une ligne quelconque tirée hors de la figure, 6c que cette ligne foit comme l’appui, ou l’axe autour duquel cette figure tend à tourner en tombant, le produit de la figure entière par la diftance de fon centre de gravité à cet axe, eft égal à la fomme des produits de chacune de fes parties par la diftance de fon centre de gravité propre à ce même axe. Cela eft évident par la nature du centre de gravité. Car toute la figure réunie, 6c comme condenfée à fon centre de gravité, tendroit à tourner avec une force qui feroit comme fon poids, ( ou la grandeur de la figure, ) multiplié par la diftance de ce centre au point d’appui. C’eft ce qu’enfeignent les principes les plus ordinaires de la Méchanique. Mais la figure elle-même fait un effort qui eft la fomme de tous ceux de fes parties ; 6c chacun de ces efforts eft le produit de chaque partie par la diftance de fon centre de gravité propre au point d’appui : ainfi la vérité de la propofition ci-deffus eft manifefte. La théorie des centres de gravité des figures planes 6c des lignes courbes eft en quelque forte le veftibule de la méthode de Guldin , 6c nous Limiterons en commençant à parler de fes recherches fur ce fujet. Les deux premiers Livres de fon ouvrage intitulé , Centro baryca, ou de centro gravitatis , qui parurent en 1635 , ont pour objet de déterminer ces centres dans les arcs de cercles , les fecteurs, 6c les fegmens foit circulaires foit elliptiques. Nous ne devons cependant pas dif-fimuler que la plupart de ces chofes avoient été publiées quelques années auparavant (en 1632 ) par un Auteur de la même Compagnie , nommé le P. de la h aille, dans un écrit intitulé , De centro gravitatis partium circuli & ellipjis, theor. 40. Là ce Geometre qui mérite des éloges, aflignoit , à la vérité d’une maniéré un peu prolixe, les centres de gravité des différentes parties du cercle 6c de l’ellipfe. Il y faifoit voir furtout la liaifon qu’il y a entre cette détermination 6c celle de la quadrature de ces courbes, 6c comment l’une des deux étant donnée, l’autre i’eft aufîi néceffaircment. A l’égard de Guldin, il prend une route un peu différente , 6c il étend davantage cette théorie. La principale découverte qui rend l’ouvrage de Guldin re- DES M AT HÉM AT IQU E S. Part. IV. Liv. I. 21 commandable, confifte dans l’application qu’il fait du centre de gravité à la mefure des figures produites par circonvolution. Nous avons déjà remarqué ailleurs que Pappus avoit reconnu cette propriété , & qu’il l’avoit feulement énoncée en termes un peu differens. Le Géomètre ancien avoit dit que les figures produites par circonvolution étoient entr’elles en raifon compofée des figures génératrices ,, &: des chemins de leurs centres de gravité. Mais nous devons ob-ferver en même temps que cet endroit de Pappus n’avoit point encore vu le jour , ôc qu’il n’a paru que dans l’édition de ce Géomètre donnée en 1660. Il y auroit, je penfe, de la malignité à conjecturer que Guldin l’avoit trouvé en fouillant dans quelque manufcrit de cet ancien Auteur, quoique fon peu de fuccès à démontrer ce principe pût le faire foup-çonner, Quoi qu’il en foit, voici la proportion fondamentale de cette méthode: « Toute figure , dit Guldin, formée par la 35 rotation d’une ligne ou d’une furface autour d’un axe im-35 mobile, eft le produit dé la quantité génératrice par le che-33 min que décrit fon centre de gravité. 35 Nous allons dévelop-ger cette regle par quelques exemples faciles, & dont on a la démonftration par d’autres voies. Perfonne n’ignore que le cbne droit eft formé par un triangle reétangle qui tourne-roit autour d’un des côtés qui comprennent l’angle droit ; mais l’on fçait aufîi que le centre de gravité de ce triangle eft éloigné decet axe du tiers de la bafe, & par conséquent il décrit une circonférence qui eft le tiers de celle que décrit l’extrémité de la bafe, Le cône fera donc , Suivant Guldin, le produit du triangle générateur par le tiers de cette derniere circonférence , d’oii l’on déduit facilement qu’il eft le tiers du cylindre de même bafe & même hauteur. On fait voir de ^ême par la poftiondu centre de gravité du demi-cercle, S116 la fphere qu’il produit en tournant autour du diametre, clc les I du cylindre de même bafe & même hauteur, ôc que fa Surface eft égale à la furface courbe de ce cylindre ; que le co~ noide parabolique eft la moitié du cylindre de même bafe ^ nieme hauteur , Sec. Guldin parcouroit ainfi diverfes queftions déjà réfolues , 8c Y appliquant fa regle il tachoit de la démontrer par cet accord parfait des Solutions qu’elle donne, avec les anciennes. ii HISTOIRE Mais ce n’étoient-là que des inductions, qui, quoique favo* râbles, ne fuffifent point en Géométrie, où l’on a droit d’exiger des preuves qui arrachent le confentement. Guldin fit, à la vérité, quelques efforts pour la démontrer direétement, mais il y réulîit mal ; 6c il eut fans doute mieux fait de s’en tenir à fes induétions, que de former un raifonnement aufîi peu digne d’un Mathématicien que le fuivant. Il difoit, par exemple , que la diftance du centre de gravité à l’axe de rotation tenoit un milieu entre toutes celles des différentes parties de la figure à cet axe : que ce point étoit unique, 6c par conféquent que ft quelqu’un de ceux de la figure devoit jouir de la prérogative en queftion , ce devoit être le centre de gravité. Ceci montre qu’il y a quelquefois dans les découvertes même géométriques, plus de bonheur que d’habileté ; 6c c’eft ce que Cavalleri ( a ) reprocha à Guldin dans le cours d’une conteftation qu’ils eurent enfcmble au fujet de l’exactitude de la méthode des indivifîblcs. En effet il convenoit peu au Géomètre Allemand d’attaquer l’Italien, comme coupable de relâchement en Géométrie. Aufîi Cavalleri n’eut pas beaucoup de peine à fe juftifier, 6c ufant de récrimination, il montra que ce reproche ne pouvoit tomber que fur fon ad-verfaire : il fit plus: pour prouver que Guldin avoit échoué contre une difficulté peu capable d’arrêter un Géomètre , il lui donna une démonftration fort (impie de ce principe. Elle n’eft effectivement que le corollaire d’une propriété du centre de gravité , qu’il eft furprenant que Guldin n’ait pas apperçue ( b ), Cavalleri en attribue l’invention à un de fes (a) Exercit. Geom. Bon. 1647. Exer. 1. z. (b) 1,’importance de ce principe nous engage a en donner ici la démonftration en faveur des le&eurs à qui elle ne fe pré-fenteroit pas. Si le re&angle A a, (fig-6.) tourne à l’entour de l’axe GH, il décrira évidemment un cylindre creux , dont la jfolidité fera le produit de A a , par la circonférence moyenne entre celles que décrivent fes côtés autour de l’axe de rotation , c’eft-à-dire , par la circonférence dont le rayon eft D «, la diftance du centre de gravité « à cet axe. De même le folide creux décrit par le parallélogramme B b, fera le produit de B b , par la circonférence que décrit le centre de gravité /3. Que $ loic maintenant le centre de gravité des deux rećtangles Aa, B b, le produit de A.2-4-BZ>, par la diftance de ^ à l’axe, fera é I. 23 anciens dilciples , nommé Antonio Roccha, qui , à ce qu’il ajoute, la lui avoit communiquée long-temps avant que fon adverfaire eût publié fon ouvrage. En partant du principe de Guldin , il eft facile de réfoudre plusieurs des problèmes que Kepler avoit propofés. Carl°. la quadrature du cercle étant fuppofée, on a le centre de gravité d’un fegment circulaire ou elliptique quelconque, aulli-bien que fa grandeur: par conféquent ft l’on fait tourner ce fegment autour de fa corde, ou de fa tangente , ou enfin d’une autre ligne quelconque , on aura ôc la quantité de la figure génératrice, 6c le chemin parcouru par fon centre de gravité : le lolide produit ne fera donc plus inconnu. Il en lera de même de la furface formée par un arc circulaire tournant fur un axe quelconque : on connoît fa grandeur &; la pofition de fon centre de gravité , on aura par conféquent les deux fa&eurs du produit, qui eft la furface cherchée. Une partie du Livre de Guldm eft employée à la réfolution de ces problèmes. Archimede s’étoit autrefois propofé de trouver la grandeur du folide formé par la circonvolution du fegment parabolique autour de fon axe, &: il avoit montré qu’il étoit la moitié du cylindre de même bafe &: de même hauteur. Kepler avoit propofé de trouver la mefure du folide produit par le même fegment tournant autour de fon ordonnée , ou de fa tangente à fon fommet. Ces deux problèmes, de même que divers autres fur les fegmens paraboliques,, font encore du reflort de la méthode de Guldin. On fçait que le centre de gravité de la parabole eft éloigné de la bafe des j de l’axe , Śc par conféquent du fommet des j de ce même axe. On fçait encore que le fegment parabolique eft les deux tiers du rectangle circonfcrit, &; que le centre de gravité de ce rectangle eft éloigné de fa bafe commune avec le fegment parabolique , de la moitié de fon axe. Le folide produit par le figure courbe quelconque {fig. 7.}, les rectangles , comme A , B , C , &c. le folide Qu’ils décriront en tournant autour d’un axe quelconque, fera égal au produit de leur fomme par la circonférence que décrit leur centre de gravité commun. Mais Sue ces re&angles foient multipliés à fin- fini , ils fe confondront avec la figure , & leur centre de gravité avec celui de cette figure. Ainfi le produit de la figure par le chemin de fon centre de gravité, fera égal au folide qu’elle décrira dans fa circonvolution. 1 24 HISTOIRE reéfcangle tournant autour de cette bafe, fera donc au folide produit par la parabole, comme i x 7, à j x y ou 7-. Ces deux folides font donc l’un à l’autre comme { à ou comme 1 5 à 8. On trouvera par un procédé femblable , que le folide de la parabole tournant autour de la tangente au fommet, eft au cylindre circonfcrit, comme j x {* à 1 x - , ou comme j à { , c’eft-à-dire, comme ~ à 1. Ce qu’on vient de dire fur la regle de Guldin , doit fuffire dans un ouvrage 011 l’on fe propofé feulement de donner l’ef-prit ôc le précis des découvertes. Il eft facile de voir qu’on l’em-ploycra avec fuccès dans tous les cas où l’on aura la grandeur ÔC le centre de gravité de la figure génératrice. Nous croyons cependant pouvoir dire quelle n’elt point la voie naturelle pour la dimenfion des folides ôc des lurfaccs , ôc quelle ne va à fon but que par un circuit fouvent inutile je veux dire qu’elle fuppofe fouvent des connoiffances d’une difficulté fupérieure à celle du problème qu’on cherche à réfoudre. En général, la détermination des aires des courbes , ou de leur centre de gravité , eft plus difficile que celle des folides quelles forment par leur circonvolution : on en a un exemple dans le conoïde hyperbolique, dont la grandeur eft bien plus facile à trouver que celle du fegment hyperbolique , ou fon centre de gravite. La regle àcGuldin femble même dans ce cas induire en erreur, en ce qu’elle repréfente le problème comme d’un genre fupérieur à celui dont il eft réellement. La furface du conoïde parabolique en offre encore un exemple. La méthode dont nous parlons exi-geroit la re&ifîcation de l’arc parabolique , ôc la détermination de fon centre de gravité, quoique la mefure de cette furface ne dépende que de la quadrature d’un fegment parabolique tronqué , ôc de celle du cercle qui entre néceflài-rement dans tous les problèmes qui concernent des furfaces ou des corps produits par circonvolution. Cependant maigre ces inconveniens, on doit regarder cette liaifon que Guldin établit entre les figures, leurs centres de gravité , ôc celles quelles engendrent en tournant autour d’un axe, comme une des belles découvertes de la Géométrie. C’eft avoir multiplié les reffources de la fcience, en réduifant trois problèmes egardés jufqu’alors, comme ifolés à deux feulement. VL D E S M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. I. i5 VI. Quelque ingénieufe que foit la méthode de Guldin, elle n’a pas autant fervi à reculer les bornes de la Géométrie que celle des indivifibles. C’eft à dater de l’époque de celle-ci, qu’on doit compter les grands progrès qu’a fait cette Science, ôc par lefquels elle s’eft élevée à l’état où elle eft aujourd’hui. Ce fut en 1635 qüe Cavalleri la publia dans fon Livre intitulé , Geometria indivijibilibus continuorum nova quâdam ratione promota ( Bon. in Ą?. ). Nous fufpendrons quelques mo-mens l’expofition de ce que contient cet ouvrage mémorable, pour faire connoître fon Auteur. Cavalleri ( Bonaventure ) naquit à Milan en 1 598 , & entra jeune dans l’ordre des Jéfuates ou Hieronymites. Il montra tant de facilité ôc de génie dans fes études, qu’après qu’il eut pris les Ordres, fes fupérieurs jugerent à propos de l’envoyer à Pife, afin qu’il pût y profiter des Recours qu’offroit l’Uni-verfîté célébré qui y fleuriffoit. Ce fut au grand regret de Cavalleri. Cependant c’eft à ce voyage qu’il doit à certains égards la célébrité de fon nom ; car c’eft dans cette ville qu’il connut pour la première fois la Géométrie. Benoît Caf-telli y difciple ôc ami de Galilée , la lui ayant confeillée pour le diftraire de fes ennuis ôc des douleurs que commcnçoit à lui caufer une goutte qui alla toujours en empirant, Cavalleri y fit de tels progrès, ôc épuifa fi promptement dans fes lectures tous les Géomètres anciens , que Caflelli ôc Galilée prédirent dès-lors la haute célébrité à laquelle il devoit atteindre. En effet il imagina peu après la Géométrie des indivifibles ; ôc dès I année 1629 il étoit en poflèffion de cette ingénieufe méthode. Car l’Aftronome Magin, Profeffeur dans l’Univerfité de Boulogne, étant mort, Cavalleri fit communiquer fon Traité des indivifibles, avec un autre fur les fections coniques , à quelques Sçavans ôc aux Magiftrats de cette ville , en demandant la place vacante. On n’en exigea pas davantage : on trouva dans l’un ôc dans l’autre de ces écrits tant de marques de génie, qu’on agréa fa demande. Cavalleri fut nommé Profeffeur, ôc commença à en exercer les fonćtions à la fin de T année 1619. Tome II. Méthode des indivifibles. Cavalleri. D io HISTOIRE Outre l’ouvrage célébré de Cavalleri > nous voulons dire fa Géométrie des indivifibles , on lui en doit plufieurs autres, comme un Traité des Testions coniques intitulé de fpeculo uftorio, [ in 4°. 1632. ) une Trigonométrie fous le titre de Directorium univerfiale urano-metricum ( in 40. 1632. ) , qui reparut en 1643 , fous celui de Trigonomettia plana ac fp lier ica , Linearis & logarithmica ; un Compendium regularum de triangulis , une Centuria problematum afîronomicarum , ouvrages apparemment uniquement deftinés à 1’inffcrućHon de fes éleves. Les inftances de quelques-uns de fes Auditeurs lui en arrachèrent un autre qui doit nous furprendre ; c’efi: un Traité d’Aftrologie qu’il intitula Rota planetaria, 6c qu’il mit fous le nom de Sylvius Philomantius. Ennemi de l’Aftrologie Judiciaire, comme le dépeint l’Auteur de fa vie, il eût fans doute mieux fait de ne point céder à ces follicitations. Efb-il aucun motif qui doive porter un Philofophe 6c un amateur de la vérité à faire quoi que ce foit, qui puilïe contribuer à étendre ou à perpétuer un préjugé? Nous retrouvons enfin l’Auteur de la Géométrie des indivifibles dans fes Exercitationes Geometricce , qu’il publia en 1643. Cet ouvrage que nous ferons mieux connoître dans la fuite, fut le dernier de ceux de Cavalleri. Il mourut a Boulogne vers la fin de cette même année 1647, après avoir elTuyé pendant douze ans les atteintes d’une goutte fi cruelle, qu’elle l’avoit réduit à pouvoir a peine tenir fa plume 6c s’en fervir. Faifons connoître maintenant la méthode de Cavalleri , 6c quefques-unes des découvertes auxquelles il s’éleva par fon moyen. Cavalleri imagine le continu compofé d’un nombre infini de parties, qui font fes derniers élémens ou les derniers termes de la décompofition qu’on peut en faire, en le divifant continuellement en tranches parallèles entr’elles. Ce font ces derniers élémens qu’il appelle indivifibles; 6c c’cfi: dans le rapport fuivant lequel ils croifient ou déeroiftent, qu’il cherche la mefure des figures, ou leur rapport entr’elles. On ne peut difconvenir que Cavalleri s’énonce d’une maniéré un peu dure pour les oreilles géométriques. A en juger par fes exprefiions , il femble qu’il conçoit le corps comme compofé d’une multitude de furfaces amoncelées les unes fur les autres ; les furfaces comme formées d’une infinité de li- DES M AT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv. ï. 27 gnes femblablement accumulées, 6cc. Mais il eft facile de reconcilier ce langage avec la faine Géométrie par une interprétation que Cavalleri fentit fans doute d’abord, quoiqu’il ne l’ait pas donnée dans l’ouvrage dont nous parlons. Il le fit feulement dans la fuite, lorfqu’il fut attaqué par Guldin en 1640. Il montra alors que fa méthode n’eft autre chofe que celle d’exhauftion des Anciens fimplifiée. En effet ces furfa-ces, ces lignes dont Cavalleri examine les rapports 6c les fommes , ne font autre chofe que les petits folides, ou les triangles infcrits ou circonfcrits & Archimede, pouffes à un fi grand nombre , que leur différence avec la figure qu’ils environnent , foit moindre que toute grandeur donnée. Mais tandis qu’ Archimede 3 à chaque fois qu’il entreprend de démontrer le rapport d’une figure curviligne avec une autre connue , emploie un long circuit de paroles 6c un tour indirect de démonftration , le Géomètre moderne s’élançant en quelque forte dans l’infini , va faifir par l’efprit le dernier terme de ces divifions 6c foudivifions continuelles , qui doivent enfin anéantir la différence des figures rectilignes inf-crites ou circonfcrites avec la figure curviligne qu’elles enferment. C’eft à peu près ainfi que , quand on détermine la fomme d’une progrefîîon géométriquement décroiflante, 011 fuppofe le dernier terme égal à o ; car quoique l’on ne puiile jamais atteindre à ce terme, l’efprit voit cependant avec évidence qu’il eft plus petit qu’aucune grandeur afiignable, quelque petite qu’elle foit : par conféquent il ne peut le déligner que par zero, puifqu’il n’y a que le rien qui foit moindre que toute grandeur poflible. De même on doit concevoir les fur-faces , les lignes dont Cavalleri fait les élémens des figures, comme les dernieres des divifions dont nous avons parlé plus haut; ce qui fuffit pour corriger ce que fon expreffion a de dur ÔC de contraire à la rigoureufe Géométrie. D’ailleurs il n’eft aucun cas dans la méthode des indivifibles, qu’on ne puiffe facilement réduire à la forme ancienne de démonftration, Ainfi c’eft s’arrêter à l’écorce que de chicaner fur le mot d'indivifibles. Il eft impropre , fi l’on veut, mais il n’en réfulte aucun danger pour la Géométrie, & loin de conduire à l'erreur, cette méthode au contraire a fervi à atteindre à des vérités qui avoient échappé jufques-là aux efforts de tous les Geometres, D ij *8 histoire La Géométrie des indivifibles peut être divifée en deux parties. L’une a pour objet la çomparaifon des figures entr’elles à l’aide de l’égalité ou du rapport confiant qui régné entre leurs elémens femblables. C’eft ce qui occupe Cavalleri >dans le premier Livre de fon ouvrage , ôc dans une partie du fécond. Il y démontre à fa maniéré l’égalité ôc les rapports des parallélogrammes, des triangles, des prifmes , ôcc 9 fur même bafe ôc même hauteur. Tout cela peut fe réduire à une proportion générale, fçavoir que toutes les figures dont les élémens croijfent ou décrolffent femblablement de la bafie au fiunmet , font à la figure uniforme de meme bafe & même hauteur, en même raifon. Il eft facile d’appercevoir la vérité de cette propofition ; les conféquences en font fi nombreufes que nous croyons devoir en donner quelques exemples. Voyez la note ( a). (<î) La propofition féconde dont il s’agit la fphere étant au cylindre circonfcrit, comici ., nous donne d’abord une quadrature me z a j , la parabole fera au parallelo-facile de la parabole. Car ioit (fig. 8. ) une gramme, de même bafe & même hauteur pyramide ABC, & l’efpace parabolique danscetteraifonjouaucontrairefilaqua-extérieur D E F, compris entre la parabole, drature de la parabole étoit la première la tangente au lommet, & une parallele à connue , on en concluroit que la fphere l’axe. Il eft facile d’appercevoir que ces eft les deux tiers du cylindre de même bafe figures font fenfiblemeritdécroiifantes. Car & même hauteur. l’élément de la pyramide fig, eft dans fe Cette maniéré de confidérer la parabole meme rapport que le quarré de fa diftance nous va aufîi donner la mefure du conoïde au fommet, & dans la parabole extérieure, hyperbolique. Car que la parabole BAC, HI eft de même comme le quarr.é de DH. ( fig. i o. j foit prolongée de même que l’or-L’efpace extérieur DEF de la parabole donnée C B j & que H K = B E , foit l’axe fera donc le tiers du parallélogramme de tfanfverfe d’un conoïde hyperbolique. Si même bafe & même hauteur , comme la l’on tire les lignes DF, EG, on aura dans pyramide eft' le tiers du cylindre conefi- la parabole D F a G E, comme FC x F B à pon lant. GC x GB j mais dans le conoïde hyperboli- Soit encore (fig. 9.) une parabole donc que,on a le cercle du diametre N P a celui I eft le fommet, IK l’axe, E F une ordon- de O Q , comme LKxLH a MKxMH, née. C’eft une propriété de cette courbe c’eft-a-dfee.-, dans la même raifon : c’eft que tirant une ligne quelconque G H pa- pourquoi l’efpace parabolique GBE croît rallele a l’axe , on a G H a K I, comme le femblablement avec le conoïde hyperboli-rećlangle EG F a E K F, ou K E1. Or cette que N K P. Ainfi ce conoïde fera au cylin-propriété eft celle des élémens de la fphe- dre coirefpondant, comme cet éfpace au re , dont l’axe féroit EF. Carpar la pro- reétangle de même bafe & même hauteur, griété du cer-cle GM" : K Lz : : EG x GF: Il eft facile devoir que cette méthode K F1, & par conféquent le ęęrcle décrit du donnera aufîi les centres de gravité d’une rayon GM, qui eft un des élémens de la . multitude de figures. Par exemple, dans le fphere, fera à celui qui a KL pour rayon conoïde parabolique les élémens qui font dansla même raifon. C’eft pourquoi Kl : comme les quarrés des ordonnées , étant G FI r : le cercle N L : O M. La fphere & par conféquent comme les abfcilfes, ou la parabole rapportée a fen ordonnée, font leurs diftances au fommet, le conoïde fera donc des figures analogues) par cvnféquent, analogue au triangle reélihgne ; ainfi ou- DES M AT H É M AT 10 U E S. Part. IV. Liv. T. La fécondé partie de la Géométrie des indivifibles eft occupée à déterminer le rapport de la fomme de cette infinité de lignes ou de plans * croillans ou décroiiïans , avec la fomme de tous les élémens homogènes à ces premiers, mais tous égaux entr’eux. Un exemple éclaircira ceci. Un cône , fuivant le langage de Cavalleri, eft compofé d’une infinité de cercles décroif* fans de la bafe au fommet, pendant que le cylindre de même bafe 8c même hauteur, eft compofé d’une infinité de cercles égaux On aura donc la raifon du cône au cylindre , fi l’on trouve le rapport de la fomme de tous ces cercles décroiiïans dans le cône , 6>C infinis en nombre , avec celle de tous les cercles égaux du cylindre. Dans le cône ces cercles décroiiïent de la baie au fommet, comme les quarrés des termes d’une pro-grefiion arithmétique. Dans d’autres corps ils luivent une autre tailon ; dans le conoïde parabolique, par exemple, c’eft celle des termes d’une progreiîion arithmétique. L’objet général de la méthode eft d’afligner le rapport de cette fomme de termes croiiïans ou décroiiïans, avec celle des termes égaux dont eft compofée la figure uniforme 8c connue, de même bafe 8c même hauteur. Cavalleri commence donc par examiner quel eft le rapport de la fomme des quarrés de toutes les lignes qui rempliiïent le triangle , avec la fomme des quarrés de toutes celles qui rempliiïent le parallélogramme de même bafe 8c même hauteur ; 8c il montre que la première eft le tiers de la fécondé , d’oii iL conclut que les pyramides, les cônes, 8c toutes les autres figures dont les élémens décroiiïent, comme ces quarrés, font le tiers des figures uniformes de même bafe 8c même hauteur. Delà il paiïe à examiner les fommes des quarrés des lignes qui remplif-lent diverfes autres figures, comme le cercle ou fes fegmens , ceux des feétions coniques, 8cc : il applique enfuite fa théorie à. divers problèmes ; 8c il paiïe en revue la plupart de ceux de K é- tre que par-là on reconnoît que le conoïde qu’il y a entre les fegmens fphériques ; parabolique eft la moitié du cylindre de comme O E M , & l’efpace parabolique *nême bafe & même hauteur, on voit que EG H , donnera celui de l’hémifphere & centre de gravité eft placé comme ce- de fes fegmens. Mais en voila allez fur ce Ul du triangle. L’analogie remarquée ci- fujet, les exemples précédens fuffifènt pour eilus entre le conoïde hyperbolique & un mettre fur la voie ceux qui font doués de certain efpace parabolique , donnera aufiî l’efprit géométrique , & leur faire apperce* ie centre de gravité de ce conoïde, & celle voir mille autres comparai fons femblables» 3o HISTOIRE fier 3 qu’il réfoud avec beaucoup d’élégance. En voici quelques» uns. Kepler avoit demandé la grandeur du corps formé par un fegment circulaire ou elliptique A BE, tournant autour de fa cor Je. Que C en foit le centre, dit Cavalleri BI la fléché, ID le relie de l’axe ; de qu’on falfe comme le rećtangle circonfcrit AF, eft au fegment ; ainfi 3 CI à D L : le folide en queltion fera au cylindre décrit en même temps par A F, comme 2 IL à 3 IB. De cette détermination l’on voit renaître le rapport B fig. n. connu de Phémifphere ou l’hémifphéroïde, au cylindre de même bafe de même hauteur. Car que le fegment ABI foit un quart de cercle ou d’ellipfe, alors le point 1 tombera fur le centre C, de le point L fur D ; de forte que la raifon de 2 IL à 3 IB* fera celle de 2 C D à 3 C B, ou de 2 à 3. On trouve par la même méthode, que le folide formé par la circonvolution de l’efpace extérieur du quart de cercle ou d’el-lipfe , comme G A B H, autour de G H, ou H B, eft: les £ du cylindre décrit en même temps par le rećtangle GB, en fup-pofant le cercle au quarré du diametre, comme 11 à 14. Si ce triangle mixtiligne étoit l’efpace extérieur d’un fegment parabolique tournant autour de la tangente au fommet , le folide qu’il décriroit feroit au cylindre circonfcrit comme 7 à 1 5 ; de au contraire comme 1 à 6 , s’il tournoit autour de la parallele à l’axe. Afin de ne pas fatiguer le Lećteur, nous nous bornons à remarquer encore que le fegment hyperboli-Fïg. iz. que intérieur , comme A B E , tournant autour de l’axe conjugué , forme un folide qui eft les deux tiers du cylindre concave décrit en même temps par la révolution du rećlangle AB. Toutes ces vérités font aujourd’hui faciles à démontrer, à l’aide des nouveaux calculs, & même par diverfes méthodes fort fimples, de qui fe préfentent facilement aux Géomètres un peu inrelligens. Ces queftions, de diverfes autres comparaifons des mêmes folides , occupent Cavalleri jufqu’à la fin du cinquième Livre. Nous trouvons dans le fixieme , qui traite de la fpirale, une belle remarque, fçavoir, celle de la fymbolifation de la fig, i}. parabole avec cette courbe. Nous allons nous expliquer ; qu’on imagine un cercle au dedans duquel eft décrite une fpirale, de qu’on développe ce cercle dans le triangle CAay dont la bafe eft la circonférence, de dont la hauteur eft le rayon qui DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. I. 31 touche la fpirale au centre. Si toutes les circonférences moyennes font femblablement développées en lignes droites parallèles à la baie Aay la courbe fpirale fe trouvera transformée en un arc parabolique dont le fommet fera en C. L’une êc l’autre font de la même longueur, 6c l’aire renfermée entre la fpirale 6c la circonférence du cercle, eft égale à celle que comprend la parabole avec les lignes CA 6c A a. On voit par-là que cette propriété facilite beaucoup la détermination des aires fpirales. Aulli Cavalleri s’en aide-t’il heureufement pour cet effet. Un Ecrivain moderne a fait honneur de cette découverte à Grégoire de S. Vincent, mais il ignoroit fans doute le droit que Cavalleri a fur elle. D’ailleurs quelqu’ingénieufe qu’elle foit, elle ne méritoit pas d’être autant exaltée; car Archimede en avoit fait tous les frais dans fa quadrature de la parabole, en y démontrant la propriété qui lui fert de fondement. Cavalleri s’éleva bientôt à des confldérations plus fublimes 6c plus difficiles. Ce fut encore à l’occafion d’un des problèmes de Kepler: ce Mathématicien avoit propofé de trouver la grandeur du folide décrit par la parabole tournant autour de fon ordonnée, ou de la tangente au fommet. Cavalleri la rechercha, 6c vit bientôt que le problème fe réduifoit à déterminer le rapport de la fomme des quarrés quarrés des lignes qui remplirent le triangle, à la fomme des femblables puiffances des lignes qui remplirent le parallélogramme. Il trouva que ce rapport étoit celui de i à 5. Il découvrit de même que s’il s’agiiToit des cubes de ces lignes, ce rapport feroit celui de 1 à 4. L’analogie le conduifit dans le refte, 6c il conclut que l’expofant d’une puiffance quelconque étant n, le rapport de ces fommes eft celui de 1 à/z-f-i. Cette découverte le mit en poffeffion de la mefure de toutes les paraboles des ordres fupérieurs, de celles des conoïdes , de leurs centres de gravité , Ôcc. Il publia ces chofes en 1647, dans fes Exercitationes Mathematicce. Cet ouvrage nous offre encore quelques objets intéreffans 6c nouveaux. C’eft-là que Cavalleri établit Et méthode fur de folides fondemens, 6c qu’il la défend con-Jre les imputations de quelques adverfaires , entr’autres du Guldin: il y réfoud divers problèmes fur les fećtions coni-(lues : il y détermine enfin les foyers des verres de fphéricité Travaux des Geometres François. 32 HISTOIRE inégale , problème que Kepler n’avoit point réfolu, & qui avoit, ce femble, refté jufques-là fans folution. VII. Nous ne nous fommes jufqu’ici prefque occupés que des découvertes 6c des travaux des Etrangers : il eft temps que nous pallions en France , où fleuriffoient déjà divers Géomètres , qui ne le cédoient pointa ceux dont nous venons de parler , nous oferons même dire , qui les laiiïoient en arriéré par la difficulté de leurs recherches. Nous n’irons point encore en chercher les preuves dans la nouvelle Géométrie dont l’invention eft due à Defcartes. Sans fortir du genre qui doit nous occuper dans ce Livre , nous trouverons en France des découvertes à oppofer aux plus belles de celles que l’on vient d’expofer. En effet pendant que Cavalleri appliquoit (a Géométrie à la recherche des folides formés par les leéHons coniques, les Géomètres François s’élevoient déjà à la considération d’une foule d’autres courbes d’un genre fupérieur, à la détermination de leurs tangentes, de leurs centres de gravité , des folides formés par leur circonvolution , &c. Peu contens des folutions particulières, ils en cherchoicnt de générales, 6c dédaignant en quelque forte les rameaux , ils faifoient des efforts pour remonter au tronc dont ils dépendoient. Le commerce épiftolaire entre M. de Fermat (a) ôc divers autres fçavans Géomètres, nous fournit les preuves de toutes ces chofes. On y voit que dès l’an 1636, il étoit queftion en France des fpirales & des paraboles des degrés fupéricurs. M. de Fermat dans fa première Lettre au P. Metfenne, qui eft du milieu de l’année 1636 {b ), lui annonce qu’il a con-fidéré une fpirale différente de celle & Archimede. Dans cette nouvelle courbe les arcs de cercle parcourus depuis le commencement de la révolution par l’extrémité du rayon, ne font point, comme dans celle du Géomètre ancien , en même raifon que les efpaccs parcourus par le point décrivant en s’éloignant du centre, mais en raifon des quarrés de ces ef- (a) On dira dans le Livre fuivant quel- écrits de ce fçavant Géomètre, que chofe de plus fur la perfonne & les (b) Fermat, op.p. xzi. paces, 1 DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. I. 33 paces , de forte que les arcs de cercle qui mefurent la révolution, croiftant uniformément, ce font les quarrés des rayons, Bc non les rayons, qui croilTent aufîi uniformément. Fermât annonce à Merfenne que l’efpace renfermé par la première révolution eft la moitié du cercle qui la comprend ; que le fécond efpace entre la première ôc la fécondé révolution eft le double du premier, ôc quenfuite entre la fécondé ôc la troifieme , la troifieme ôc la quatrième, ôc ainfi à l’infini tous ces efpaces font égaux au fécond : ce qui eft une propriété fort remarquable. Bientôt après ayant lié un commerce de Lettres avec Roberval, il lui propofa le problème de déterminer les aires des paraboles , où les abfciftès ne font plus comme les quarrés des ordonnées , ( ce qui eft la propriété de la parabole ancienne, ) mais comme leurs cubes, leurs quatrièmes, leurs cinquièmes puifïances , 6cc: il lui fait aufîi part de la mefure du conoïde formé par la parabole tournant autour de fon ordonnée , ôc des fegmens retranchés par des plans perpendiculaires à l’axe de la rotation. Roberval ne tarda pas à fe mettre en cela au niveau de M. de Fermat. Ii lui renvoya dans fa réponfe la folution du problème qui lui étoit propofé. Les paraboles , dit-il, où les abf-cifles font comme les cubes, les troifîemes, les quatrièmes puifïances de l’ordonnée font les -, les ~ , les ~ du parallélogramme de même bafe ôc même hauteur, ôc ainfi de fuite. La loi de la progrefîîon fe manifefte facilement. Il reftoit le cas où une puiftance quelconque de l’abfcifTe comme le quarté, auroit été comme une autre puiftance quelconque, par exemple la troifieme de l’ordonnée : on en trouve la folution dans un écrit poftérieur de Roberval ( a) : il y remarque que, dans le cas ci-dcftùs, par exemple, la parabole eft au rectangle circonfcrit comme 3 à 5 ; ôc qu’en général ft n exprime la puiftance de l’abfcifle, ôc m celle de l’ordonnée, déllgne le rapport de la parabole au parallélogramme circonf-crir. Roberval envoya à Fermat ( b ) la détermination des tangentes de ces fortes de paraboles, ôc celui-ci lui répondit en lui envoyant leur centre de gravité (c ). La remarque de Fer- I*1) Lettre de Roberval a Torricelli en 16 44. Man. de l'Acad, avant le renouvell. T. rr. (°) Lettres de Fermat, p. 140. tc) Ibid p. T 47. Tome IL E 34 HISTOIRE mat eft d’une élégance propre à lui mériter place ici. Dans toutes les paraboles ou leurs conoïdcs, dit-il, le centre de gravité divife Taxe en deux fegmens tels que le plus voifin de la bafe eft à l’autre, comme la figure elle-même au parallélogramme on au cylindre de même bafe ôc même hauteur r il eft facile de le vérifier dans la parabole ordinaire, fon conoïde , 6c le triangle qui eft une forte de parabole où les ordonnées font comme les abfciffes. A la vue de ces folutions on ne peut douter de ce que Roberval écrivoit en 1644 à Torricelli, (a) fçavoir que dans le temps ou environ, que Cavalleri publioit en Italie fes indivifibles , les Géomètres François étoient en poiïefïion d’une méthode femblable. Roberval dans la lettre dont nous parlons, affure que long-temps avant que le Géomètre Italien mît au jour fa méthode, il en avoit une fort analogue qu’il s’étoit: formée d’après une lecture férieufe des Livres à'Archimede ; mais plus attentif que Cavalleri à ménager les oreilles des Geometres , il l’avoit dépouillée de ce que celle de Cavalleri avoit de dur 6c de choquant dans les termes, 6c même dans les idées à moins qu’elles ne foient expliquées. Il fe contentoit dit-il, de confidérer les furfaces 6c les folides, comme com-pofés d’une multitude indéfinie de petits rectangles ou de petits prifmes décroiiïans fuivant une certaine loi : c’eft par ce’ moyen 6c par celui d’une certaine analogie aflez femblable à celle que Wallis étendit beaucoup plus dans la fuite, qu’il parvint à la folution des problèmes de Fermat, 6c de divers autres* tels que ceux de l’aire de la cycloide, 6c des folides quelle forme par fa rotation autour de fon axe 6C fa bafe. Roberval continue dans cette lettre, l’hiftoire de fes méditations 6c de la méthode qu’il s’étoit formée. Il la gardoit, dit-il, in petto, dans la vue de fe procurer parmi les Geometres une fupériorité flatteufe par la difficulté des problèmes quelle le mettoit en état de réfoudre. Mais il éprouva ce qui arrive fouvent à ceux qui cachent un fecret que mille autres cherchent avec empreiïement. Pendant qu’il fe réjouiiïoit juveniliter, c’eft fon expreffion , Cavalleri publia fes indivifibles , 6c le fruftra de l’honneur que lui auroit fait fa méthode (a) Anciens MeiruT. vi. \ I DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. I. 35 shl l’eûc publiée ; juffce punition de ceux qui par des motifs aiiffi peu dignes d’un Philofophe, font un myftere de leurs inventions. Nous devons aflocier à toutes ces découvertes, l’illuftre M. Defcartes. Elles lui coûtèrent même peu, fi nous en jugeons par une de fes lettres, {a) Le P. Merfenne lui avoit envoyé un efiai d’une méthode de M. de Fermat, pour l’invention des centres de gravité des conoïdes. Defcartes dans fa réponfe,lui renvoie aufii-tôt non feulement les centres de gravité , mais la quadrature générale de toutes les paraboles la détermination de leurs tangentes, êc celle de la grandeur de leurs conoïdes. La logarithmique fpirale la cycloide, courbes que leurs propriétés ont depuis rendu célébrés, prirent naiiïance dans ce temps entre les mains des Géomètres François. Ceci confirme ce que nous avons dit plus haut fur la nature des recherches auxquelles ils s’étoient déjà élevés. Nous différons à parler de la cycloide à laquelle nous deftinons un article étendu. Nous ne toucherons ici que ce qui concerne la logarithmique. C’eft dans la Méchanique de Defcartes 3 &: dans une de fes lettres, (b) que nous trouvons les premiers traits de cette courbe. En traitant des plans inclinés , ce Philofophe obferve , ' que dans la rigueur géométrique les directions des graves concourant toutes en un point, le plan incliné ne doit plus être un plan, afin qu’il fafte toujours des angles égaux avec la direction des poids , & que la puifTance ne foit pas plus chargée dans un endroit que dans un autre. Alors il faudroit, dit-il 3 au lieu d’un plan véritable, imaginer une portion de fpirale autour du centre de la terre. Il eft bien évident qu’il enten-doit parler d’une fpirale qui fît toujours, avec les lignes tirées à fon centre, des angles égaux ; mais bien-tot après il s’énonça plus clairement. Le P. Merfenne lui ayant demandé une explication plus claire de la nature de cette courbe, il répondit (c) que l’une de fes propriétés étoit que les tangentes dans tous fes points faifoient des angles égaux avec les lignes tirées de fon centre aux points de contact 3 comme les angles CAS: (a) T. n, Iett. 89. {£) T. 1, lettre 7 3, écrite en 16 38. (c) Ibid.lettre74. Eij 3 mais plutôt un libelle fait au gré DES MATHÉMATIQUES. IV. Liv. L. 43 La cycloide eft une courbe dont la génération eft facile à concevoir. Quon imagine un cercle qui roule fur une ligne droite 6c dans un même plan, tandis qu’un point de fa circonférence , ou plus généralement pris au dedans ou au dehors , laifle une trace fur ce plan ; cette trace fera la cycloïde. Nous avons tous les jours fous les yeux des exemples de cette génération. Le clou d’une roue qui roule, décrit une courbe qui feroit une cycloïde parfaite, Ci cette roue 6c la ligne à laquelle elle s’applique étoient un cercle 6c une ligne Mathématiques. On la nomma d’abord trochoide, nom que quelques Geometres changèrent en celui de roulette ; on lui a enfuite donné celui de cycloide , fous lequel elle eft connue de nos jours. Il eft à propos de remarquer dès à préfent que le cercle générateur peut parcourir d’un mouvement uniforme fur fa bafe droite , une ligne plus ou moins grande que fa circonférence : cela donne lieu à la divifion des cycloïdes en alongées 6c raccour' cies. Ce font les mêmes courbes que celles que décrit un point pris au dedans ou au dehors de la circonférence, tandis que le cercle générateur parcourt une ligne qui lui eft égale. Quelques perfonnes ont cru voir les premières traces de la cycloïde chez le Cardinal de Cufa. Ce Prélat Géomètre, qui prétendit avoir trouvé la quadrature du cercle , faifoit en effet rouler un cercle fur une ligne droite , jufqu’à ce que le point qui l’avoit d’abord touchée s’y appliquât de nouveau ; ce fut auffi le procédé d’un certain Bovillus de Vermandois, mince Géomètre du commencement du feizieme ftecle , 6c diffamé par une prétendue quadrature du cercle. Mais on n’apperçoit, ni chez l’un, ni chez l’autre , aucune confidération de la courbe , qui eft la trace du mouvement de ce point. C’eft Galilée qui a eu la première idée de la cycloïde; car il dit lui-même dans une lettre écrite à Torricelli en 1639 , qu’il l’avoit con-ftdérée depuis quarante ans, 6c qu’il l’avoit jugé propre par fa forme gracieufe, à fervir aux arches d’un pont. Il ajoute qu’il fît quelques tentatives pour déterminer fon aire, mais qu’il de la paillon de Roberval, avec qui il étoit que les Mémoires fournis par les Italiens. f°rt lié , & dont il tenoit apparemment Nous avons eu égard aux pièces des deux tout ce qu’il y raconte : l’autre hiftoire , partis dans les différentes querelles furve-9U1 eft Latine, a été donnée en 1701 , par nues à cette occalîon , & nous croyons trr°ningius; celui-ci tombe dans l’extrê- avoir rendu juftice a chacun. muc contraire 5 il femble n’avoir confulté F n 44 HISTOIRE ne put y réuflir, Le trait fuivant ne parent pas fort hono-' rabie pour ce grand homme: h nous en croyons lorricelli „ Galilée s’avifa de pefer une cycloïde décrite fur quelque matière mince 6c également épaiffe pour la comparer avec le cercle , 6c la trouvant conflamment moindre que le triple de ce cercle, il foupçonna dans leur rapport quelque incom-menfurabilité qui le fît défîfter de s’y appliquer davantage. En vain quelques perfonnes qui n’étoient point Géomètres, (a) ont voulu le juftifier par l’exemple & Archimede , qui trouva , difent-elles , d’abord la quadrature de la parabole par une voie méchanique avant que de la trouver par un procédé purement géométrique. Cette juftification eft tout-à-fait ridicule ; le premier procédé & Archimede n’eft appelle méchanique , que parce qu’il eft fondé fur les principes abstraits de l’équilibre, qui appartiennent à la fcience de ce nom, 6c il n’a d’ailleurs aucune reffemblance avec celui de Galilée. Mais c’en eft affez fur ce point de l’hiftoire de la cycloïde; eût-elle été connue au Cardinal de Cufa , comme Wallis s’efforce de le prouver, c’eft ce qui importe peu. Il n’y a pas grand mérite à l’avoir remarquée, il ne commence à y en avoir que dans la folution des problèmes qu’elle préfentc. C’eft entre les années 1630 6c 1640, qu’on commença à Confidérer avec fuccès la cycloïde, 6c c’eft en France que furent réfolus pour la première fois les problèmes de fon aire 6c de fes tangentes. Nous en fournirons les preuves après avoir raconté de quelle maniéré elle devint l’objet des recherches des Géomètres François. Le P. Merfenne l’avoit, dit-on, remarquée dès l’année 1615 , en contemplant le mouvement d’une roue , 6c il avoit tâché, mais fans fuccès, de la quarrer. Plufieurs années s’écoulèrent avant qu’il eût la fatif-faćtion de voir fon problème réfolu. En 1628 il fit connoif-fance avec Roberval, 6c il le lui propola; mais celui-ci étoit encore inférieur au problème; il le lentit même , à ce qu’il dit , 6c fans s’y amufer infruétueufement, il fe livra à une étude approfondie des anciens Géomètres , 6c en particulier & Archimede. Six ans s’écoulèrent dans ce travail ou d’autres occupations, 6c le problème de la cycloïde étoit effacé de fon (a) Groningius. M. Catïo dati, leUera a’i Philakthi > DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. I. 45 fouvenir, lorfque Merfenne ht lui rappella. Il l’attaqua alors avec les nouvelles forces qu’il avoit acquifes dans fes études, de il le furmonta. Il démontra que l’aire de la cycloïde ordinaire , c’eft-à-dire dont la bafe eft égale à la circonférence du cercle générateur , eft le triple du cercle. Il trouva auiîi la inclure des autres cycloïdes alongées ou raccourcies. Comme il s’étoit écoulé lix ans entre la première proportion de ce problème de fa folution , les ennemis de Roberval dirent qu’il avoit demeuré tout ce temps dans le pénible travail d’enfanter fa découverte. Le P. Merfenne écrivant en 1647, donne à la folution du problème de faire de la cycloïde, la date de l’année 1634. On ne fçauroit douter de la candeur de ce Pere ; mais comme on pourroit fufpeéler fa mémoire, ou fa facilité extrême à fe prêter aux imprelîions de fes amis , nous recourrons à une autre preuve qui n’eft point fujette à cette exception. Le P. Merfenne a publié dans Ion Harmonie univerfelle, ouvrage qui parut en 1637 ( a ) , la découverte de Roberval fur les cycloïdes de toute eipece. Si Wallis de le fécond Hiftorien de la cycloïde euffent connu ces preuves , iis n’auroient pas adjugé à l’Italie l’honneur d’avoir été la première à trouver faire de cette courbe. Car on voit par une Lettre de Galilée écrite à Cavalleri en 1640, que faire de la cycloïde étoit encore un myftere pour les Géomètres Italiens (b), de même qu’il dé-fefpéroit qu’il fût pofîible de la trouver. C’eft un fait dont Torricelli eft aufîi convenu dans une Lettre écrite en 1646 (c). Le P. Merfenne apprit à Defcartes , vers le commencement de 1638 , la découverte de Roberval {d); mais elle n’eut pas à fes yeux le même mérite qu’à ceux de fon Correfpondant , de c’eft ici le commencement des querelles nombreufes que la cycloïde excita à diverfes reptiles parmi les Geometres. Defcartes répondit qu’à la vérité la remarque en étoit allez belle, de qu’il n’y avoit jamais fongé ; mais qu’il ne falloit pas faire tant de bruit à ce fujet, de qu’il n’étoit perfonne médiocrement verfé dans la Géométrie qui ne fût en état de trouver ce dont Roberval fe faifoit tant d’honneur. Il lui en-voyoit dans la même Lettre écrite à la hâte un précis de dé-. (a) T. il, nouv. obf. Pliyf. ob. xi. ( c ) Ibid. p. j p. ib) Gron. hijl. cycloid. p, I }, [d) Lett. de Defcartes T. in, lett. 66. HISTOIRE monftration du rapport de la cycloïde à fon cercle générateur , qu’il développa davantage dans la Lettre fuivante. Il vouloir montrer par cet exemple que le problème étoit fort au délions de lui. Telle étoit en effet fa fupériorité fur tous les Géomètres de fon temps, que les queftions qui les occu-poient le plus, ne lui coûtoient pour la plupart qu’une médiocre attention. Il eft facile de s’en convaincre par la lecture de fes Lettres. Roberval mortifié par ce jugement de Defcartes, ne manqua pas de dire qu’il avoit été aidé dans fa folution du problème par la connoiffance du réfultat qu’il devoit rencontrer, & que s’il Peut ignoré , il auroit pu y échouer, ou en être davantage embarraffé. Defcartes l’apprenant, afin d’établir fa fupériorité fur lui par un nouveau trait, chercha les tangentes de la cycloïde problème dont Roberval s’occupoit depuis long-temps, fans pouvoir y réuflir. Il en envoya la folution au P. Merfenne, avec un défi pour Roberval de les trouver. Il paroît que M. de Fermat avec qui il avoit pour lors un démêlé affez vif, fut aufîi compris dans le cartel: celui-ci à qui l’on ne peut refufer un génie prefqu’égal à celui de Defcartes , réfolut le problème fort généralement: mais Roberval y échoua, ou ne s’en tira qu’avec beaucoup de peine , fi nous en jugeons par les Lettres de Defcartes. M. Pafcal qui étoit ami de Roberval, ôc qui ne tenoit probablement que de lui fes inftru&ions fur Phiftoire de la cycloïde , dit que ce fut l’opiniâtreté feule de Defcartes qui l’empêcha de donner les mains à la folution de fon adverfàire ; mais qu’on life diverfes lettres de ce Philofophe , comme la quatre-vingt-onzieme ôc la quatre-vingt-douzieme du fécond volume , ôc les foixante-quatrieme, foixante-cinquieme ôc quatre-vingt-quatrieme du troifieme , l’on ne pourra guere douter du fait que nous avançons. Ces Lettres prouvent clairement que Roberval fit de vains efforts pour réfoudre le problème ; qu’il en envoya cinq à fix folutions différentes qu’il changea à diverfes reprifes , comme un homme qui erre à l’aventure; qu’enfîn Fermat ayant envoyé la fienne, quitranf-pira félon les apparences entre les mains du P. Merfenne, ce que croiront facilement ceux qui connoiffent le caraétere de ce Pere d’après fes Lettres & les écrits, Roberval arrangea DES M AT HEM AT I QU E S. Part. IV. Liv. I. 47 une folution dont De'cattcs le fomma en vain de donner la démonftration. Ce que M. l’Abbé Gaiois a écrit dans les Mémoires de i’ Académie de 1691 , fçavoir que Roberval trouva le premier la tangente de la cycloïde, eft entièrement détruit par les obfervations précédentes. M. Gaiois autrefois ami de Roberval y ne parloit fans doute que d’après ce que celui-ci lui avoit raconté : or il eft naturel de penfer qu’il étoit bien éloigné de convenir de fa défaite, & même, à en juger par la paliion qu’il mit toujours dans fes démêlés avec Def-cartes y qu’il étoit homme à s’attribuer la viétoire. Mais perfonne de ceux qui auront lu les pièces que nous avons citées plus haut, ne doutera que Defcartes 6c. Fermat n’ayent trouvé, du moins en même temps que lui, les tangentes de la cycloïde , ôc que le premier n’ait refolu le problème avec une très-grande généralité. En effet la méthode donnée par Defcartes pour les tangentes de la cycloide s’étend généralement à toutes les courbes formées par la rotation d’une autre fur une bafe quelconque, foit droite, foit curviligne, 6c quelque part que foit le point décrivant, au dedans, au dehors, ou fur la circonférence de la courbe génératrice. Elle eft aufîi très-remarquable par fa fimplicité. Defcartes montre (a) que fi l’on tire du point dont on cherche la tangente, une ligne à celui de la bafe que touche la génératrice , tandis quelle le décrit, cette ligne fera perpendiculaire à la tangente. La raifon qu’il en donne eft fenfîble : fi l’on faifoit rouler un polygone, la. courbe que décriroit un point quelconque du même plan, feroit compofée d’autant de feéteurs de cercle, qu’il auroit d’angles. Mais une courbe peut être confidérée comme un polygone d’une infinité de cc>tés. Celle quelle décrira par un de fes points en s’appliquant fucceflivement à une bafe quelconque , fera donc une figure compofée d’une infinité defec-teurs dont chacun aura fon centre au contaćt de la génératrice avec la bafe, 6c l’arc infiniment petit au point décrit en même temps : la tangente eft donc perpendiculaire au rayon de ce feéteur, 6c par conféquent à la ligne tirée du point de contact au point décrit. Ceci fuppofe, comme l’on voit, que la Fig. 19. M Lettre 6/, T. zx.-. 48 HISTOIRE courbe génératrice roule fur une ligne qui lui eft égale ; mais û l’on fuppofoit qu’elle gliftât un peu dans ce mouvement j il feroit facile d’y étendre la regle [a). Dans le cas de la cycloïde ordinaire, on voit aifément par la démonftration de Defcartes, que la tangente QT eft par rallcle à la corde A P, de que la tangente au cercle rencontre jFig. 20. celle de la cycloïde , de telle maniéré que P T eft égale à P Q, oii à l’arc AP. C’eft ainfi que Fermat réfolvoit ce problème , de il ajoutoit que lorfque la cvcloïde eft alongéc on raccourcie , le fegment P T eft à l’arc A P ou l’ordonnée P Q, comme la circonférence du cercle générateur à la bafe. Defcartes fit en même temps une remarque qu’il ne faut pas oublier : c’eft que les cycloïdes raccourcies fe replient en dedans, de que les alongées , de concaves quelles font d’abord vers leur axe aux environs du fommet, deviennent convexes en s’approchant de la bafe. Il enfeigna aufîi le moyen de déterminer l’endroit où fe fait ce changement de courbure ou de direction. Tout ce que nous venons de raconter, fe pafîa au plus tard vers le commencement de l’année 1639: c’eft ce que prouve fans réplique la date d’une Lettre de Defcartes (b). Ainfi la (a) Voici la maniéré dont on détermi-neroit la tangente dans le cas qu’on vient de propofér. Supposons [figure zi.) que la courbe H D foit décrite par le point D , ôc que tandis que la courbe génératrice GAD s’applique fur la ligne droite HS, elle glillè toujours également, de forte que chaque petit côté de cette courbe, comme A B, au lieu de s’appliquer fur une portion égale de la bafe A b , gliffe de la quantité cb, qui a le même rapport a la bafe A b, que la ligne H K égale a toute la courbe GAD, a K S qui elt'la quantité dont elle glilfe dans fon mouvement total. Pour trouver la tangente de la courbe H D au point D , je remarque que s’il n’y avoit point de gliffement , le mouvement du point D fe feroit dans l’arc D/, qui eft la bafe du feéleur infiniment petit DA 1 , dont l’angle eft égal à l’angle B A b. Mais en même temps ce point a un mouvement horizontal De, qui eft égal à cb. Il faut donc trouver le rapport de ces deux mouvemens , ce qu’on fera ainfi. Le rapport de D/ a D e ou cb> eft compofé de ces trois, fçavoir celui de Dfà. B b, de B b à B A , ôc B A a cb. Mais le premier eft le même que celui de D A a A B. Le fécond eft égal a celui de B A à A O. ( A O eft le rayon de courbure au point A , ce qui dépend d’une théorie qu’on verra dans la fuite ). Enfin B A eft a cb en raifon donnée, fçavoir celle de H K a K S j ainfi en compofant ces raifons , on trouvera que D/: D e : : D A x H K : A O x K S. La raifon de D f a De eft donc donnée ; & fi l’on décrit dans l’angle EDF un parallélogramme dont les côtés foient dans le rapport qu’on vient de trouver , fa diagonale fera la direction de la tangente. On pourroit trouver cette tangente d’une autre maniéré , fçavoir en fuppofànt que le petit côté D i de la courbe propofee fît partie d’une cycloide alongée ou raccourcie , dont le centre du cercle générateur feroit au point O; mais nous nous contentons d’indiquer cet autre moyen qu’il feroit trop long de développer. [b) La 84e du tom* lif. priorité DES MATHEMATIQUES.Pd/t. IV. Liv. I. 49 priorité des Géomètres François en ce qui concerne la fo-lotion de ces problèmes, ne lçauroit être révoquée en doute. Pad’ons en Italie , où nous avons vu qu’on n’avoit encore en ' ï 640 que la flérile connoiïlànce de la génération de la cycloïde. Merfenne qui étoit en correfpondance avec la plupart des Mathématiciens de l’Europe , s’avifa , à ce qu’il paroît, vers l’an 1639 d’écrire à Galilée , de de lui parler de la détermination de l’aire de la cycloïde comme d’un problème qui occu-poit les Géomètres François. O11 feroit mal fondé à tirer delà une preuve que ce problème n’avoit pas encore été ré-folu en France , comme ont fait quelques gens précipités ou mal informés , puifque nous avons cité un Livre imprimé en 1637 , où l’on en trouve la folution. C’étoit feulement par égards que Merfenne écrivant à Galilée , parloit comme il faifoit ; la queftion propofée autrement eut eu l’air d’un défi, de c’eût été une vraie infulte pour ce grand homme vu les fervices qu’il avoit rendus aux Mathématiques , de fon âge extrêmement avancé. Galilée écrivit donc à Cavalleri vers le commencement de 1640. On a un fragment de fa Lettre (a)9 il l’y invite de nouveau à la recherche de l’aire de la cycloïde ; je dis de nouveau, car il l’avoit déjà fait, ce femble, de fon propre mouvement, par une Lettre écrite en 1639. Mais il n’eut pas la fatisfaćlion de voir ce problème réfolu, ni même de fçavoir s’il l’avoit été quelque part ; ce qu’il demandoit inflamment dans une de fes Lettres. Cavalleri, quoique habile Géomètre, y échoua, de Galilée mourut en 1641. Après fa mort Torricelli fee Viviani, fes derniers difciples de les compagnons de fa vieillefle, informés des invitations qu’on lui avoit faites de travailler à ce problème , y efTayerent leurs forces. Torricelli trouva l’aire , de Viviani les tangentes ( b ) ; le premier en reçut au commencement de 1 <343 les félicitations de Ca-valleri qui convenoit avoir fait de vains efforts pour furmon-ter la difficulté du problème (c ). Torricelli faifoit alors imprimer fes ouvrages : il y inféra par forme & Appendix ce qu’on avoit trouvé en Italie fur la cycloïde. On ne peut difeonve- (a) Groning. Hijl. cycloid. )b\ Lettre de Torricelli à Roberval, anciens Merrt. de l’Acad. T. vi. ( c ) Groning. Ibid, Tome II, G JO HISTOIRE nir que Torricelli de Viviani n’ayent pu réfoudre delà les monts un problème déjà réfolu en deçà, de puifque Roberval étoit fi. jaloux de fa découverte , il lui fuffifoit d'établir par des piecem authentiques fon droit fur elle , au lieu de la longue de pédantcfque Lettre qu’il écrivit à Torricelli , de dans laquelle il n’a pas fçu faire valoir les bonnes raifons qu’il pouvoit al-léguer, comme le Livre de Merfenne imprimé en 1637. Cette preuve eût mieux valu que toutes fes proteftations, de la longue hiftoire qu’il fait de fes recherches fur la cycloïde. Personne n’ignore que dans les conteftations on n’a égard aux faits avancés par les parties , qu’autant qu’ils font fondés en preuve. M. Pafcalàans fon hiftoire delà cycloïde, dit que Roberval ayant trouvé l’aire de cette courbe vers l’an 1634 , Merfenne l'exhorta à cacher fa folution pendant un an, & qu’il invita tous les Géomètres de l’Europe à la rechercher. L’un de l’autre de ces faits me paroifTent peu exaéts, Car d’abord Dejcanes ne paroît avoir eu connoiïlànce de ce problème que vers Tannée 1638 , où Merfenne lui en parla pour la première fois, de if n’y a aucune apparence que ce correfpondant de notre Philofophe eût oublié de le mettre au rang des premiers Geometres de l’Europe. En fécond lieu la date de 1634, me paroît antérieure à la véritable. Car Merfenne à la fin de fon Harmonie univerfelle, qui parut en 1637 , corrige d’après la découverte de Roberval ce qu’il avoit dit dans le premier volume fur la cycloïde, qu’il prenoit alors pour une ellipfe, ïl paroît que e’eft feulement en 163 8 qu’il s’avifa d’écrire à quelques Geometres pour les inviter à chercher Taire de cette courbe, Pafcal continue, de dit fans alléguer de preuves que vers Tan 1638 un certain M. de Beaugrand , Mathématicien fort maltraité par Defcartes, de avec juftice, quoique le P. Merfenne le qualifie de trèsfubtil Géomètre, ramaïïa les démonf-trations des découvertes qu’on avoit faites en France fur la cycloïde, de que les ayant un peu déguifées, il les envoya en Italie à Galilée.. Ce fait me paroît avancé au gré de la paffion de Roberval dont le tenoit Pafcal\ car Galilée, dans fes Lettres à Cavalleri, écrites en 1639 de 1640 (a), parle de la ( a ) Groning, Hift. cycloidi DES MATHEMATIQUES. Part.IV. Lcv. I. 5t cycloïde, comme d’une courbe donc il délèfpere qu’on trouve jamais la me fur e* Perfonne ne croira que ce grand homme, plus qu'octogénaire , ôc chargé des lauriers quil avoit cueillis dams la carrière des Mathématiques , voulut déguifer ce qu’il venoit d’apprendre fur ce fujet. Ainfi je crois qu’on peut regarder l’hiftoire de la Lettre de M. de Beaugrand 0 comme une fiction de Roberval. Pafcal dit enfin que Galilee étant mort, Torricelli parcourant fes papiers, y trouva les dé-monftrations que Beaugrand lui avoit envoyées, que celui-ci mourut bientôt après , ôc que Torricelli l’ayant appris , Ôc fe croyant alluré par-là de ne pouvoir être démafqué par perfonne, divulgua ces démonllrations comme tiennes dans fon ouvrage imprimé en 1644 : les obfervations que nous venons de faire, me parodient propres à élever de grands doutes contre ce dernier trait du récit de Pafcal. Cet Hillorien de la cycloïde n’eft pas plus exaét ou moins partial, lorfque pour confirmer le plagiat de Torricelli , il parle d’une Lettre de rétra&ation , écrite en 1646 par ce Géomètre. On diroit que Torricelli eft gonvenu de fon crime par cette Lettre, Rien néanmoins de cela : on la lit dans lliiftoire de la cycloïde de Gronin-gius 3 ôc l’on y voit feulement que Torricelli fatigué des criail-1 cries de Roberval, lui écrit enfin qu’il importoit peu que le problème de la cycloïde fût né en France ou en Italie, qu’il ne s’en difoit point l’inventeur ; que jufqu’à la mort de Galilée on n’avoit point connu en Italie la mefure de cette courbe, ôc qu’il ne favoit point reçue de France : il ajoutoit qu’il avoit trouvé les démonllrations qu’on lui contelloit, ôc qu’il s’inquiétoit peu qu’on le crût ou qu’on ne le crût point, parce que ce qu’il diloit, étoit conforme au témoignage de îà conlcience ; qu’au furplus, fi l’on étoit fi jaloux de cette découverte, il l’abandonnoit à qui la vouloit, pourvu qu’on ne prétendît point la lui arracher par violence. Voilà le précis de cette prétendue Lettre de rétra&ation alléguée comme une preuve du plagiat de Torricelli. Mais nous terminerons ici l’hiftoire d’une contcftation à laquelle les Geometres d’aujourd’hui ne donneront pas la même importance. Le récit que nous en avons fait, ôc que nous avons appuyé de preuves, contre que Roberval y mit beaucoup de paffion, Ôc que Paf SZ HISTOIRE cal n’a pas mis moins de partialité dans l’hiftoire qu’il en ar donnée. Après les problèmes fur Paire ôc les tangentes de la cycloï-de, ceux qui fe préfentent les premiers , regardent les folides formés par fa rotation autour de fon axe ôc de fa bafe. Roberval paroît avoir eu le mérite de les trouver l’un ôc l’autre. Le P. Merfenne mandoit en 1(344 à Torricelli la raifon du premier de ces corps avec le cylindre de même bafe ôc même hauteur, qui eft celle de 5 à 8 ; à quoi Torricelli répondit auff jficôt qu’il avoit trouvé la même chofe quelques mois auparavant. A l’égard du dernier , qui eft incomparablement plus difficile à trouver, le Géomètre Italien y échoua, ôc Roberval refte feul en poffeffion d’avoir découvert famefure. Torricelli avoit cru qu’il étoit à fon cylindre circonfcrit comme 11 à 18 ; Je Géomètre François montra qu’il s’étoit trompé , ôc dévoila le véritable rapport {a M. de Roberval a dit long-temps après [b) qu’il avoit trouvé dans le même temps la grandeur de Parc de la cycloïde , ôc qu’ayant dévoilé toutes fes autres découvertes fur cette courbe^ il avoit toujours tenucelle-là cachée, jufqu’au temps où W^ren y parvint de ion côté. Mais je ne crois pas qu’on doive avoir égard à cette proteftation. En effet, pourquoi M. Roberval ne commu-niqua-t’il pas fa découverte à Pajcal, lorfque celui-ci propofa fes derniers problèmes, parmi lefquels eft la détermination de la grandeur de la courbe cycloïdale? Son ami lui en eut fait affurément honneur; au lieu qu’en ne la publiant point dans cette circonftance, c’étoit certainement renoncer à la gloire qui pouvoit lui en revenir. Roberval pouvoit - il douter que le problème propofé par Pafcal feroit réfolu par lui-même , s’il ne l’étoit par aucun autre ; ôc par conféquent que : s’il s’obftinoit à faire myftere de fa découverte,, il feroit prévenu. La théorie de la cycloïde ne s’accrut d’aucune vérité nouvelle pendant un intervalle d’environ 12 ans, c’eft-à-dire depuis 1(346 jufques vers 1658. Ce fut M. Pafcal qui la repro-duifit alors fur la feene. Ce Géomètre ôc Ecrivain célébré , . {a) Le folide en queftion eft an cylindre ✓ré du diametre , au quarré de la demi-cir<-circonfcrit, comme les | du quarré de la conférence, demi-circonférence* moins le tiers du quar- (b) De Trochoïde. . DES MATHÉMATIQUE S. IV. I. 53 fils d’ un pere qui étoit lui-même très-verfé en Géométrie, avoit fait dans cette fcience des progrès étonnans dès fa tendre jeunefTe.- Perfonne n’ignore l’hiftoire peu croyable qu’on raconte de lui. Agé de 12 ans, il étoit , dit-on , parvenu fans livre ôc par la feule force de fon génie jufqu’à la trente-deuxieme proportion du premier Livre & Euclide. Les Lecfteurs en croiront ce qu’ils jugeront à propos : quant à moi, dût-il m’arriver la même chofe qu’à Baillet3 qui fut tancé par quelques partifans de M. Pafcal, pour avoir eu quelque doute fur ce trait de fa vie, je ne diffimulerai point que je le fufpećte fort d’exagération. Ce qu’on ne peut cependant refufer à M*-Pafcal, c’eft qu’il étoit déjà Géomètre, ôc Géomètre profond à un âge où ordinairement les bons efprits ne fçavent point encore ce que c’eft que la Géométrie. A l’âge de 16 ans il compofa un Traité des coniques, où tout ce qu’Apollonius avoir démontré, étoit élégamment déduit d’une feule propo-fition'générale (a). Ce Traité fut envoyé à Defcartes , qui ne put le croire l’ouvrage d’un jeune homme de 16ans, ôc qui aima* mieux l’attribuer à MM .Pafcal le pere, ôc Defargues.- Mais outre que nous avons dans ce fiecle des exemples de cet avancement en Géométrie ft peu proportionné au nombre des années, il y a dans la vie de M. Pafcal des traits qui rendent celui-là probable. On peut facilement le croire de celui qui a inventé la machine arithmétique à 19 ans. En effet M. Pafcal n’en avoit pas davantage, lorfqu’il imagina cette ingénieufe machine , qui fait encore l’admiration des meilleurs efprits pat la complication de fes parties ôc l’invention qu’on y voit éclater, - M. Pafcal avoir en quelque forte abandonné la Géométrie douze ans avant fa mort, pour-s’adonner uniquement à des études plus importantes-, telles que celles de la religion ôc de la morale. Mais les Mathématiques font pour ceux qui les ont une fois connues , une maîtreffe chérie avec qui de puiflans motifs peuvent faire rompre , mais qu’on ne fçauroir oublier-entièrement. M. Pafcal éprouva , ce femble , une pareille-■ foibleftè pour elles. On le voit par fes lettres- à M. de Fer- ( a ) Quid de binis Pafcalibus dixero s filio qui unica propofitione quadringentis cer-ptntle in omnibus Mathematicis apprim'e ver- rollariisfiipatd omnia Apollonii conica com* fitttO) qui mira-de triangulis demonfiravit, prehendit ? Merfenne, H arm. ur.iv, 54 HISTOIRE mat avec qui il difcutoit en 1654 diverfes queftions fur les combinaifons 6c les parties de jeu ; ce qui s’accrut bientôt au point de lui fournir la matière de fon Triangle arithmétique, qu’il publia cette même année. La cycloïde enfin ,, car il eft temps que nous reprenions le fil de notre hiftoire, fut un nouveau fujet de diftraétion , je dirois prefque de rechute pour M. PajcaL II fe mit vers fan 1658 à confidércr plus profondément cette courbe. Ceux qui en avoient fait jufque-là l’objet de leurs recherches , s^étoient bornés à faire de la cycloïde entière, 6c aux folides formés autour de l’axe 6c de la bafe ; M. Pafcal envifagea la chofe plus généralement, 6c tirant uns ordonnée q uelconque comme F H, il rechercha f aire 6c le centre de gravité de ces fegmens, comme A H F ; la grandeur des folides qu’ils forment en tournant autour de f ordonnée ou de l’axe ; leurs centres de gravité, 8c enfin ce qui augmente beaucoup la difficulté , ceux des fegmens de ces folides coupés par un pian paiïànt par l’axe de rotation. En polîèftlon de ces problèmes, les plus difficiles fans doute que fe fût encore propofé la Géométrie, M. Pafcal voulut faire un eiïai de la force des Geometres fes contemporains. Il leur adrefla une lettre circulaire pour les inviter à la folution de les problèmes. Il s’engageoit à donner au premier qui les réfoudroit, quarante piftoles, 6c vingt au fécond ; il fixoit le premier Odfcobre de la même année pour le terme auquel il falloit que les folutions fuflènt remifes, avec les formalités à obferver pour en conftater la délivrance. M, de Carcavi fut défigné pour celui à qui il falloit les adrefter. Quant à lui, il fe cacha fous le nom de Dettonville 8c c’eft fous ce nom que parurent toutes les pièces qui concernent ce défi Mathématique. Le terme fixé par M. Pafcal étant arrivé fans que perfonne eut réfolu fes problèmes à fon gré, il publia alors fon Hiftoire de la Roulette, 6c il propofa de nouveaux problèmes concernant cette courbe. Ceux-ci regardent les furfaces des folides 6c des demi-folides dont on a parlé , 6c les centres de gravité de ces furfaces. Il donna jufqu’au premier de Janvier pour leur folution, 6c il prorogea jufque-là le terme accordé pour pelle des premiers, 6c fous les mêmes conditions. Ceux q#i ne connoiftent ces problèmes que par ce qu’en % DES MATHÉMATIQUES. IV. 5j écrit M, Pafcalfont dans la perfuafion que perfonne autre que lui ne les réfolut. Mais après l’infpeétion de différentes pièces 7 il nous a paru que ce célébré Ecrivain fut dans le cas de la plupart de ceux qui propofent de pareils défis , c’efl-à-dire qu’il n’avoit point envie de perdre la fomme dépofée , 6c qu’il fit de mauvaifes difficultés contre une folution qu’on lui envoya. En effet Wallis réfolut les premiers problèmes avant le terme affigné. Le Chevalier de Digbi ayant reçu la Lettre circulaire de Pafcal par l’entremife de M. de Carcavi, vers le 10 Août, en informa Wallis, Celui-ci déjà en poffeffion de furmonter les plus grandes difficultés de la Géométrie, fe mit aufîitôt à travailler aux problèmes en queflion, 6c envoya avant la fin du mois fa folution à M. de Carcavi avec une atteffation d’un Notaire d’Oxford, formalité qu’il crut nécef-faire pour en conftater la date r fi quelque eirconftance en jretardoit l’arrivée à Paris au-delà du terme affigné. Pafcal la reçut le ly Septembre, 6c répondant à Wren fous le nom de Dettonville, il lui apprit la réception de l’écrit de Wallis„ 11 lui en fit des éloges , 6c lui dit qu’il étoit content de cette folution, qu’il auroit feulement déliré qu’au lieu de faire at-tcffer la date du départ par un Notaire d’Oxford , il en eût fak notifier l’arrivée 6c la dépofition entre les mains de M. de Carcavi par un Notaire de Paris , ce qui étoit une des formalités qu’il avoit demandée par fa Lettre circulaire. Ce fut fous ce prétexte qu’il n’accorda point à Wallis le prix qu’il avoit gagné. Mais ce procédé ,, quoique dans les loix de la rigoureule équité, n’aura pas, je penfe, l’approbation de beaucoup de perfonnes. Dans une affaire de cette nature, qui étoit toute de bonne foi, il fuffifoit fans doute que M. Pafcal eût reçu lufmême, comme il en convenoit, la folution de Wallis, pour qu’il dût lui décerner le prix, Wallis fe plaignit avec modération 6c en homme défintéreffé, qui avoit cherché l’honneur plutôt que le gain d’une modique fomme, en travaillant à ces problèmes. Il ne me paroît pas qu’il ait concouru pour ceux que Pafcal propofa enfuite au mois d’Ocfobre, foit qu’il n’en ait pas eu connoiïlànce à temps, foit que rebuté de la mauvaife difficulté qu’on lui avoit faite, il n’ait pas voulu fe donner la peine d’y travailler. Il publia fes folutions en 1Û55, 3 dans un Traité particulier intitulé , de cycloïde & cyf 5 6 HISTOIRE jbïde, qu’on retrouve dans le premier volume de fes œuvres. Un autre Géomètre à qui il me femble que M. Pafcal ne rendit pas allez de juftice, eft le Pere Laloubere. Ce Jéfuite de Touloufe, déjà connu par un ouvrage intitulé : Elementa Tetragonimifca, ou Quad. circuli & Hyp. fegmentorum ex datis ipforum centris gravitatis ( Toi. 16 51. in-8) qui contient beaucoup de fçavante ôc profonde Géométrie, envoya à M. Pafcal la folution de fes problèmes fur les folides de la cycloïde, ôc leur centre de gravité , avant la fin de l’année 1658. Nous en tirons la preuve de ce que M. Pafcal lui répondant par une lettre datée du premier Janvier 1659 , lui chercha querelle fur une prétendue erreur de calcul. Mais Lalouhere me paroît s’en juftifier fuffifamment , ôc montrer que ce n’eft qu’une erreur de tranfcription, foit en renvoyant à fon écrit imprimé qui parut à Touloufe le 9 Janvier , ôc qu’il n’eft pas à préfumer qu’il eût entièrement refondu , ôc fait imprimer dans trois ou quatre jours, foit par la comparaifon d’autres circonftanccs, Cependant M. Pafcal peu difpofé à rendre juftice à un membre du corps-dont étoit Lalouhere, prétendit toujours que ce Pere s’étoit trompé, ôc qu’il n’avoit reconnu fon erreur qu’après en avoir été averti : il dit dans quelques additions à fon hiftoire de la cycloïde plufieurs chofes mortifiantes pour ce Jéfuite de Touloufe, ôc comme il étoit en poflefîion de tourner comme il vouloit la raifon de fon coté, fon adverfaire parut avoir tort, A la vérité , ce Pere auroit été mal fondé à prétendre aux prix propofés par M. Pafcal ; il n’avoit pas réfolu aiïez-tbt les premiers problèmes pour y avoir aucun droit, mais il l’avoit fait affez à temps pour mériter plus de juftice que cet homme célébré ne lui en rendit. Laloubere publia fes méditations fur la cycloïde en 1660 , dans un ouvrage intitulé , Geometria promota in feptem de cycloide libris. Ce Livre eft rempli de belle ôc fçavante Géométrie. Outre les folutions des premiers problèmes de M. Pafcal, nous remarquons dans le fécond Livre une fpécu-îation fort ingénieufe. Laloubere y examine la dimenfion de la courbe qui feroit retranchée fur la furface d’un cylindre Fig, 43,i4.’ droit, avec un compas dont la pointe immobile feroit dans un point quelconque C , & l’autre parcourroit cette furface. Il appelle cette figure cyclo cylindrique ; ôc il montre que toutes D E S M AT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv. I. 5 7 tes les fois que l’ouverture fera telle , que la pointe mobile atteindra l’extrémité du diametre D , cette furface fera abfo-lument quarrable , c’eft-à-dire égale à 4 fois le re&angle D H G. Mais fi la pointe mobile n’atteint pas à cette extrémité , la figure retranchée de la furface du cylindre en question , fera égale à celle d’un cylindre oblique déterminé. Au refte il faudroit avoir beaucoup de patience 6c de temps à perdre, pour s’avifer d’aller puifer dans cet ouvrage, de même que dans celui que nous avons cité plus haut. La fingularité de la méthode qu’emploie leur Auteur, qui eft le plus fouvent celle dont Archimede s’eft fervi dans fa quadrature méchanique de la parabole , la prolixité qui naît d’une trop grande affectation de rigueur géométrique, 6c diverfes autres chofes femblables , font capables d’en écarter le LeCteur le plus intrépide. Il y eut divers autres Géomètres qui effayerent leurs forces fur les problèmes de M. Pafcal. Le Chevalier Chriftophe JVren trouva la rectification de la cycloïde. Il montra qu’un arc quelconque de cette courbe , pris depuis le fommet, comme  F , étoit égal au double de la corde A D , de forte que la moitié AB de la cycloïde eft double du diametre A C du cercle générateur. Il découvrit aufiî la dimenfion de la fur-face des folides autour de la bafe 6c de l’axe, 6c conféquem-ment le centre de gravité de la courbe elle-même. Il envoya toutes ces chofes à M. Pafcal, dans une Lettre datée du 12 Octobre , c’eft-à-dire du 2 2 fuivant notre ftyle. M. de Fermat détermina auffi la grandeur des furfaces dont nous venons de parler, 6c donna à cette occafion, dit M. Pafcal, une méthode générale 6c fort belle pour la dimenfion des furfaces rondes , dont nous dirons un mot ailleurs. Mais perfonne, que je fçache, ne réfolut les problèmes les plus difficiles finies furfaces en queftion, fçavoir ceux qui concernent les fur-faces des folides formés autour des parallèles à la bafe , les centres de gravité de ces furfaces , 6c des demi-furfaces. Ainfi fi M. Pafcal n’eut pas la fatisfa&ion de voir fes premiers problèmes hors de la portée des autres Géomètres de fon temps , il eut du moins celle de voir que lui feul pouvoit donner la folution des derniers. Le commencement de l’année 1659 étant arrivé, M .Pafcal Tome JL H F g- zz 5S HISTOIRE fie difpofa à mettre au jour fes folutions. Il les publia peu après dans un écrit fous le titre de Lettre de A. Dettotiville à M. de Carcavi. On y trouve d’abord une méthode pour les centres de gravité de toutes fortes de grandeurs. Elle eft fui-vie d’un Traité intitulé des trilignes & de leurs onglets > qui eft une introduction générale à la dimenfion des folides curvilignes. Il y examine ce qu’il faut connoître dans une figure curviligne quelconque pour avoir la mefure des folides produits par fa circonvolution, foit autour de la bafe, foit autour de l’axe, leurs centres de gravité, de ceux des demi-folides, avec les furfaces de ces folides de demi-folides de leurs centres de gravité. Dans les Traités fuivans, qui portent pour titre , des finus du quart de cercle , & des arcs de cercle, il eft occupé à déterminer dans la figure circulaire les differentes chofes qu’il a démontré être néceffaires pour la folution des problèmes ci-deffus. Enfin, après avoir obfervé que l’ordonnée de la cycloïde fe réfout en deux parties , dont l’une eft le finus du cercle générateur, de l’autre l’arc correfpondant, il réfume toutes ces chofes , de il montre qu’il a donné dans les Traités precedens tout ce qu’il faut pour la folution de fes problèmes fur cette courbe. Nous regrettons que l’extrême fécondité de notre matière ne nous permette pas de développer davantage tout le procédé de M. Pafcal. Il ne feroit pas poffîble de le faire, fans y donner plufieurs pages, de nous fommes contraints de facrifier ce morceau quoiqu’intéref-fant, à la brièveté. La folution que M. Pafcal donne de fes problèmes , eft fui-vie de quelques autres écrits géométriques , dont l’un vient à notre objet préfent. II concerne la rectification de la cycloïde, foit ordinaire, foit alongée, foit raccourcie. Pafcal y montre par une méthode générale, que toutes ce s courbes font égales à des demi-circonférences d’ellipfe , dont il détermine les axes conjugués. Ceci ne contredit point la découverte de W'ren , fuivant laquelle la cycloïde ordinaire eft quadruple du diametre du cercle générateur. Il arrive en effet dans ce cas que le petit axe de l’ellipfe eft nul ; ce qui fait que fa circonférence coincide avec fon grand axe. Ainfi ce que JV^ren avoit trouvé par une méthode particulière, n’eft qu’une con-féquence de celle de M. Pafcal. On démontre facilement ce DES M A T El É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. L 59 rapport des courbes cycloïdales avec l’ellipfe par le moyen du calcul intégral. Car rexprellîon différentielle ou de l’élément de cette courbe, eft abfolument femblable à celle de l’élément de l’arc elliptique. Quoique la mefure de la cycloïde entière dépende de la quadrature du cercle, on peut cependant trouver plulieurs de les portions égales à des elpaces re&ilignes. MM. JVren ôc Huygkens en ont donné le premier exemple, en remarquant que l’ordonnée éloignée du fommet de la moitié du rayon, retranche un fegment égal au triangle équilatéral infcrit dans le cercle générateur. M. Leibnitq a trouvé enfuite que, ft l’on tire du fommet une ligne à l’extrémité de l’ordonnée paffant par le centre, le fegment A dl étoit abfolument quarrable , ôc qu’il égaloit la moitié du quarré circonfcrit. Mais tout cela eft contenu dans la découverte fuivatite de M. Jean Bernoulli Fio' ( a ). Si l’on prend, dit ce fçavant Géomètre, de coté ôc d’autre du point B qui divife le rayon contigu au fommet en deux parties égales, deux ordonnées également diftantes , comme Ei&DeT, ou Ei &D a ajouter à fes découvertes analytiques. Mais ce n’eft pas ici le lieu d’embrafîèr ces objets : nous nous bornons à M Fig- 1? Jacques gory. 6* HISTOIRE celles de fes recherches géométriques dans lefquelles il a fuivî la méthode ancienne. De ce genre eft l’ouvrage qu’il publia en 1664, 6c qui eft intitulé Vera circuli & hyperbolen quadra~ tura. Sur ce titre on ne doit pas juger que la prétention fut d’avoir trouvé la quadrature abfolue du cercle 6c de l’hyperbole. Son objet eft tout différent : car il entreprend au contraire de démontrer qu’elle eft impolîible, &: qu’il n’y en a point d’autre que celles par approximation. Il en donne de très-ingénieufes , &; l’on ne peut méconnoître qu’elles ont un avantage fur celles de Snellius 6c & Huyghens 3 non feulement par l’exaétitude, mais encore en ce qu’elles font communes au cercle 6c à l’hyperbole, courbes qu’on fçait tenir Tune à l’autre par tant de propriétés analogues. M. Grégori démontre aufîi dans cet ouvrage , une propriété fort remarquable des polygones inferits 6c circonfcrits aux feélions coniques : elle confifte en ceci. Si l’on a deux polygones femblables, l’uninfcrit & l’autre circonfcrit, que nous nommerons A 6c B ; enfuite les deux autres inferit &: circonfcrit, qui fui vent, c’eft-à-dire, qui ont un nombre double de côtés, que nous nommerons C & D ; le polygone C eft moyen géométrique entre A 6c B, de le polygone D eft moyen harmonique entre C 6c A, 6c ainfi de fuite à l’infini. Delà naît une fuite de termes toujours convergens , c’eft-à-dire, approchant de plus en plus de la grandeur du feâeur curviligne. C’eft ce que Grégori nomme une fuite convergente. Il eft des fuites de cette efpece dans lefquelles il eft pofiible d’affigner le dernier terme. Si cela arrivoit ici, on ati-roit la quadrature du cercle 6c celle de l’hyperbole ; mais bien loin delà : M. Grégori prétend démontrer que par la nature de la loi qui y régné , ce dernier terme eft inafîignable analytiquement , c’eft-à-dire, qu’on ne fçauroit trouver aucune expreflion en termes finis par laquelle on puiffeledéfigner. Sa démonftration eft ingénieufe , 6c reffcmble beaucoup à celle par laquelle on démontre l’impoffibilité de di vifer généralement un angle en raifon donnée. Elle 11e convainquit cependant pas M. Huy-ghens, 6c ce fut entre lui 6c Grégori le fujet d’un vif débat, dont le Journal des Sçavans 6c les Tranfaćtions Philofophiques des années 1667 6c 1668 furent le champ. Les Géomètres ne me parodient pas avoir prononcé fur cette conteftation , 6c quoique je fois porté à regarder la démonftration de Grégori com- DES MATHÉMATIQUE S./WIV. Liv. I. Gy me concluante , je les imiterai. Toutes les Pièces de cette fça-vante difcuffion , fe trouvent avec le Traité de Grégori , dans le fécond volume des Œuvres à'Huyghens* M. Grégori publia quelques années après (en 166$.) un autre ouvrage de Géométrie profonde, fous le titre de Geometriae pars universalis. C eft , pour en donner brièvement une idée , un recueil de théorèmes curieux ôc utiles pour la transformation ôc la quadrature des figures curvilignes,, pour la rectification des courbes , la mefure de leurs folides de circonvolution, ôcc. S’ils ne font pas tous nouveaux, ils y font du moins le plus fouvent généraliles d’une maniéré qui les rend en quelque forte propres à l’Auteur. Nous parlerons ailleurs de fes Exercitationes Geometrica , à caufe quelles appartiennent plus à l’analyfe moderne qu’à la Géométrie ancienne. Le fçavant Géo-metre dont nous parlons étoit de New-aberdeen en EcoiTe, oii il naquit en 1636. Il fit en Italie un féjour de plufieurs années, ôc rendu à fa patrie vers 1670, il y occupa une Chaire de Pro-fefïeur de Mathématiques. Il donnoit les plus grandes efpé-rances , commençant à fuivre de près Newton dans la carrière que celui-ci avoit ouverte, lorfqu’une mort précipitée l’enleva en 1675. Il nous faut préfentement repafTer en Italie, 011 nous rappellent quelques Géomètres célébrés , dont il feroit injufte d’enfevelir les travaux dans l’oubli. Le premier qui s’offre à ■nous, eft Etienne de Angelis. Ce difciple de Cavalleri s’attacha Etienne de à cultiver ôc à étendre la méthode de fon maître ; ce qu’il fit AnëeliS'-heureufement dans divers ouvrages qu’il publia entre les années 1658 ôc 166z. Ils concernent la plupart des lujets de Géométrie fublime , comme les aires ôc les centres de gravité des fe&ions coniques ; les folides formés de diverfes maniérés par la rotation de leurs fegmens ; les fećtions coniques ôc les fpirales des ordres fupéricurs , ôcc. Nous avons parcouru plufieurs de ces ouvrages qui nous ont paru dignes d’un très-habile Géomètre. De Angelis étoit de l’Ordre desHieronymites ; mais cet Ordre ayant été fupprimé en 1668 , il vécut depuis en particulier. Il profeffa les Mathématiques à Padoue, où il vivoit encore vers la fin du fiecle. Le Géomètre Michel-Ange Ricci mérite auff que nous en M.Jticck-faffions ici mention. Il eft Auteur d’une Diftertation fous le Viviani. / 70 H ISTO I R E titre de Maximis Sc Minimis, imprimée à Rome en 166] ; la Société Royale de Londres la jugea affez intéreffante pour en procurer une fécondé édition , qui eft à la fuite de la Lo-garithmotechnie de Mercator. L’objet de cette Diftertation eft de déterminer les tangentes ôc les Maxima ôc Minima des courbes par le moyen de la Géométrie pure, ce qu’il exécuta entr’autres fur les ferions coniques des ordres fupérieurs. Il y promettoit quantité d’autres recherches importantes fur ces courbes , fur Panalyfe ancienne fur la conftru&ion géométrique des équations ; mais nous ne voyons pas que cette pro-mefte ait eu fon exécution. Nous terminerons cette partie de notre Hiftoire par le récit des travaux de M. Viviani. Ce difciple de Galilée > s’eft principalement illuftré en Géométrie , par deux ouvrages d’un genre particulier. Le premier eft fa divination fur le cinquième Livre des coniques d’ Appollonius dont nous avons fait l’hiftoire en parlant des écrits de cet ancien Géomètre : le fécond concerne un autre Géomètre de l’Antiquité, à peu près contemporain d'Euclide, qu’on nommoit Ariflée l’ancien. Cet Arijlée avoit écrit, au rapport de Pappus {a), outre cinq Livres & Elémens des Coniques, un autre Traité intitulé des Lieux folides, c’eft-à-dire , des propriétés locales de ces courbes. Les Coniques d’Appolionius ne nous laiftent aucun lieu de regre-ter le premier de ces ouvrages ; mais il eût été intéreflant pour la Géométrie que le fécond nous fût parvenu. Ce motif excita M. Viviani , à peine âgé de vingt-trois ans, à faire des efforts pour y fuppléer. Il commença dès-lors à affembler des matériaux dans cette vue : mais tant d’occupations différentes le traverferent à diverfes reprifes, ôc quoique cet ouvrage foit le premier de ceux qu’il avoit médités , c’eft cependant le dernier qu’il ait achevé. Enfin ayant été nommé par Louis XIV 3 dont il étoit déjà penfîonné depuis long-temps, Affocié étranger de l’Académie , il fit, malgré fon extrême vieilleffe, un dernier effort pour l’achever , ôc il le mit au jour en 1701. Cet ouvrage fait également honneur au fçavoir ôc au cœur de M. Viviani , par la fçavante Géométrie qu’il contient, ô£ par les fentimens de reconnoiffance envers le Monarque fon {a) Coll, Math. 1, yn , Prof. DES M AT H É M ATI Q U E S. Part. IV. Liv. I. 71 bienfaiteur, ôc Galilée fon illuftre maître, qui y font répandus. M. Viviani propofa en 1692 un problème curieux , ôc tout-à-fait digne de trouver place ici. Il lui donna le titre à'Ænigma Geometricum à D. PioLifci pu filio Geometra : ces derniers mots lotis lefquels il fe cachoit, font l’anagramme de ceux-ci : à pofłremo Galilei difcipulo. Il y a 9 difoit-il, parmi les antiques monumens de la Grece , un Temple confacré à la Géométrie , dont le plan eft circulaire , & qui eft couronné d'un dôme hêmifphéri-que. Ce dôme eft percé de quatre fenêtres égales avec un tel art que le reftant de la furface eft abfolument quarrable. On demande de quelle maniéré on s y étoit pris. M. Viviani s’adrefToit principalement aux illuftres Analiftes du temps, ôc il ajoutoit qu’il ne doutoit point que leur art fecret, ( c’eft ainfi qu’il défignoit la nouvelle Analyfe», ) ne les mît bientôt en poffeffion de fon eoigme. En effet, cette énigme n’en fut pas long-temps une pour ceux qui étoient verfés dans la nouvelle Géométrie ultramontaine. En Allemagne , MM. Leibnit.^ ôc Jacques Bernoulli ; en France le Marquis de VHôpital en donnèrent plufieurs folutions prefque aulîi-tbt qu’ils l’eurent vue. L’Angleterre ou elle ne pénétra apparemment que l’année fuivante, €n fournit aullî quelques-unes , qui furent l’ouvrage des DD. U^allis ôc David Grégori. Mais toutes ces folutions, il faut en convenir le cèdent à certains égards à celle de Viviani. Si 1 on décrit, dit-il, dans le demi-cercle A BD, qui paffe par fig, 39, le fommet ÔC le centre de la voûte, deux autres demi-cercles fur les rayons AC , CD , ôc qu’on en faffe les bafes de deux cylindres droits qui pénétrent l’hémifphere de part ôc d’au-tfe , ils en retrancheront quatre portions telles que le refte fera eSal à deux fois le quarré du rayon. Il y a encore ici une chofe remarquable , ôc que je ne fçais fi Viviani obferva ; c eft que ja portion de chaque demi-cylindre, renfermée dans I hérmfphere, eft aufii fufceptible de quadrature abfoîue, ôc égale J deux fois le quarré du rayon de l’hémifphere : il publia cette olution avec diverfes autres vérités géométriques dans fon XercitatLo Mathematica de formatione & menfurâ fornicum ; lriais il s’y borna au fimple énoncé, ôc il fupprima les démonf* Rations : cela donna lieu quelques années après au JP. Guido-Grandi Géomètre, de l’Ordre de Camaldules, de les recher- ) 72 HISTOIRE , &c. cher Sc de les publier fous le titre de Viviancorum problematum demonflratïo. Dans cet écrit qui contient plus que ne promet le titre , le P. Grandi remarque auffi quelques curiofités géométriques du même genre, entr’autres une portion de furface de cône droit, qui eft abfolument quarrable ( a), &; à laquelle il donne le nom de tentorium ou tabernaculum Camaldulenfe. II eût mieux fait, à notre avis , de ne lui en donner aucun. Il y auroit encore à dire fur M. Viviani pluiieurs chofes cu-rieufes que nous fupprimons à regret. Dans la néceffité où nous fommesd’abréger, nous renvoyons nos Lećteursa fon éloge hiftorique qu’on lit dans PHiftoire de l’Académie de l’année 1703. Nous nous bornerons ici à leur apprendre qu’il mourut au mois de Septembre de cette même année , âgé de 81 ans. Le P. Grandi, dans une lettre qui fuit fa démonftration des théorèmes & Huyghens , cite plufieurs fois avec éloge le Geometre Jean Ceva, Auteur d’un ouvrage intitulé Geometria motus ( i6yi. in~4°. Bon.) C’étoit le frere du P. Thomas Ceva, Jéfuite , habile Géomètre lui-même , &: connu par diverfes Poëfies Latines, parmi lelquelles eft un Poème élégant fur la Phyfique ancienne &C moderne. Jean Ceva traitoit dans fon ouvrage de la méthode des tangentes par la compolition du mouvement ; c’eft du moins ce que font conjećhirer les citations que je viens d’indiquer. Je trouve encore quelques opufcules de ce Géomètre ou de fon frere , fous ces titres : De lineis redis conflrudio Statica ( 1678 ) : de flexi-lineis, &c. Mais je fuis obligé de me borner à cette ftérile indication ^ n’ayant point pu m’en procurer la vue. [a] M. Jean Bernoulli avoit déjà annon- du fommet, eft en raifon donnée avec la ce dans les Aétes de Leipfick 16 9 f , cette figure propofée. Cela eft facile à démon-propricté du cône droit. il y avoit remarqué trer , & il ne l’eft pas moins de voir qu’on que fi fur fa bafe on a une figure quelcon- peut par ce moyen retrancher de la furface que fur laquelle on éleve un prifme droit, du cône tant de portions abfolument quaria portfon de forface qu’il retranche du côté râbles qu’on voudra. Fin du Livre I. HISTOIRE HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx QUATRIEME PARTIE, JQui comprend VHiftoire de ces Sciences pendant le dix-feptieme fiecle. LIVRE SECOND. De la Géométrie &: de l’Analyfe , traitées à la maniéré de Defcartes , jufqu’à la fin du dix-feptieme fiecle. SOMMAIRE. î* Caufie de la lenteur des progres de la Géométrie , & en quoi i Analyfie algébrique les a accélérés. IL Découvertes d’Har-not fur la nature des équations. Examen de plufieurs de celles que lui attribue Wallis. IIL D'Albert Girard. IV. De Défi cartes. Traits abrégés de fia vie. Expojition de fies découvertes purement analytiques. Sa défenfie contre Wallis. V. Des dé-couvertes géométriques de Defcartes. Il applique ! analyfe algébrique à la théorie des courbes avantages de cette application. Solution qu'il donne d'un problème ou avoit échoué l'An* Tome II. R 74 HISTOIRE tiquité. Sa conflruction des équations cubiques, quatre- quarrêesr, & du Jixieme degré. Examen de quelques-unes de fes opinions concernant la fimplicité des conftrucHons géométriques. De fis ovales. VI- De la méthode des tangentes de Defcartes. Application de fon principe à celle de Maximis ôc Minimis , à Vinvention des points a inflexion, &c. Ufage de la méthode des tan f entes pour la détermination des afymptotes. VIL De M. de 1ermat. Sa regle de Maximis ôc Minimis. Sa méthode des des tangentes. Querelle quil a à ce fujet avec DeJcartes. Autres inventions analytiques de Fermat. VIII. Quel accueil reçoit Vanalyfe de Defcartes ; Roberval prétend y relever des fautes. M. de Beaune efl le premier à en pénétrer les my fleres. Origine du problème inverfe des tangentes ; problème propofé par JH. de Beaune à Defcartes, & jufqu oit celui-ci y pénétré. De divers autres Geometres qui cultivent Vanalyfe de Defcartes; de Schoten, de fon Commentaire & de fes autres écrits. De M. de Witt. De M. Hudde.De M. Van-Heuraskf M.Huyghens, &c. IX. Progrès que fait la méthode de Maximis ôc Minimis, & celle des tangentes entre les mains de MM.Hudde; Huyghens; de Slufe. X. De laconf-iruction des équations. Méthode de M. de Slufe. Inventions de quelques autres Géomètres concernant ce fujet. XL Sur la réfolu-tion des équations ; progrès de cette partie de l analyfe. XII. Ouvrages principaux qui traitent de Vanalyfe de Defcartes. L La nouvelle forme qu’a pris l’analyfe entre les mains des Géomètres du fiecle paffé 3 efl une des eaufes principales des rapides progrès qui ont amené ia Géométrie au point où elle «fl aujourd’hui. Tant que les rapports dont la recherche occupa les Géomètres ne furent pas trop compliqués, les méthodes anciennes purent les aider à les démêler. C’efl par leurs lecours qu’ils firent les découvertes profondes qui nous ont ocupés jufqu’ici; découvertes qui ont d’autant plus de droit à notre eflime, que les moyens par lefquels ils y parvinrent étoient plus laborieux, ôc qu’il étoit plus facile de fe tromper en les employant. Ils’pénétrerent aufli avant que les inftrumens, qu’on me permette ce terme, dont ils étoient en pofïeffion leur putent fetvir , ôc ils en tirèrent fouvent un parti que ne foup-çonneroient pas ceux qui ne connoiflent que la nouvelle Géo- DES MAT H É M AT I QU E S. Pan. IV* Liv. II. 7j fltétrie. Mais enfin il étoit de la nature de ces in 11 rumen s de ne pouvoir les aider que jufqu’à un certain point , ôc lorf-qu’après avoir épuifé les recherches qui étoient à leur portée, iis voulurent s’élever à des fpéculations plus difficiles , ils échouèrent devant des difficultés qu’une analyfe moins fça-vante, mais plus commode, furmonte aujourd’hui fans peine. La principale caufe qui rend l’analyfe ancienne infuffifante dans des quellions d’un certain ordre , efl fon affujettiffement néceflaire à une fuite de raifonnemens développés. Si l’on ne peut les fuivre qu’avec peine, à plus forte raifon ne les peut-on Former fans une contention extrême d’efprit, fans des efforts extraordinaires de mémoire &: d’imagination. Faut-il donc s’étonner que la même méthode qui dans certaines queflions préfente une clarté lumineufe , devienne obfcure impraticable dans d’autres où la complication des rapports efl fort fupérieure. Le premier pas à faire pour mettre l’analyfe en état de fur-monter ces difficultés , étoit donc d’en changer la forme, êc de foulager l’efprit de ce fardeau accablant de raifonnemens. Rien de plus heureux pour cet effet que l’idée qu’on a eue de réduire ces raifonnemens, en une forte d’art ou de procédés techniques qui après les premiers pas n’exigent prefque plus aucun travail d’efprit. L’Arithmétique &: l’Algebre ordinaire nous en offrent des exemples. Car qu’efl-ce qu’une opération arithmétique , finon un procédé méchanique pour la plupart des hommes, mais qui efl cependant le tableau &: l’équivalent des opérations laborieufes aufquelles l’efprit feroit réduit fans cefecours? L’analyfe algébrique d’un problème fur les nombres n’efl encore autre chofe qu’une fuite de raifonnemens écrits en abrégé , & qui fans contention & prefque méchani-quement, conduifent au même but que fi l’efprit-les eût fui-vis. Rien n’empêche de fe fervir d’un femblable artifice dans la Géométrie. Les grandeurs qu’elle confidere font fufeepti-blés des mêmes calculs : toute efpece d’étendue peut être désignée par des nombres; car une ligne, par exemple, n’eft d’une certaine grandeur que parce qu’elle en contient une autre prife pour mefure ou comme unité, un certain nombre de fois : il en eft de même des furfaces, &c. On pourra conséquemment les repréfenter comme fi c’étoient des nombres, K ij HISTOIRE par des lignes univerfels. Mais toutes les propriétés des figures ne confinent qu’en ce que certaines dimenfions font à d’autres dans un certain rapport. Dans le cercle, par exemple, le quarré de la perpendiculaire tirée d’un point fur le diametre eft égal au rećbangle ou au produit des deux fegmens de ce diametre : on pourra donc encore exprimer ces dimenfions par leurs rapports mutuels, & les analyfer comme on a vu qu’on le faifoit dans les queflions purement numériques. Voilà l’analyfe algébrique, voilà l’application de l’Algebre à la Géométrie. I L On a expofé dans un des Livres precedens les diverfes inventions dont le célébré Viete enrichit l’analyfe : on y a vu les méthodes qu’il imagina pour la réfolution des équations du troifieme degré , la conflruélion ingénieufe qu’il en donna par le moyen des deux moyennes proportionnelles, ou de la trifećlion de l’angle, la décompofition des équations du quatrième degré par le moyen de celles du troifieme, la formation des puiffances, le commencement enfin de l’analyfe des équations fi vivement revendiquée à Harriot par Wallis. Tel étoit l’état de l’analyfe au commencement du dix - feptieme fiecle , & où elle relia aflez long-temps. La plupart de ceux q.ui la cultivèrent fe bornèrent prefque à l’éclaircir, ou à énoncer en d’autres termes ce que Viete avoit enfeigné. Nous distinguerons cependant parmi ces Analiftes, Guillaume Ougthred (a), dont on a quelques ouvrages eflimables dans ce genre. Il développa davantage l’application de l’analyfe aux problèmes géométriques, la conflruclion des équations la formation des puiffances, les formules pour les fećtions angulaires , &c. Mais la plupart de ces chofes ne paffent guere ce qu’on pourroit nommer l’analyfe élémentaire, ou ce qu’on tenoit déjà de Viete. C’efl pourquoi il feroit inutile de nous y arrêter davantage. {a ) Guillaume Óugthred étoit né en divers ouvrages publiés en divers temps, i f7 3, & mourut en 1660 , d’un tranfport & qui ont été raffemblés pour jla plupart, •4e joie, en apprenant la réfolution prile & imprimés fous le titre d’Opufcules en par le Parlement de rappeller Charles II. 1667* Outre là Clavis Geometrica, on a de lui \ DES MAT H ÉM AT I QU E S. Part. IV. Liv. II. 77 C’eft à Harriot {a) que Panalyfe doit les premiers progrès qu’elle fit au-delà de ceux que Viete lui avoit procurés le fiecle precedent. On lui eft redevable de l’importante découverte de la nature 6c de la formation des équations, découverte ébauchée par Viete, 6c qu’il développa avec beaucoup de fagacité. L’ouvrage dans lequel ill’expofe, eft intitulé, Artis analyticæ praxis, 6c parut à Londres en 1631 , dix ans après la mort de fon Auteur. Il entre dans notre plan de donner le précis de ce qu’il contient de plus remarquable. Le premier pas & Harriot, eft de ne s’être point borné à conft-dérer les équations fous la forme ufitée jufqu’alors , c’eft-à-dirc en égalant les termes où entre la quantité inconnue à celui qui contient la connue. Harriot fait palier dans l’oc-cafion ce dernier terme du même coté que les autres, 6c l’affectant d! un ligne contraire à celui qu’il avoit, il égaie toute l’exprellîon à zero. Cela eft naturel, 6c dans les réglés de l’analyfe algébrique ordinaire; li x~b 3 on aura auili x— Æ = o: 6c li xx—2oa:=9-, il eft également vrai que x~—zox— 9=0. Il eft enfin évident que toute valeur po-fitive ou négative, qui mife à la place de x 6c' de fes puiffances dans une équation réduite à cette forme, la rendra égale à zero, fera la valeur , ou une des valeurs de x, puifqu’elle fatisfera à la condition indiquée par cette exprelîion. Il nous faut cependant remarquer , pour n’accorder à Harriot que ce qui lui eft dû en ce qui concerne cette maniéré de confidérer les équations, il nous faut, dis-je , remarquer qu’il fut bien éloigné d’en faire tout l’ufage qu’il pouvoit, 6c d’en fentir tout favantage. Ce n’eft qu’en paffant, 6c dans un feul chapitre de fon ouvrage qu’il l’emploie : partout ailleurs , 6c même *a 5 lorfqu’il propofé une équation , il lui donne la forme ordinaire , 6c c’eft feulement dans le cours de la démonftra-tion qUg5 faifant paffer tous les termes d’un côté , il égale lexpreflîon entière à zero ; mais il revient promptement à la qmie ufitée, comme fi cette autre faifoit en quelque forte Vl°lence à la nature. J étonnerai fans doute plufieurs de mes Le&eurs, lorfque ia) Thomas Harriot, né à Oxford en ij6o , mort en 1Ć21- Dêcouvertes d'Harriot fur les équations. 7 8 HISTOIRE je remarquerai encore qu’Harriot n’eut qu’une idée fort peu développée des racines négatives ; mais quelque finguliere que paroiffe cette prétention à ceux qui ne connoifîent cet Analifte 6c fes travaux que par le pompeux étalage des découvertes que lui attribue Wallis, la preuve en fera facile: car premièrement parmi les formes d’équations générales y de quelque degré que ce foit , il omet toujours celles qui ne donnent que des racines négatives ; en fécond lieu , lorf-qu’il propofé une équation qui contient des racines négatives 6c pofitives, comme x1 -h(a — b)x—ab= o,ouxeft également b ou —a , fuivant la do&rine vulgaire des équations du fécond degré , il ne parle que de la valeur pofitive, 6c il en ufe de même à l’égard des équations d’un genre plus élevé. En troifieme lieu, 6c ceci va achever de démontrer ce que nous avançons , lorfqu’il examine les équations du troifieme degré , 6c les différentes valeurs de l’inconnue, il n’eft jamais queftion que des pofitives; c’eft par cette raifon qu’il dit (a) que l’équation x]— $bbx=*=*-~-2C5, n’eft explicable que par deux racines, lorfque c eft moindre que b ; en effet dans ce cas 6c dans cette forme d’équation il n’y a que deux valeurs pofitives, 6c la troifieme eft négative. Delà vient encore ce qu’il dit, {b) fçavoir que l’équation x5 —- 3bbx = 2C>, n’eft explicable que d’une racine: effe&ivement, fi c eft moindre que b , il n’y en a qu’une dans ce cas fî l’on n’a égard qu’aux pofitives ; mais il y en a aufîi deux autres qui font négatives , 6c dont l’Analifte Anglois ne tient aucun compte. Il s’en explique même d’une façon pofitive dans un endroit ( c) où il nomme ces fortes de racinesyprivatives ; mais ce n’eft que pour nous dire qu’il n’a point confidere les équations qui en font toutes compofées , parce quelles font inutiles. On voit par-là que fi Harriot connut ces racines , il ne nous a rien dit à leur fujet de plus que Cardan , qui les avoit auffi connues, 6c qui les avoit appellées, feintes. Ainfi c’eft un article qu’il faut retrancher du prolixe Catalogue que Wallis a drefîe de fes découvertes. La découverte fondamentale & Harriot celle qui l’illuf- (a) Art. Analyt. praxis. Seft. y , prop. 4- (b) Ibid. prop. j. (c) ibid- jpag. ij. DES M AT HÉM AT I QU E S. Pan. IV. Liv.il. 79 tre parmi les Analiftes, confifte à avoir remarqué que toutes les équations d’ordres fupérieurs font des produits d’équations fimples. Cela fe montre de cette maniéré. Qu’on prenne tant qu’on voudra d’équations {impies, telles que x-~\- a = o; x -+-£ = 0 ; x zhc~ ° > & avec telle combinaifon de fi- fnes qu’on voudra, par exemple , celles-ci, x-t-az=o;x — ==o; x-hc = o; qu’on les multiplie enfemble, il en naîtra un produit qui fera dans le cas préfent x^-Ą-(a— c)xz — (ab-\-bc — ac) x—abc=o : ce qui eft une équation du troifieme degré , parce que nous avons eu trois frac-teurs. Or il eft facile de fe convaincre par l’expérience que , fi dans cette exprefiion au lieu de# 6c de fes puifïances, on fubftitue —a, ou £, ou —c elle deviendra toute égale à o. Il eft donc évident que x a trois valeurs, puifque chacune d’elles fatisfait aux conditions de l’exprefiion. La même chofe paroîtra encore plus clairement en fe fervant d’exemples numériques. Prenons x —i = o ; #-4-9 = 0 ; x — 7 = 0 : le produit eft x'-hx^ — 65at—f- 63 =0 , oux -i-x1 — 65#;= — 63. Si dans cette exprelfion on fait x égal à 1, ou à — 9 , ou à 7 j l’équation fe vérifiera, car on aura dans le premier cas 1 1 •—65-4-63 , ce qui eft effectivement égal à zéro. Dans le fécond ce fera —729-!-81-f-5 8 5-4-63 == o : ce qui eft encore vrai. Il en fera de même dans le troifieme cas, comme il eft facile de le vérifier. De cette génération des équations découle une foule de vérités intéreffantes dans l’analyfe. La première eft que dans toute équation il y a autant de valeurs , que le degré qui la dénomme , a d’unités. Une du fécond degré en aura deux , **ne du troifieme, trois, ôcc (a). Quand nous difons des valeurs, nous entendons dire foit réelles , c’eft-à-dire pofitives, (a ) Cette vérité qu’on vient de démontrer par induétion , fe démontre aufîi directement par ce moyen. Qu’on propofé ^ne équation quelconque, telle que celle-ci,, ** A ** :±: B * it C === o , où A, B, C, c%nent des quantités quelconques con-,ües > prenons maintenant autant d’équa-^Ples x —t- a = o , x -j— b = o , i "T" c::=o, leur produit eft -f- (a-4-^l cj *L H— (aac -H bc)x —j— * c-—0. Sa donc on égale le coefficient du fécond terme de l’une de ces équations „ avec celui du fécond terme de l’autre , celui du troifieme avec celui du troifieme, &c. on aura précifément autant d’équations qu’il y a d’inconnues as b, c. Il en fera de même dans les équations d’ordres plus relevées. Ainfi chacune des grandeurs as b3 c, & c. a une valeur déterminée : toute équation eft donc le produit d’autant d’équations fimples qu’il y a d’unités dans l’expo* fant de l’ordre dont elle eft- 8o H I S T O I R £ ou négatives, foit imaginaires. Rien n’empêche qu’il n’y en aie dans toute équation plufieurs de cette derniere elpece; car une équation du fécond degré peut en contenir deux. Telle eft, par exemple, celle-ci, xz— zx-\-<) , où x eft égale à i HH ou —\/—8. Mais il peut y avoir une équation formée de la précédente, multipliée par une autre équation fimple : celle-ci , par exemple, x' 2 xz — x -f-45 ~ o, vient de l’équation ci-deftus multipliée par x-f-5 =0. Elle aura donc deux valeurs imaginaires, fçavoir 1 -4- \/—8, &C 1 —\/—8 , & une réelle — 5. Cette conftdération nous conduit en même temps à fçavoir une remarque utile concernant les racines imaginaires ; quelles marchent toujours en nombre pair. Car elles doivent toujours être accouplées de forte que leur produit forme une ex-4 preftion où il n’entre rien d’imaginaire, & cela ne pourra arriver que lorfque deux à deux elles formeront une équation réelle du fécond degré. Ainft une équation d’un degré pair quelconque, ou un problème qui y conduiroit, pourroit être impofîible n’y ayant dans cette équation que des racines imaginaires ; mais toute équation de degré impair, comme celles du troi-lîeme , du cinquième, 6cc. aura du moins une folution. Reprenons maintenant la forme d’équations où les racines de l’inconnue font exprimées par des lettres, car elle nous fera plus commode pour reconnoître la compofttion de chaque terme , les traces des opérations ne s’y effaçant point comme dans la forme numérique. Suppofons donc une équation du quatrième degré formée de ces quatre, x — a= o; x—£=o; x — c = o ; x-\-d~o: leur produit eft l’équation x*— ( a -f- b-\-c—d) ( ac-\~ab-+~cb — ad—cb—- bd) xz— (abc— acd — abd—cbd) x—abcd~o. Les racines de cette équation fon ta , b, c, —di or la feule infpe&ion ' nous montre que le coefficient du fécond terme eft la fomme de toutes les racines mifes avec des fignes contraires, c’eft-à-dire avec le ligne — , fi elles font pofitives , êc avec celui - de -j- 5 ft elles font négatives. Celui du troifieme eft la fomme des produits des mêmes racines, faits en les multipliant deux à deux; celui du quatrième eft celle des produits de ces ra~ cines prifes trois à trois, êc affe&és de fignes contraires ; celui du quatrième, celle des racines prifes quatre à quatre, / DESMATHÉMATIQUES. IV- St &Cc. enfin celui du dernier, le produit de toutes les racines pris avec fon figne fi le rang de ce terme eft impair , ou avec le figne contraire, s’il eft pair. Ce qu’on vient de dire fur la formation des équations , conduit à une méthode pour réfoudre non feulement celles du troifieme degré, mais celles des degrés quelconques au dcftus. Car, puifque la quantité connue eft le produit de toutes les racines de l’équation , fi ces racines font rationnelles &; entières , elles feront nécessairement quelques-uns des divifeurs de ce dernier terme. Il faudra donc efïayer quel d’entr’eux mis à la place de l’inconnue pofitivement ou négativement , rendra l’équation égale à zero. Si cela réufîît ce fera une des valeurs de l’inconnue. Donnons-en un exemple : que l’équation propofée foit x5 — 17 x1 79 x — 6 3=0. Les divifeurs de 6 3 font 1,3,7, 9, 21, 63; Par conféquent fi une des racines de l’équation eft un nombre entier , ce doit être un d’eux. En effet fi au lieu de x on met dans cette exprefiion 1 , ou 7, ou 9, tous les termes fie détruiront. Les valeurs de l’inconnue feront donc 1 , ou 7 , ou 9 5 ôc l’équation fera divifible par x— 1 , ou x — 7, ou#—9. De même dans l’équation x"> — 34# — 45 = 0 : les divifeurs de 45 font 1,3, 5,9, 15,45; en les eflayant les uns après les autres , on trouve que — 5 étant fubftitué à la place de x, l’équation fe détruit ; c’eft pourquoi l’une des racines eft •—5 > ôc divifant cette équation par #4-5 , 011 l’abaiffe à celle-ci x1—5#—9=0, dont les racines font \-4-\/ i5^ôc^ — V15 J : fi aucune de ces fubftitutions ne réufîît, c’eft un figne ^ue la racine de l’équation n’eft point un nombre rationnel jl entier ; il faut recourir à d’autres moyens dont on parlera dans la fuite. Tels font à peu près les progrès que l’analyfe algébrique dut a Harriot. Les découvertes que nous venons d’expo-ier , en conftituent la principale partie ; car nous ne inet-trons point dans ce rang diverfes remarques dont IVallis a grofti le Catalogue des inventions de cet Analifte, en mê-î16 temps qu’il travailloit à exténuer celles de ïDefcartes. e ne vois pas 'beaucoup de mérite à avoir introduit l’ufage es petites lettres au lieu des grandes, à avoir écrit tout de fuite Aomell, T Albert tard. 8z HISTOIRE les puiffances par des lettres répétés, comme aaa, au lieu de Àc, ainli qu’on le faifoit avant lui. Encore moins doit-on regarder comme des découvertes d'Harriot la maniéré de multiplier, de divifer* d’augmenter ou de diminuer les racines d’une équation fans les connoître , de faire difparoî-tre le fécond terme i les fra étions 6c les irrationalités : tout cela fut connu à Viete. La méthode qu Harriot emploie pour réduire les équations cubiques aux formules de Cardan3 eft encore à très-peu de chofe près, celle de l’Analifte François. On connoiffoit aulïï avant lui que les équations cubiques qui conduifent au cas irréductible, ont cependant des racines réelles. Cette vérité avoit été démontrée par Viete dès l’année 1593 , puifqu’il avoit conftruit ces équations par la trifeétion de l’angle, que dis-je , elle avoit été connue à Bombelli dont l’ouvrage avoit paru l’année 1579. Comment excuferons-nous M. Wallis qui, nous donnant un Traité hiftorique de l’Algebre, femble avoir à peine jette les yeux .fur tout autre Analifte qu’Harriot, Sc après avoir traité Defcartes de plagiaire , 6c avoir déprimé, autant qu’il l’a pu , fes inventions, forme en grande partie l’énumération de celles de fon compatriote, de chofes ou peu importantes, ou empruntées de fes prédéceffeurs» Qui pourra même ne pas rire en voyant ce zélé reftaurateur de la gloire d’Harriotlui attribuer, je ne dis pas feulement la réfolution des équations du fécond degré par l’évanouiffement du fécond terme, invention de Viete , mais encore la méthode vulgaire qui procede, comme on fçait, en ajoutant de part 6c d’autre de quoi faire un quarré parfait du membre où eft l’inconnue (a). La partialité 6c l’aveuglement qui en eft la fuite ordinaire ne fçauroient être portés plus . loin. I I I. GlNous trouvons ici un Analifte Hollandois peu connu, SC qui mérite par quelques circonftances de l’être davantage. H fe nommoit Albert Girard ; on a de lui un ouvrage qui parut en 1629 , fous le titre à’Invention nouvelle en Algèbre (b) 3 Sc (a) Peculiarem3 dit-il, oflendit methodum Schooten le cite , & en a. extrait plufîeurs aquationes quad. refolvendi complendo qua- chofes , dans fon Commentaire fur la Géo-dratum in fpeciebus. De A Ig. c. f 3, p. 206. métriede Defcartes, Voye^p- J4U & llllV’ • • (b} Je n’ai jamais vu cet ouvrage, mais DES M AT HÉ M AT IQ U ES. Part. IV. Liv. II. 83 qui eft remarquable en ce qu’on y trouve une connoiïlànce des racines négatives plus développée que dans ceux de la plupart des autres Analiftes. L’objet de ce Livre eft de montrer, que dans les équations cubiques qui conduifent au cas irréductible , il y a toujours trois racines, deux pofitives 6c une négative , ou au contraire. Viete, à la vérité, avoit déjà çonftruit ces équations mais il s’étoit borné à aifigner les racines pofitives ; Girard développant davantage cette conftrućtion , va plus loin -, 6c affigne aulîi les négatives qu’il appelle par moins. Du refte , nous ignorons ce qu’il penfoit à leur fujet : il eft fort probable qu’à l’exemple de Cardan 6c des autres Analiftes qui les avoient entrevues, il les réputoit inutiles. C’eft & Defcartes ^ comme nous l’allons voir, qu’eft due la connoifianee diftinćte de leur nature 6c de leur ufage. ï y. On 11e fçauroit donner une idée plus jufte de ce qu’a été Découvertes l’époque de Defcartes dans la Géométrie moderne, qu’en la analytiques de comparant à celle de Platon dans la Géométrie ancienne. Ce- eicarUs' lui-ci, en inventant l’analyfe , fit prendre à cette fcience une face nouvelle , l’autre par la liaifon qu’il établit entr’elle 6c l’analyfe algébrique , y a opéré de même une heureufe révolution. La découverte de l’analyfe donna lieu à diverfes théories fublimes : la Géométrie a tiré les mêmes avantages de fon alliance avec l’analyfe algébrique, 6c aidée de ce fecours , elle s’eft fournis une multitude d’objets auxquels elle n’avoit encore pu atteindre. De même enfin que Platon prépara par fa découverte celles des Archimede des Appollonius , êcc. 011 peut dire qu e Defcartes a jette les fondemens de celles qui illuf-trcnt aujourd’hui les Newton, les Leibnią, 6cc. Nous fommes obligés de nous borner ici à un précis très-abrégé de la vie de cet homme célébré. Il naquit à la Haye en Touraine, le 31 Mars 159^; 6c dès fon enfance il montra tant de curiofité pour toutes les connoiflances naturelles, que pere le nommoit par diftinétion ,fon Philofophe. Il pafla Une partie de fa jeunefte à voyager dans des vues phiîofophi-ques , &; enfin l’amour de la liberté 6c de la retraite lui fit choifîr le féjour de la Hollande. Ce fut-là qu’il publia la L jj 84 HISTOIRE plupart de fes ouvrages. Si l’on n’y trouve pas toujours la vérité , on ne peut y méconnoître le génie , 6c ce qui le cara&é-rifc , cette noble liberté qui fait profeffion de ne rien admettre qui ne foit examiné fans préjugés ^ 6c d’après de folides principes. C’eft furtout par-là que Defcartes a contribué à l’avancement de la Philofophie, Galilée 6c Bacon avoient commencé à. affranchir l’efprit humain, mais c’eft le Philofophe François qui a achevé de lui rendre la liberté , 6c qui a hâté la révolution. Defcartes mourut , comme tout le monde fçait, en 1650 , à la Cour de la Reine Chriftine * qui l’avoit engagé de venir auprès d’elle, afin de pouvoir jouir de fes entretiens. Dix-fept ans après fon corps fut apporté en France, 6c dépofé dansTEglife de Sainte Geneviève, ou on lui a dreffé un monument confîftant en fon bufte en bas-relief, avec une inf-cription peut-être trop pompeufe aujourd’hui, vu la grande révolution qu’a éprouvé fa Philofophie. C’eft de la Géométrie que Defcartes tire aujourd’hui la partie la plus folide, 6c la moins conteftée de fa gloire ; 6c c’eft celui de ces ouvrages qui la concerne qui doit feul nous occuper ici : les autres (a) trouveront leur place ailleurs. La Géométrie de Defcartes parut en 1637 ÿ 6c elle eft le troifieme des Traités qui fuivent fa méthode, comme des exemples qu’il a voulu en donner dans ces trois principaux genres, la Phyfique, les Mathématiques mixtes 6c la Géométrie pure. On ne doit pas y chercher le mérite de l’ordre 6c des développemens ; ce font les idées d’un homme de génie qui ne fuit pas la marche des efprits ordinaires , 6c qui content de dévoiler les principes , laifïe aux lecteurs le foin d’en faire l’application y 6c d’en tirer les conféquences. Defcartes commence fa Géométrie par donner la folution d’une difficulté que s’étoient faite les Anciens 6c les Modernes concernant les puifïances au deiïus du cube. Qu’eft-ce qu’un [a) Ces autres ouvrages font fa Média- verfès perfbnnes avec qui il étoit en rela-nique, fa Dioptrique, & Tes principes ou tion. Elles contiennent plufîeurs chofes l’expofîtion de fon fyftême de l’Univers, concernant la Géométrie & les Mathéma-Nous ne dirons rien de fes écrits pure- tiques. On trouve enfin dans fes Opera ment Phyfiques ou Métaphyfïques , Ténu- pofthuma, publiés en 1701, quelques mor-mération en feroit longue, & n’eft pas de ceaux peu importans de Géométrie ou notre objet. On a outre cela trois volumes d’Analyfè. ( i/z-4°. ) de lettres de Defcartes, ou de di- DES MATHÉMATIQUES. Part.IV.Liv.II. 85 quarré quarré , ou le produit de quatre lignes , demandoient-ils, puilqu’il ne peut y avoir d’étendue compofée de plus de trois dimenfions ? Pappus recourt aux raifons compofées, ce qui eft prolixe & embrouillé. M. Defcartes montre plus clairement que ce ne font que des proportionnelles continues ou difcretes , à l’unité ou une ligne prife conftamment pour telle dans le cours de la queftion , èc aux lignes données. Ainfi a* eft la cinquième proportionnelle à l’unité, ôc à a ; de même ab eft la quatrième proportionnelle à l’unité, à, *687 , n®. j?*.' lome //, M 5)0 HISTOIRE Nous ne pouvons nous empêcher de relever encore quelques traits de la partialité finguliere àcWallis envers fon compatriote, ôc de fon déchaînement contre D efcartes. De ce que l’ouvrage à?Harriot a paru le premier, il conclud que le Philofophe François a dû le con noître, ôc qu’il en a profité. Mais trouve-t’on dans des écrits d’Analiftes antérieurs à Harriot 3 des idées que celui-ci a employées ; fuivant fon zele panégyrifte, il ne les a point connus : c’eft fon compatriote enfin , tout eft fon ouvrage, tout lui eft dû jufqu à la réfolution ordinaire des équations du fécond degré. A l’égard des Analiftes François, c’eft un autre poids, une autre balance. D’abord il omet ou il extenue tout ce qu’il y a d’original dans la Géométrie de Defcartes. Il ne forme prefque l’énumération de ce qu’elle contient que de ce qu’il y a de plus trivial en Algèbre ; il lui fait même en quelque forte un crime d’avoir fait ufage des opérations les plus jfimples de l’Algebre, ôc peu s’en faut qu’il ne le traite de plagiaire. Forcé cependant de reconnoître cette belle regle pour la diftin&ion des racines pofitives ôc négatives , il la met bien au defTous de celle d Harriot ; jugement que n’ont point confirmé les Analiftes qui fe fervent tous les jours de celle de Defcartes ôc qui ont oublié l’autre. Cet homme enfin , fi afturé quand il s’agit d’attribuer à Harriot des découvertes qui ne lui appartiennent point, s’il laifiTe à Viete* à Defcartes quelques bagatelles, ne manque point de craindre toujours de leur en trop accorder. Ces formules dubitatives , & forte ante eum alii ; nefcio an non ante eum alii ou d’autres femblables , font le plus fouvent employées. Lorfqu’il arrive aux découvertes mixtes de notre Géomètre , il élude adroitement ce point em~ barraiïant, fous le prétexte qu’elles ne font point d’analyfe pure , comme fi l’Algebre n’avoit pas autant gagné à fon alliance avec la Géométrie que celle-ci même. Cependant fa haine contre Defcartes fe rallume , il revient à la charge , 6c il ne craint point de mettre fon ouvrage au niveau des plus médiocres. Il finit par comparer Harriot à Colomb qui découvrit le nouveau Monde, ôc à qui l’aventurier Americ Vîfpuce ravit l’honneur de lui donner fon nom. Fut-il jamais de déclamation aufii indécente , aufii aveugle 6c autant contredite par l’admiration univerfelle des Géomètres pour l’ouvrage de Def cartesSElle porte avec elle-même fon ridicule ôc fa réfutation- DES M AT K ËM AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. II. 91 V. Nous paflons préfentement à faire le récit des découvertes d’analyfe-mixte, dont nous fommes redevables à M. Defcartes. Celle qui tient le premier rang , ôc qui eft le fondement de toutes les autres , eft l’application qu’il fit de TAlgebre à la Géométrie des courbes. Nous difons à la Géométrie des courbes ; car on a vu que l’application de l’Algebre à la réfolution des problèmes ordinaires eft beaucoup plus ancienne. Mais fans déprimer ces inventions, nous pouvons dire quelles ne font que l’élémentaire de celles de Defcartes ; c’eft, à ce qu’il y ajouta, qu’on doit fixer l’époque de la révolution qui a rapidement élevé la Géométrie au degré où elle eft aujourd’hui. Il y avoit déjà long-temps que la Géométrie étoit en pof-fefîion d’exprimer la nature d’une courbe par le rapport des lignes parallèles entr’elles, tirées de chacun de fes points fur une autre fixe ôc invariable. Ce moyen fe préfente allez naturellement à l’efprit ; car qu’eft-ce qui détermine une courbe à être d’une certaine forme ? c’eft qu’il y a entre chacun de fes points un certain rapport de diftance, à l’égard d’une ligne droite qui la traverfe ôc qui lui fert d’axe. Dans la Géométrie élémentaire ,, le cercle eft une courbe dont tous les points font également éloignés d’un autre qui eft le centre. Mais une Géométrie plus relevée le confidere autrement. Sous ce nouveau point de vue le cercle eft une courbe dans laquelle ayant tiré un diametre quelconque, fi d’un point pris à volonté on mene une perpendiculaire à ce diametre le rećtangle des fegmens qu’elle y fera, fera égal au quarré de cette perpendiculaire, ou bien ce quarré fera égal à celui du rayon moins celui du fegment intercepté entr’elle ôc le centre. C’eft-là dans la théorie des courbes la propriété diftinétive ôc caraétériftique du cercle. Dans la parabole, le quarré d’une ordonnée quelconque à l’axe, eft égal au rećtangle du fegment intercepté entr’elle 8c le fommet, par une certaine ligne confiante, ôcc. Il étoit fans doute facile d’exprimer ces rapports en langa-§e algébrique , dès qu’il fut connu aux Géomètres. Mais il lalloit auparavant prévoir de quel ufage pouvoit être cette maniéré de les exprimer, ôc. c’eft ce que la fagaeité de Defcar- M ij Découvertes, mixtes de Defcartes. 5>x HISTOIRE tes, fon cfprit métaphyfique, 6c fa grande habileté en Géométrie lui montrèrent. Il vit qu’une expreffion algébrique efl: un tableau plus court 6c en quelque forte plus énergique , des propriétés d’une courbe , 6c qu’elle préfente à celui qui poiïede l’analyfe, de grandes commodités pour tirer fes propriétés les plus enveloppées des plus faciles. C’eft ce dont nous donnerons des exemples. On appelle dans cette nouvelle Géométrie l’équation d’une courbe, l’expreflion algébrique qui défigne la relation toujours femblable entre chaque ordonnée de la courbe 6c fon abfcifle. On a vu , par exemple , que dans le cercle on a conflamment AFxFB^FD1. Nommons pour traduire cette expreffion en langage algébrique , nommons, dis-je, le diametre AB=: a 9 AF x y 6c FD zzzy ; F B fera za — x, ainfi A F x F B = FD1, fera lax—xxz=zyz, 6c quelle que foit la grandeur Fl§- î1 > de x, ou de AF , cette équation donnera la grandeur de F D. Si nous enflions fait C F , ou la diftance de l’ordonnée au centre , égale à a: , alors F D1 étant = C A1 — CF1, nous aurions euyz = aa— xx, qui eft encore l’équation au cercle, mais rapportée au centre. De la même maniéré on trouvera dans la parabole qu’en nommant p le paramétré , .r le fegment A F de l’axe ou du diametre, 6c y l’ordonnée F D perpendiculaire fi c’eft l’axe, ou inclinée dans l’obliquité convenable fi c’eft un diametre ,, on trouvera, dis-je, que fon équation eft yz "=.p x. Dans l’ellipfe , fi l’on nomme a la moitié d’un des axes ou d’un des diamètres A B , b l’autre demi-axe , ou demi-diametre conjugué CG, on aura ( en faifant toujours AF.=*,& FD ==y,)yy = ^~ Vtf f(a) Nous avons promis plus haut quelques exemples de futilité des équations algébriques , pour reconnoître facilement la forme & les propriétés des courbes. Nous allons fàtisfaire ici à cette promeffe. Commençons d’abord par un exemple fimple $ ce fera une équation du fécond degré telle que celle-ci, a x —x x =yy r [y exprime l’ordonnée , & x l’abfciffe, ) & Fon demande la courbe qui efl: dé/ignce par cette équation. Pour cet effet, il faut d’abord reconnoître les points où la courbe coupe fon axe. On le fera en fuppofant yzzz o ce qui donne a x Hf- x x o. Or pour cela il faut que x foit zero, ou — a. Ceci montre déjà que fi l’on prend une ligne im-défînie A E pour axe, & A pour l’origine des abfcifles comptées pofitivement de A en E, la courbe paflé non feulement par A, mais encore par le point B , qui en e(b éloigné en fens contraire de la quantité a : qu’on fafie préfentement x fi petit ou fa grand qu’on voudra, mais toujours pofitif, la valeur dey fera réelle ; car x étant pofi-tif > y { ax -f- x x j eft toujours poffible.. On aura donc l’ordonnée E P 3 mais cette DES MATHÉMATIQUE S. Part.W.Liv. IL 93 Ces premières équations font les plus Amples, parce que nous avons pris l’origine des abfcilTes, c’eft-à-dire, que nous avons commencé à les compter du véritable fommet de la courbe. Rien ne nous oblige néanmoins à les envifager ainfi. La nature d’une courbe ,, de l’ellipfe par exemple, peut être également exprimée, quoique moins Amplement par le rapport d’une ordonnée comme K P , tirée fur un axe R*/ pris à volonté , avec l’abfcifFe prife fur cet axe, à commencer d’un point quelconque R pris aufîi où l’on voudra (a) ; ainfi la nature équation y y = ax -i~x x , donne indifféremment y === \/{ax xx ) ou-----------y = \/(ax —x x ), car la racine de y y eft également ou —y, il y a donc une ordonnée E p prife négativement , c’eft-à-dire, en deffous & égale à celle qui eft prifo en delfus. La courbe a donc deux branches femblables autour de l’axe A E , & qui vont toujours en s’éloignant. Mais qu’on falfè x négatif, & moindre que a, la valeur de y/ ( a x -f- x x ) fera alors imaginaire , d’où l’on doit conclure qu’il n’y a point de partie de courbe qui réponde à toute l’étendue AB ou Lorfqu’enfin x pris négativement fera tant foit peu plus grand que a, alors y/(a x —f— x x ) =: ib y, cellera d’être imaginaire , & il y aura des ordonnées foit en deflus, foit en def-fbus dans toute l’étendue de B vers D à l’infini. On démontrera aulfi facilement que ces deux portions de courbes font égales. Ainfi fi l’on ignoroit que cette équation eft celle de l’hyperbole, on appren-droit que la courbe qu’elle exprime eft compofée de deux portions infinies & égales , qui fo prélèntent leurs convexités, & qui fuient en fons contraire, &c. Nous prendrons pour focond exemple y l’équation axz—x3=:y3, qui eft celle d’une courbe dans laquelle AB (fig. 3 j-, ) étant a, le quarré de l’abfciffe A E par le reftant E B, foroit égal au cube de l’ordonnée y. On voit d’abord que fi l’on fuppofo y =:o, on aura a xz— x3=:o, c’eftà-dire,x=:o, ou bien :==:<*. La courbe paffe donc par A & B. Préfentement tant que x fera moindre que a, & pofitif, 3----------- \fa xz—x3 fera pofitive, & par conféquent y fora pofitif -, car la racine cube de y5 n’eft que -J— y, Delà on doit conclure que la courbe paffe au deffus de cette partie de fon axe, mais non au deffous. Continuons: à faire x pofitif, & plus grand que a, par exemple z a. Alors \Jaxz —x3, devient — 8 de lotte que pour conftruire, par exemple , un problème du huitième degré , il faudroit une courbe du fixieme combinée avec un cercle. Si ce fut-là le fentiment de Defcartes , on ne peut difeonvenir qu'il fe trompa, & cette erreur n’échappa pas à M. de Fermat* Il a fait voir dans quelques écrits particuliers (£) qu’il ftiffit que le produit des expofans des courbes; égale celui de l’équation à conftruire : ainfi l’on peut conftruire une équation du huitième degré , par le moyen d’un cercle &: d’une courbe du quatrième. Une équation du neuvième degré n’exigeroit qu’une courbe du cinquième avec un cercle, ou deux du troifieme. M. Jacques BernouLlï ne con-noiftant point fans doute la diftertation de Fermat, a inféré dans les actes de Leipfîck de l’année 1688 , êc dans fes notes fur Defcartes, un écrit où il démontre les mêmes chofes. Je dois cependant remarquer que c’eft un peu légèrement qu’on accufe Defcartes de l’erreur dont nous parlons : car outre que l’endroit qu’on cite eft ambigu, il nous a lui-même donné un exemple contraire à la regle qu’on lui attribue. En effet, lorfqu’il s’agit de conftruire les équations du fixieme degré , il n’y emploie qu’un cercle courbe du fécond degré avec fa conchoïde parabolique qui eft du troifieme; ce qui eft conforme à la regle de MM. de Fermat & Bernoulli. M. Defcartes a penfé que la conftruction la plus fimple des équations folides eft celle, ou l’on emploie la parabole, ou une des fections coniques avec un cercle. Mais il y a de puift fautes raifons à oppofer à ce fentiment. De toutes les courbes fupérieures au cercle , la parabole eft , à la vérité , celle dont l’équation eft la plus fimple : mais cela eft-il fuffîfant pour donner à cette courbe la préférence fur toutes les autres ? Si cela étoit, dit M. Newton , ( c ) il faudroit aufîi la préférer au cercle. 11 y a donc une forte d’inconféquence à adopter le cercle préférablement à la parabole dans la conf-truftion des problèmes plans, ou bien il faut dire qu’on ne le fait que parce que fa defeription eft plus facile que celle de la parabole. Or ce que l’on fait ici, pourquoi ne le feroit- (a) Cart. Geom, ad fin. (b) Fermat, op. p. 11 o , & feq. (cj Arith. u/iiv, Appendi de ag.uar, conf.ruci. lineari?• r DES MATHÉMATÏQUES.EWTV-Liv. IL ioi on pas dans d’autres cas , &: qu’y a-t’il de plus effentiel à confidérer dans des defcriptions géométriques que la facilité de l’opération ? Ces raifons de la jufteffe defquelleson ne peut difeonvenir, ont porté M. Newton (a) à adopter pour la conft truétion des équations folides, la conchoïde combinée avec une ligne droite , quoique cette courbe foit du quatrième degré ; &: il approuve fort les c on ftru étions que Nicomede donna autrefois des problèmes de la duplication du cube &C de la trifeétion de l’angle par ce moyen. En effet, de toutes les courbes la conchoïde eft après le cercle une des plus faciles à décrire, èc l’inftrument propofé par fon inventeur eft un des plus limples après le compas. Il y a néanmoins des maniérés de décrire les fećtions coniques par un mouvement continu , qui ne le cedent guere en limplicité à la defeription de la conchoïde. On fçait, par exemple , &£ les Anciens mêmes ne f ignorèrent pas ( b J, qu’une ligne de grandeur invariable qui fe meut dans un angle, fes deux extrémités appuyées contre les cotés de cet angle , décrit par chacun de fes points un quart d’ellipfe renfermé entre ces cotés comme demi-dia-metres conjugués. Il eft facile de voir que cette propriété peut fervir de principe à un inftrument d’une limplicité extrême pour décrire toutes fortes d’ellipfes par un mouvement continu. Que ft l’on avoit quelque fcrupule à admettre dans la Géométrie d’autre inftrument que la regle & le compas , nous remarquerions que ce feroit une délicateffe tout-à-fait mal fondée. Puifqu’il n’eft pas poffible de réfoudre les problèmes d’un certain ordre que par le moyen des courbes d’un genre fupérieur au cercle , les inftrumens , feuls propres à les décrire par un mouvement continu , doivent être reçus dans la Géométrie: car on doit regarder comme la folution vraie & géométrique d’un problème „ celle qui eft la plus ftmple que comporte la nature de ce problème. Si l’on infîf-toit à dire que le compas &: la regle étant les inftrumens les plus fimples, font moins fujets à erreur, nous répondrions qu’une regle géométriquement parfaite eft de tous les inftru-Hiens le plus difficile. Audi ce n’eft qu’en vertu d’une fuppo-fition qu’on regarde le compas êcla regle comme parfaits ; .de (a) Ibid. (b) Procl» Comm* in L Eucl. ad- def. 4, loi HISTOIRE pourquoi ne voudra-t’on pas admettre que ceux dont on fe fervira dans les defcriptions des courbes de genres fupérieurs, le foient auffi. Nous ne devons point omettre de donner ici une idée d’un endroit des plus ingénieux ôc des plus profonds de la Géométrie de Defcartes. C’eft celui où il applique fon analyfe à la recherche de certaines courbes qu’il appelle ovales, ôc qui ont retenu le nom d'ovales de Defcartes. Ce font des courbes décrites à l’imitation de l’ellipfe ôc de l’hyperbole rapportées à leurs foyers. Mais tandis que dans ces fećtions coniques les lignes tirées d’un point quelconque de la courbe aux deux foyers, font toujours telles, qu’elles croiffent ou décroiffent également enfemble comme dans l’hyperbole ,, ou que l’une croît autant que l’autre décroît, ce qui eft le cas de l’ellipfe, dans les ovales de Defcartes ces diminutions ou accroiffemens refpećtifs font feulement en raifon donnée : ainfi les fedtions coniques font contenues dans cet ordre de courbes, ôc n’en font qu’une efpece particulière. M. Defcartes fe fert de ces ovales pour la réfolution d’un problème optique auffi curieux que difficile. Il confifte à déterminer quelle forme doit avoir la furface qui fépare deux milieux de differente denfité , pour que tous les rayons qui partent d’un même point 3 ou qui convergent vers un même , foient renvoyés par la réfraction dans un autre , ou rendus parallèles , ou divergens comme s’ils venoient d’un point donné. La folution qu’en donne Defcartes eft li générale, quelle comprend même les cas où la réfraction fe change en réfleétion. Ainfi non feulement ce que la Catoptrique ancienne avoit démontré fur Tellipfe ôc l’hyperbole, mais encore ce qu’il avoit démontré lui-même fur la réfraCtion de la lumière dans les verres elliptiques ôc hyperboliques , eft compris dans cette folution. Nous donnerons , en traitant de l’optique, une idée plus développée de ce problème. VI. Méthode des Parmi les découvertes que Defcartes expofe dans fa Géo-tangentes de métrie, aucune ne lui fit plus de plaifir que celle d’une re-oijcartes, gje générale pour Ja détermination des tangentes des courbes. DES M AT H É M AT IQ UES. Part. IV. Liv. IL 103 » De tous les problèmes, dit-il-, que je connois en Géomé^; 5> trie , il n’en eft aucun qui foit plus utile ôc plus général, ôc w c’eft de tous celui dont j’ai davantage déliré la folution. « En effet, ce problème fert à plulieurs déterminations importantes dans la théorie des courbes. C’eft par fon moyen qu’on trouve leurs afymptotes, li elles en ont ; la direction fous laquelle elles rencontrent leur axe ; les endroits où elles s’en éloignent le plus , ôc ceux où elles changent de courbure , ôcc. Je ne dis rien des ufages nombreux de la connoiffance des tangentes dans les Mathématiques Phylîques. Ainfi l’importance que Defcartes donne à ce problème, ne doit point pa-roître excelîive. M. Defcartes nous a laide deux maniérés de déterminer les tangentes des courbes, l’une dans fa Géométrie , l’autre dans fes Lettres ; elles font fondées l’une ôc l’autre fur le même principe, ôc par cette raifon nous les comprendrons fous le nom de Méthode des tangentes de Defcartes. Nous ne pouvons difeonvenir que depuis fon temps on n’en ait imaginé d’autres qui font plus commodes , mais ce motif ne doit point avilir à nos yeux une invention qui a été la première de ce genre, ôc qui eft fort ingénieufe. Le principe de la méthode des tangentes de Defcartes eft celui-ci : Concevons une courbe décrite fur un axe, ôc que d’un point decet axe, comme centre, foit décrit un cercle qui la coupe au moins en deux points, flefquels foient tirées deux ordonnées, qui feront par conféquent communes à ce cercle ôc à la courbe. Imaginons maintenant que le rayon de ce cercle décroît , fon centre reftant immobile. Il n’eft perfonne qui ne voie que les points d’interfection fe rapprochant , ils coincideront enfin , qu’alors le cercle touchera la courbe , ôc que le rayon tiré au point de contaéb fera perpendiculaire à cette courbe, ôc à la ligne droite qui la toucheroit au même point. Ainfi le problème de déterminer la tangente d’une courbe fe réduit à trouver la pofition de la perpendiculaire qu’on lui tireroit d’un point quelconque pris fur l’axe. Pour cet effet Defcartes recherche d’une maniéré générale quels feroient les points d’interfection d’un cercle décrit d’un rayon déterminé , ôc d’un point de l’axe comme centre, avec 'Fig- 4ii 104 HISTOIRE la courbe [a). Il parvient à une équation qui dans le cas de deux interférions doit contenir deux racines inégales, dont l’une eft la diftance d’une des ordonnées au fommet, 6c l’autre celle de l’autre. Mais li ces points d’interfection viennent à fe confondre, alors les deux ordonnées fe confondront, leur éloignement du fommet fera le même, 6c l’équation aura deux racines égales. Il faudra donc dans cette équation faire les coefficiens de l’inconnue qui font indéterminés, tels que cette inconnue ait deux valeurs égales. M. Defcartes y parvient d’une manière fort ingénieufe, en comparant l’équation propofée avec une autre équation fictice du même degré, ou il y a deux valeurs égales ; ce qui lui donne la diftance de l’ordonnée abaiftee du point de contact au fommet. Cela une fois déterminé, la plus fimple analyfe met en pofïeffion de tout le refte. La fécondé méthode imaginée par notre Philofophe pour tirer les tangentes , procede ainfi. Il conçoit une ligne droite qui tourne autour d’un centre fur l’axe prolongé de la courbe. , Elle la coupe d’abord en un certain nombre de points ; mais à mefure quelle s’éloigne ou fe rapproche de l’axe, fuivant les circonftanccs, les deux points d’interfeétion fe rapprochent 6c coincident ; enfin elle touche la courbe propofée. Pour déterminer la fituation qu’a alors cette ligne, M, Defcartes procede à peu près comme dans la méthode précédente. Il recherche d’abord l’équation générale, par laquelle cette li- ( a) Voici en faveur des Géomètres de quelle maniéré on détermine les interactions de deux courbes. Nous nous fèrvi-rons pour cela d’une parabole AB b, & d’un cercle. Que A C foit æ, AD = x, le rayon C B = r j C D fera donc = a —r— x. Maintenant puifque l’ordonnée B D appartient au cercle, il fuit que y y z=z rz — C D1, ou rl — a——x . Mais cette même ordonnée appartient encore a la parabole dont nous ferons le paramétré égal à p. On a donc y y = p x , & par conféquent rz---a1 -+• i a x — x x r=; p x. Arrangeons tous les termes d’un côté félon les puilfances de x, nous aurons l’équation xz —( p ■—- z a ) x -f- ( az — rl)=o; équation qui aura deux racines ou deux valeurs de xj car nous aurions trouvé la même chofe en cherchant l’autre interfeétion b. C’eft pourquoi fi l'on veut que r foit tel que ces deux interférions coincident, il faut que ces deux racines foient égales. Pour le faire Defcartes prend une équation formée de x — e :—: o 3 x — e o , c’eft-à-dire, xz — z ex -f- e e = o , qu’il compare terme à terme avec la précédente. Cela lui donne p — ta = — it,ouîÆ—p cr: z e, ou z x, puifque x zx— e. Delà enfin il tire a—-x ou C D = j p, c’eft-à-dire, que la fou-perpendiculaire dans la parabole eft égale au demi-parametre. Dans d’autres courbes les opérations feront plus laborieufes, mais elles conduiront toujours de même à l’ex-preffion de la fou-per pendiculaire,, qui étant donnée fait connoître facilement la fou-tangente, gne DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IL 105 gne étant inclinée fous lin angle donné, on trouverait fes points d’interfection avec la courbe. Enfuite par le moyen d’une équation fîctice qui a deux racines égales , il détermine cette inclinaifon à être celle qu’il faut pour que la ligne foit tangente. Enfin il tire delà le rapport de la foutançente à l’abfciffe. Nous avons parlé au commencement de cet article de diverfes déterminations importantes dans la théorie des courbes, & qui tiennent à la méthode des tangentes. Quoique -Defcartes n’en ait point traité, ce feroit mal le connoître que de penfer qu’il les ait ignorées: il eft fort probable que ce font là de ces chofes qu’il dit à la fin de fa Géométrie avoir voulu laifler à fes Lećtcurs le plaifir de trouver eux-mêmes. Mais nous ne croyons pas devoir l’imiter ici : il entre néceftaire-ment dans notre plan d’en donner une idée. Il eft peu de queftions plus utiles plus curieufes dans la Géométrie que celles de maximis & minimis. On donne ce nom à toutes celles dans lefquelles une grandeur qui varie fuivant une loi connue , croiftant jufqu’à un certain terme èc décroiftànt enfuite, ou bien au contraire croiftant après avoir diminué jufqu’à un certain point, il s’agit de déterminer ce point où elle devient la plus grande, ou la moindre qu’il eft polfible. Outre l’utilité de cette détermination dans la Géométrie pure , fon application eft fréquente dans les Mathématiques mixtes. Toutes les fois qu’un effet produit par une combinaifon de caufes augmente , puis diminue , ou ail contraire , voilà le cas d’un maximum, ou d’un minimum à déterminer. Ainfi l’on ne doit point regarder ces queftions comme de pures curiofités géométriques, mais comme des plus importantes dans l’étendue des Mathématiques. Toute grandeur variable fuivant une certaine loi , peut s’exprimer par l’ordonnée d’une courbe d’une efpece particulière. Ainfi la détermination du point ou cette grandeur atteint à fon dernier période d’augmentation on de diminution, n’eft aux yeux du Géomètre, que celle de la plus grande ou la moindre ordonnée d’une courbe d’équation donnée. Il eft facile de voir que fi M eft un point de maximum , ou de minimum , aux environs de ce point, la courbe fera nécef-fairement coupée par quelque parallele à l’axe, en deux en-Tome IL G Des queftions de Maximis & Minimis. FiS 41 IOÓ HISTOIRE droits, comme C,c. Pour s’en convaincre , il fufht de conff-dérer la figure 43e, qui repréfente toutes les différentes efpeces de points de maximum ou de minimum. Delà il fuit qu’en fup-pofant BC , ou l’ordonnée déterminée , l’équation de la courbe contient deux racines , ou deux valeurs inégales de l’abf-ciffe, comme AB, ou Ab. Mais au point de maximum ou de minimum y ces deux ordonnées fe confondent, 6c par conféquent l’équation de la courbe doit donner deux valeurs égales à l’abfciffe. Il faudra donc , en faifant BC indéterminée , fuppofer dans cette équation deux valeurs égales ; ce qu’on fera comme on a vu ci-devant dans la méthode des tangentes, 6c l’on aura la valeur de l’abfcifTe A/3, à laquelle répond la plus grande ou la moindre ordonnée. Il y a une obfervation importante à faire concernant la regle de maximis & minimis, tirée du principe de Defcartes ; c’eft qu’elle donne non feulement les points de plus grandes 6c moindres ordonnées de courbe, mais aufîi ceux oii deux branches de la courbe s’entre-coupent, lorfque cela arrive, comme on voit en N. Cela eft une fuite néceffaire du principe fur lequel elle eft fondée. Car il arrive auffi dans ce dernier point, que deux interférions de la courbe avec une parallele à l’axe coincident, 6c par conféquent y a deux valeurs égales dans l’équation de la courbe. Mais c’eft-là une forte de défaut ; car outre qu’un point d’interfecfcion de deux branches de courbe eft d’une nature bien différente que ceux des plus grandes ou moindres ordonnées , ces derniers doivent aufîi être divifés en deux efpeces qu’il faut bien diftinguer, quand on veut reconnoître la forme d’une courbe. Les uns font ceux où la tangente eft parallele à l’axe ; ce font les véritables points de maximum ou minimumLes autres font ceux où cette tangente lui eft perpendiculaire ou oblique, comme les trois derniers dans la figure ci-deffus. Ces points fe nomment aujourd’hui points de re-brouffement. Or la regle de Defcartes confond tous ces points entr’eux, 6c par conféquent induit en erreur fur la forme de la courbe, à moins qu’on ne les examine enfuite chacun en particulier. La maniéré de les examiner fi l’on fe fervoit de la regle de Defcartes, confifteroit à chercher à chacun de ces points la direćtion de la tangente. Car fi elle devenoit parallele à l’axe, DES MATHÉMATIQUES.Part.lV.Liv.il. 107 ce feroit un figne que les points où cela arriveroit, feroient de véritables points de maximum ou minimum, mais fi elle étoit perpendiculaire ou oblique , c’eft-à-dire, que la foutan-gente fût nulle ou d’une grandeur finie, les points qui au-roient cette propriété feroient de flmples points de rebroufïè-ment. S’il arrivoit enfin que cette foutangente fut comme indéterminée, c’eft-à-dire , que le numérateur 6c le dénominateur de la fraction qui l’exprimeroit, devinffent l’un 6c l’autre zero , on auroit un point d’interfeétion de deux branches de la courbe. En effet, c’eft ce qui doit arriver à un point de cette efpece ; car l’exprefîion de la foutangente ne peut donner qu’une feule valeur: 6c cependant aune interfedtion de rameaux de courbe, il y aplufieurs tangentes, puifque chaque rameau a la fienne propre à ce point. Il faut donc dans ce cas que l’analyfe ne réponde rien, 6c c’eft ce qu’elle fait en donnant une fraction telle que Lorfqu’une courbe de convexe quelle étoit vers fon axe, devient concave, ou au contraire, il y a un point qui fépare la convexité de la concavité, 6c qui eft en quelque forte le paflage de l’une à l’autre ; ce point fe nomme point (Cinflexion, ou de changement de courbure. Il nous faut encore montrer brièvement de quelle maniéré on peut les trouver dans la théorie de Defcartes. Pour connoître la nature d’un point d’inflexion , il faut faire les remarques fuivantes. Lorfqu’une courbe a une partie convexe 6c Tautre concave, elle peut être coupée en trois points par une droite, ou touchée en un 6c coupée dans un autre, ce qui eft la même chofe , un point de contact équivalant à deux d’interfection. Suppofons préfentement le point de contadt fe rapprocher de celui d’interfection , il y aura un point où ils fe confondront, 6c la tangente touchera en même temps ôc coupera la courbe. Or ce point ne peut être que celui d’inflexion; il y aura donc dans l’équation formée fuivant la méthode de Defcartes , comme pour tirer la tangente à la courbe, il y aura, dis-je , trois racines égales. Car les trois points d’interfedtion qui donneroient trois racines inégales, ou trois abfciffes différentes pour chacun d’eux s’ils étoient féparés, en donneront trois égales lorfqu’ils fe confondront en un feul. Ainfi en fuivant le procédé de Defcartes pour fa méthode des tangentes, Des points d'inflexion. Fig. 44- -%• 4 r* Des afymptotes des courbes. Fig. 4tf, n°. i „ z. 10S HISTOIRE il faudroit égaler l’équation en queftion, à une autre feinte ôc ayant trois racines égales. Par-là on trouveroit la grandeur de l’abfcilTe répondante au point d’inflexion. Il y a une autre méthode plus fimple pour déterminer cette forte de point : celle-ci efl: fondée fur cette confédération, fçavoir que la tangente à un point femblable, forme toujours avec l’axe , un moindre ou un plus grand angle que toutes les autres tangentes. L’infpeétion de la figure 45e, en convaincra. La raifon de la foutangente à l’ordonnée dans un point d’in-flexion , fera donc un maximum ou un minimum. Il fuffira par conféquent de former une expreffion de cette raifon , ( ce qui fe fera en divifant la foutangente par l’ordonnée ), ôc de la traiter comme une grandeur dont on demande le maximum ou le minimum. Cela donnera la valeur de l’abfciflfe , qui répond à ce point d’inflexion. La détermination des afymptotes des courbes- efl: encore une des branches importantes de la méthode des tangentes, ôc nous ne devons pas l’oublier. Les Géomètres fçavent qu’011 appelle afymptote d’une courbe la ligne vers laquelle elle s’approche , nous ne difons pas feulement, avec quelques Auteurs peu exaéts, de plus en plus, mais de telle forte que leur diftance devienne moindre que toute grandeur donnée , fans cependant jamais fe rencontrer. La Géométrie moderne confidere ces lignes d’une maniéré très-lumineufe. Elle les regarde comme des tangentes à un point infiniment éloigné de la courbe , qui pafTent cependant à une diftance finie de fon axe, ou qui le rencontrent dans un point qui n’efl: éloigné du fommet que d’une quantité finie. La courbe de la fig. 4d, n°. 1, nous offre un exemple des afymptotes de la première efpece, ôc l’hyperbole rapportée à fon axe tranfverfe, nous en préfente un de celles de la fécondé. Mais avant que d’aller plus loin , il eft befoin de quelques obfervations préliminaires. La première, eft que lorfque dans une expreffion algébrique , comme xz -\-ax -4- b , .on fait l’indéterminée x infinie , alors tous les termes ou elle ne fe trouve pas auffi-bien que tous ceux où elle eft dans un degré inférieur, s’évanouifïent ; ôc le feul ou les feuls termes, où elle fe trouve à la plus haute puiffance, fubfiftent. La raifon de cela eft aifée à fentir : un quarré dont les deux dimenfions font infinies , efl: infini à DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IL 109 î’égard d’un rećtangle qui n’en a qu’une d’infinie, ôc ainfi des autres puifïances. Par conféquent les plus baffes s’anéantiffent en comparai fon des plus hautes. La fécondé remarque eft qu’une fraction, dont le numérateur eft fini ôc le dénominateur infini, eft o , ôc qu’au contraire celle dont le dénominateur eft o , eft infinie. En effet, à me-fure que le dénominateur augmente , la fraćtion diminue , ôc au contraire. Les exemples les plus fimples fuffifent pour s’en convaincre. Ainfi lorfque dans une expreffion fractionnelle , comme 5 on f-ippofera x infinie , cette expreffion de- viendra nulle ; mais fi l’on vouloit la rendre infinie , la chofe feroit facile. Il n’y auroit qu’à fuppofer a a — xx = o,ou x = a. Alors elle fe réduiroit à ~, dont la valeur eft infinie. Une courbe qui auroit pour équation x auroit donc fon ordonnée infinie à la diftance a du fommet. Aidé de ces obfervations , le lećteur eft en état de nous prévenir ôc d’appercevoir de lui-même la maniéré de déterminer les afymptotes des courbes. D’abord celles de la première ef-pece n’exigent rien de plus que l’équation de la courbe. Il fuffit d’y fuppofer i’abfciffe infinie, ôc d’examiner d’après les principes ci-deffus , quelle valeur en réfulte pour l’ordonnée. Si elle eft finie , ce fera évidemment la diftance de l’afymptote parallele à l’axe. Si elle eft zero, cet axe même fera l’afy mptote de la courbe. Si l’on foupçonnoit que cette courbe eût pour afymp-tote une de fes ordonnées, placée à une diftance finie du fommet , il n’y auroit qu’à fuppofer l’ordonnée infinie, c’eft-à-dire égaler à o le dénominateur de la fraćtion qui l’exprime, la valeur qui en réfulteroit feroit l’abfcifTe correfpondante. Les afymptotes inclinées à Taxe exigent un peu plus d’appareil , ôc c’eft ici que la détermination des tangentes eft né-ceflaire. Ce font, nous l’avons dit plus haut, des lignes qui touchent la courbe à un point infiniment éloigné, ôc qui rencontrent l’axe à une diftance finie du fommet. Il faut donc trouver généralement cette diftance; ce qui fe fera facilement en ôtant l’abfcifTe de la foutangente , ou les ajoutant enfem-ble, fuivant la forme de la courbe. Enfuite il faudra y fuppofer l’abfcifTe infinie, ôc la valeur qui réfultera de cette fuppofition ^ Inventions géométriques de M. de Fermât, IIO HISTOIRE fi elle eft finie, donnera le point de l’axe par ou paffe l’afymp-tote. Il refte à déterminer l’angle quelle fera avec l’axe. Ceci ne fera pas plus difficile ; il eft aifé de voir que cet angle fera déterminé par le rapport de la foutangente à l’ordonnée, lorfque l’abfcifTe eft infinie. Il faudra donc former rexprefîion de ce rapport, c’eft-à-dire, divifer la foutangente par l’ordonnée , & fuppofer dans cette expreffion l’abfcifte infinie. La raifon qui en réfultera, fi c’eft celle d’une quantité finie à une autre finie, ( comme s’il ne reftoit que des quantités confiantes dans le numérateur de le dénominateur de la fraélion ), donnera l’angle de l’afymptote avec l’axe. Si l’abfcifTe reftoit feule dans le dénominateur, ce feroit un figne que ce rapport feroit infini ; Pafymptote feroit une ordonnée perpendiculaire. Au contraire, fi l’abfcifTe reftoit dans le numérateur, cette raifon feroit infiniment petite, de l’afymptote feroit l’axe même de la courbe. Nous pourrions encore, fi l’étendue à laquelle nous fommes limités le permettoit, donner ici la maniéré de reconnoître diverfes autres affećHons des courbes, comme l’angle quelles forment avec leur axe , dans les endroits où elles l’entre-cou-pent; leurs points de rebroufïement foit obliques, foit perpendiculaires à l’axe , &:c; mais tout cela nous meneroit beaucoup trop loin. Comme ces déterminations tiennent aux principes ci-defïus, nous laiiïons aux lcćteurs Géomètres le plaifir d’y parvenir d’eux-mêmes. vu. Nous fufpendons ici pour quelque temps le récit des progrès delà méthode de Defcartes, afin de faire connoître un de fes comtemporains à qui la Géométrie] a aufîi de grandes obligations. Ceux à qui l’hiftoire de cette Science eft un peu connue , doivent s’appercevoir que nous voulons parler de M. de Fermat. Ce rival digne de Defcartes , ne fe porta avec guere moins de fuccès que lui dans la carrière des découvertes analytiques : on ne peut même difeonvenir que quelques-unes de fes inventions ne l’emportent fur les fiennes en fim-plicité , de ne foient des germes plus développés des méthodes il commodes que nous poffédons aujourd’hui. Si Defcartes DES MATHÉMATIQUE S. Part. IV. Liv. II. m eût manqué à l’efprit humain Fermat l’eût remplacé en Géométrie. En effet avant même que Defcartes publiât fa Géométrie, M. de Fermat étoit en poffeflion de la plupart de fes inventions les plus brillantes, comme fes méthodes de maximis & minimis, de des tangentes, fa conflruclion des lieux folides, 8cc. On en tire Ja preuve de fon commerce épiflolaire avec Roberval, imprimé à la fuite de fes œuvres. On y lit dans une Lettre du mois d’Août 163 6, « J’ai trouvé beaucoup « d’autres proportions géométriques , comme la reflitution 53 de tous les lieux plans d’Apollonius, dec, Mais ce que j’ef-55 time le plus eft une méthode pour déterminer toutes fortes 55 de lieux plans de folides, par le moyen de laquelle je trouve 53 les maximee & minimee in omnibus problematibus, dc ce par 53 une équation auffi fimple que celles de l’analyfe ordinaire. ™ Dans une autre du mois fuivant, il lui dit qu’il y avoit déjà fept ans qu’il avoit communiqué cette regle à M. à’Efpagnet. Il ajoute que depuis ce temps il l’a beaucoup étendue, qu’il la fait fervir à l’invention des quadratures des courbes de des folides , à celle des tangentes , des centres de gravité , à la réfolution de certains problèmes numériques , enfin à la détermination des lieux plans de folides. Il paroît par-là que M. de Fermat donnoit affez improprement le nom de max ’unis & mi* nimis, à fa méthode d’analyfer les problèmes ; car on aura de la peine à concevoir que la vraie méthode de ce nom puiffe être de quelque ufage dans plufîeurs de ces queftions. La méthode de maximis & minimis de M. de Fermat, efl fondée fur ce principe déjà apperçu par Kepler dans fa Stereo-metria doliorum , fçavoir que lorfqu’unc grandeur , par exemple l’ordonnée d’une courbe, efl parvenue à fon maximum ou fonminimum, dans une fituation infiniment voifine fon accroif-fement ou fà diminution efl nulle. En faifant ufage de ce principe , dont il efl facile d’appercevoir la vérité , nous allons voir naître la regle de M. de Fermat. Car fuppofons qu’une ordonnée y, exprimée par une équation , foit parvenue à fon niaximumpd s’enfuivra qu’en fuppofant dans cette équation l’abE ciffe augmentée ou diminuée d’une quantité infiniment petite comme e, ces deux valeurs de y feront égales. Par conféquent fl °n les égale, qu’on en retranche les termes communs, qu’on di~ î r 2 HISTOIRE vife par e autant qu’il eft poffible, de qu’enfin on fupprime les termes où e fe trouve, ( car ils font nuis à l’égard des autres à caufe de la periteflè infinie de e ) ,. on aura enfin la valeur de .r , à laquelle répond la plus grande ordonnée, (a) Cette regle extrêmement ingénieufe, eft la même, à la notation près, que celle qu’enfèigne le calcul différentiel. Elle lui cede feulement en quelques abrégés de calcul, de en ce qu’elle eft arrêtée par les irrationalités dont il n’eft pas toujours facile de délivrer une équation , au lieu qu’elles ne font point un obfta-cle à la derniere. De même que la regle de Defcartes pour les queftions de maximis & minimis , eft fujette à quelques limitations particulières , celle de M. de Fermat a auffi les liennes. Sa nature étant de donner les points d’une courbe où deux ordonnées infiniment proches font égales, elle donne tous ceux où la tangente eft parallele à l’axe. Mais quoique cela arrive le plus fouvent dans des points de plus grandes ou moindres ordonnées , ces points ne font pas les feuls qui ayent cette Fig- 47* propriété. Un point d’inflexion ou de rebrouffement peut avoir fa tangente parallele à l’axe, comme on peut voir dans la figure 47e, de par conféquent fi dans la courbe propofée , il y en a quelqu’un de cette nature, la regle de Fermat le donnera avec ceux de vrais maxima ou minima. Il faudra donc, après avoir déterminé ces points, les examiner chacun en particulier , de. voir fi au-delà l’ordonnée continue à croître ou à diminuer ; car dans ce cas ce ne feroient que des points d’in- (a) Nous croyons devoir éclaircir par quelques exemples le procédé de cette regle. Pour cet effet, nous prendrons l'équation au cercle qui eft z a x —— * x 222 y y , & nous fuppofèrons qu’on ignorât qu’elle eft la pofition de la plus grande ordonnée. En fuivant la regle en queftion , il faut à la place de x , fubftituer dans cette expreffion , x —j— e •, ce qui donne celle-ci , 2 a x -ft— 2 a e --- x x--x x e T— e e , qu’il faut égaler à z a x -r- x x. En ôtant les termes communs , on a 1 ae ---- 2 xe — e e = o. Qu’on fupprime e e , à caufe de fa petitellè infinie, & on aura z a e — 2 x c 22= o,ir 2= 2 a , x 22: a -, ce qu’on fçait déjà. Mais fuppofons qu’on demandât la plus grande ordonnée dans la courbe dont l’équation eft j3 = a x1 —— a:3, ou ce qui eft la même chofe , le plus grand produit fait d’un des fegmens d’une ligne par le quarré de l’autre. Nous aurons dans ce cas, fuivant le précepte de la regle, a x1 —— *3 =22 axz -4— 2 ax e -f- a e e-x:3 —— 5 ex1 ——» 3 c e x — c3. Qtons-en les. termes communs, enfuite fupprimons ceux où e eft élevé au cube ou au quarré , divifons enfin par e , & nous aurons 2 a =22 3 xr, ou *2=2 y a -, ce qui nous apprend que cette courbe a fa plus grande ordonnée éloignée de fon fommet de y a , ou que le plus grand pro^ duit cherché eft celui qui fe fait du quarré des f de la ligne par l’autre tiers. flexion DES MAT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. II. 113 flexion ou de rebrouiïement. Nous remarquerons ici en paflant que M. Huyghens s’eft trompé dans l’expofition qu’il donne de cette regle. Son fondement, dit-il, confifte en ce que lorfqu’une ordonnée eft parvenue à fon maximum ou minimum , il y en a de part ôc d’autre deux qui l’avoifi-lient ôc qui font égales. C’eft bien là une propriété des maxF ma ôc minima , mais ce n’eft pas celle qui préftde à la regle de M. de Fermat. Car fi cela étoit, elle devroit non feulement donner les points où la tangente eft parallele à l’axe, mais aufii ceux où elle eft perpendiculaire , comme la regle de Defcartes, ôc même les points d’interfe&ions de rameaux de courbes ; ce quelle ne fait point. Son véritable fondement eft que lorfqu’une ordonnée de courbe eft parvenue à fon maximum ou minimum , le plus fouvent fa tangente eft parallele à l’axe , ôc par conféquent la différence de deux ordonnées infiniment voifînes eft nulle. Cette invention de M. de Fermat fut l’occafion d’une querelle aftez vive entre lui ôc M. Defcartes : mais comme fa méthode des tangentes fut aufîi un des objets de cette querelle, nous la ferons connoître auparavant. Celle-ci n’eft pas moins ingénieufe, ôc elle eft fondée à peu près fur les mêmes principes. Voici de quelle maniéré M. de Fermat l’explique. Que la ligne BD, foit tangente à une courbe, par exemple, une parabole : Fig. 48. il eft évident, dit M. de Fermaty que toute autre ordonnée que B C comme b c, la rencontrera au dehors, ôc par conféquent la raifon de BC1 à fie7-9 qui eft la même que celle de C D1 à cDL, fera moindre que celle de CB1 à cÆ1, ou que celle de CA à c A. Mais fi l’on fuppofe que cette raifon foit la même, ôc que la diftance Ce s’anéantifle, les points b ôc B, fe confondront, ôc l’on aura une équation qui, traitée de la même maniéré que dans la méthode de maximis & minimis 3 donnera le rapport de CD à CA. Nous ne pouvons difeonvenir que la regle de M. de Fermaty expofée comme nous venons de le faire d’après lui, n’eft pas préfentée fous le point de vue le plus avantageux. Elle le feroit mieux de la maniéré fuivante. Toute tangente, dirions-nous , n’eft autre chofe qu’une fécante dont les points d’inter-fećtion avec la courbe fe rapprochant continuellement, coïncident enfin. Il faut donc fuppofer deux ordonnées , comme Tome IL P 114 HISTOIRE BC,k, dont la diftance e foit indéterminée, ôc trouver par l’équation de la courbe la grandeur de la ligne CD, diftance i%. 4?- de l’interfection de la fécante ôc de l’axe, à l’ordonnée BC. Cela donnera une équation dans laquelle il n’y aura qu’à faire e infiniment petite, comme on a fait dans la méthode de maximis & minimison aura une équation entre CD ôc CA, qui donnera le rapport de la foutangente à l’abfcifte (a Il nous faut maintenant rendre compte du démêlé qu’eut M. de Fermat avec Dejcartes, à l’occafion de ces deux méthodes. Lorfque la Géométrie de Defcartes vit le jour , M. de Fermat fut un des premiers à l’examiner, ôc fans doute il lui rendit la juftice quelle méritoit. Mais il fut fort furpris de n’y rien trouver concernant les queftions de maximis & mittimis , qui par leur importance ôc leur difficulté méritent particuliérement l’attention des Géomètres.. Il écrivit donc au Pere Merfenne , ôc il lui envoya fes méthodes pour les queftions de maximis & minimis, pour les tangentes des courbes, pour la conftrućtion des lieux folides , lui témoignant en même temps fa furprife que M. Defcartes eut omis les premières de ces queftions. Cette remarque parut un défi injurieux à Defcartes : d’ailleurs fa querelle avec M. de Fermât fur la réfraction , étoit encore dans toute fa chaleur , ôc il s’aigri Hoir aifé-ment contre ceux qui tardoient trop à fe rendre à fon fentiment. Ce fut dans ces circonftances ôc avec ces difpofitions qu’il reçut l’écrit de M. de Fermat. Préoccupé de l’envie d’y trouver à redire , il répondit au Pere Merfenne , que l’une ôc l’autre de ces réglés ne valoient rien , ôc il propofa contr’elles des difficultés que nous expoferons plus bas. M. de Fermat trouva deux zélés défenfeurs dans MM. Roberval ôc Pafcal le pere ; d’un autre coté, MM. Midorge, Defargues, Hardi, prirent le parti de Defcartes, ôc ce fut un procès littéraire qui fut Fig. 4?. ( a ) Voici un exemple de cette méthode appliquée à l’hyperbole équilatere. Que le demi-diametre tranfverfe loit æ, l’abf-effle A C = * , C D = i, B C efl: yé(z<7x-4— xx ), & A c étant x——e , c b eft d[zaxx—— e-\—x—_> ).Maintenant à caufe de la li mili tilde des triangles, BC : b c : : C D : c D , ou B C1 : £ c1 ; : CD1 : c D1 j conféquemment zax-f- xx : 2. a x-~—zae -f-#1-----z xe-\-er : : £ i {---e ,&en multipliant les extrêmes & les moyens rejettant enfuite les termes communs v auifi^bien que ceux où le trouve e e , divi- 2 d x 1 X*~ lânt enfin par e , on a z =z ------, qui L L a-4-* eft la vraie expreflîon de la foutangente; dans l’hyperbole. DES MATHÉMATIQUES.Part.IV-ZA. II. 115 plaidé avec beaucoup de vivacité ôc d’aigreur d’un côté ôc de l’autre. Nous en avons les pièces dans le troifieme Tome des Lettres de Defcartes. Il fe termina en même temps que celui qui concernoit la Dioptrique. M. de Fermat> ennemi des querelles, ôc plus jufte à l’égard de Defcartes que celui-ci ne l’étoit au lien , fit les premières démarches de réconciliation ; la paix fut lignée , ôc fuivie de quelques lettres obligeantes de part ôc d’autre. Nous n’béfiterons pas un inftant à donner ici le tort entier à jDefcartes. Il eft évident en ce qui concerne la regle de ma-ximis & minimis ; en elïèt, Defcartes prétendoit que la regle de M. de Fermat étoit mauvaife parce qu’elle ne réuffiffoit point dans un cas où il en faifoit une faulfe application. Il vouloit que la tangente tirée d’un point extérieur comme C , à la circonférence d’une courbe fût un vrai maximum à l’égard des lignes tirées à la partie convexe, ou un minimum à legard de celles qui atteignent à la partie concave ; en conféquence il vouloit que la regle de M. de Fermat fervit de cette maniéré à trouver les tangentes des courbes ; ôc comme elle ne le faifoit point, il la déclaroit mauvaife. Mais la pafiion feule, ( car les grands hommes n’en font pas toujours exempts ) , pouvoit infpirer cette objection à Defcartes. De quelque maniéré qu’on l’entende la tangente CA n’eft point un maximum , ou un minimum ôc elle n’en a aucun caraétere. La regle propre de Defcartes pour les queftions de cette nature ; celle du calcul différentiel, la même, à la notation près, que celle de Fermat, feroient vicieufes fi cette prétention étoit fondée. Il n’y a ici de maximum ou de minimum que la raifon de C B à B À , ou bien le fegment DE de la tangente au point D. Or en confi-dérant la queftion de cette maniéré, la regle de M. de Fermat réuffit très-bien , ôc donne exactement la tangente. Defcartes eût pu faire une objection plus fpécieufe, ôc à certains égards plus fondée, s’il eût mieux connu le fondement de la regle de M. de Fermat. C’eût été de chercher une courbe telle que celle que repréfente la figure 51e, ôc qui a un point de rebrouftement perpendiculaire en B, qui eft une forte de Maximum. La regle en queftion appliquée à la détermination fie ce maximum, ne l’auroit point donné , d’où il auroit pu conclure qu’elle étoit vicieufe. Mais Fermat auroit pu répon- Fig. fa ii* HISTOIRE dre que la nature de fa regle étoit de ne donner que les points ou la tangente eft parallele à l’axe, & que loin de réputer cette limitation comme un défaut, on devoit la regarder comme une perfećtion. Enfin s’il eut été aidé des lumières que nous avons aujourd’hui, il eût pu le défier d’en donner aucune qui ne fût fujette à quelque limitation femblable ou équivalente. En effet il n’en eft aucune, fans en excepter celle du calcul différentiel, qui ne foit ou trop , ou trop peu étendue , 6c qui n’exige par cette raifon quelques attentions particulières. Ce défaut paroît abfolument inévitable. Il y a dans les objections que M. Defcartes éleva contre la regle des tangentes de Fermat quelque chofe de plus fpécieux ; mais ce n’eft encore au fond qu’une vraie chicane. Fermat s’étoit fervi dans l’exemple de fa méthode , d’une parabole Sc d’une de fes propriétés pour en déterminer la tangente. Defcartes regardant cet exemple comme général, appliqua la regle à d’autres courbes en fuivant précifément le même procédé que celui de l’exemple ; procédé qui n’étoit applicable qu a la parabole: 6c comme elle ne réuHîffoit point, il prononçoit quelle étoit fauffe, 6c fi mauvaife qu’on n’y faifoit pas même ufage des propriétés caractériftiques de la courbe à laquelle il s’agiffoit de tirer la tangente. On ne peut pas foupçonner que M. de Fermat, doué comme il l’étoit de génie, donnât dans une abfurdité pareille. Roberval 6c Pafcal répondirent vivement , 6c prétendirent que fi Defcartes eût voulu entendre le fens de la regle 6c de l’exemple en queftion , il ne lui eût point fait cette querelle. M. Defcartes s’obftina de fon cc»té à dire que M. de Fermat n’entendoit pas fa regle, 6c rien ne l’a pu faire changer de fentiment, pas même leur réconciliation. On le voit encore prétendre quelque temps après , en écrivant au Pere Merfenne, que c’étoit lui qui avoit défillé les yeux fur ce fujet à fon adverfaire , 6c que fi celui-ci avoit réufîî a la rendre exacte, c’étoit à lui qu’il le devoit. S’il convient enfin quelque part de fon excellence 6c de l’avantage quelle a fur la fienne quant à la fimplicité 6c à la brièveté, ce n’eft que pour s’en donner le mérite. Il eft vrai qu’on la trouve développée plus clairement dans une de fes Lettres (C du quatrième degré. On voit par ces écrits, dont il parle dans fes Lettres avant que la Géométrie de Defcartes parut , qu’il fe rencontra avec notre Philofophe dans fidée d’exprimer la nature des courbes par des équations algébriques. Dans l’un , qui eft intitulé Ifagoge Topica ad loca plana & folida 3 il détermine les differentes formes d’équations qui réfultent des différentes portions de l’axe de la fećtion conique fur lequel on prend les abfciffes , ôc du point d’où l’on commence à les compter. Il paffe enfuite à conftruire diverfes équations folides , dans celui qui porte pour titre : Appendix ad ifagogern Topicam, que les éditeurs des Œuvres de Roberval ont mal à propos inféré parmi celles de ce dernier , mais qui appartient inconteftablement à M. de Fermat. Nous nous bornerons ici à dire que fon analyfe eft très-reffemblante à celle de M. de Slufe que nous ferons connoître dans la fuite de ce Livre. M. de Fermat fit encore quelques progrès remarquables dans cette partie de la Géométrie qui concerne la quadrature des figures curvilignes. Dans un écrit qu’on lit parmi fes Œuvres, il afîigne la dimenfion de plufieurs courbes affez compliquées,, qu’il réduit par d’ingénieufes transformations à celle du cercle ou de l’hyperbole. C’eft par-là qu’il trouva la mefure de la’ cyffoïde ôc de la conchoïde , la quadrature abfolue des hyperboles des genres fupérieurs , ôcc. Nous ne doutons point que la curiofité de nos lećfeurs ne s’intéreffe à connoître un peu plus particuliérement un Géomètre aufîi recommandable. Nous allons leur apprendre le Progrès de Géométrie de Defcartes, 118 HISTOIRE peu que nous en fçavons. M. de Fermat étoit de Touloufe, où il naquit vers le commencement du dix-feptieme fiecle, ou la fin du précédent. Quoiqu’il fe foit fait un grand nom dans les Mathématiques , elles ne furent cependant pas fon unique ôc fa principale occupation. A ce goût ôc ce talent fupérieut qu’il avoit pour elles, il joignoit une grande érudition Ôc une connoiïlànce parfaite de la Langue Grecque, ôc de plufieurs autres modernes. Revêtu outre cela d’une charge de Confeil-ler au Parlement de Touloufe, il l’exerça toujours avec affi-duité, cc il s’y fit la réputation d’un Juge des plus éclairés (a). Il mourut au commencement de 1665. Le recueil de fes Ouvrages confifte en deux volumes qui parurent après fa mort. ( in-fol. ) L’un eft une édition de Diophante , enrichie de fes notes ôc de fes découvertes dans le genre d’analyle cultivée par cet ancien Arithméticien, qu’il poufta fort loin (b) ; l’autre contient fes œuvres propres, foit de Géométrie traitée fuivant la méthode ancienne qui lui étoit très-familiere , foit d’analyfe moderne. On y trouve encore fon commerce épifto-laire avec divers Géomètres célébrés de fon temps , comme Roberval, Pafcal, Ôcc ; c’eft un morceau très,-intéreflant pour i’hiftoire de la Géométrie ôc de l’Analyfe. y ni. \ ... On devroit s’attendre à voir la Géométrie de Defcartes reçue avec un empreftement univerfel. Mais diverfes caufes en retardèrent pendant quelques années les progrès. Il eft des préjugés jufques dans la Géométrie, ôc il eft rare que ceux qui font accoutumés dès long-temps à une certaine maniéré de raifon-ner, foient difpofes à quitter une ancienne habitude pour en contracter une nouvelle. D’ailleurs l’ouvrage de Defcartes étoit écrit avec une fi grande précifion , qu’il ne pouvoit y avoir qu’un fort petit nombre de perfonnes en état de l’entendre. Defcartes enfin avoit fes ennemis, qui déprimoient le plus qu’il leur étoit poflible fes inventions. Toutes ces raifons réunies,produifirentl’efpece d’oppofition que rencontra d’abord fon ouvrage. La plupart des Géomètres fe mirent peu en peine (a) Journal des Sçav. Fév. i66f. (b) Voyez l’article de Diophante, DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv.ll. u9 d’y pénétrer , ôc quelques autres ne s’attachèrent qu’à le critiquer fans lui rendre la juftice qu’il méritoit pour les découvertes mêmes qu’ils ne pouvoient fe refufer d’y reconnoître. Parmi ces détracteurs de la Géométrie de Defcartes , nous fommes fâchés de trouver M. de Roberval. Nous ne pouvons diflïmuler qu’il fe comporta à cet égard d’une maniéré fort pafiionnée, ôc qui lui fait peu d’honneur. Son hiftoire avec Milord Cavendish, mérite d’être racontée. S’entretenant un jour avec ce Seigneur, qui étoit fort verfé dans les Mathématiques, il lui témoignoit être inquiet de fçavoir d’où Defcartes avoit pu avoir l’idée d’égaler tous les termes de l’équation à Zero. Milord Cavendish lui répondit qu’il n’ignoroit cela que parce qu’il étoit François, ôc lui offrit de lui montrer le Livre auquel Defcartes devoit cette invention. En effet, il le mena chez lui , ôc lui montra l’endroit & Harriot où l’on voit la même chofe ; fur quoi Roberval tranfporté de joie, s’écria , il Va vu 3 il Va vu ! ÔC il le publia de toutes parts. Ce trait ne nous offre, à la vérité, encore qu’une preuve de la jaloufie de Roberval : mais il ne s’en tint pas là. Il prétendit relever plusieurs fautes dans la Géométrie de Defcartes, ôc c’eft en quoi il eft tout-à-fait inexcufable ; car fes objections font toutes m au vai fes, ôc ne prouvent que fa pafiîon ôc fon opiniâtreté. Il objecta d’abord à Defcartes qu’il s’étoit trompé dans fa conftruétion des équations du fixieme degré, ôc qu’il avoit omis une partie de fa conchoïde parabolique , fans laquelle un cercle ne pouvoit la couper en fix points. Il avoit tort vifiblement : car Defcartes réduifant fon équation à une autre ayant toutes fes racines pofitives , cette partie de fa conchoïde que Roberval prétendoit omife , étoit entièrement inutile , puifque étant au deffous de l’axe , elle auroit donné des racines négatives. Il fe trompoit encore en prétendant que la partie lupérieure de cette courbe ne pouvoit pas être coupée en fix points diffé-rens par un cercle. Defcartes lui indiqua un moyen facile de s’affurer que cela eft poffible ; ôc effeétivement cela arrive, comme l’ont démontré M. Hudde [a) ôc le Pere Rabuel (£). Cependant malgré le temps qu’il avoit eu pour le vérifier , on le voit dix ans après renouveller à Defcartes cette (a) Schoot. Comm. ad. fin. (b) Comm. fur la Géométrie de Defcartes» M-dc Beaune. no HISTOIRE objection (a). Il en fît en même temps une nouvelle fur la nature des équations. Il ne fe borna plus à prétendre, comme il avoit fait d’abord (b), que Defcartes s’étoit trompé dans fa regle pour la diftinétion des racines pofitives ôc négatives, en ce qu’elle n’a pas lieu quand il y a des racines imaginaires. Il prétendit qu’elle étoit fauffe même lorfqu’il n’y en a aucune. L’équation qu’il propofoit en exemple, étoit celle-ci, x3 — Ąxl-h4x — 4= o,oii, difoit-il, il n’y a aucune racine imaginaire , ôc qui n’a cependant pas trois racines pofitives : on s’attendroit à lui voir alligner ces trois racines qui démentoient la regle de Defcartes ; mais c’eft ce qu’il ne fait point : ôc en effet , cette équation n’a qu’une racine réelle qu’on trouve être à fort peu de chofe près 3.13, ôc les deux autres qui font imaginaires, font o. 43 Hh y/ ( — 1. 0930). La France auroit prefque la honte d’avoir été la derniere à accueillir la Géométrie de Defcartes fans M. de Beaune (c). Ce fçavant Analifte en pénétra le premier tous les myfteres, ôc il n’y avoit pas encore long-temps qu’elle avoit paru, lorfqu’il entreprit d’en éclaircir les endroits difficiles par des notes. Il les communiqua à Defcartes , qui les approuva fort obligeamment, ôc qui lui répondit qu’il n’en avoit pas trouvé un mot qui ne fût félon fon fens. On les trouve dans le Commentaire de Schooten, fous le titre de Florimundï de Beaune , in Çart. Geom. notce Breves. Le zele avec lequel M. de Beaune fe porta en faveur de la nouvelle Géométrie, lui valut particuliérement l’amitié de notre Philofophe, qui témoigne en plu-fieurs endroits de fes Lettres faire plus de fonds fur fes lumières ôc fon approbation , que fur celles de tous les autres Géomètres qu’il y avoit alors en France. Ces Lettres (d) nous apprennent que M. de Beaune a élevé le premier la fameufe queftion de déterminer la nature des courbes par les propriétés données de leurs tangentes. C’eft ce qu’on appelle la méthode inverfe des tangentes, parce que (a) Lettres de Defcartes. T.'ni,p, 4^4. mé dans la lettre dont il s’autorife , mais (b) Cette objection eft imputée a M. de c’eft certainement de lui qu’il eft queftion. fermât dans un excellent Mémoire de M. (c) M. de Beaune étoit Confeiller au Pré-l’Abbé de Gua, ( Mem. de L’Acad. 1743 ). fidial de Blois. Il étoit né en 1601 , & il Ce qui a pu induire cet Académicien en mourut en 16 y r. erreur, c’eft que Roberval n’eft point nom- {d) Voyez la 71 du T. m. c’eft DES MATHÉMATIQUE S. Part.lY.Liv.il. m c’eft l’inverfe de celle qui détermine les tangentes par les propriétés de la courbe. Il fit même à ce fujet quelques découvertes dont M. Defcartes le loue beaucoup, et Pour vos lignes 55 courbes , dit-il, (a) la propriété dont vous m’envoyez la dé-« monftration m’a paru fi belle , que je la préféré à la qua-55 drature de la parabole trouvée par Archimede ; car il exami-55 noit une ligne donnée , au lieu que vous déterminez l’efi-55 pace contenu dans une qui ne l’eft pas encore. 55 Ce fut dans ces circonftances que M. de Beaune propofa à Defcartes un problème qui eft devenu célébré, Se qui a retenu fon nom. Il s’agiftoit de trouver la conftrućtion d’une courbe telle que l’ordonnée EG fût à la foutangente EB, comme une ligne donnée N, à G F qui eft une ligne interceptée entre îa courbe Se la ligne AF inclinée de 450. Ce problème eft aiïez difficile, même en y employant le calcul intégral : mais les génies fupérieurs fçavent ordinairement fe frayer des voies au travers des difficultés qui arrêtent les efprits ordinaires ; Se M. Defcartes ne fût pas auffi court à ce fujet qu’on le croit ordinairement, Se que l’a écrit un célébré Géomètre (b). Il trouva (c) i°. que cette courbe avoit une afymptote parallele à la ligne AF , Se pafTant par le point C éloigné de A d’une quantité égale à N. 20. Que menant GI parallele à CE, Se G K tangente au point G, la foutangente IK étoit conf-tante ; propriété qui luffit pour conclure que la courbe cherchée n’eft qu’une logarithmique dont les ordonnées font inclinées fur l’axe d’un angle de 45°. 30. Il la conftruifit par la combinaifon de deux mouvemens, ou par l’interfeétion continuelle de deux réglés dont les vîteftes étoient, l’une uniforme , l’autre variée, fuivant une certaine loi qui lui permettoit d’en trouver tant de points qu’il vouloit. Il la déclara enfin du nombre des courbes méchaniques. Il feroit curieux que l’analyfe par laquelle Defcartes s’éleva à ces connoilfances, nous fût parvenue. Mais nous n’en avons trouvé aucune trace dans fes Lettres. M. de Beaune ne fe contenta pas d’éclaircir la Géométrie de Defcartes par fes notes : il donna naiffance dans l’analyfe (a) Ibid. (£) C’effc M. J. Bernoulli dans Tes Lett. calculi integ. Led. u. ic) Lett. de Delcart. Ibid. . Tome II. Q Fis- : iii HISTOIRE à une théorie nouvelle , fçavoir celle des limites des équations ; théorie très-utile pour leur réfolution. Pour fentir le mérite de cette invention , il fauc (e rappeller ce qu’on a fait voir plus haut, que lorfque l’équation eft affranchie des fractions & des irrationalités , fi elle a quelque racine rationnelle, c’eft néceffairement un divifeur du dernier terme : mais il arrive fouvent que ce dernier terme a une foule de divifeurs. Comment reconnoître à peu près celui qu’il faut choifir pour s’éviter mille effais inutiles &; laborieux ? M. de Beaune imagina pour cela de déterminer les deux nombres entre lefquels fe rencontrent la plus grande èc la moindre des racines cherchées, ce qu’il nomme les limites de l’équation. Cette invention diminue beaucoup le travail, &C réduit fouvent à un très-petit nombre, les divifeurs à effayer ; quelquefois même on verra tout de fuite par-là que l’équation n’a aucune racine rationnelle , comme s’il arrivoit que les limites tombaffent entre les divifeurs du dernier terme les plus voifins. M. de Beaune fuit avec beaucoup de foin toutes les formes d’équations depuis le fécond degré jufqu’au quatrième inclufivement, &; afîîgne dans tous ces cas les limites des racines. Nous devons le Traité qui contient fes inventions à M. Erafme Bartholin» Après la mort de M. de Beaime, qu’il étoit allé trouver à Blois , il obtint de fes héritiers les lambeaux épars de fes manuferits. Il les raffembla , les fuppléa & les fit imprimer en ï<>59 , à la fuite de la nouvelle édition du Commentaire de Schooten fur la Géométrie de Defcartes. Il promettoit un autre Traité du même M. de Beaune, intitulé De angulo folido ; mais cette promeffe n’a point été effè&uée. Après M. de Beaune} ce font principalement des Etrangers, êc prefque tous Hollandois , à qui la nouvelle analyfe de Defcartes doit fon établiffement , &c les premiers progrès qu’elle fit au-delà du terme ou l’avoit amené fon inventeur. Nous remarquons encore que ce furent la plupart de jeunes Géomètres. En effet, Schooten , Huyghens, Huddede IVitt Van'Heuraet^Slufe&cc. dont les travaux ou les découvertes dans ce genre vont nous occuper, ne faifoient que commencer à courir la carrière de la Géométrie dans les premières années qui fuivirent la publication de l'ouvrage de Defcartes. Cela ne doit point nous furprendre. Lorfqu’on n’a point encore DES MATHÉMATIQUES.Ptf/vJV.ZzV.II. 123 contracté de préjugés d’habitude , l’efprit eft bien plus fcnfible à l’impreffion de la vérité, ôc plus propre à faire un bon choix. Audi a-t’on vu le plus fouvent ces découvertes qui ont changé de mieux en mieux la face des Sciences, ne devoir leur éta-bliflement qu’à de jeunes gens. La Phyfique nous en offre des exemples connus ; ôc fans fortir de notre genre, nous en trouvons plufieurs. La méthode de Cavallerirejettée par les vieux Géomètres de fon temps, fut embraffée par tous les jeunes, au grand avantage de la Géométrie , qui en reçut un accroif-fement confidérable. De jeunes Géomètres firent valoir celle de Newton ôc de Leibnit^ , ôc établirent fa fupériorité fur celle de Defcartes qui avoit rencontré les mêmes difficultés pour fuppîanter celle de Dicte, ôc celle-ci probablement avoit éprouvé un fort femblable. Schooten (François) Profeffeur de Leyde , un des premiers qui ait accueilli la Géométrie de Defcartes, s’eft rendu recommandable par le Commentaire qu’il a donné fur elle. Defcartes avoit écrit en homme de génie qui ne s’attache pas à de petits éclairciffemens : il avoit même affecté en divers endroits une forte d’obfcurité, par des raifons qu’il dévoile dans une de fes Lettres, de forte que fon ouvrage n’étoit rien moins qu’à la portée de tout le monde. Il l’avoit fenti lui-même, ÔC par cette raifon il approuvoit fort le deffein de M. de Beaune qui avoit travaillé à l’éclaircir par des notes. Mais Schooten entreprit quelque chofe de plus étendu. Il traduifit d’abord cet ouvrage en Latin, afin d’en rendre la connoiïlànce plus générale , ôc il le publia ainfi avec fon Commentaire en 1649 : il en donna en 1659 une nouvelle édition confidérablement augmentée , ÔC fuivie de quantité de pièces intéreffantes, comme les notes de M. de Beaune deux Lettres de M. Hudde fur la réduction des équations, ÔC les Maxima ÔC Minima ; une de Dan-Heuraet fur la rectification des Courbes ; les deux Traités pofthumes de M. de Beaune fur la nature ôc les limites des équations ; les Elémens des Courbes de M. de JDitt : on y trouve enfin un Traité polthume de lui-même; (caril mourut dans le cours de l’impreffion du fécond voliime ). Il eft intitule de concinnandis dem. Geom. ex calculo Algebrico. Le Commentaire de Schooten a eu, ôc avec raifon, l’ap-probation générale. Il contient tout] ce qui eft néceffaire ' Q ij Schooten» r / 124. HISTOIRE pour l’intelligence de la Géométrie de Defcams3 fans avoir cette prolixité fatiguante que la plupart des Commentateurs fçavent rarement éviter. On pourroit feulement y delirer quelques éclairciflemens fur la fin du fécond Livre 5 où Def cartes parle de fes ovales ; ce qui eft un des endroits les plus difficiles de fa Géométrie. Nous avons encore un Commen-taire fur Defcartes par le Pere RabueL Jéfuite. Cet ouvrage eft fans doute excellent: mais outre qu’il eft venu un peu tard , il nous femble qu’il eft trop furchargé d’exemples 6c d’explications. Nous croyons avec Newton que ceux qui ont befoin de tant d’éclairciflemens ne font pas nés pour la Géométrie. Les notes que M. Jacques Bernoulli a jointes à l’édition de la Géométrie de Defcartes faite à Bâle en 169.. , rendent cette édition précieufe. Il n’en faut pour garand que le nom de cet illuftre Géomètre. Outre le Commentaire de Schooten fur la Géométrie de Defcartes, nous avons encore de lui un ouvrage eftimable, fous le titre d’Exercitationes Mathematica. Quelques - unes d’entr’elles concernent des objets dignes d’attention : telle eft celle où il reftitue les lieux plans a Appollonius. On doit auffi faire cas de fon Traité de organica feclionum conicarum def-criptione, déjà publié en 1646, où il enfeigne diverfes maniérés de décrire les feétions coniques par un mouvement continu. On trouve enfin dans le cinquième Livre de ces Exercitations , divers exemples d’analyle adroitement appliquée à des problèmes difficiles 6c curieux, foit de Géométrie , foit d’Arithmétique. Parmi ceux qui ont adopté les premiers ,, 6c qui ont cultivé l’analyfe de Defcartes , nous remarquerons avec diftinétion M. de Witt. M. de Witt (a). Ce politique célébré, dont la trifte cataftro-phe eft fi connue , avant que de devenir homme d’état, s’étoit adonné à la Géométrie avec le plus grand fuccès. Schooten nous a confervé un monument de fes travaux. C’eft ce Traité intitulé Elementa curvarum , dont on a parlé plus haut. Il comprend deux Livres, dans le premier defquels M. de JViti (a) M. de Witt (Jean ) naquit en i6if. Stathouder, & ce fut la caufe de fa perte. Il fut à la rcte du gouvernement dans les II fut maflacré & mis en morceaux avec temps les plus difficiles de la République, fon frere Corneille de Witt,, dans une Zélé pour la liberté de fa patrie , il s’oppo- émeute populaire excitée en 16 y z par la fa. toujours fortement à l’élection d’un faélion du Stathouderat. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IL 115 traite la théorie des Sećtions Coniques d’une maniéré qui lui eft propre 8c qui eft fort ingénieufe. Il conçoit ces courbes décrites par l’interfedtion continuelle d’un des cotés d’un angle mobile avec une ligne droite qui fe meut parallèlement à elle-même , d’où il déduit toutes leurs propriétés avec beaucoup de fagacité. Le fécond Livre apour objet laconftrućtion des lieux géométriques qu’il développe davantage que Defcartes, 8c pour lefquels il donne des formules particulières. On a néanmoins davantage Amplifié cette théorie depuis ce temps. M. de JVitt, à la tête des affaires de fa patrie , n’eut plus le temps de fe livrer à des recherches géométriques purement curieufes. Mais doué de l’efprit Mathématique , il le tourna du coté des objets utiles , 8c nous le trouvons à la tête de ceux qui ont examiné la probabilité de la vie humaine , & le prix des rentes viagères. Ses réflexions fur ce problème d’économie politique, donnèrent lieu à un nouvel arrangement dans la République à cet égard, Se il publia fur ce fujet un petit écrit Hollandois, dont l’objet étoit d’en montrer l’équité à fes compatriotes. M. Leibnit^, de qui nous tenons ceci (a) , eût fort defiré de voir cet écrit, mais je crois qu’il ne fe retrouve plus même en Hollande.5 Le célébré M. Hudde {b) eft encore un de ces hommes que l’étude des Mathématiques ne détourna pas des affaires , 8c qui après avoir fervi ces Sciences par des découvertes fervit aufii fa patrie dans des places diftinguées. Nous le voyons cité en plufieurs endroits du Commentaire de Schooten, qui rapporte delui diverfes inventions, eflais de fa jeunefle. Il s’adonna enfuite particuliérement à Panalyfe des équations , êc il fit fur ce fujet quantités de remarques utiles. Il fe propofoit de donner un ouvrage, où il eût traité cette matière a fond 8c avec étendue : mais fes occupations ne le lui permettant plus, il s’eft contenté d’en laiffer voir le jour à deux fragmens que Schooten publia en 1659, fous le titre de J. Huddenii , de reductione aquationum, & de maximis & minimis, epift.II. Le premier de ces écrits nous offre diverfes réglés utiles pour difeerner fi une équation , foit littérale , foit numérique , eft réductible ou non ; fi elle eft le produit de deux autres d’un degré inférieur, (a) Comm. Philof. T. n, p. xi?. Confuls & Bourguemeftre d’Amfterdam. ft) M. Hudde a été long-temps un des II mourut en 1704 5 à un âge fort avancé» M. Hudde. \ Van-Heiir.aet. 12 6 HISTOIRE 6c pour trouver dans ce dernier cas fes fa&eurs. Cet écrit 6c le fuivant, font encore recommandables par l’invention particulière de M. Hudde. pour déterminer les tangentes des courbes , 6c les tnaxima & minima. Comme nous avons delTein de rapporter dans un article les progrès de cette méthode, nous différerons jufque-là d’en rendre compte. Nous n’avons qu’une bien petite partie des inventions analytiques de M. Hudde. Livré une fois aux affaires , il ne lui fut plus poffible de mettre dans fes papiers l’ordre 6c la liaifon né-ceffaires pour les donner au public. Mais M. Leibnitq qui, paf-fant par Amfterdam , le viflta 6c converfa avec lui, nous affure que ces papiers renfermoient quantité de chofes excellentes (a). Il ajoute que la méthode des tangentes de M. de Slufe j lui étoit connue depuis long-temps , 6c même qu’il en avoit une meilleure 6c plus étendue. Amplior, dit-il, ejus methodus efl quàm quee à Sluflo fuit publicata. Il avoit auffi trouvé , fuivant M. Leibnit^ dès l’année 166i , la quadrature de l’hyperbole que Mercator publia en 1667. Nous lifons encore dans une lettre de M. Leibnit^ ( b ), que M. Hudde étoit en poffeffion de ce beau problème de Géométrie, fçavoir de faire paffer une courbe par tant de points qu’on voudra ; fur quoi M. Hudde lui avoit dit, apparemment en badinant, qu’il pourroit déterminer l’équation d’une courbe qui repré-lenteroit les traits du vifage d’un homme connu. Il avoit encore écrit fur les rentes viagères , 6c la probabilité de la vie humaine (c). M. Leibnit.% deflroit fort que fes manuferits tombaffent entre les mains de perfonnes intelligentes 6c zélées pour le bien des Sciences qui fiffent part au public de quelques-uns des morceaux intéreftans qu’ils contenoient; mais fes fouhaits n’ont pas été exaucés, 6c l’on n’a rien vu du tout de ces précieux écrits. M. Hati-Heuraet mérite auffi une place parmi ceux qui ont cultivé avec le plus de fuccès l’analyfe de Defcartes. Schooten rapporte de lui une folution du problème de déterminer le point d inflexion dans la conchoïde, en fe fervant de la conchoïde même avec un cercle pour conftruire l’équation cubi- (a) Comm. Epifi• de Analyjipromotâ 3 p. 87 , ed. in-40* \b) Ibid. p. <)z. (c) Comm. Phil. T. 11, p. 119. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. TV. Liv, II. n7 que à laquelle il conduit. Mais il s’eft fait furtout un nom par la méthode pour réduire la rectification d’une ligne courbe, à la quadrature d’une autre figure curviligne : voici l’efprit &, le précis de cette méthode qui eft très-ingénieufe. Que P D foit l’ordonnée tirée d’un point D , & AD , D L , la perpendiculaire à la courbe & la tangente au meme point D ; enfin B une ligne confiante : fi l’on fait comme PD à AD ainfi B, à une quatrième proportionnelle PE qu’on éleve fur le même axe, & fur le même point P , le point E & tous les autres femblablement déterminés feront dans une courbe dont l’aire divi-fée par la ligne B fera la grandeur de l’arc correfpondant de la première : par exemple , l’arc H D fera égal à l’aire F E PI di-vifée par B ; d’où il fuit que fi la courbe F E G devient une de celles qui font abfolument quarrables , on pourra afligner une ligne droite égale à l’arc H D. Or c’eft-là ce qui arrive fi l’on fuppofe que la courbe H D foit celle des paraboles cubiques, dont l’équation eft ax1~yh Alors la courbe FEG devient un fegment de parabole ordinaire ; ainfi la parabole cubique dont on vient de parler eft abfolument re&ifiable. Il en eft de même des autres paraboles dont les équations font a x* = y5, ax6=y7i &c. Que fi l’on fuppofoit la courbe HD une parabole ordinaire, l’autre FEG deviendroit une hyperbole rapportée à fon axe conjugué : c’eft pourquoi la rectification de la parabole dépend de la quadrature d’un efpace hyperbolique. Cette découverte , je veux dire , celle de la première rectification abfolue d’une courbe géométrique, a été revendiquée à TAngleterre par MM. Trallis &c Brounker qui en font honneur à M. Guillaume Neil : effectivement en admettant les faits qu’ils racontent, on ne peut difeonvenir que Van-Heu-raet n’ait été prévenu par Neil: mais outre que la méthode du Géomètre Hollandois eft fort différente de celle de l’Anglois, il eft fort probable que la découverte en queftion n’avoit point encore paffé la mer ; car on voit par les Lettres de (a) La démonftration de ce théorème eft facile j car en concevant une ordonnée p d e infiniment proche'de la première , & la ligne d l parallele a Taxe , on a les deux triangles d /D , D P A femblables , & conséquemment d l : d D : : D P : D A. Or DP:DA::B:PE; donc d l ou P p x P E = (iDxB; ainfi le rećtangle infiniment petit Pc eft égal à d D x B , & la même chofe arrivant partout ailleurs , on a l’aire de la courbe F P , égale au reétan-gle de l’arc H D par la ligne confiante B. Fiê- n* izS HISTOIRE Pafcal y qu’au commencement de 1659 , on croyoit encore dans le continent, à ce prétendu axiome auquel la reélifica-tion de la cycloïde avoit donné naiflànce ; fçavoir que la nature ne permettoit pas qu’on rectifiât une courbe, à moins qu’on n’eût déjà fuppofe ,, comme dans la cycloïde , une courbe égale à une droite. Il efl: aufîi certain qu 'Huyghens, qui étoit en correfpondance avec l’Angleterre , ignoroit à la fin de l’année 1658 , la découverte de Neil; ce qui rend fort vraifemblable que Nan-Heuraet n’en étoit pas non plus informé. Nous trouvons encore un troifieme prétendant à l’honneur de cette découverte, fçavoir M. de Fermat. Ses démonftra-tions fur ce fujet ne virent à la vérité le jour qu’au commencement de 1660 (a): mais nous avons des raifons de croire qu’il en étoit en pofleflion depuis quelque temps , & qu’il étoit parvenu de lui-même à cette belle vérité ; car Pafcal nous apprend que Fermat lui avoit envoyé dès la fin de 1658, une méthode très-générale pour la dimenfion des fur-faces produites par circonvolution , ôc quoiqu’il ne nous l’ait pas communiquée , nous la devinons fans peine [b). Or cette méthode a telle analogie avec celle qui fert à la rectification des courbes, qu’il efl très-probable qu’il ne tarda pas à palier de l’une à l’autre. Ainfi fans déroger au droit de priorité de Neil ôc Van-Heuraet 3 comme ayant publié les premiers cette découverte, nous croyons pouvoir en faire aufîi honneur à M. d z Fermat. fig- /4. [a) Geom. promota in 7. de cycl. lib. ad finem. (b) Cette méthode eft fans doute celle-ci. Qu’on ait une courbe quelconque, comme I D B , & que l’ordonnée P D foit prolongée de telle forte que P E foit égale à la perpendiculaire DA au point D de Ja courbe5 ce point E & tous les autres femblablement déterminés , formeront une courbe dont l’aire fera égale à la furface de l’onglet cylindrique retranché par un plan pallant par l’axe I A , & incliné de 45-° , furface qui eft viliblement à celle du folide de circonvolution autour du môme axe , comme le rayon à la circonférence. Or on trouve que h I D eft une parabole, F E en eft auffi une dont le fommet eft quelque peu retiré en arriéré. Si I D eft une ellipfe dont I A foit le grand axe , F E en eft encore une : mais celle-ci fera une hyperbole rapportée à fon axe conjugué , fi la courbe de rotation eft une ellipfe lùr fon petit axe, d’où il fuit que la furface du fphéroïde alongé ne dépend que de la quadrature d’un fegment elliptique ; mais celle du Iphéroï-de applati dépend de la quadrature de l’hyperbole. On trouve de même que fi la courbe de rotation eft une hyperbole rapportée , foit à fon axe tranfverfe, foit à fon axe conjugué , celle qui en réfulte F E eft une hyperbole. La démonftration de toutes ces chofos fera facile à ceux qui poifedent un peu l’analyfe : c’eft pourquoi je la fup-prime. M. 1 DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Lîv. II. 129 M. Huyghens ne s’eft pas moins diftingué dès fa jeuneffe M.Huyghcm* par fon intelligence dans l’analyfe algébrique, que par fon habileté dans la méthode ancienne. Ses premiers eiïàis dans la Géométrie nous en fourniflent les preuves. Nous le voyons cité plufieurs fois par Schooten > qui rapporte de lui diverfes inventions , ouvrages du temps où il étoit fon difciple. Parvenu à un âge plus mûr, il inventa la théorie des développées , théorie devenue depuis ce temps très-célebre parmi les Geometres. Elle forme la troifieme partie de fon fameux ouvrage intitulé , Horologium Ofcillatorium. Quoiqu’elle y foit ex-pofée en grande partie fuivant le ftyle de l’ancienne Géométrie , on ne peut douter que l’analyfe de Defcartes ne foit le principal inftrument dont il s’eft fervi. C’eft pourquoi nous allons préfenter ici le tableau de cette théorie. Qu’on imagine une courbe comme AB, enveloppée d’un Desdà'dop* fil infiniment flexible ôc délié , fans être capable d’extenfion , Pees* &c qu’à commencer du point A, ce fil fe déploie en fe roidif-fant de delfus cette courbe , fon extrémité en décrira une autre. On nomme celle-ci la courbe décrite par évolution ou Fig. sss> par développement, ôc la première efl: nommée fa développée, Voici leurs principales propriétés. i °. Il eft d’abord facile de voir que le fil qui fe développe doit être continuellement perpendiculaire à la courbe que décrit fon extrémité. En effet, la développée peut être confidé-rée comme un polygone d’une infinité de cotés , ôc par conféquent à chaque petit développement de deffus un de ces côtés, l’extrémité du fil décrira un arc de feéteur circulaire infiniment petit. Or le rayon d’un fe&eur circulaire eft perpendiculaire à l’arc ; c’eft pourquoi le fil dans fon développement fera toujours perpendiculaire au petit arc de courbe qu’il décrit en même temps. La longueur de ce fil efl: nommée le rayon de la développée. 2.0. Il efl: encore évident que le fil efl: continuellement tangente à la développée : celle-ci n’eft: donc que la courbe que touchent toutes les perpendiculaires à celle qui eft décrite par évolution ; ou bien autrement, c’eft celle qui borne l’efpace c où fon ne peut tirer aucune perpendiculaire à la partie AEF de courbe, d’avec celui d’où on peut tirer deux, comme f avoit ■autrefois remarqué Appollonlus, qui avoit touché de fort près Tome II, R 33o HISTOIRE à cette découverte. On peut enfin concevoir la développée comme fi le lieu des concours de toutes les perpendiculaires infiniment proches à la courbe A EF ; car fi ces perpendiculaires font à des diftances finies , elles formeront par leur concours un polygone circonfcrit à la développée : mais quand on les fuppofera infiniment proches ôc en nombre infini, ce polygone deviendra la développée même. 3°. Si d’un point quelconque de la développée comme B ôc du rayon B E, on décrit un cercle , il touchera ôc coupera à la fois la courbe au point E. Cette propriété finguliere eft facile à démontrer. Car puifque le petit côté Ee de la courbe décrite, eft l’arc d’un des feéteurs infiniment petits qui ont leurs fommets dans la développée, le cercle dont cet arc eft partie, ôc la courbe A EF auront une tangente commune au point E. Le cercle touchera donc la courbe à ce point ; mais on démontre aufii qu’il en fort d’un coté, ôc qu’il y entre de l’autre (a) , d’où il fuit qu’il la touche ôc la coupe à la fois. Ce fera là une efpece de paradoxe pour ceux qui ne connoiffent que la Géométrie ordinaire ; mais il n’y a qu’à confidérer les courbes comme des polygones d’une infinité de cotés pour faire difparoître tout le fingulier que préfente un contait ôc une interfećtion à la fois. Il eft aifé de voir dans la figure 56 , que fiCD,DE,EF 3 font trois côtés infiniment petits d’une Fig. ;6. courbe dont AB eft tangente, il peut y en avoir une autre comme cDE/, qui ait avec elle le petit côté DE commun ôc par conféquent la même tangente, ôc qui paiïe d’un côté entre la courbe ôc la tangente, ôc de l’autre les laide toutes deux de même part. Rien n’empêche même qu’une courbe comme cDEf,nc touche ôc ne coupe à la fois une ligne droite : c’eft ce qui arrive dans les points d’inflexion , comme nous bavons déjà remarqué. 40. Puifque chaque portion infiniment petite Ee d’une courbe, eft un arc de feôbeur dont le centre eft fur la développée, il s’enfuit que la courbure d’une courbe à chacun de fes points, eft la même que celle du cercle décrit du rayon de la dévelop- [a) Nous ferons d’abord voir facilement Or ces deux lignes prifes enfemble font que le cercle fort de la courbe du côté du égales à B E ; par conféquent BT du côté oppofé.. DES MATHÉMATIQUES. Part.TV.Liv.il. 131 pée à ce point ; ôc comme un cercle eft d’autant moins courîae que fon rayon eft plus grand , il s’enfuit que la courbure d’une courbe à chaque point, eft en raifon inverfe du rayon de la développée. Cette propriété eft d’un très-grand ufage dans la Méchanique. Car l’analyfe des mouvemens curvilignes, dépend en grande partie de la connoiïlànce de la courbure à chaque point de la courbe décrite. Une courbe algébrique quelconque étant donnée, on peut trouver l’équation de celle qui la décriroit par fon développement. On peut pour cela employer une analyfe femblable à celle de Defcartes pour les tangentes. Si l’on conçoit un cercle décrit d’un rayon déterminé ôc coupant la courbe en plulieurs points, ôc qu’on cherche par l’analyfe ordinaire les abfciffes qui répondent aux points d’interfe&ion , on trouvera une équation dans laquelle il y aura trois valeurs égales lorfque ce cercle deviendra le cercle ofculateur, ou fon rayon celui de la développée : il n’y aura donc qu’à la comparer à une autre équation feinte ayant trois valeurs égales , ôc cette comparaifon déterminera le rapport du rayon de la développée avec l’abfcilTe de la courbe. Mais il nous fuffira ici d’avoir indiqué cette méthode, parce quelle eft trop labo-rieufe. Sans recourir encore au calcul différentiel, ,il y en a une autre plus fimple ôc fondée fur les mêmes principes que celle de M. de Fermat pour les tangentes. En effet, une courbe étant donnée, on connoît la pofition de chacune de fes perpendiculaires comme E Q, F H, qui répondent à des ordonnées éloignées d’une diftance finie. On peut par conféquent trouver par une analyfe fort fimple la diftance du point b , où fe coupent ces deux perpendiculaires ; ce qui donnera la grandeur de l’une des lignes EÆ , ou F£. Mais fuppofons que la diftance des ordonnées P E, QF diminue ôc enfin s’évanouifte , le point b fe rapprochera de la développée, ôc enfin tombera fur elle. Il faudra donc, comme dans la regle de M de Fermat pour les tangentes, fuppofer la diftance PQ s’évanouir, ou faire fon expreffion égale à zero , la valeur tfu’aura dans ce cas la ligne JL b fera le rayon de la développée au point E. Mais lorfqu’on connoîtra la grandeur de E B , tien ne fera plus facile que de déterminer celles des lignes 131 H I S T O I R E BR, AR , qui font les coordonnées de la courbe AB D , om aura donc enfin l’équation de la développée. Jufqu’ici nous n’avons vu qu’un fort petit nombre de courbes résiliables, comme la parabole cubique, ôc quelques autres du même genre remarquées par Kan-Heuraet. La théorie des développées mit M. Huyghens en poftefiion de quelque chofe d’infiniment plus général. Une courbe algébrique quelconque étant donnée, on peut déterminer l’équation de celle qui la décrirait par fon développement : or toutes celles-ci font re&ifiables abfolument, puiique le rayon de la développée eft égal à la portion de la courbe SAB qu’il touche, ( plus ou moins quelque ligne connue , fi le rayon de la développée au fommet S n’eft pas nui ; ce qui eft le cas des fec-tions coniques , ÔC de diverfes autres courbes ) r ainfi voilà une infinité de courbes fufceptibles de rectification abfolue. M. Defcartes défefpéroit qu’il fût poflible de re&ifier aucune courbe : quel auroit été fon étonnement , s’il eût été témoin de cette découverte ? C’eft le propre de la vérité d’être acceffible par diverfes voies différentes : ce que Neil ôc Van-Heuraet avoient démontré chacun à leur maniéré, fur la parabole cubique exprimée pat ax%z=y7> , fut la première chofe qui fe préfenta à M. Huyghens. Cette parabole eft la développée de la parabole ordinaire dont elle touche l’axe à une diftance du fommet égale à la moitié du paramétré , comme l’on voit dans la figure 57. Cette théorie conduifit aufii M.. Huyghens à une belle découverte fur la cycloïde : c’eft que la développée de cette courbe eft elle-même une cycloïde égale à la première ÔC feulement pofée en fens contraire ; ôc qu’à chaque point comme E , le rayon de la développée E G eft égal au double de la corde E F. La découverte de M. IHren fur la longueur de la cycloïde ôc de fes parties , n’eft plus qu’un corollaire de cette vérité. Car puifque la développée de la demi-cycloïde AB eft une autre demi-cycloïde égale AC, ôc que la longueur de celle-ci eft CB , qui eft double de BD , il fuit que la longueur de AB eft double de BD, ou du diametre du cercle générateur. On voit avec le même facilité que chaque portion AG, fera double de la corde EL, ou de fon égale A K, Il ne faut DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan.IV. LiIL 133 que Pinfpection de la figure pour s’en convaincre. Nous aurions encore à faire mention ici de ce que M. Huyghens ajouta à la méthode des tangentes de Fermat. Mais les mêmes motifs qui nous ont fait renvoyer à un article particulier les inventions de M. Hudde fur ce fujet, nous portent à différer aufîi j ufque-là l’expofition de celles & Huyghens. Nous en agirons de même à l’égard de celles de M. de Slufe qui concernent en partie la méthode des tangentes , en partie la conftrućtion des équations. Nous deftinons un article à part à ce dernier objet- I X. Nous avons fait connoître dans le cours de ce Livre deux méthodes pour tirer les. tangentes , ôc pour les queftions de maximis & minimis ; fçavoir celles de Defcartes &: de Fermat. Mais quoique l’une êc l’autre fortant des mains de leurs inventeurs ne lailfaffent rien à defirer pour le fonds, elles étoient fufceptibles de quelques degrés de plus de facilité, que leur ont donné des Géomètres poftérieurs. MM. Hudde, Huyghens Slufe, font ceux à qui l’on eut cette obligation ; &c quoique le calcul différentiel ait effacé leurs inventions, la nature de notre ouvrage nous impofe la néceflité d’en parler.. Commençons par celle de M. Hudde. Pour prendre une idée de ce que M. Hudde ajouta à la méthode des tangentes de Defcartes , èc à celle qui eft fondée fur le même principe pour les queftions de maximis & minimis, il faut fe rappeller que la principale partie de l’opération , fe réduit à déterminer une équation d’une certaine forme à con* tenir deux racines égales. Defcartes l’exécutoit en la comparant à une équation fictice à racines égales ; procédé qui étoit laborieux & prolixe. C’eft en cela que M. Hudde fimpli-fia beaucoup ces deux méthodes ; il obferva que pour réduire cette équation à contenir ces racines égales requifes , if n’v avoit qu’à la multiplier terme à terme par ceux d’une pro-grefîîon arithmétique, le premier par le premier, le fécond par le fécond, Sic. Il démontre cette regle dans fes deux lettres que Schooten a imprimées à la fuite de fon Commentaire fur Defcartes. Mais cela tient à des principes qu’il feroit trop long d’expofer. Nous nous contenterons de l’induétion de$ Progrès de la' méthode des tangentes & do--maximis Sc minimis* j 34 HISTOIRE exemples que nous donnerons bientôt. D’ailleurs M. le Marquis de F Hôpital en a donné une démonftration dans fon Analyfe des infiniment Petits, à laquelle nous renvoyons. C’eft principalement dans les queftions de maximis & minimis , qu’éclate la commodité de îa regle de M. Hudde > parce qu’il n’y a aucune préparation à faire à l’équation de la courbe, ou à l’expreffion de la grandeur dont on cherche le maximum ou le minimum. Nous avons négligé par cette raifon d’en faire l’application à la méthode des tangentes de Defcartes 3 qui fuppofant plusieurs opérations préliminaires, n’eft plus d’aucun ufage. Quant aux maxima & minima 3 la regle de M. Hudde eft d’une commodité qui ne le cede point à celle du calcul différentiel, pourvu que l’exprefîion à traiter foit rationnelle. Il n’y a en effet qu’à ordonner l’équation de la courbe fuivant les puiffances de l’abfciffc ; écrire enfuite au deffous la progreffion arithmétique, la plus commode pour faire évanouir celui des termes dont l’abfence préfentera des facilités pour réfoudre la nouvelle équation ; enfin multiplier , terme par terme, ceux de l’équation propofée par ceux de la progrefîion choifie, la valeur ou les valeurs de l’abfciflè qui réfulteront de la nouvelle équation , donneront le maxima ou les minima cherchés. Appliquons ceci à quelques exemples ; nous prendrons pour le premier cette courbe dont nous avons donné ailleurs le maximum par la regle de M. de Fermaty où le cube de l’ordonnée eft égal au folide du quarré d’un des fegmens de l’axe,par l’autre; c’eft-à-dire dont l’équation eft axz —==yh En arrangeant cette équation comme on la prefcrit plus haut, on a celle-ci x? —axl -b o x -hy3 = o. On la multipliera terme à terme par 3. 2. 1. o, ce qui la réduira à 3^3 — iax1 — o , oux==~a, comme on l’a déjà trouvé. On auroit encore rencontré le même réfultat en fe fervant de la progreffion arithmétique o. 1. 2. 3. Car on auroit eu 2 axz —-3^3 =0; d’où on auroit tiré à l’aide de la première équation x tu: j a. Enfuite mettant dans l’équation de la courbe cette valeur, on trouve que lorfque y eft la plus grande qu’il fe 3/- puiffe, elle eft égale à a y f. Qu’on propofé préfentement l’équation y7- — 1by-\-bb-f-xx — ax = o , ôc qu’on demande la plus grande valeur de x. DES MAT H ÉM AT I QU E S. Part.IV. Liv.II. i35 On écrira#1 —ax-t- {yy— z by-t-bb) mo. On multipliera comme ci-deffus par 2, 1.0, ôc l’équation fe réduira à 1 x'- — ax, ou x zz £ : l’abfciffe à laquelle répondent la plus grande ou la moindre ordonnée, eft donc \ a, Ainfi mettant ~ et dans l’équation propofée, au lieu de x, elle devient jpy' —zby ~\-bb — \aa , ce qui donne ày deux valeurs , l’une pofitive y =a~hb , ôc l’autre négative —-y—#—b. Cette équation n’eft effeétivement que celle d’un cercle rapporté à une parallele à fon diametre A a, ôc l’ordonnée y' étant généralement edoued, elle devient la plus grande ED ouEA,lorfque Fig. s 9 l’abfcifTe devient CE ; ( fig. 59. ) mais fi c’eft la plus grande abfolument qu’on cherche, il eft facile de la reconnoître : on auroit trouvé les mêmes chofes en multipliant l’équation propofée par une autre progreffion arithmétique. On peut en faire l’épreuve. La regle de M. Hudde eft fujette aux mêmes limitations que celle de M. Defcartes ; c’eft-à-dire qu’elle donne non feulement les véritables points de maxima & minima, ou ceux des tangentes parallèles à l’axe , mais encore ceux de rebrouffement ôc les points d’interfe&ion des rameaux de la courbe. Cela eft néceffaire ; car elle eft fondée fur les mêmes principes que la regle de Defcartes, ôc elle n’en différé que dans les moyens de trouver les racines égales de l’équation propofée. Tout ce qu’on a dit fur celle-là doit donc s’appliquer à celle-ci. La méthode qu’on vient d’expofer s’applique aufii à la détermination des points d’inflexion ôc des rayons de la développée. On parvient dans ces deux cas, en fuivant la méthode de Defcartes, à une équation dans laquelle il doit y avoir trois racines égales. Pour les trouver, il faudra, fuivant M. Hudde , la multiplier par une progrefîion arithmétique, comme on l’a enfeigne plus haut, ôc réitérer cette opération à l’égard de l’équation qui en réfultera, en employant ou la même pro-grefllon arithmétique, ou une autre quelconque : ou bien , ce qui revient au même , il faudra prendre deux progrefîîons, les multiplier termes par termes , ôc s’en fervir pour multiplier ceux de l’équation propofée. Celle qui en naîtra contiendra l’une des racines égales cherchées. Si quelque problème con-duifoit à une équation qui dut contenir quatre racines égales, i3ś H I S T O I R E il faudroit trois multiplications de cette efpece, 6c ainfi de fuite. Nous n’entrerons pas ici dans de plus grands détails concernant cette méthode ; nous nous contenterons d’india quer des livres où elle eft plus développée, 6c appliquée à divers exemples, comme le Commentaire du P. Rabuel fur la Géométrie de Defcartes, 6c le Traité des infinimens Petits de M. de L'Hôpital, oii l’on en trouve la comparaifon avec la nié-; thode du calcul différentiel. MM. Huyghens 6c de Slufe ont pris une autre route que M. Hudde , ôc fe font attachés à fimplifîer les procédés de la regle de M. de Fermat. Reprenons cette regle 6c examinons de près ce qui fe paffe dans les opérations qu’elle exige ; nous allons voir naître les abrégés de calcul que ces deux Geometres ont remarqués. Qu’on ait cette expreffion x5 — axz, dont il faut déterminer le maximum : Fermat prefcrit d’augmenter ou de diminuer x de la quantité e, 6c de fubflituer dans l’exprelfion précédente x-\-e* ou fes puiffances à la place de a: 6c de fes puiffances, d’égaler l’une 6c l’autre expreffion, de fupprimer les termes communs, 6c ceux où e efl au deffus du premier degré , 6c de divifer le refie par e. Faifons cela à l’égard. de x> : Nous aurons ouxî + 3 e x1 -i- 3 xe1 -j~e\ qu’il faudra égaler à x\. Or les autres opérations étant faites, il ne reliera plus que le terme 3 x1, qui efl vifiblcment le produit de x multiplié par fon expofant, 6c divifé par x ; de même en comparant a x1 à a x ( a;1 + 2 e x -f- é1 ), il ne doit plus fub-fiflerque le terme rax, qui efl encore le produit de ax1 par fon expofant, divifé par x. La regle de M. de Fermat fe réduira donc à ceci. Ayant une expreffion , par exemple, x7» — 3 axx zz o , dont on demande le maximum ou le mini-mum ; multipliez chaque terme où efl x par fon expofant, 6c divifez par x, en négligeant tous les autres, enfin égalez cela à zero. Ce fera l’équation qui donnera la valeur ou les valeurs de x, qui rendent cette expreffion un maximum ou un minimum. Ainfi l’expreffion ci-deffus devient tout de fuite 3 x1—-6 ax = 0 ; ce qui donne x=o9 6cx^=ia. Ce feront les deux joints où répondront des tangentes parallèles à l’axe. Je dis a deffein les points où répondront des tangentes parallèles à |saxe 3 car des deux que nous venons de trouver il n’en efl qu uï> DES MATHÉMATIQUES Pan.lV.liv.il. 137 qu’un qui foit un point de vrai maximum ; fçavoir celui qui répond àx = o; l’autre eft feulement un point d’inflexion. On le reconnoît à ce qu’en fuppofant x toujours croiftant, la valeur de l’ordonnée va en décroiftant avant ôc après celle qui répond à 2 a. La regle de M. Hudde nous fervira auffi à F\g- 60; le reconnoître ; car en l’appliquant à cet exemple , on trouve x~o y ôc x = 7 a. Or cette regle ne donnant point le maximum apparent que nous trouvions répondre à x== 2 ni un point de re-brouflement, ôc ce ne peut être qu’un point d’inflexion ayant . fa tangente parallele à l’axe. Au contraire ^ la regle de M. de Fermat ne donnant pas le maximum qui femble répondre à x=.\a, c’eft un ligne que ce ne peut être qu’un point de re-brouflement. Ainft l’une des deux réglés fert à redrefter l’autre : celle de Fermat donne les points de maximum , ceux d’in-flexion Ôc de rebrouflement ayant leurs tangentes parallèles à l’axe : celle de M. Hudde donne les maximum quelconques , les points de rebrouftèment à tangentes perpendiculaires ou obliques , ôc les interférions de deux branches. Par la corn-parailon du réfultat de Tune avec celui de l’autre, on peut reconnoître la nature des points qu’011 trouve par leur moyen. Les vrais maxima & minima font les feuls qu’elles donnent en commun. Revenons à notre fujet. C’eft par un moyen femblable à celui que nous avons développé plus haut pour abréger la regle de maximis & minimis, que MM. Huyghens (a) ScSlufe [h) font encore venus à Amplifier celle des tangentes. Mais comme cette regle eft un peu compofée , ôc que nous ne pouvons pas nous étendre à notre gré 5 nous nous contentons d’indiquer leur procédé. Un exemple eft néceflaire pour l’éclaircir : qu’on propofé l’équation x^ — 1 xxy b x x — bbx-^-byy —y5 == o , ôc qu’on demande la foutangente de la courbe qu’elle repréfente. Pour cela , dit M. de Slufe, il faut mettre à part tous les termes où eft y y comme —-y 5 -j- byy—% x xy, ôc les multiplier par leurs expo-fans ; ce fera le numérateur cle la fraćtion qui exprimera cette loutangente. Le dénominateur fera formé de tous les termes ou fe trouvera x , multipliés par l’expofant de cette lettre , ôc ia) Op. T. ir. (*) Tranf. Phil. ann. 1672 & 1673. Tome II. S Progrès de la confiruElion des équations, M, de Slufe. 138 HISTOIRE divifés enfuite par x. On aura donc dans le cas préfènt pour la valeur de la foutangente -—— C’eft-là effec- tivement ce qu’on rencontre en exécutant toutes les opérations prefcrites par Fermat, ou en employant le calcul différentiel. X. La conftrućtion des équations folides & plus que folides, étoit encore une des parties de l’analyfe de Defcartes qui atten-doit des Géomètres postérieurs quelques degrés de perfection. Defcartes s’étoit borné à conftruire les équations cubiques 6c quarré-quarrées , par le moyen d’un cercle 6c d’une parabole. Ce n’eft pas qu’il ne fût en poffeflion de quelque chofe de plus parfait 6c de plus général. Ce qu’il dit ne permet pas d’en douter ; car il ajoute que l’on pourra toujours conftruire ces équations par celle des feétions coniques que l’on voudra , 6c même avec une portion de ces courbes, quelque petite qu’elle foit. Mais il avoit caché le principe de ces conftruétions ; 6c quoique divers Géomètres euffent amplifié fa théorie à cet égard, on n’étoit point encore parvenu à toute la généralité qu’on pouvoit defirer. M. de Slufe {a) eft celui à qui nous en avons l’obligation. Il eft Auteur d’une méthode par laquelle., une équation quelconque folide étant propofée, on peut la conftruire d’une infinité de maniérés différentes par le moyen d’un cercle 6c celle des feétions coniques qu’on voudra. Il en donna un eftai dans un ouvrage qu’il publia en 1659 [b), mais il en cachoit encore l’analyfe qu’il promettait de dévoiler quelque jour. Il exécuta la promefie en 1668 , en donnant une nouvelle édition de l’ouvrage dont on vient de parler , avec une fécondé partie où il expofe de quelle maniéré il eft parvenu à ces conftruc-tions. Il eft néceffaire d’en donner ici une idée. La méthode de M. de Slufe confifte à prendre une équation [a) M. René-François Walter de Slufe , Chanoine de la Cathédrale de Liege, Abbé d’Amas , naquit en 16i 3. A des talens fu-périeurs pour les Mathématiques, il joi-gnoit beaucoup d’érudition , & même de goût pour la belle Littérature. Il mourut enxé Sy. Nous dirons dans cet article un mot de les ouvrages.) (b) Mefolabum 3 feu duce mediae prop. per circulum 6* ellipfm vel hyp. infinitis modis exhibitae. Leod. 16 f 9. 4. & iterum 166% * cum parte altéra de analyfi, & mifcellatieis. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. II. 139 entre l’inconnue de celle qu’il s’agit de conftruire , de une nouvelle indéterminée, qui foit un lieu du fécond degré ; par exemple, une parabole. Enfuite il introduit par des fubftitu-, tions cette indéterminée dans l’équation à conftruire, ce qui de déterminée qu’elle étoit la rend indéterminée, c’eftrà-dire exprimant un autre lieu. Il continue ces fubftitutions, en di-vifant, additionnant ou fouftrayant les équations qui en proviennent jufqu’à ce qu’il foit arrivé à un lieu au cercle ; ce qui eft facile. Cela fait, ce dernier lieu combiné de la maniéré convenable avec chacun des autres, qui font à la parabole, à l’ellipfe, à l’hyperbole, lui donne autant de conftru&ions différentes du problème. Ce que nous venons de dire feroit peu intelligible fans le fecours d’un exemple. C’eft pourquoi nous allons en donner un que nous choilirons parmi les plus fimples. Suppofons l’équation y'=aab, qui eft celle qu’on rencontre en cherchant la première des deux moyennes proportionnelles entre a de b. On peut d’abord prendre pour première équation indéterminée y1 =ax , ce qui eft un lieu à la parabole : donc ya = x ; de mettant cette valeur dey dans l’équation propofée , on en tire cette autre xy=ab, qui eft un lieu à l’hyperbole entre les afymptotes. On tire encore de la comparaifon de ces équations , celle-ci xz = by, qui eft un autre lieu à la parabole. Nous voici déjà en poiïeflion des deux conftru&ions que Meneckme donna autrefois du problème que nous analy-fons. Car il n’y auroit qu’à combiner, ou ces deux lieux à la parabole , ou l’un d’eux avec celui qui eft à l’hyperbole, de l’ordonnée commune feroit la moyenne cherchée. Mais commç c’eft aujourd’hui une faute que d’employer deux fe&ions coniques , on ne doit pas s’arrêter à ces folutions ; il faut rechercher un lieu au cercle. Pour cela il n’y a qu’à ajouter les deux équations à la parabole qu’on a trouvées; elles donneront y2, *— b y-t~xz — ax = o, qui eft un lieu au cercle. Au contraire leur fouftraétion mutuelle en donnera une y1 — xz-hby — ax= o, qui fera un lieu à l’hyperbole équilatere. Si enfin on divifé par un nombre quelconque, par exemple 2, l’équation xz—by=o, ( ce qui ne la détruit point), de qu’on l’ajoute à la première, ou qu’on l’en fouftraye, on auray1—ax-f-^ — — S ij ï4o HISTOIRE e= o, qui efl un lieu à l’ellipfe , ou y1 — ax — — 4- h~~, qui eft un lieu à l’hyperbole fcalene. D’autres nombres auroient donné d’autres ellipfes ou d’autres hyperboles. On peut ainh former une multitude d’égalités indéterminées, qui font toutes vraies , puifque les primitives qui en font formées font vraies. Par conféquent voilà une infinité de lieux differens dont chacun defquels l’inconnuey cherchée eft une certaine ordonnée. Si donc on combine celui au cercle , avec chacun des autres, on aura autant de conftrudions différentes du problème ; 6c l’ordonnée commune fera la valeur dey. Or la maniéré de combiner ces lieux eft facile. Il n’y a qu’à les concevoir décrits chacun en particulier , 6e appliqués l’un fur l’autre de maniéré qu’ils aycnt même axe 6e même origine. Par exemple , dans le cas préfent, l’équation au cercle ci-deffus, défigne, fuivant les formules connues , que l’origine des abfcilfes eft à l’extrémité d’une corde égale, à h 6c éloignée du centre de Fig.61,11°.*; , comme on voit dans la figure 61 , n°. i. L’equation y y défigne uneparabole, n°. 2, dont l’abfciffe prife fur l’axe eft x, l’ordonnée y, 6c le paramétré a.Qu’on conçoive ces deux lieux appliqués l’un fur l’autre, comme dans la même figure, n. 3. On verra que la conftru&ion fe réduit à prendre S T — T C 6c le cercle décrit du centre C au rayon C S, coupera la parabole en N , d’ou 1 ordonnée abaifïee fur 1 axe, feia 1 inconnue cherchée. On ne doit pas s attendre a trouver ici de plus grands développemens de cette méthode ; les ledeurs qui délireront s’en inftruire plus à fonds, doivent recourir au Livre de M. de Slufe , ou au Traité pofthume des fedions coniques 6c des lieux géométriques de M. de L Hôpital. On trouve aufîi toute cette théorie expofée d une maniéré tres-fatisfaifante dans le Cours de Mathématique de M. JHolf. T. I. Nous citerons encofe un Livre peu connu , quoique excellent, qui traite ce fujet. Il eft intitule, Hyacinthi Chrijiophori , de conftrucüone equationum. Neap. in-43. 1699. "Nous nous permettrons ici une petite digrefîion pour faire connoître une partie de l’ouvrage de M. de Slufe, dont nous n’avons point eu occafion de parler. Elle parut dans la fécondé-édition de fon Mefolabum , fous le titre de Mifcellanea, Ces Mifcellanea 3 ou mélanges de Géométrie, font très-pro- l c DES M A TH ÉM AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. II. 141 près à faire honneur à leur Auteur , ôc montrent les progrès profonds qu’il avoit faits dans Panalyfe. M. de Slufe y traite des fpirales infinies qu’il compare avec des paraboles de même degré : il y quarré diverfes courbes , ôc afligne leurs centres de gravité ; il détermine les points d’inflexion dans la conchoïde , fur quoi il fait diverfes remarques curieufes ; il y gé-néralife la formation de la conchoïde , ôc il examine les propriétés des nouvelles courbes qui en réfultent , leurs aires, leurs centres de gravité ôc les folides qu’elles forment par leur circonvolution, ôCc. Nous paflons pluflcurs autres recherches curieufes que contient cette partie de l’ouvrage de M. de Slufey afin de ne point donner trop d’étendue à cette digreflîon. Nous revenons à notre fujet principal. La méthode que nous avons expofée plus haut pour la conf-truebion des équations folides, c’eft-à-dire , des troifieme ôc quatrième degrés, s’applique aufîi aux degrés plus élevés. Une équation du fixieme degré , par exemple , étant propofée , on pourra la réduire à une équation à la parabole ou à l’hyperbole folide, ôc à une autre qui fera une des feébions coniques.. Il fliut tâcher ici de choifir un premier lieu qui foit tel que celui qui en réfultera pour le fécond foit un cercle; ce qu’on pourra, je crois, toujours faire parla méthode des indéterminées. De même une équation du huitième degré pourra fe réduire à deux lieux , l’un du quatrième degré, ôc l’autre du fécond, ou Lun ôc l’autre du troifieme. On trouve des exemples de ces chofes dans les Livres qui traitent de la conftruétion des équations (a). G’eft ici le lieu convenable de faire connoître une invention utile pour la conftruction des lieux géométriques du fécond ordre. Defcartes , à la vérité, a donné pour cela une formule extrêmement générale , mais qui a fes embarras , foit par les opérations préliminaires qu’elle exige , foit par l’attention qu’il faut faire à la variété des fignes. M. Craig me paroît avoir facilité cette partie efTentielle de la conftrućtion des équations par des formules nouvelles qu’il publia en 1694 W' Ces formules ne font autre chofe que l’équation de (a) Voy. le Marquis de l’Hôpital, Traité num. Ozanam , de la conjlr. des équations, des field. coniques & des lieux géom. Hyacin- (b) De fig. curvil. quadraturis 3 ac loch thi Chriftophori, de confiruiïione equatio- Geometricis. Lond. 1694* w-49. i4i HISTOIRE chacune des ferlions coniques , Ja plus compliquée qu’elle puiiïe être. Pour y parvenir, il fuppofe l’origine des abfciffes à un point comme O, éloigné ( fig. 6z. ) du fommet ôc de Taxe, d’une quantité indéterminée , qui peut être pofitive ou négative, ôc il prend les abfcilTes fur une ligne OP inclinée à une parallele à l’axe d’une quantité auffi indéterminée. Il eft facile de voir que ce cas renferme tous les autres poffibles : car fuivant que les quantités O Q, QS , ôcla raifon de O T à O V s’anéantiront ou deviendront négatives, le point O tombera fur le fommet ou de l’autre coté de l’axe, ou au dedans de la courbe; l’angle de OP avec l’axe deviendra nul ou en fens contraire , ce qui contient toutes les combinaifons imaginables. Une équation quelconque étant enfuite propofée, on la compare terme à terme avec la formule générale, ôc la com-paraifon des coefficiens donne la pofition de l’origine des abf-ciffes ôc de l’axe. Cette méthode a paru à M. le Marquis de l'Hôpital avoir les avantages que nous lui attribuons. C’eft pourquoi il l’a adoptée dans fon Traité des lieux géométriques. Nous pouvons auffi indiquer à nos lećteurs curieux de s’en inftruire plus à fonds, le Cours de Mathématiques de M. JVolj, où il la trouveront expofée avec beaucoup de netteté ôc de précifion. Nous ne devons pas omettre ici certaines obfervations importantes dans la conftru&ion des équations j ôc qui femblent avoir échappé aux Géomètres jufqu’à ce que M. Rolle en eût montré la néceffité (a). Perfonne ne doutoit que lorf-qu’on avoit une équation déterminée à conftruire , en prenant un premier lieu arbitraire , ôc introduifant par fon moyen dans l’équation propofée une fécondé indéterminée, on n’eût deux lieux dont l’interfetftion devoit donner les racines demandées. Mais cela n’arrive pas toujours ; au contraire il y a des cas où les lieux trouvés de cette maniéré ne fe couperont point, ôc où il arrivera divers autres inconveniens que M. Rolle parcourt dans fon Mémoire. Ces défauts néanmoins ne doivent pas être imputés à la méthode, mais feulement à l’application mal-adroite de 1*Analifte. S’il choifit pour le premier lieu une courbe dont la plus grande ordonnée (a) Mem.de l’Acad. *708,1709. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part, IV. Liv. II. 143 foit moindre que la moindre des racines de l’équation à conftruire , ou qu’y ayant des racines négatives, il prenne une courbe qui n’a que des ordonnées pofitives,, faut-il s’étonner que la méthode manque, 6c qu’elle foit fujette aux inconveniens que lui reproche M. Kolie. Il y a donc des attentions à faire dans le choix du premier lieu, 6c même dans l’examen du fécond qui en provient. Mais li l’on fuit le procédé de Slufe, tel que le développe fon Auteur, ou M. JVolf qui l’a exactement expofé, on n’aura rien à craindre des inconveniens dont nous avons parlé, parce que les premiers lieux de la com-binaifon defquels proviennent tous les autres , font déduits de l’équation même à conftruire, 6c ne peuvent pas ne pas contenir les racines de cette équation (a). Pour mettre fin à cet article, nous pafferons rapidement fur diverfes inventions ou écrits concernant la conftrućtion des équations. De ce nombre eft la regle générale que Baker a donnée pour (b) les équations folides, par le moyen d’un cercle êc d’une parabole6c qu’il nomme centrale. Elle ne différé de celle de Defcartes qu’en ce que celle-ci exige la fupprefïîon du fécond terme , au lieu que celle de Baker 11e la fuppofe point. M. Hallei a enfuite montré (c) comment on peut conftruire une équation propofée par le moyen d’un cercle combiné avec une parabole donnée. On peut de même fe fervir de telle des fećtions coniques qu’on voudra , donnée d’efpece 6c de grandeur, pour conftruire une équation folide afîignée. M. Newton conftruit toutes les équations folides {d) d’une maniéré très-élégante, en montrant qu’elles fe réduifent à introduire dans un angle donné une ligne droite de grandeur déterminée, qui converge vers un point donné ; ce qui eft la maniéré dont l’ancien Geometre Nicomede avoit conftruit le problème des deux moyennes proportionnelles. M. Jacques Bernoulli a donné une conftrućtion ingénieufe , ou une approximation géométrique 6c continuelle des équations folides par la regle 6c le compas. Elle peut être utile pour déterminer dans les approximations numériques, la racine de l’équation jufqu’à nn (a) Voyez un Mémoire de M. de la Hire (b) Clavis Geom. Catholica. 1684. in-40. de l’année 17105 l’incrodu&ion à la théo- (cj Tranf. Phil. ann. 1687, n°. 1 88. ïie des courbes de M. Cramer, chap. iv 3 (d) Arithm. univ.App. de cequat. conf- ie les remarques de M. Herman fur l’écrit trutf» lineari. M. Rolle dans les Mifcell. Berol. T. ni. Surla réfolution numérique des équations. 144 HISTOIRE certain degré d’exa&itude ; ce qui eft: important pour arriver promptement à une valeur fort approchée. On peut aufîi voir fur ce fujet quelques morceaux de M. Jean 'Bernoulli [a] qui dévoile les principes de cette approximation. X I. Nous venons enfin à un des objets les plus importans de l’analyfe , à la réfolution numérique des équations. Nous fournies ici contraints de faire l’aveu humiliant que cette partie de l’Algebre n’eft rien moins que fort avancée. Depuis Tartalea 6c Ferrari , qui réfolurent les équations du troifieme 6c du quatrième degré , c’eft-à-dire, depuis plus de deux fie-cles, on n’a prefque fait aucun progrès vers la réfolution générale des équations. La fameufe difficulté connue fous le nom du cas irréductible, n’a pas même encore été furmontée, 6c caufe tous les jours l’embarras des Analiftes qu’elle oblige de recourir à des méthodes indirectes. Il en eft à peu près de cette partie de l’analyfe comme du problème de la quadrature du cercle. Quoique le fonds de la queftion ne foit point encore entamé , elle ne laiiïè pas de nous préfenter une multitude d’inventions 6c de recherches utiles. Au défaut d’une réfolution générale , on a recouru aux approximations ; on a recherché les cas particuliers qui font fufceptibles de réfolution ; on a enfin donné des méthodes qui dans la pratique tiennent entièrement lieu d’une folution complette , 6c qui font même plus commodes que ne le feroient peut-être les formules qu’elle donneroit. Viete a le premier recouru aux approximations, foit pour les équations des troifieme 6c quatrième degrés, foit pour celles des degrés ultérieurs. Sa méthode pour le troifieme degré, lorfque le cas irréductible a lieu, eft fans contredit ce qu’il y a de plus commode, 6c le jugement que nous en portons eft confirmé par celui dc M. Hallei (b). Il réduit, comme on l’a dit ailleurs, la réfolution de l’équation à l’invention des trois cordes de trois arcs qui réfultent de la trifection d’un arc donné , 6c de la circonférence ; ce qui donne à peu de frais les [a) Lett. calculi integ. ad fin. op. T. ni. \b) Tranf. Phil. ann. 1694, n°. liq. valeurs DES MATH ÉM AT IQ U E S. Pan.IV. LivII. 145 valeurs différentes de l’inconnue jufqu’à un grand nombre de décimales. Nous renvoyons à ce que nous avons dit fur ce fujet dans un des Livres precedens. Quant à fa méthode générale pour l’extraction des racines de toutes les équations , qu’il appelle Exegetice numerofa^ elle eft auffi des plus ingé-nieufes. Mais elle a des difficultés ôc des embarras qu 'Harriot, qui l’a beaucoup cultivée, n’a pu lever entièrement, ôc elle a cédé la place à d’autres plus commodes que nous indiquerons bientôt. Viete, en remarquant que le terme connu d’une équation eft le produit de toutes les valeurs différentes de l’inconnue, fournit encore un moyen de réfolution pour toutes les équations qui ont quelque valeur rationnelle ôc en nombre entier. Nous le trouvons employé par les Analiftes du commencement du dix-feptieme fiecle , comme Michel Coignet d’Anvers , Albert Girard., ôcc. Cette forte de réfolution des équations a néanmoins reçu fon principal jour des inventions & Harriot ôc de Defcartes. Comme nous les avons expliquées affez âu long dans les premiers articles de ce Livre , nous ne jugeons pas à propos de nous répéter , ôc nous y renvoyons. Mais cette méthode dans le cas même où les racines font des nombres entiers, a fes embarras. Car il peut arriver que le dernier terme ait tant de divifeurs qu’il feroit extrêmement laborieux de les efîayer tous ; d’ailleurs il y a ici une forte de tâtonnement que les Mathématiciens ont toujours réputé comme un défaut. C’eft pour cela que les Analiftes ont imaginé de rechercher les limites des équations, c’eft-à-dire, entre quels termes font renfermées la plus grande ôc la moindre des racines. M. de Beaune eft le premier auteur de cette invention qui a été pouffée plus loin par M. Newton dans fon Arithmétique univerfelle ôc elle eft très-utile dans les cas où les racines cherchées ne font pas beaucoup inégales entr’elles. Car l’on n’aura alors qu’un fort petit nombre de faćbeurs à ef-fayer ; ôc s’il arrive qu’aucun d’eux ne rende l’équation égale à zero, on pourra prononcer avec affurance qu’elle n’a point de racine rationnelle. Dans cette équation, par exemple , — ix+— ioa:!-f-3i x-f-63 x —120=0, dont le dernier terme a 16 facteurs, il y auroit 32 opérations à faire en les ef-fayant pofitivement ou négativement. Mais la regle enfeignée Tome IL T i46 histoire par Newton apprend que les termes entre lefquels font com-prifes les racines, font i & —■ 3 : de forte qu’il n’y a d’effais à faire que fur 1 ou — i,ou — 2 ; ôc comme aucun de ces eftàis ne réuffit , on doit être certain que l’équation ci-defïus n’a aucune racine rationnelle. Nous avons dit à deffein que cette méthode fera très-utile lorfque les racines cherchées feront peu inégales entr’elles» Mais s’il arrivoit quelles le fuffent beaucoup , comme fi l’une étoit approchante du plus grand fadeur du dernier terme , ôc l’autre du moindre, elle leroit de peu d’utilité, puifqu’alors prefque tous les fadeurs de ce dernier terme tomberoient entre les limites qu’on trouveroit. Il faut donc dans ce cas un autre moyen de diminuer la multitude des eflais. En voici un qui eft fort ingénieux, ôc qu’enfeigne Schooten [a], qui en fait honneur à un M. IVaffenaer. Il confifte à augmenter ou diminuer les racines de l’équation propofée d’un nombre donné, de l’unité , par exemple : or il eft facile de voir que fi une des racines de cette équation eft un des fadeurs de fon dernier terme , ce fadeur doit fe retrouver augmenté ou diminué de l’unité parmi ceux du dernier terme de la nouvelle équation. Il faudra donc prendre tous les fadeurs du dernier terme de cette nouvelle équation , les augmenter ou les diminuer de l’unité , au contraire de ce qu’on aura fait à l’égard de l’équation propofée ; les feuls nombres qui feront les mêmes que les fadeurs de celle-ci, pourront être fes racines. On en exclura par-là un très-grand nombre, ôc une fécondé opération donnera fouvent l’exclufion à la plupart de ceux que la première 11’aura pas exclus, quelquefois à tous fi l’équation propofée n’a aucune racine rationnelle : c’eft ce qui arrive dans l’équation ci-deftus xï Hh 2 x4, ôcc. En diminuant la racine de, l’unité , on trouve que de tous les divifeurs de 120, il n’y a que -^-1. 2. 3 3ou 20 qui puifïent être racines de l’équation ; ôc en augmentant cette même racine de l’unité, on ne trouve aucun de ces derniers , d’où l’on doit conclure que l’équation propofée n’a aucune racine rationnelle. Lorfqu’on eft afturé par l’examen ci-deffus qu’une équation n’a aucune racine rationnelle, il refte à tenter fi elle ne feroit (a) Comm. in Cart. Geom. L. iii. DES MATHÉMATIQUES.P^.IV.Z;V.II. 147 point le produit de plufieurs équations complexes , ou dans le cas où elle feroit de dimenfion paire, s’il n’y auroit point quelque quantité complexe qui, ajoutée de part ôc d’autre de l’équation difpofée d’une certaine maniéré, permît l’extraCtion de la racine de chaque membre. M. Hudde a choifi la première de ces deux voies dans fon écrit intitulé , de reductione equatio-num. Il y donne un grand nombre de réglés utiles pour discerner fi l’équation propofée eft réductible de la maniéré qu’on vient de dire. Il a aufii donné dessables des formes d’équations qui font fufceptibles de cette réduction, avec les divifeurs, foit fimples comme x -4- a, foit complexes comme jv1 -b ax^rb , &;c. qui peuvent les divifer, ôc qui en font par conféquent les faCteurs. M. Wallis nous apprend que tandis que M. Hudde s’addonnoit en Hollande à cette recherche, un de fes compatriotes , nommé Merrey, en failoit autant en Angleterre. Mais fes écrits n’ont point vu le jour , ils ont été feulement dépofés dans la Bibliothèque d’Oxford. Wallis en a extrait quelques tables refiTemblantes à celles de M. Hudde 3 ôc il les a données dans fon Algèbre. M. Newton a tenté la fécondé des voies que nous avons indiquées plus haut ; il a cherché à réduire les équations, en ajoutant de part ôc d’autre quelque quantité complexe qui rendît chaque membre fufceptible d’extraction de racine. Les réglés qu’il a données pour cet effet, fe voient dans fon Arithmétique univeifelle. Mais elles font fi laborieufes , elles exigent tant d’effais , ôc le concours de tant de conditions particulières, qu’on ne peut guere les regarder que comme une curio-fité d’anal y fe. Elles ont néanmoins cet avantage, qu’on peut appercevoir le plus fouvent dès les premiers pas que la réduction n’eft point pofiible ; ce qui épargne un travail fuperflu. M. Leibnit% n’a pas moins travaillé que M. Newton à perfectionner cette partie de l’analyfe, ôc ce qu’il dit dans une de fes Lettres écrite en 1676 (a), nous donne de grands motifs de regretter que fes méditations fur ce fujet n’ayent pas vu le jour. « Je me fuis, dit-il, fort occupé de la maniéré de trou->3 ver généralement les racines irrationnelles des équations , »5 ou de faire évanouir tous les termes moyens ; ôc il y a déjà (a) Comm. Epijî. p. 6) , 64. & p. 9 f. Tij i48 HISTOIRE >3 un an au printemps paiïe que je communiquai àM. Huy-33 ghens des eiïais de réglés femblables aux formules de Car-33 dan. Car j’avois une fuite d’expreliïons femblables ( pour 33 tous les degrés ), dans laquelle étoient comprifes ces formu-33 les. Mais elles n’étoient pas générales au-delà du troifieme 33 degré. Je crois cependant avoir apperçu la vraie méthode 33 pour aller plus loin ; à la vérité il reiïe encore bien des arti-33 fices à imaginer pour en venir à bout, ce que je laiiïe à 33 M. Tchirnaufen 3 qui eft parvenu de fon coté aux mêmes dé-33 couvertes ,, ôc qui a même été au-delà.... Au refte de mes 33 méditations fur ce fujet fuit un paradoxe aiïez fingulier ; 33 c’eft que toutes les équations des huitième neuvième , di-33 xieme degrés peuvent s’abaiffer jufqu’au feptieme, ôcc. .... 33 Si quelqu’un avoit le courage d’en entreprendre le travail, 33 je lui enfeignerois une méthode générale ôc infaillible de 33 trouver les racines de toutes les équations 33. Nous ignorons fi M. Leibnitf ne promettoit point trop en annonçant ces dernieres découvertes ; il y a quelque lieu de le craindre. Il n’eft pas rare de voir d’habiles gens fur la foi d’un calcul ou d’une méthode qui femble devoir réuflir, fe croire déjà en poffeffion de ce qu’ils cherchent ; mais fouvent des obftacles imprévus ôc infurmontables, ferment une route qui paroiiïoit ouverte. M. Leibnit7 eût peut-être été dans ce cas lorfqu’il auroit voulu mettre la derniere main à fes calculs. Quoi qu’il en foit, il ne nous eft parvenu de toutes ces inventions de M. Leibnitf , qu’une 'méthode fort ingénieufe pour le cas irréductible. Il réfoud chacune des deux expref* lions radicales qui compofent la formule de Cardan s en fuite infinie, ôc il arrive que les termes qui renferment la quantité négative fous le radical du fécond degré , font affeétées de lignes differens dans l’une ôc l’autre fuite, de forte qu’en les ajoutant, ces termes difparoiflent, ôc il n’en refte que de réels qui compofent une fuite qui eft la valeur de la formule. Ce que Leibnit{ n’a fait qu’indiquer, a été davantage développé par M. Nicole dans les Mémoires de l’Académie de l’année 1738. Cette méthode ajoutée à tant d’autres pour la réfolution approchée des équations cubiques lorfque le cas irréductible a lieu, met dans un nouveau jour l’étendue des reffourcefr de la Géométrie.. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IL H9 Nous devons à de Moivre une invention fur les équations, qui fembie faire partie de celles dont M. Leibnitf difoit être en pofteftion. Il nous a donné (a) des formules femblables à celles de Cardan pour quelques cas des équations de degrés quelconques. Qu’on ait, par exemple, cette équation ny —— x ny ? -f- ——— x ——— x ny5~h &:c. ==0, équation qui fera finie lorfque n fera un nombre impair, fa racine qui fera alors unique , fera \ ^/ [ a -4- \/ (a a -h i )}—7 [ — a-ł- \/ ( aa-\~ 1 )] : ainfi l’équation 5 y -h 10y* HH 16yS =4, a pour racine, 7 [4+ V7 l7]~ï ^/[ —4-ł-\/ 17 ], ce qu’on trouve par le moyen des logarithmes être o. 4313 : que fi au lieu de nn— 1 , ôcc, on avoit 1 —nnÔcc , ce qui rendroit les termes alternativement pofitifs ôc négatifs , alors la formule au lieu de y {aa-\- 1 ) ,, on auroit \/ [aa— 1 ). Il y a ici une analogie remarquable avec le cas femblable dans les équations cubiques. Dans ces dernieres , fi Pextra&ion 11e peut pas fe faire, les racines de l’équation peuvent être trouvées par la trifeétion de l’angle. Il en eft de même dans les formes d’équations fupérieures que nous confidérons : fi le cas irréduétible a lieu, c’eft-à-dire, fi a eft moindre que 1 il y aura autant de racines que le degré de l’équation contiendra d’unités , ôc elles pourront être exprimées par la multifećfcion* d’un arc dont ( 1 étant le rayon ), a fera le finus. M. Tchirnaufen a cru autrefois être en pofteftion d’une réfolution générale des équations. Il publia en 1684, dans les Aétes de Leipfick, une méthode par laquelle il prétendoit faire évanouir tous les termes intermédiaires d’une équation quelconque ; ce qui la réduifoit à l’égalité fimple de l’inconnue élevée à la plus haute puiftance avec le terme connu. Rien n’eut été plus beau qu’une pareille méthode , mais il eft à regretter que ce fçavant Géomètre , par un effet de cette précipitation qui lui étoit allez ordinaire, fe foit trompé. Quand même il 11’y auroit point de parallogifme dans fon procédé, ce que prétend le P. Preflet qui l’a examiné, le feul exemple qu’il donne de fa méthode fur une équation cubique, fuffit pour montrer qu’elle n’a pas les avantages que lui attribue fon Auteur : car {a) Tranf. Phil. ann. 1707. n°. 309, Ail. de Leipfick. anru 1709* i5o HISTOIRE une des grandeurs qu’il lui eft néceffàire de déterminer, fe trouve égale à une expreffion fujette à devenir imaginaire, &: qui le devient effectivement, lorfque le cas irréductible a lieu. A l’égard des équations d’ordre plus relevé , il eft reconnu aujourd’hui quelle manque entièrement. M. de Lagni eft un de ceux qui ont le plus travaillé à la réfolution générale des équations. On a de lui un volume entier fur ce fujet, qui a été joint aux anciens Mémoires de l’Académie avant 1699 , fans compter quelques écrits inférés parmi les nouveaux (a). On ne peut s’empêcher d’y reconnoître des vues ingénieufes , mais elles ne l’ont point mené loin en ce qui concernoit fon objet principal. C’eft le jugement qu’en porte M. Hallei (b) , jugement qui me paroît tacitement confirmé par les Analiftes. C’eft auffi celui qu’on peut porter de l’ouvrage de M. Laloubere , intitulé la réfolution des équa-lions. M. Rolle eft encore un de ceux qui fe font propofé cet objet. Il donne dans fon Algèbre imprimée en 1690, quelques réglés pour trouver les racines rationnelles des équations lorf-qu’elles en ont, ou pour approcher de plus en plus de leur valeur exaCfe lorfqu’il n’y en a aucune de cette efpece. Mais ces réglés ne font pas allez commodes pour mériter une attention particulière parmi tant d’autres qu’on a pour cet effet. Sa méthode qu’il appelle des Cafcades , dont il fe fert pour dé- terminer les limites des racines , mérite feule d’être remarquée. Elle eft, à peu de chofe près, la même que celle que Newton a donnée dans fon Arithmétique univerfelle. Il nous faut enfin faire connoître les méthodes que les Analiftes ont imaginées pour déterminer du moins d’une maniéré approchée les racines des équations. C’eft-là Tunique reffource qui refte lorfque toutes les méthodes de réduction n’ont point réuffi. On eft même , à bien dire, contraint d’y recourir dès qu’on eft affuré que les racines de l’équation font irrationnelles. Car, fans aller chercher un exemple plus compofé que celui du troifieme degré, n’a-t’on pas une idée plus nette d’un nombre exprimé en fra&ion décimales , que d’une expreffion auffi enveloppée de radicaux que le font les formules de Cardan, lors même que l’extraéHon de la racine eft (a) Ann. 1705-, 1706. (b) Tranf. Phil. ann. 1694, n°. 210. DES MATHÉMATIQUE S.Part.ïV.Liv. IL 151 poflible. La réfolution générale des équations eft fans doute à delirer, li on Tenvifage dans la rigueur mathématique ; mais il eft fort probable qu’elle n’afFranchiroit pas de la nécelîité des approximations telles que les donnent les Analiftes. La méthode d’approximation , la plus générale eft celle qu’ont donnée MM. Newton, Hallei de Raphfon. Nous les joignons enfemble , parce qu’ils y font venus tous les trois , ou par des voies differentes, ou à l’infçu les uns des autres. Mais M. Newton eft celui à qui eft due la première invention ; car il la communiqua au D. Barrow dès Tannée 166y, dans fon écrit intitulé Analyfis per aequationum numero terminorum infinitas. Voici en peu de mots le principe de l’efprit de cette méthode (a). On fuppofe qu’on ait déjà la racine entière la plus approchée , c’eft-à-dire , qui ne diffère de la véritable que de moins d’une unité ; c’eft-là la bafe de l’opération. On égale donc ce nombre plus une nouvelle inconnue, à celle de f’équation propofée , de on la fubftitue à fa place. On a une autre équation dont la racine eft ce qu’il faudroit ajouter à la première racine pour avoir la valeur exacte. Mais comme on fuppofe que ce refte eft fort petit, de au moins au deffous de l’unité , on en conclud que la valeur des termes les plus élevés eft fort petite ; de on les néglige , ce qui réduit l’équation au terme connu, de à celui où l’inconnue eft au premier degré , à moins qu’on n’eût quelque doute que la première racine fût affez approchée. Dans ce cas on pourroit conferver auffi le terme où eft la fécondé puiftance de l’inconnue ; ce qui laifferoit une équation du fécond degré à réfoudre. On cherche donc la racine de cette équation en fractions décimales , c’eft ce qu’il faut ajouter à la première racine trouvée, ou (<*) Que l’équation foit y3 — z y ■—y o. r H— , & qu’on procede comme = 0 , & qu’on fçaehe que la racine entière ci-deffus , on a l’équation «3 h- 6. 3 u% -t-la plus proche eft z. On fuppofera z —f- £ 11.23 u —|— o. 061 ■— o , dont on ne , & on fubftituera dans l’équation confidere que les deux derniers termes qui précédente cette valeur à y ; ce qui donne- donnent u = o. 005-4. Qu’on fafle donc raî5 -+- 6 -4— 10 — i =0. Com- encore — o. 005-4 -f- r = u. On trouve me ç eft fort petit, on néglige les deux par un procédé femblable , r = — o. premiers termes; on a donc feulement 0000485-3 qu’on ajoute enfin toutes les io j ł ou £= ~ , ou o. x. Mainte- parties pofitives, & qu’on en ôte la fomme nant comme o. 1 n’eft que la racine ap- des négatives, on trouvey=S2.079/5-147. prochée de l’équation ç3, &c. qu’on fade i52 HISTOIRE ce qu’il faut en fouftraire, fuivant que le figne qui affede ces frayions eft pofitif ou négatif. Si ce degré d’exaditude ne fuffit pas j il faudra reprendre la fécondé équation entière, & la traiter comme on a fait la première ; ce qui donnera une troifieme équation, qui deviendra du premier degré, en négligeant tous les termes au deffus. Sa réfolution donnera de nouveaux chiffres à ajouter à la fraćtion décimale qui exprime la racine cherchée,, &: ainfi de fuite. En trois opérations ^ M. Newton trouve que la racine de cette équation^—zy—5== o, eft en fradions décimales 2. 0945 5147 -h5 ce qui eft vrai jufqu’au neuvième chiffre. Des deux méthodes que M. Hallei a données pour les approximations des équations, l’une eft fort reffemblante à celle que nous venons de décrire ; elle en différé feulement en ce qu’il revient toujours à la première équation propofée , en fubftituant à l’inconnue la valeur de la racine de plus en plus approchée &: augmentée d’un refte inconnu ; ce qui donne à chaque opération , de nouvelles décimales &: une valeur plus exade (a). Dans la fécondé, il conferve les termes oii l’inconnue eft au fécond degré , mais par un moyen ingénieux dont il fait honneur à M. de Lagni, il réduit encore toute l’opération à une feule divifion. M. Jean Bernoulli fe fert d’une femblable méthode pour le même effet (b). La méthode que Raphjon a fuivie différé encore fort peu de celle de Newton (c) ; il lui a feulement donné quelques degrés de facilité, par certaines tables qui, fur l’infpedion feule d’une équation d’un degré quelconque, font connoître le numérateur & le dénominateur de la fradion qui eft le refte à ajouter à la racine déjà approchée. Comme le Livre de cet Analifte ne peut manquer d’être rare dans ces contrées , nous indiquerons à ceux qui voudront connoître fon procédé , les (Euvres de Wallis, T. IL La méthode précédente n’eft pas la feule que pofledent les Analiftes pour les approximations des racines des équations. La fécondité des Mathématiques, & la variété de leurs ref-fources „ fe foutiennent ici comme partout ailleurs. M. Tailor (a) Tranf. Phil. n°- 210 , ann. 1694. (b) Lett. calculi integ. Led. f 5. (c) Analyfis œquat. univerf. Lond. in-40. 1690. DES M AT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv.TL. 155 a donné pour ces approximations une nouvelle regle, qui eft fondée fur fa théorie des Incrémens (a). Nous finirons par en indiquer deux de l’invention de M. Thomas Simpfon, qui font fort ingénieufes, 6c qui approchent fort rapidement. L’une fuppofe le calcul différentiel, mais elle n’en eft pas pour cela d’un ufage moins facile, 6c elle s’applique aufîi à trouver à la fois les valeurs de deux inconnues données par deux équations (b). La fécondé fuit d’une méthode d’approximation qu’il donne pour les fuites infinies, 6c eft également fort commode (c). Dans l’impofîibilité d’expofer toutes ces chofes, nous invitons les lecteurs à recourir aux écrits de ces fçavans Géomètres. Il eft important dans l’analyfe des équations de pouvoir reconnoître le nombre de racines imaginaires qu’elles contiennent , fans être obligé de recourir à leur réfolution qui eft, comme nous l’avons vu , fujette à tant de difficultés. On connoît, dans les équations cubiques, ce qui indique les racines imaginaires, 6c comme elles ne peuvent pas être plus de deux, on a tout ce qu’on peut defirer daiis ce cas particulier. Mais cette diftinCtion eft beaucoup plus difficile dans les équations de degrés plus relevés. M. Newton a tenté d’y parvenir, 6c a donné pour cet effet dans fon Arithmétique univerfelle, une regle allez fimple, mais encore fort imparfaite. Ce motif a excité divers Analiftes à faire des efforts pour y fuppléer. MM. Maclaurin (d) 6c Campbell {e) y font parvenus, 6c ont donné des réglés plus parfaites que celles de Newton. M. l’Abbé de Gua a auffi travaillé fur ce fujet (f) ; 6c enfin M. Fontaine femble avoir donné tout ce qu’on peut attendre de plus parfait fur cette matière (g)* Sa méthode ne fe réduit même pas à la fimple découverte de la forme 6c de l’efpece de racines dans toutes les équations : elle touche de fort près à leur réfolution com-plette ; 6c nous croyons effectivement avec fon Auteur, que quand il nous aura mis en poffeffion des tables qui font né-ceffaires pour la pratiquer , elle ne laiffera guere plus rien à defirer fur cette matière. (a) Tranf. Phil. ann* 1717. (e) Ibid. ann. 1728. (b) EJJais on varions fubjeEts. p. 8i, Scc. ( f ) Mem. de l’Acad. ann. I741* (c) Mathem. diilertations, p-102. (g) Ibid, ann, 1747. (d) Tranf. Phil. ann. 1726 & I729* Tome II. V i54 HISTOIRE Un autre point important de la théorie des équations concerne la regle de Defcartes pour la diftinćtion des racines pofitives 8c négatives. Cette regle n’étoit point démontrée y 8c fa vérité n’étoit établie que par indućtion. M. de Gua en a donné une démonftration analytique qu’on lit dans les Mémoires de l’Académie de 1741. Toutes ces chofes font d’une nature à ne pouvoir être qu’indiquées ici ; les le&eurs doivent recourir aux fources que nous avons foin de leur montrer en même temps. . XII. Nous croyons ne pouvoir pas mieux terminer ce Livre qu’en faifant connoître quelques-uns des principaux ouvrages dans lefquels on peut s’inftruire des matières dont nous venons de traiter l’hiftoire. Celui qui mérite à plufieurs titres le premier rang , eft Y Arithmetica univ erfalis de M. Newton. Il fuffit d’en nommer l’Auteur, pour en faire concevoir la plus grande idée. Ce font les leçons que ce grand homme donnoit à Cambridge, tandis qu’il y occupoit une Chaire de Mathématiques. A la vérité, nous ne confeillerons pas cet ouvrage à ceux qui ne font point encore initiés dans l’Algebre 8c dans l’Analyfe appliquée à la Géométrie. Mais ceux qui s’y font déjà familiarifés dans d’autres Livres élémentaires, ne fçau-roient mieux faire que d’entreprendre la le&ure de celui-ci, 8c nous leur dirons avec confiance , noclurnâ verfate manu , verfate diurnà. On doit cependant avertir qu’il y a dans cet ouvrage differens endroits qui font de nature à ne pouvoir être entendus que par des perfonnes déjà profondes dans l’analyfe : telles font diverfes méthodes nouvelles fur l’invention des divifeurs, fur la détermination des limites 8c du nombre des racines imaginaires dans les équations, 8cc. C’eft pourquoi il feroit à defirer que quelque habile Analifte entreprît un Commentaire fur ces endroits épineux. Un Auteur Italien a donné, il y a quelques années, un ouvrage fous ce titre ; mais on peut lui appliquer ce qu’on a dit de bien des Commentateurs, in re difficili mutus : ce Commentaire eft encore à exécuter. Des trois éditions que je connois de l’Arithmétique univerfelle de Newton [a), la derniere me paroît la préférable. On trouve à fa fuite (a) Lond. 1707. in-8°* Ibid. 1711. in-8°. Lugd. Bat. in 40.1752.. DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IL l’utile Recueil de diverfes pièces extraites des Tranfadions Phi-lofophiques , fur la réfolution , foit géométrique, foit numérique des équations , qui tiennent lieu de Commentaire ou de fupplément à certains endroits de cet ouvrage. On a fait cas vers la fin du fiecle paffe des Elémens de Mathématiques du P. Preflet. Ils contiennent effectivement beau-cpup de bonnes chofes , mais ils pèchent par trop de prolixité. C’elt aufii le défaut qu’on peut imputer à Y Analyfe démontrée du P. Reynau , livre néanmoins très-eftimable à plufieurs autres égards. On a aujourd’hui divers Traités, où l’on voit éclater plus de précifion, Sl que je confeillerai plus volontiers ; telles font l’Algebre du fameux aveugle Saunderfon s nouvellement traduite en François ( z/z-40. ) ; celle du célébré Geometre M. Maclaurin donnée aufii il y a quelques années dans notre Langue, avec diverfes additions utiles du Tradućteur. Nous citerons enfin les Elémens d’Algèbre de M. Çlairault : cet ouvrage que nous ne fçaurions mieux comparer pour la peti-teffe du volume, &: l’excellence des chofes, qu’à Y Arithmétique univerfelle de Newton , mérite d’être confeillé à tous ceux qui, doués de facilité, veulent faire des progrès profonds en Algèbre , &. fe familiarifer bientôt à fes plus grandes difficultés. La plupart des ouvrages que nous venons d’indiquer ne traitent que de l’Algebre pure: en voici qui ont pour objet l’Algèbre mixte ou appliquée à la Géométrie. Parmi ceux-ci nous donnerons le premier rang dans l’ordre d’inftruction à celui de M. Guifnée intitulé Y Algèbre appliquée à la Géométrie, ( in-40. 1704). Delà on peut pafler à l’excellent Traité des Serions Coniques & des lieux géométriques , de M. le Marquis de VHôpital. Le nom de fon Auteur ôc le cas qu’en font depuis un demi-fiecle tous les Mathématiciens , fufiîfent pour en faire l’éloge. Les Inflitutions analytiques (a) de Mademoifelle Agnefi3 méritent aufii une place diftinguée dans cette indication des meilleurs Livres fur l’analyfe. Les leCteurs ne verront pas fans étonnement qu’une perfonne d’un fexe fi peu fait pour fe familiarifer avec les épines des Sciences , ait pénétré aufii profondément dans toutes les parties de l’analyfe, foit ordinaire, fa) IJUtuçioni analytiche » ad ufo délia gioventù Italiana. Mil. in-40.1. vol. Vij i5 6 HISTOIRE, êec. foit tranfcendante. Ceux qui poÆèdent les Elementa Mathe-feos univerfalis de M. , peuvent s’épargner la peine de recourir prefqu’à aucun autre Livre. On y trouve raliemblé avec choix èc avec précilion prefque tout ce qu’il y a de plus remarquable ÔC de plus important dans l’Algebre, foit pure , foit appliquée à la Géométrie , de forte qu’on peut palier delà immédiatement à la lećfcure des Livres les plus difficiles. Nous pourrions citer encore divers autres ouvrages dignes d’éloges fur ces matières li notre objet étoit ici d’entrer dans ce détail. Nous avons cru devoir nous borner à un petit nombre 3 Sc à ceux où l’on peut puifer une connoiïlànce plus univerfelle de toutes les parties de l’analyfe. Fin du Livre IL i57 ^C<|'$,ifr4,'$‘ %f 5&1*’ CI '& 'î' ❖ 'H' 4? 4r 'I1 '*' •£• 4 4' * 4' ’*' 4- 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 4 •$• 4" 4 4 4 4 4 4' * 4 ■$> 4 4 4 4 $ 4' 4 * a*--------------------------------------- ^ r h- HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx< QUATRIEME PARTIE, j2.w/ comprend, VHiftoire de ces Sciences pendant le dix-feptieme fiecle. LIVRE TROISIEME, Progrès de l’Optiqtie jufques vers le milieu du dix-feptieme fiecle. SOMMAIRE. I. Kepler explique la maniéré dont on apperçoit les objets. Def cription de l'organe de l'œil. Explication des principaux phénomènes de la vifion. Autres traits de l’AJlronomie optique de Kepler. IL Invention du Télefcope. Maniérés différentes dont on la raconte. Pièces curieufes fur cefujet. Des diverfes efpeces de Télefcopes> & à qui elles font dues. III, Des Micro f copes ^ Découverte du méchanifme de la vijîon. 158 ^ HISTOIRE & ce quon fçait fur leur invention. IV. Kepler publie fa JDiop-trique 3 oit il examine les foyers des verres lenticulaires, & la caufe des effets des Télefcopes. Explication de ces effets & de ceux des Microfcopes. V. Découverte de la loi de la réfraction par Snellius. VI* Defcartes tente de la démontrer. Querelle élevée entre lui & Fermat à ce fujet, & comment elle fe termine. Idée abrégée des tentatives faites par d’autres Philofophes pour rendre raifon de cette propriété de la lumière. VU* Nouvelles vues de Defcartes fur la perfection des Télefcopes. Ses découvertes fur la forme des furfaces propres à rompre la lumière. VIÎI. Il perfectionne l’explication de larc-en-ciel ébauchée par Antoine de Dominis. I. Nous touchons enfin à une partie de notre ouvrage propre à délaffer les lecteurs de la contention d’efprit qu’ont exigé d’eux les Livres precedens. Des objets d’une nature plus agréable 6c plus acceflible vont nous occuper dans celui-ci. La découverte de la maniéré dont fe fait la vifion 6c fes principaux phénomènes , l’invention des Télefcopes 6c des Microfcopes , 6c la caufe de leurs effets, la loi de la réfraction , 6c les tentatives faites pour en rendre raifon , l’explication de l’iris, font les matières principales qu’il doit offrir. De pareils objets ont droit d’intérefïer, je ne dis pas feulement les Mathématiciens , mais tous ceux pour qui les connoiffances naturelles ont quelque attrait. La maniéré dont fe fait la vifion , c’eft-à-dire, dont on apperçoit les objets, étoit encore un myftere à l’époque où nous a amené le volume précédent. Porta 6c Maurolicus avoient touché d’affez près à la vérité ; mais fur le point qu’ils étoient de la faifir , ils avoient malheureufement échoué. Cette inté-reffante découverte étoit réfervée au commencement du dix-feptieme fiecle , 6c à Kepler. Ce grand homme rafïemblant les traits de lumière que lui fourniffoient ces deux Phyficiens, dévoila enfin ce myftere. Il reconnut le vrai ufage du cryftal-lin 6c de la rétine , l’exiftence des images qui fe peignent fur celle-ci, 6c leur inverfion les caufes de la diftinétion 6c de la confufion avec laquelle on apperçoit les objets. Il expliqua DES MATHÉMATIQUES./’dtt.IV.ZjV.III. 159 toutes ces chofes dans fon AJlronomice pars Optica, ouvrage dans lequel il ne faut pas chercher cette précilîon qui caraćte-rife ceux de notre fiecle, mais qui eft: plein d’idées neuves ôc dignes d’un homme de génie. Avant que d’entrer dans des détails fur le méchanifme de la vifion , donnons une idée de l’organe qui en eft l’inftrument. L’œil eft un globe creux dont l’enveloppe eft formée de Fl& trois tuniques ou membranes. La première eft celle qu’on nomme la fclérotique ; elle eft une production de la dure-mere, la plus extérieure de celles qui revêtent le cerveau. La choroïde qui eft au deflous, provient de la pie-mere ou de la fécondé membrane dont le cerveau eft enveloppé. Elles fortent du crâne, enveloppant la partie vraiment nerveufe du nerf optique, qui s’épanouiftant en quelque forte, tapifte l’intérieur de la choroïde, d’un tiftii de filamens nerveux , mêlés avec des vaif-fcaux fanguins ; ce qui lui donne la reflemblance d’un réfeau, ôc lui a fait donner le nom de la rétine. C’eft-là la troifieme des membranes qui forment l’enveloppe de l’œil, ôc c’eft dans elle que réfide le fentiment de la vifion (a). La partie antérieure de la fclérotique eft tranfparente , ôc forme ce qu’on nomme la cornée : celle-ci eft portion d’une moindre fphere , de forte que J’œil regardé de profil forme dans cet endroit une petite éminence. Au deflous de la cornée, on apperçoit un petit diaphragme, ou cercle percé dans fon milieu d’un trou circulaire ; c’eft ce qu’on nomme l’uvée, ou l’iris à caufe de fes couleurs. L’uvée eft formée d’un entrelafle-ment de fibres mufculeufes, les unes circulaires ôc concentriques , les autres droites ôc difpofées comme les rayons d’un (a) Deux hommes celebres du fiecle paffe , M. Peccjuet & M. Mariotte, ont discuté fi la rctine étoit véritablement l’organe de la vue. M. Pecquet tenoit pour l’affirmative ; M. Mariotte étoit d’un avis contraire , & prétendoit que c’étoit la choroïde. Il feroit trop long d’examiner leurs raifons. Mais malgré celles de M. Mariotte , qui font fort ingénieufes , la rétine eft ïeftée en poffeffion d’être l’organe qui tranfmet à l’ame l’impreffion de la lu-jyiere 3 & je n’héfite point à regarder * opinion contraire comme abfolument infoutenable. Quel peut être l’ufage d’une partie prefque toute nerveufe comme la rétine, fi ce n’eft de tranfmettre l’im-preffion des objets extérieurs. II ne fçauroit y avoir fur cela de divifion entre les Phyfiologiftes qui fçavent par mille expériences décifives , que c’eft uniquement dans les nerfs & les parties qui en font les plus compofées, que réfide le fentiment. On peut voir les principales pièces de cette conteftation dans le Recueil des Œuvres de M. Mariotte. i6o HISTOIRE cercle, par le jeu defquelles l’ouverture dont nous venons de parler fe contracte ou s’élargit. La partie poftérieure de l’iris eft toujours teinte dans l’homme d’une mucofité noire propre à obfcurcir l'intérieur de l’œil en abforbant tous les rayons latéraux. Dans l’endroit oii l’uvée fe fépare de la fclérotique * elle lui eft fortement attachée par un ligament qu’on nomme ciliaire, ôc que quelques Opticiens phyfiologiftes foupçonnent être un mufcle dont la contraction ou le relâchement fert à augmenter ou à diminuer la convexité de la partie antérieure de l’œil pour l’accommoder à la différence des objets proches ou éloignés (a). Quoi qu’il en foit, de ce ligament partent une multitude de filets appelles proceffus ciliaires, qui fervent à foutenir le cryftallin dont nous parlerons tout à l’heure. Le nerf optique n’eft point, comme le repréfentoient les anciens Opticiens , implanté directement vis-à-vis le trou de la prunelle, mais un peu en dedans ôc plus haut, comme le montrent l’expérience Ôc la pofition du trou par lequel il fort du crâne dans l’orbite de l’œil. Cette concavité que nous venons de décrire eft remplie de trois humeurs , l’acqueufe , la cryftalline ôc la vitrée. La vitrée qui paroît de la confiftance de la glaire d’œuf , eft néanmoins une humeur très-limpide ôc très-fluide, mais qui eft renfermée dans une multitude de petites capfules ; ce qui lui donne cette apparence. Elle occupe le fond de l’œil, ôc applique la rétine contre la choroïde. Le cryftallin eft comme une petite lentille, renfermée dans une membrane très-tranf-parente nommée l’arachnoïde, ôc logée dans une concavité de l’humeur vitrée, comme la pierre d’une bague dans fon chaton. L’humeur aqueufe occupe la chambre antérieure de l’œil, qui eft féparée en deux par la cloifon de l’uvée. Six mufcles , quatre droits , fçavoir un fupérieur , un inférieur avec deux latéraux, ôc deux obliques ou dont la direction eft en diagonale, enveloppent ce globe par leurs expan-flons membraneufes, Ôc fervent à fes mouvemens. Le devant de l’œil eft enfin recouvert d’une membrane blanche très-déliée , qu’on nomme la conjonctive, ÔC qui eft une production (a) Voyez M. Jurin , Di][, on diftintt and indijłinfł vijîon, A la fin de YOptique de M. Smith. , de DES M AT H É M AT IQ U E S. Part.IV. Liv.III. i3 Jacques Metius, homme qui n’avoit jamais étudié, bien 33 qu’il eût eu un pere de un frere qui ont fait profefîion de 33 Mathématiques , mais qui prenoit plaifîr à faire des miroirs 33 de des verres brulans , ayant à cette occafion des verres de 33 différentes formes , s’avifa de regarder au travers de deux , 33 dont l’un étoit convexe, l’autre concave ; de il les appliqua 33 ft heureufement au bout d’un tuyau , que la première des lu-33 nettes dont nous parlons en fut compofée 33. Quelques Auteurs peu contens de cette origine du Télefcope, ont cherché, ce femble,à la rendre encore plus humiliante pour les Sciences de pour l’cfprit humain. Les enfans d’un Lunettier de Middelbourg , difent-ils , fe jouant dans la boutique de leur pere , s’aviferent de regarder le coq de leur clocher avec deux verres, l’un convexe, l’autre concave ; de par hazard ces deux verres fe trouvant à la diftance convenable , ils le virent fort grofii de fort rapproché. Ils firent part de leur furprife à leur pere qui, pour rendre l’expérience plus commode, les difpofa d’une maniéré ftable fur une planchette. Bientôt un autre les adapta aux extrémités d’un tuyau qui écartant la lumière latérale , fit paroître les objets plus distinctement. Un troifieme rendit les tuyaux mobiles de ren-trans l’un dans l’autre. Ainfi prit naiftànce le Télefcope qui, tourné peu après vers le Ciel, y fit appercevoir les phénomènes les plus merveilleux, que les Artiftes de les Sçavans s’empref-ferent de perfectionner, de qu’on a enfin porté aujourd’hui a un point de perfection furprenant. DES MATHÉMATIQUE S. Pan.lV.Liv. III. 167 Un Auteur du milieu du liccle paffé (a), a fait des efforts pour retrouver les traces de cette invention , ôc la revendiquer à fes véritables Auteurs. Il rapporte cinq témoignages juridiques, ôc une Lettre d’un Envoyé des Etats d’Hollande , qui jettent quelque lumière fur ce fujet. De ces cinq témoignages , il y en a deux qui font honneur du Télefcope à un certain Zacharie Jans j Lunettier de Middelbourg. Ils différent à la vérité dans les dattes : le premier , qui eft celui du fils de Zacharie, en fait remonter l’époque jufqu’en 1590 , ôc celui de la fœur ne la recule que julques vers 1610. Mais les trois autres ne difent mot de Zacharie, ôc adjugent l’invention dont il s’agit, à un certain Jean Lapprey ^ Lunettier de la même ville. La lettre de M. Borel contient divers faits finguliers ôc di-gnes de trouver place ici. Cet Envoyé des Etats raconte qu’il A connu particuliérement ce Zacharie Jans , dont nous avons parlé plus haut, ayant joué fouvent avec lui dans fon enfance, ôc ayant été fréquemment dans la boutique de fon pere ; qu’il a oui * dire plufieurs fois qu’ils étoient les inventeurs du Microfcope; qu’étant en Angleterre en 1619 , il avoit vu entre les mains de Corneille Drebbel fon ami, le Microfcope même que Zacharie ôc fon pere avoient préfenté à l’Archiduc Albert, Ôc que ce Prince avoit donné à Drebbel ; il en fait enfuite une defeription qui ne permet point de le prendre pour autre chofe qu’un Microfcope compofé. Il ajoute que vers l’an 1610 , les deux Lunettiers ci-deffus imaginèrent les Télefcopes , ôc qu’ils en préfenterent un au Prince Maurice, qui defiroit le cacher pour s’en fervir avantageufement dans la guerre où les Provinces- Unies étoient alors engagées. Mais l’invention tranfpira, Sc fur le bruit qu’elle fit , un inconnu vint à Middelbourg , cherchant l’inventeur du Télefcope , il s’ad relia, à Jean Lapprey qU’il prit pour lui, ôc par fes queftions il lui donna lieu d’en deviner la composition qu’il dévoila le premier, ce qui l’en fit réputer l’inventeur. Cependant, ajoute M. Borel, on reconnut peu de temps après la méprife. Car Adrianus Metius ôc Drebbel, étant venus peu après à Middelbourg, allèrent ^técfcment chez Zacharie Jans, de qui ils achetèrent des I elefcopeS, ôcc. Sur ce fondement, l’Auteur du Livre de vero• {a) Pierre Borel, De vero Telèfcovu inventore. In-40. 16;;. i ce ne feroit plus entre les finus des angles d’inclinaifon ôc rompu que régneroit une raifon conf-tante, mais entre les tangentes de leurs complémens. Il faudroit un autre méchanifme pour faire que cette altération dans un rapport confiant, fe fît uniquement fur la direction totale. C’eft à quoi fatisfait parfaitement l’hypothefe d’une attraCtion quelconque exercée par le milieu réfringent fur la particule de lumière : on démontre dans cette hypothefe que la lumière fe meut plus ou moins vîte dans le fécond milieu que dans le premier, fuivant un rapport qui eft toujours le même quelle que foit fa nouvelle direction. La fécondé fuppofition de Defcartes eft que la VîtefTe dans le fens parallele au plan réfringent, ne foufTre aucune altération. Celle-ci n’eft pas auffi facile à admettre, ni à juftifier que la précédente, à l’aide des feuls principes qu’employoit Defcartes ; ôc c’eft-là la fource des objections les plus fondées qu’on fafTe contre fon explication. Cela eft bien vrai dans la réflection , parce que le mobile ne pénétré point dans le fécond milieu, ôc que fi la direction perpendiculaire étoit détruite, il fe mouvroit parallèlement à cette furface avec fa feule vîtefTe FR. Mais auffi-tôt qu’il s’y plonge tant foit peu, fon mouvement doit en éprouver de la réfiftance ou une plus grande facilité dans ce fens comme dans l’autre, ôc par conféquent foufTrir de l’altération. Cette fuppofition eft néanmoins vraie matériellement} qu’on me permette ce terme de l’école , c’eft-* DES MATHÉMATIQUES.Part.YV .Uv.lll. i87 à-dire, que quoique Defcartes ne puiffe en donner aucune bonne raifon, elle a cependant lieu. Car fi nous ne nous abufons pas fur la vérité de rhypothefe Newtonienne, 1’attraćtion qu’exerce le corps réfringent fur le rayon de lumière , ôc qui eft la caufe de la réfraétion , n’agit que perpendiculairement à la furface de ce corps , ôc par conféquent ne change en rien la vîtefTe de ce rayon dans le fens parallele. Il y a encore une fuppofition nécefTaire dans l’explication de Defcartes, pour rendre raifon de l’approche du rayon vers la perpendiculaire, lorfqu’il pafTe d’un milieu plus rare dans un plus denfe. Defcartes prétend que la lumière pénétré plus facilement ce dernier que le premier, ôc il en donne une raifon plus ingénieufe que folide. Il attribue cet effet à la différente contexture des corps plus denfes, qui fait que leurs pores font plus dégagés d’obftacles que ceux des corps plus rares ; de forte, dit-il , que de même qu’une boule roulera avec plus de facilité fur un plan bien dur ôc bien uni, que fur un tapis, ainfi la lumière fe portera avec plus de facilité à travers les pores d’un corps dur ôc folide , qu’au travers de ceux d’un autre qui l’eft moins. Defcartes ne s’eft encore ici trompé que dans l’explication ôc non dans le fait. Les Phyfieiens modernes pen-fent comme lui, que la lumière fe meut plus rapidement dans les milieux plus denfes , mais par des raifons différentes. C’eft: que fon mouvement eft accéléré à l’approche de la furface de ces corps par 1’attraćtion qu’ils exercent fur elle. Les réflexions que nous venons de faire montrent qu’en ne fuivant que les principes méchaniques employés par Defcartes, fon explication étoit fujette à de grandes difficultés. Ainfi l’on ne doit point s’étonner qu’à l’exception de ceux qui fai-foient profeflion d’être fes difciples, cette explication , quoique vraie dans le fonds, ait trouvé peu d’approbateurs. Elle fut le fujet d’une conteftation qui faillit à devenir querelle entre lui d’un côté , ôc Fermât ôc Hobbes de l’autre. Ce dernier éleva d’abord contre les principes de Defcartes quelques objections meilleures qu’on ne feroit fondé à les attendre d’un homme qui trouva dans la fuite la quadrature du cercle , ÔC qui entreprit de réformer la Géométrie jufques dans fes axiomes. C’eft, par exemple, avec raifon qu’il prétendit que la réfleétion ne fe faifoit que par le reffort du mobile, ou celui 18 8 HISTOIRE de la furface qu’il choquoit; de forte que fi l’on fuppofoit Pun &; l’autre parfaitement durs , il n’y en auroit aucune. Ce font des vérités dont les Cartéfiens éclairés n’ont pas tardé de convenir , de ils ont fait aux fuppofitions de Defcartes les changemens convenables , comme en donnant de l’élafticité aux particules de la lumière. A l’égard de la réfraction , la principale difficulté & Hobbes fe réduiïit à prétendre que l’altération de la vîtefTe du rayon de lumière devoit fe prendre dans la direction perpendiculaire , de non comme Defcartes le prétendoit dans fa direction totale. Hobbes étoit mal-fondé en cela : il écrivit diverfes lettres à Defcartes , qui lui répondit conformément à fes principes. Mais Hobbes accumulant toujours de nouvelles difficultés , notre Philofophe rompit ce commerce en ne recevant plus aucune de fes lettres. Nous avons commencé par Hobbes, parce que la difpute de Fermat avec Defcartes , eut après la mort de celui-ci une reprife avec fes fuccefteurs, de fut fuivie d’autres événemens que nous n’avons pas voulu féparer. Fermat étoit entré le premier dans la lice avoit eu par des moyens qu’il eft inutile de rapporter, un exemplaire de la Dioptrique de Defcartes, à Tinfçu*de fon Auteur., qui ne Tavoit pas encore mife au jour. Il fe hâta tellement de l’attaquer, qu’il n’attendit même pas qu’elle parut ; ce qui choqua fort Defcartes. Il compara le procédé de Fermat a celui d’un homme qui avoit voulu étouffer fon fruit avant fa naiflancé, de il en garda toujours une forte de refTentiment, qu’on voit encore éclater dans des lettres écrites après leur réconciliation. Les premières objections de Fermat, il faut en convenir, ne lui font pas beaucoup d’honneur, de elles prouvent feulement que quoique grand Géomètre, il étoit fort mauvais Phyficien. On le voit en effet contefter d’abord le principe de la décompofition du mouvement ; mais il abandonna en-fuite cette objection , de il s’en tint à nier à Defcartes que l’altération du mouvement de fon mobile dût fe prendre dans la direction totale ; Defcartes, de fon coté , établit affez mal cc point fondamental de fon explication : enfin la difpute s’ai-griftoit, lorfque des amis communs entreprirent de les réconcilier. Fermat fit les premières propofitions de paix, de elles furent acceptées par Dejcartes. Ils s’écrivirent mutuellement DES M AT HÉ M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. III. 189 des lettres fort polies, mais fans changer d’avis. Fermât refia perfuadé que l’explication de Defcartes étoit vicieufe , ÔC celui-ci, que Ion adverfaire étoit dans le cas d’un homme qui re-fufe d3 ouvrir les yeux à la lumière. Ainfi fut terminée , ou plutôt fufpendue, la première dif-euffion qu’excita l’explication Cartéfienne de la réfraétion : je dis fufpendue , car elle fut reprife environ 20 ans après, entre le même M. de Fermat ôc quelques partifans de la doćtrine de notre Philofophe. M. C 1er fe Lier > célébré Cartéfien , ayant écrit à Fermat au fujet de quelques-unes de fes anciennes Lettres concernant fa conteftation fur la réfraction , celui-ci fai-fit cette occafion de remettre dans un nouveau jour les difficultés qui l’avoient toujours aliéné de l’explication de Defcartes. Il y ajoutoit celle-ci , fçavoir, qu’on ne peut point dire que le mouvement dans le fens parallele au plan réfringent foit inaltérable. La réponfe de M. Clerfelier eft conforme au fens de fon maître , en ce qu’il maintient que le retardement ou l’accélération du mobile doit fe prendre dans la direction totale. Mais je n’y trouve rien qui fatisfafle à l’égard de la nouvelle objection. Bientôt après Fermat fe jetta dans d’autres difcufîions , oü il eut tantôt tort, tantôt raifon 5 Ôc la difpute fe réduiflt enfin à une vraie difpute de mots. Fermat demeura plus perfuadé que jamais de l’infuffifance de la démonftration cartéfienne , ôc pour terminer la contefla-rion , il convint qu’il ne l’entendoit pas , puifque cette démonftration qui convainquoit fes adverfaires, ne portoit aucune lumière dans fon efprit. Cependant il apprenoit de divers côtés que la loi de la ré-fraCtion propofée par Defcartes éroit vraie. Un Phyficien de ce temps, nommé M. Petit, homme de beaucoup de mérite, l’avoit trouvé conforme à l’expérience. Cela engagea enfin Fermat à faire ufage d’un principe qu’il avoit communiqué depuis long-temps à M. de la Chambre , ÔC qui lui paroifFoit propre à déterminer le chemin que la lumière doit prendre en fe rompant. Ce principe eft femblable à celui que les Anciens avoient imaginé pour démontrer l’égalité des angles d’incidence ôc de réfleétion. Us avoient fuppofe que la lumière , tant qu’elle refte dans un même milieu, prend le chemin le plus court. Fermaty concevant cette loi de la nature ipo HISTOIRE d’une maniéré plus générale, l’étend au cas de deux milieux difFérens en denfité. Il fuppofe que la lumière va toujours d’un point à l’autre dans le moindre temps, ce qui donne le chemin le plus court, lorfqu’elle refte dans le même milieu ; mais fi on fuppofe qu’elle paffe d’un milieu dans un autre, elle va, fui-vant M. de Fermat, plus vite dans le moins denfe , 6c elle tempere tellement fon chemin, que parcourant moins d’ef-pace dans le plus denfe , le temps total eft moindre que dans tout autre chemin qu’elle auroit pris. Ce principe accordé, on voit déjà que la lumière doit fe rompre en approchant de la perpendiculaire, quand elle paffe dans un milieu plus denfe. Mais quelle apparence que de deux principes aufîi op-pofés que celui de Defcartes 6c ce dernier, dût réfulter la même vérité ? C’eft cependant ce qui arriva. Après avoir fur-monté les difficultés d’un laborieux calcul, Fermat trouva que les finus des angles d’inclinaifon 6c rompu, étoient dans un rapport confiant ; fçavoir , l’inverfe des réfiftances dans l’un 6c l’autre milieu. Un événement fi peu attendu convainquit M. de Fermat que la conféquence de Defcartes étoit légitime : mais il ne le rendit pas plus docile fur le fond de fa démonftration ; au contraire il la lui rendit encore plus fufpe&e. Il déduifoit effectivement la même vérité d’une fuppofition tout-à-fait vrai-femblable, 6c contraire à celle de ce Philofophe. Quel motif de penfer que cette derniere étoit faufîe, 6c par conféquent que le raifonnement auquel elle fervoit de bafe, étoit vicieux ? Il inftruifit M. de la Chambre de ce fuccès inefpéré , 6c celui-ci en informa M. Clerfelier: ce difciple de Defcartes fit à cette oc-cafion un dernier effort pour gagner M. de Fermat à l’explication cartéfienne (a). Il luiobferva judicieufement que le principe ci-deffus n’étoit point phyfique, 6c qu’il ne pouvoit être regardé comme caufe d’aucun effet naturel. Il élevoit aufîi contre cette explication des foupçons que la fuite a vérifiés, fçavoir , qu’elle renfermoit deux fuppofitions fauffes, qui par un heureux hafard fe redreffoient l’une l’autre. M. de Fermât qui étoit las de cette difcufîion , auffi tôt qu’il crut que la vérité n’y étoit plus intéreffée, aima mieux y mettre fin [a) Lett. de Defc. T. m, 1. f*- * n* DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. III. 191 que de répliquer. Il accorda à M. Clerfelier tout ce qu’il de-mandoit (a), confentant que la démonftration de Defcartes fut réputée bonne, quoiqu’elle ne l’eût jamais convaincu ^ ôc ne fe refervant que la ftérile poflèlîîon de fon problème de Géométrie. Il permet auffi qu’on traite fon principe d’erroné, pourvu qu’on le mette du moins à coté de ces erreurs qui ont plus de vraifemblance que la vérité même, ÔC il finit par lui appliquer ces vers ingénieux du Taffe. Quando fara il vero Si bello che fi pojfa a ti preporre ? En effet, rien ne prouve mieux que M. de Fermat étoit fondé à tenir à fon principe , ôc à être peu fatisfait de l’explication, cartéfienne de la réfraCtion , que les tentatives nombreufes des Phyficiens pour expliquer ce phénomène. Il n’en eft prefque aucun qui dès les premiers pas ne prenne une route différente de celle de Defcartes, en fuppofant que la lumière pénétré plus difficilement le milieu le plus denfe. Nous ne fçaurions avoir une occafion plus favorable de rendre compte de ces différentes tentatives : c’eft pourquoi nous allons les raffembler ici fous un même point de vue. Parmi les Philofophes qui ont tenté d’expliquer ou de démontrer la loi de la réfraction , les uns, à l’exemple de Fer-mat, ont recouru aux caufes finales, les autres ont tâché de la déduire de caufes purement phyfiques. Nous trouvons M, Leibnit^ parmi les premiers. Ce Géomètre ôc Métaphyficien célébré, fuppofe que la lumière va d’un point à un autre , non dans le temps le plus court, comme M. de Fermat, mais par le chemin le plus facile ( b ) ; ôc il mefure la facilité de ce chemin par le rapport compofé de fa longueur ôc de la ré-fiftance dans le milieu où fe meut la lumière. Il applique en-fuite fon calcul différentiel à déterminer quel eft le chemin le plus facile , ôc il trouve que les finus des angles que fait le rayon avec la perpendiculaire à la furface réfringente, font entr’eux réciproquement comme les réfiftances. Il y a dans 1 explication de M. Leibnitj ceci de remarquable, qu’il pré- (a) Ibid. Lett. ^4. (b) AB. Lipf. ann. i6 8z» Fig. 7°* 192 HISTOIRE tend que la vîtefTe augmente à proportion de la réfiflance, de forte qu’il s’accorde avec Defcartes en donnant à la lumière plus de vîtefTe dans le milieu le plus denfe. Mais fes raifons me paroidènt trop fubtiles pour être convainquantes. Quant au principe de M. Leibnit^, il efl fujet aux mêmes difficultés que celui de M. de Fermat ; il paroît bien prouvé aujourd’hui que la lumière ne choifit en fe rompant , ni le temps le plus court, ni le chemin le plus facile, comme on le verra , lorfqu’on aura fait connoître le méchanifme de la ré-fraélion d’après M. Newton. Nous paffons aux explications purement phyfîques de cette propriété de la lumière. Il y a eu des Phyfîciens qui ont confidéré un rayon de lumière comme compofé de petites parties oblongues, fe montant parallèlement à elles-mêmes , ôc dans une direćlion perpendiculaire à celle du rayon. Cette fuppofition étant ad-mife, ils raifonnoient ainf. Lorfqu’un rayon de lumière tombe obliquement furia furface plane d’un milieu plus denfe , par exemple , ôc plus refilant, le bout d’une petite particule ob-longue de cette lumière, qui arrive le premier à cette furface, commence à éprouver une réfiflance , tandis que l’autre qui efl dans le premier milieu , n’en éprouve encore aucune. Celui-ci ira toujours avec la même vîtelTe, ôc décrira un petit arc , pendant que lautre qui fe plonge dans le fécond milieu , décrit un arc concentrique, mais plus petit, parce que fon mouvement efl plus retardé. Lorfqu’enfin tous les deux feront plongés dans le fécond milieu , alors le mouvement circulaire cédera , ôc cette particule de lumière continuera à fe mouvoir parallèlement à elle-même. Or il efl aifé de voir que dans le cas où le fécond milieu fera le plus denfe , la réfradlion fe fera vers la perpendiculaire , l’arc a b étant moindre que A R: ôc que ce feroit le contraire , d le fécond milieu étoit le plus rare. Mais, ajoute-t’on , rien de plus naturel que de mefurer le rapport des facilités des deux milieux par celui des arcs AB, ab. Car ce font ces arcs qui me furent les chemins refpedtifs que parcourent les mobiles A & a en même temps dans ces deux milieux. Ainfi quelque incli-naifon qu’on fuppofe au rayon , ce même rapport fubfiflant, on démontre facilement que les finus des angles d’inclinai-fon ôc rompu * font en raifon confiante. La première idée de DES M AT H ÉM AT I QU E S. Part. ÎV. Liv. III. 193 <3e cette explication eft due , fi je ne me trompe , au Pere Maignan ; Hobbes Pa fuivie dans un écrit que le P. Merfenne nous a tranfmis (a ). M. Barrow Pa aulîi adoptée dans fes Ze-çons optiques, 6c c’eft fon expolition que nous avons fuivie. Mais malgré le fufffage de ce Géomètre célébré , nous ne craindrons point de dire que cette explication eft peu heureufe. Outre le peu de folidité de la première fuppofition fur laquelle elle eft fondée, rien de moins prouvé que celles qu’on emploie dans le cours du raifonnement. M. Riq\ed a fait, il y a peu d’années (a) , des efforts pour donner à cette explication quelque probabilité , ôc pour démontrer ces fuppolitions. Mais c’eft , à mon avis, avec peu de fuccès. Rien n’eft moins une démonftration que le raifonnement auquel il donne ce titre. Quelques autres Phyliciens , à la tête defquels eft M. David Grégori (b), ont pris une voie différente. Ils imaginent que la lumière paiïant d’un milieu dans un autre , s’y dilate ou s’y refïerre latéralement, à proportion quelle y coule plus ou moins à fon aife. Ils fuppofent enfuite dans cette dilatation ou cette contraction , un certain rapport d’où ils tirent la loi connue de la réfra&ion. Cette explication eft aulîi peu fatisfaifante que la précédente. Car ce rapport qu’ils établif-fent, renferme lui-même ce qui eft en queftion. C’eft-là le défaut de diverfes autres tentatives d’explications, comme celle d'Hérigone 3 qui fuppofe qu’un rayon de lumière pefe fur la furface réfringente , 6c tend à la pénétrer, comme feroit un poids qui tendroit à rouler fur un plan femblablement incliné. Je ne dis rien d’une prétendue démonftration donnée par un Mathématicien Anglois , nommé Gualter JHerner 3 dont le Pere Merfenne nous rapporte l’écrit avec éloge. Ce n’eft qu’un vrai paralogifme 6c une pétition de principe. L’idée à'Hérigone, quoique peu heureufe, femble avoir donné à M. Bernoulli celle d’une autre démonftration tirée de même d’un principe de Statique. Qu’on conçoive deux puiffances données 6c inégales , qui tirent un point mobile le long d’une ligne de pofition donnée. Tel eft., fuivant M. (a) Syn. unlv. Math. (b) Atf. Lipf. ann. 172.6. (c) Catoptr. ac Diopt. Elem, Tome II. Bb 194 HISTOIRE Bernoulli y le cas de deux rayons de lumière, l’un incident ÿ l’autre rompu; ce qu’il établit par un raifonnement, que j’avoue ne pas bien concevoir. Mais fi l’on examine quelle pofition prendra le point mobile dont nous parlons , dans la fuppofition ci-defîus , on trouvera qu’elle fera telle, que les finus des angles avec la perpendiculaire à la ligne le long de laquelle ce point eft mobile, foient en raifon donnée, fçavoir, celle des forces avec lefquelles ce point efl: tiré de part 8c d’autre ; d’ou il conclud que le même rapport confiant doit régner dans la réfraction. Parmi les explications méchaniques de la réfraCtion , je n’en connois aucune qui foit plus ingénieufe que celle de M. Huyghens [a ). Elle eft une fuite très-naturelle de fon fyftême fur la lumière , fyftême le plus probable 8c le plus fatif-faifant de tous , fi l’on n’avoit de fortes raifons de pencher vers celui de l’émiffion. M. Huyghens fait confifter, comme tout le monde fçait, la lumière dans les ondulations d’un fluide élaftique très-fubtil , qui fe répandent circulairement 8c avec une promptitude extrême autour du centre lumineux. Mais ce n’eft pas tout : chacune de ces ondes circulaires répandues autour du point lumineux , n’eft que le réfultat d’une infinité d’autres ondulations particulières , dont les centres font dans toutes les parties du fluide ébranlé, 8c qui concourent toutes à former la principale. Ainfi la direction perpendiculaire de, chacune de ces ondes , dépend de la rapidité refpeCtive de celles qui la forment, de forte que fi par quelques circonftances les vîtefTes de celles-ci deviennent inégales ,1a direction de la principale changera. Or c’eft, dit M. Huyghens9 ce qui arrive dans la réfraCtion. Un rayon comme L A D* Fig. 7i. tombant obliquement fur un milieu ou la lumière pénétré plus difficilement, par exemple, 8c ou par conféquent elle fe meut plus lentement, la partie A de l’onde AD , qui eft perpendiculaire à la direction LA , arrive la première ; là fon choc excite dans la matière , dont eft imprégné le fécond milieu, une ondulation qui s’étend circulairement autour de A, en i, 2 , 3,4, tandis que les points B, C , D, arrivent fucceflivement en b y Cydy&cy excitent les ondulations bi , Æ z,b 3; ci ,02; (a) Trafi, de lum, c. 3, DES M AT HÉ M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. III. 195 d 1 .. Ainfi l’ondulation totale eft G H, ôc la direction du rayon de lumière qui lui eft perpendiculaire, eft AH. Mais, par la fuppofition, la lumière fe meut plus lentement, par exemple d’une moitié , dans le fécond milieu que dans le premier. C’eft pourquoi l’étendue de l’onde A a, eft moindre de moitié que celle de l’onde B£ , ôc par conféquent A 3 eft dans le même rapport avec Dd. Or A 3 ôc Daf, font refpeCtivement comme les finus de l’angle rompu ôc de celui d’inclinaifon. Donc ces finus feront entr’eux comme les facilités que la lumière éprouve à fe tranfmettre dans les differens milieux. Nous nous fommes contentés ici d’une efquiffe de l’explication de M. Huyghens ; nous l’euflions développée davantage fans la prolixité à laquelle cela nous auroit engagés : ceux pour qui ce qu’on vient de dire ne fuffira pas, peuvent recourir à fon Traité De lumine. Nous ne croyons pas qu’on puifle imaginer rien de plus fatisfaifant dans Phypothefe , que la lumière confifte en un fluide mis en aCtion par le corps lumineux. La difficulté fondée que Fermat faifoit à Defcartes , en ce qui concerne le mouvement de la lumière dans le fens parai* lele à la furface réfringente, mouvement qu’il fuppofoit n’être point altéré, a donné lieu à une tentative pour expliquer la réfraction, dont il nous faut dire un mot. On a conçu la réfraCtion de la lumière comme ce qui arriveroit à un globe qui paffèroit d’un milieu comme l’air, dans l’eau par exemple. Ce globe, à l’inftant où il toucheroit la furface qui fépare l’air d’avec Peau, commenceroit à éprouver de la réfiflance dans le fens perpendiculaire ; mais il auroit encore toute fa vîteffe dans le fens parallele. Suppofons-le enfoncé d’un quart, par exemple, de fon diametre : il éprouvera de la réfiftance , ôc fon mouvement fera altéré dans les deux directions ; mais moins dans la direction parallele que dans la perpendiculaire. Il en fera de même lorfqu’il fera plongé de la moitié, des trois quarts de ce diametre ; ainfi pendant qu’il s’enfonce , il doit décrire une courbe convexe vers la perpendiculaire: enfin lorfqu’il fera totalement plongé, alors éprouvant de tous les côtés une réfiftance égale, il continuera fa route par la tangente au dernier point de cette courbe qu’il a décrite, ôc il aura une direction plus éloignée de la perpendiculaire. Le contraire doit vifiblement arriver , lorfque ce globe paflera d’un milieu plus 'Découvertes dioptriques de Defcartes. HISTOIRE réfiftant à un autre qui l’eft moins : la réfraction fe fera en approchant de la perpendiculaire. Jufqu’ici cette explication procede fort bien , mais elle eft fujette à des difficultés qui ne permettent pas de l’admettre. Lorfqu’à l’aide d’une profonde Dynamique , on a examiné la trajeCtoire de ce globe pénétrant d’un milieu dans un autre > 6c les deux directions avec lefquelles il commence 6c il finit de la décrire, on a trouvé qu’elles ne fuivent point la même loi que la lumière en fe rompant, quelque hypothefe de réfif-tance que l’on prenne. D’ailleurs les mêmes milieux fubfiftant, la trajeCtoire eft différente fuivant la forme, la vîtefTe 6c même lamaflè du corps qui lestraverfe. Ainfi quand il y auroit quelque forme de corps qui rendît confiant le rapport des finus des angles d’inclinaifon 6c rompu, comme on ne peut fuppofer que fort gratuitement que toutes les particules de lumière foient de cette forme, on ne pourroit guere s’aider de cette explication. * Ce n’eft pas encore ici le lieu de développer la maniéré dont M. 'Newton explique la réfraCtion. Comme elle tient à fa théorie de l’attraction nous croyons devoir ne l’expofer qu’après avoir donné connoifïance des faits qui établiflenc cette théorie. Ainfi nous renvoyons nos leCteurs au Livre ou nous expoferons les découvertes mémorables de ce grand homme fur la lumière. Nous renvoyons auffi jufque-là à parler d’une forte de paradoxe auquel cette explication comparée avec celle de Fermat, donne naiffance. Nous nous bornons à remarquer ici d’avance que M. de Maupertuis l’a fait difparoî-tre par la découverte d’une nouvelle loi de la nature, très-belle 6c très-étendue. y il La difcuffion ou l’on vient d’entrer à Toccafion des premiers pas de Defcartes dans fa Dioptrique , nous a fait perdre le fil de notre hiftoire. Nous allons le reprendre en rendant compte de quelques vues nouvelles de ce Philofophe pour perfectionner cette partie de l’Optique. Quoiqu’elles n’aient point eu dans la pratique le fuccès que s’en promettoit leur Auteur, elles revendiquent ici une place, du moins à titre de décou-Tcrtes dans la théorie. DES MAT H É M AT IQU E S. Part.YV. Liv. III. 197 Les lentilles fphériques de verre ne réunifient pas tous les rayons parallèles à leur axe en un même point. Dans les déterminations qu’on a données ci-defTus des foyers de ees verres, il n’a été queftion que des rayons infiniment voifîns de l’axe ; car à mefure qu’ils s’en écartent, leur rencontre avec cet axe fe fait dans un point plus proche que le foyer. A la vérité cette différence eft peu fenfible , tant que la furface fphéri-que qui les reçoit, n’eft qu’une fort petite portion de fphere ; mais enfin elle eft réelle , ôc delà il fuit qu’une lentille fphéri-que ne peint pas à fon foyer une image parfaitement diftinćle. Ce défaut des verres fphériques eft probablement ce qui infpira à Defcartes la première idée de rechercher s’il n’y avoit pas quelque furface tellement conformée que les rayons parades s’y réunifient précifément dans un même point. D’ailleurs cette recherche , à la confidérer du côté purement théorique , ne pouvoit manquer d’avoir des attraits pour un Geometre. Audi avoit-elle déjà excité les efforts de Keplerqui par analogie avoit conjecturé que les feCtions coniques pou-voient fatisfaire au problème. Cette conjecture de Kepler fe tourna en réalité entre les mains de M. Defcartes : il démontra que fi dans une ellipfe, comme A D H D , la diftance des foyers/T ôc le grand axe , font comme les finus des angles d’inclinaifon ôc rompu dans les milieux entre lefquels fe fait la réfraCtion , par exemple comme 2 à 3 fi c’eft de l’air ôc. du verre, le rayon E D parallele à l’axe rencontrant le fphéroïde de verre D B , fe rompra ôc ira concourir au foyer F. Au contraire, fi l’efpace AH B eft rempli du milieu le plus rare, comme l’air, le rayon GD rencontrant la furface concave, s’y rompra comme s’il venoit du point F. Ainfi, fi dans le premier cas on décrit du centre F un arc de cercle D I, Ôc qu’on imagine une lentille dont la coupe foit D AI K, elle réunira à fon foyer F, tous les rayons parallèles à fon axe. Dans le fécond cas, il faudra que Tare de cercle foit extérieur, ôc on en aura une qui rendra tous les rayons parallèles à fon axe 6c tombans fur fa concavité , divergens comme du point F , ou au contraire qui rendra parallèles tous les rayons convergens vers F ôc tombant fur fa convexité. L’hyperbole jouit de la même propriété, s’il y a entre fon axe ôc la diftance de fes foyers le rapport e. / i98 HISTOIRE ci-deffus. Le rayon paffant parallèlement à l’axe de l’une des hyperboles où nous fùppofons le milieu le plus denfe, fe rompra ôc concourra au foyer de l’oppofée ; ôc l’on pourra de même former des lentilles hyperboliques convexes ou concaves , qui rendront convergens les rayons parallèles , ou parallèles les rayons convergens vers un point donné. Ce problème nous mene naturellement à un autre plus général , dans lequel il s’agit de déterminer la forme d’une fur-face telle que les rayons partis d’un point donné , foient rendus convergens vers un autre point donné , ou divergens, comme s’ils en venoient. Defcartes le réfolut encore : mais content dans fa Dioptrique de confîdérer les cas qui peuvent être le plus d’ufage , ôc les furfaces les plus faciles à décrire , il en renvoie fa folution à la Géométrie. Il y démontre que fi le point A eft celui d’où partent les rayons de lumière , B celui auquel ils fe doivent réunir , ôc que le point S foit pris pour le fommet de la furface ou de la courbe génératrice qu’on cherche, elle fera telle que tirant à un point quelconque G , les lignes AG, G B, l’excès de A G fur A S , fera à celui de 7î* BS mr B G , en raifon donnée , fçavoir, celle de la réfraction entre les milieux A ôc B ( a ). Cette efpece de courbe que nous venons de décrire , eft celle que M. Defcartes nomme la première de fes ovales. Que fi, au lieu de fuppofer le foin-met S de la courbe entre A ôc B , on le fuppofoit au-delà , alors naîtroient différentes autres courbes qui conftituent les autres efpeces d’ovales que M. Defcartes confidere dans fa Géométrie, ôc qui fervent à renvoyer diverfcment les rayons, foit par réfraction , foit par réfleCtion , de forte que ceux qui partent d’un point, ou qui y convergent, foient renvoyés vers (a) Voici la démonftration de cette belle propriété. Suppofons un point g infiniment proche de G , & les lignes Ag, B g , avec les arcs de cercle G e, gf> décrits des points B & A, comme centres , de forte que g e eft la différence de G B , g B , & Cf celle de G A , g A. Le petit côté curviligne G g prolongé, eft la tangente à la courbe , & fa perpendiculaire C D repréfente l’axe de réfradion. Maintenant puifque partout la différence de G A & A S , eft à celle de G B & B S en même raifon, H fuit que les différences des lignes infini- ment prochesGA,Ag,8cGB,Bg, c’eft-à-dire , Gf 3 g e , feront en même raifon 5 mais il eft vifible que les angles fgG , gGe, font refpedivement égaux aux angles AGC, BGD, qui font l’angle d’in-clinaifon & l’angle rompu. Donc Gf & gey qui font les finus des angles /g G & g G e , étant en raifon confiante , fçavoir celle qui regle la réfradion entre les milieux A & B , il fuit que les finus des angles A G C , & B G D font dans cette même raifon , & par conféquent G B eft la vraie pofition du rayon rompu. Donc, &c. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV Liv. III. i99 un autre , ou rendus divergens , comme s’ils en venoient. Il feroit excefiivement long de parcourir tous les cas qui naif-fent des différentes polirions refpeébives des points donnés S, A, G. Mais ceci mérite d’être obfervé , c’eft que ces courbes fe transforment en feétions coniques fuivant les circonf-tances. Si, par exemple , on fuppofe dans la première efpece le point A infiniment éloigné , l’ovale devient l’ellipfe ordinaire , ayant entre fon grand axe ôc la diftance de fes foyers la raifon de la réfraétion : ce qui nous apprendroit, fî nous ne le fçavions déjà , que la figure elliptique ayant les conditions ci-deffus, renverroit vers un de les foyers les rayons parallèles à fon axe. Si au contraire, on fuppofoit le point B infiniment éloigné , la courbe deviendroit une hyperbole qui renverroit parallèlement les rayons partis du point A. Les autres propriétés des fećtions coniques en ce qui concerne la réfleébion de la lumière, ne font pareillement que de fîmples corollaires du problème général de M .Defcartes. Il n’y a qu’à fuppofer les différences des lignes tirées des points A ôc B , aux points G, en raifon d’égalité, les réfractions fe changeront en réfleéfions à angles égaux à ceux d’incidence , ôc l’on aura fuivant la pofition des points A, B, S , une parabole s une ellipfe ou hyperbole. Cette théorie dans l’expofîtion de laquelle M. Defcartes n’a pas mis les développemens nécef-faires pour tous les Lećfeurs , a été depuis plus clairement ex-pofée par M. Huyghens dans fon Traité de lumine. On doit recourir à cet ouvrage , ou bien au fçavant Commentaire du P. Rabuel fur la Geometrie de Defcartes. Les propriétés que nous venons de remarquer avec M. Def cartes dans les verres elliptiques ôc hyperboliques , le con-duifirent à penfer qu’ils ne pouvoient manquer d’être d’une grande utilité pour perfectionner les inftrumens dioptriques, En effet puifque des verres de cette forme réuniffent les rayons parallèles, à un feul point mathématique , ce que ne font point les verres fphériques , il femble tout-à-fait naturel d’en conclure que les images des objets éloignés feront incomparablement plus diftinćtes. Defcartes confeille donc de donner aux verres de Télefcopes une courbure elliptique ou hyperbolique , ôc en particulier la derniere qu’il jugeoit préférable. Il propofé pour cet effet à la fin de fa Dioptrique 200 HISTOIRE diverfes machines. Ses Lettres nous apprennent aulîi qu’il fe donna de grands mouvemens pour y réuffir. Etant à Paris en 1628. il engagea un fabricateur d’inftrumens mathématiques, nommé Ferrier , à entrer dans fes vues, 6c il lui écrivit enfuite de fa retraite diverfes Lettres pleines d’inftruc-tions pour le guider. Cet Artifte vint effeéîivernent à bout, dit Defcartes , de tailler un allez bon verre hyperbolique convexe , mais il ne put réuffir au concave 6c s’étant dégoûté de ce travail difficile , cette cntreprife n’eut pas d’autre fuite. Les promdTes de Defcartes qui n’alloient pas moins qu’à découvrir dans les aftres les plus petits objets, 6c l’inftigation de M. Huyghens de Zulichem, le pere du célébré M. Huyghens, avec qui il étoit lié d’amitié , portèrent auffi quelques Artiftes Hollandois à faire des efforts pour mettre fes machines à exécution ( a ) ; mais les difficultés les rebutèrent probablement , 6c leur firent abandonner ce travail : nous ne voyons pas qu’il foit venu delà à Defcartes aucun bon verre hyperbolique. Depuis ce temps, quantité d’autres Mathématiciens ou Artiftes ont propofé de nouvelles inventions pour le même fujet. M. JHren entr’autres en a propofé une ( h ) , qui eft fondée fur une nouvelle propriété de l’hyperbole, 6c qui me paroît être une de celles dont on pourroit le plus légitimement attendre du fuccès. On trouve auffi dans les Mémoires de l’Académie de Berlin (c) la defcription d’une machine inventée pour cet effet par M. Hertelius. Cependant, nonobf-tant tous ces efforts , les verres hyperboliques font encore des êtres imaginaires, 6c ceux qui connoiffent la maniéré dont on travaille les verres lenticulaires, n’en feront point furpris. On a vu, à la vérité , quelquefois annoncer dans des Journaux, qu’on étoit enfin parvenu à faire des verres de cette forme. On lit dans les Tranfaclions Philofophiques { d ) qu’un M. du Son avoit fait de bons verres paraboliques , ( on a apparemment voulu dire hyperboliques ; car des verres paraboliques ne rempliroient point l’objet qu’on fe propofé;) mais ces belles promeftès fe font réduites à cette annonce. Au refte , on fe feroit épargné bien des peines , fi l’on eût fait une réflexion qui fe préfente affez naturellement, c’eft que fi (a) Ibid. T. n, Lett. 81,82, 8 5-, 86,90. (c) T. in. ad ann. 1719» (b) Tranf*Phil. ann. 1668, i66y. (d) Ann, i66f. un DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. III. 201 un verre de courbure elliptique ou hyperbolique réunit plus exactement qu’un fphérique tous les rayons parallèles à fon axe , il lui fera fort inférieur en ce qui concerne les rayons qui forment avec cet axe quelque angle fenfible. Car la courbure fphérique préfente de tous les côtés une figure uniforme, ce que ne fait point la courbure elliptique ou hyperbolique. C’eft pourquoi ces dernieres réuniront moins exactement les rayons venans des parties latérales de l’objet. Enfin ce qui ne permet plus aujourd’hui de s’attacher à faire des verres de cette forme, c’eft la découverte de la differente réfrangibilité de la lumière. C’eft de cette différente réfrangibilité que naît le principal obftacle à la diflinCtion de l’image; &c l’aberration qu’elle caufe eft incomparablement plus grande que celle qui vient de la forme fphérique du verre. Quand on corri-geroit cette derniere par la figure hyperbolique , la première ne fubfifleroit pas moins, & la diftinCtion ne feroit pas plus grande. Il n’eft aujourd’hui aucune perfonne inftruite , qui ajoute foi aux verres hyperboliques , & il n’y a plus que quelques Artiftes charlatans qui, pour rehauffer leur ouvrage, difent avoir le fecret de les travailler. V 11L Nous devons enfin àM •Defcartes d’avoir perfectionné l’ex- Découvertes plication de l’Arc-en-C’iel qu’avoit autrefois donné Antonio de Je De/c£*c*nm Dominis. On a vu vers la fin du volume précédent que ciel. ^6 Phyficien Italien , guidé par un heureux hafard plutôt que par fa fagacité avoit rencontré le vrai principe de cette explication : mais il avoit encore laiffé bien des chofes à faire pour la rendre complette. En premier lieu , il avoit totalement manqué celle de l’arc-en-ciel extérieur. En fécond lieu, il reftoit a rendre raifon pourquoi ces arcs lumineux ne paroif-fent que d’une certaine grandeur , l’inférieur de 420. environ de rayon, ÔC l’extérieur de 54. Il falloit enfin expliquer d’où viennent les couleurs qu’ils nous préfentent, &. leur arrangement. De ces trois chofes, Defcartes en découvrit deux. La troifieme tenoit à la différente réfrangibilité de la lumière , ôc étoit réfervée à M. Newton. Larc-en-ciel intérieur ou principal, eft formé , comme Tome IL C c 201 HISTOIRE nous l’avons dit en parlant à!Antoine de Dominis y par une réfleètion unique du rayon folaire contre la partie poftérieure des gouttes d’eau ou de vapeurs, réfleètion précédée ôc fuivie d’une réfraction à l’entrée ôc à la fortie de cette goutte. C’étoit-là que s’étoit arrêté l’Auteur Italien , qui avoit cru pouvoir expliquer de même l’arc-en-ciel extérieur , en changeant feulement quelques circonftances. Defcartes plus clairvoyant ap-perçut ôc s’aiïura par l’expérience [a), que l’arc-en-ciel extérieur Fig. 73. eft produit par deux réfleCtions dans l’intérieur des gouttes de vapeurs, comme l’on voit dans la figure en B. Le rayon de lumière parti du foleil, entre par la partie inférieure de la goutte , ôc y fbuffre une réfraCtion ; il fe réfléchit deux fois contre fa furface , ôc il fort enfin en fouffrant une fécondé réfraCtion qui le renvoie à un point de l’axe tiré du foleil par l’œil du fpeCtateur. Telle eft la trace de chaque rayon de lumière qui forme un point de la fécondé iris. Mais pourquoi n’y a-t’il que les rayons comme AO ôc B O, inclinés à cet axe, l’un de 42.0, l’autre de 54, qui excitent dans l’œil du fpeCtateur une fenfation de lumière : car il eft évident qu’il n’y a point de goutte, foit inférieure à A , foit entre A ôc B , foit enfin au deffus de B , qui n’envoie aufii à l’œil quelque rayon de lumière. Cependant on n’apper-çoit de l’éclat qu’en A ôc en B : en voici la raifon d’après M. Defcartes. Il ne fufïït pas qu’un rayon de lumière parvienne à nos yeux pour y exciter quelque fenfation ; il faut pour cela qu’il ait une certaine denfité, proportionnée à la fenfibilité de notre organe : or de tous les faifeeaux de rayons folaires qui tombent parallèlement fur une goutte de vapeurs, M. Def cartes trouve par le calcul qu’il n’y en a qu’un feul, fçavoir celui qui eft éloigné du rayon centrai entre les 85 ôc 86 centièmes du rayon du globule , qui après la réfraction ôc la réflexion qu’il éprouve , foit encore compofé de rayons parallèles. Il n’y a donc que ce faifeeau de lumière qui foit capable d’exciter quelque fenfation fur un œil éloigné. Or celui-ci forme avec l’axe tiré du foleil au point diamétralement oppofé, un angle de 410, 3 d, en fuppofant la raifon du finus d’incidence à celui de réfraXion dans l’eau de pluie, celle de 257 à 180. On ne doit donc voir la bande lumineufe du pre.* (a) Meteor. Difc. 8. DES MATHÉMATIQUES. Pari.YV. LivXll. » 203 mier arc-en-ciel quà une diftance d’environ 410 30' du point diamétralement oppofé au foleil, M. Defcartes démontre par un procédé femblable que de tous les petits faifceaux de rayons qui tombent fur les mêmes globules, ôc qui fortent après deux réfleébions , il n’y en a qu’un dont les rayons compofans confervent leur parallélifme , ôc qu’il fait ^ avec le même axe que ci-deffus, un angle de 5 10, 57'. Ainfi la bande lumineufe ne peut paroître au même œil qu’à 520 environ du point oppofé au foleil. L’intervalle entre la goutte A ôc la goutte B n’en peut fournir aucune dont un faifceau parallele puiffe parvenir au même œil. Delà l’interruption de la lumière entre les deux iris. Il refte à rendre raifon des couleurs qui parent ces deux arcs lumineux. L’explication complette de ce phénomène tient, nous l’avons déjà dit, à la théorie Newtonienne des couleurs. Defcartes néanmoins en rend une raifon à certains égards fatisfaifante , en regardant la petite partie du globule par oii fortent les rayons du faifceau parallele, comme un petit prifme qui jette,, comme on fçait, des rayons colorés ; la fituation différente de ces petits prifmes à l’égard de l’œil du fpe&ateur , fait que les couleurs paroiffent dans un ordre in-verfe dans les deux arcs. Nous n’en dirons pas davantage maintenant ; ce qui refte encore ici à defirer fur ce fujet, nous le réfervons au Livre où nous devons faire connoître les belles découvertes de M. Newton fur la nature des couleurs. Nous y rendrons aufîi compte des ingénieufes fpéculations deM. Hallei fur les arcs-en-ciel de differens ordres. Fin du Livre IIIe de la IVe Partie. Ce ij 104 HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES. XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX QUATRIEME PARTIE, JQui contient leurs progres durant le dix-feptieme fiecle. LIVRE QUATRIEME. Hiftoire 6c progrès de l’Aftronomie, depuis le commencement jufques vers la fin du dix-feptieme fiecle. SOMMAIRE, I. U Agronomie efl cultivée au commencement de ce fiecle par Kepler. Vie abrégée de cetAfironome. Il découvre la vraie forme des orbites des Planetes > & les loix qu elles fuivent dans leurs mouvemens. Diverfes conjectures heureufes de Kepler. Idée abrégée de fes inventions. II. Des étoiles nouvelles qui paroifi-fent en 1600 & 1604. Autres phénomènes femblables obfervés depuis. III. De Galilée. Ses découvertes aflronomiques dans la Lune & les fixes. Celle des Satellites de Jupiter , & des taches du Soleil. Conféquences quil en tire. IV- Des Aflro* HIS T. DES MATHÉM. Part. IV. Liv. IV. 205 nomes qui difputent à Galilée Vhonneur de ces découvertes ; de Jean Fabricius. De Scheiner, théorie des taches du Soleil expliquée. De Marius. V. Des travaux de divers Aftronomes pour la mefure de la terre dans cette première partie du dix-feptieme fiecle. De la mefure de Snellius, & de fa méthode ; de celles de Blaeu, de Norwood. De celle des PF. Riccioli & Grimaldi. VI. Obfervation de Mercure fous le Soleil, faite en 1631 , & par qui. Utilité qu on en a tirée. Autres obfervations femblables faites depuis. Uenus obfervée de même fous le Soleil en 163$. De l'Afironome Horoccius, Auteur de cette obfervation. Avantage qu’on attend de l’obfervation femblable qui aura lieu en iy6t. VII. Syfiême Phyfico - Agronomique de Defcartes. Difficultés auxquelles il eft fujet. VIII. De quelques Aftronomes dont on n a point parlé. Idée de leurs travaux. L Les découvertes dont l’immortel Kepler enrichit l’Aflrono- Dêeouvcr-mie au commencement de ce fiecle, forment une des épo- tes Afironoml ques les plus mémorables de l’hifloire de cette Science. Si qpTer. Copernic , fecouant le joug d’un ancien préjugé, fçut démêler le vrai arrangement des corps célefles ; fi Tycho-Brahé perfec -tionna l’Aftronomie pratique , accumula des obfervations fans nombre , rećlifia en divers points les idées de fes prédé-cefïeurs, il étoit réfer vé à Kepler de reconnoître la vraie marche des Planetes, la forme des orbites qu’elles parcourent, 6c les loix fuivant lefquelles elles s’y meuvent. Nous choififTons ici pour caraétérifer cet illuflre Afironome, quelques-unes de fes découvertes qui ont le plus de célébrité. Car on pourroit former une ample énumération des chofes que lui doit l’Aflronomie. Nous ne pouvons que faire une chofe agréable à nos leéleurs, en leur apprenant quelques traits de la vie de cet homme célébré. Kepler naquit en 1571 , ( le 27 Décembre) à Viel dans le Duché de Vittemberg , de parens nobles , mais réduits par le fervice 6c la mauvaife conduite, à une forte d’indigence. L’ardeur de s’inflruire lui en fit trouver les moyens, 6c il parvint enfin à prendre des grades dansl’Univerfité de Tubinge, en 15 85? ôc 1591. Kepler ne fe deflinoit point encore aux Mathé- 2oû ; HISTOIRE manques : plein d’ambition 6c d’ardeur pour la gloire, il ne les regaraoit point alors comme capables de fatisfaire fes vues. Cependant il les avoit étudiées avec fuccès fous l’Aftronome Mœfllin. La Chaire de Mathématiques de Gratz étant devenue vacante par la mort de Stadius , le Duc de Vittemberg la procura à Kepler, qui ne l’accepta que pour ne point indif-pofer contre lui fon Souverain 6c fon protecteur. Ce fut feulement alors que les exhortations de Mœfllin „ qui voyoit dans .lui un génie vif 6c propre aux plus grandes découvertes , le gagnèrent à l’Aftronomie. Il commença à la cultiver avec goût 6c avec ardeur, 6c il publia en 1593 fon Myfierium Cofmogra-phicum. Au travers des myftérieufes analogies des nombres 6c des figures, que Kepler y employoit pour déterminer les rapports des diftances des Planetes, Tycho démêla le génie du jeune Auteur, 6c le jugea digne d’être remis dans la vraie route. Il l’exhorta à oblerver, confeil que fuivit Kepler, mais qui ne le guérit pas entièrement de fon foible pour ces chimères Pythagoriciennes. Divers endroits de fon Epitome Afl-tronomiœ Copemicanœ , 6c fon Harmonia Mundi , font des preuves fubhftantes de ce foible , qu’il allia le plus fouvent avec les idées les plus juftes 6c les plus fublimes. Kepler alla voir, en 1598, Tycho retiré à Prague, 6c cet Af tronome lui procura le titre de Mathématicien Impérial, avec des appointemens qui lui furent prefque toujours aflèz mal payés. Ce titre ne lui fuffifant pas pour vivre, il demanda 6c il obtint en 1613 la Chaire de Lintz , qu’il garda jufqu’en i6i6y qu’il paffa à celle de Sagan , 6c delà à celle de Roftock ; enfin -étant allé à la Diete de Ratifbonne pour y folliciter le paiement des arrérages de fes penfions , il y mourut le 5 Novembre 1631. On lui doit un grand nombre d’ouvrages, dont quelques-uns nous ont déjà occupés. Nous allons en analyfer quelques autres dans cet article, 6c l’on en trouvera l’énumération dans la note fuivante (a). Un fçavant Allemand ( M. Got-tlieb Hanfch ) qui a donné en 1718 un Recueil de Lettres de (a) Prodromus diff. C o fm ograj) hic arum, quio anni tóoj. Prag. 1605. De fella no-&c. Tubingæ, 15-96. in-40. De fundam, va in pede ferpentarii} &c. Cui accejft nar-Aflrologice certioribus ^difertatiuncula.Vrag. ratio de fella, incognita cygni. Prag. 1606. 16oz. in-40. Paralipomena ad Vuellionem3 in-40. Mercurius in fole } &c. Lipfi 1609. feu Aflron. pars Optica. Prancof. 1604. in- Afronomia nova, feu Phyfica celeflis de '4®. Epifl. ad rerum cel. amat, de folis dęli~ motibus felice martis} &c. Prag. 1609. in- DES MATHÉMATIQUES.Pan.IV.Liv.III. 207 Keplery nous promettoit en 1714 une édition complette de fes Œuvres en vingt - deux volumes in-folio, {a) Quelque eftime que nous ayons de cet Aftronome célébré , nous croyons qu’une pareille colleCtion rëulîiroit mal aujourd’hui. Le nom de Kepler vivra fans doute tant qu’on cultivera l’Af-tronomie : mais fes écrits trop mal digérés , trop remplis d’idées hazardées 6c qui ont befoin de l’indulgence des lecteurs , malgré les excellentes découvertes qui y font éparfes, ne fçauroient fe réimprimer dans un fiecle tel que celui-ci. Quel avantage pourroit-on concevoir à nous remettre fous les yeux fes fçavans délires fur l’harmonie du monde , &c? On eût applaudi vers la fin du fiecle paffé à une édition de ces Œuvres faite par un homme de goût, capable d’apprécier ce qui méritoit d’être préfenté au public de ce qui devoit être fupprime. Mais il feroit aujourd’hui trop tard pour entreprendre même cette colleCtion. Les deux découvertes qui ont le plus contribué à faire un grand nom à Kepler 3 font celles de la forme des orbites des Planetes , 6c des deux loix de leurs mouvemens. Nous l’allons fuivre dans fes Commentaires fur les mouvemens de Mars, oü il a pris foin de nous inftruire des eflàis 6c des conjectures qui le conduisent enfin à la première de ces mémorables découvertes. Ce fut une efpece de hazard qui excita les recherches de Kepler fur la théorie de Mars ; 6c ce fut un heureux hazard, parce que cette planete étant une des plus excentriques , elle étoit une de celle qui pouvoit le conduire plus facilement à la vraie caufe de fes inégalités. Il étoit allé à Prague , trouver Tycho qui, à l’occafion d’une oppofition prochaine de Mars, travailloit à mettre en état fa théorie fur cette planete. Tycho étoit perfuadé avec Copernic 3 que c’étoit par le lieu moyen du foleil que dévoient palier les apfides des orbites des Planetes, fol. Dioptrica. Prag. 161 x. in-40. Ephem. nova motuum cælejlium ab anno 16/7 ad ‘6361 partes m. Linzii ac Sag. in-4.0. Epitome Aflron. Copern. i6i8&i6z2.in-8°. Linz. Harmonices, L. v• Line. 16x9. in-fol. De Cometis, lib. m. Aug. Vind. 1619. in-40. Hyperafpifles Tychonis con-tra Scip. Claramontium. Francof. 16z in-4°. Tab. Rudolphinœ 3 &c. Ulm. 1627, in- fol. Refp.ad Epifl. Jac. Bartchü 3 &c. Sag. 1629. in-40. Admon. ad Aflron. de miris ac raris A. 1631 phenomenis, nempe Mer cur. ac Ven. in folem incurfu. Lipf. 1629. in-4*. Somnium Kepleri, feu de Aflron. lunari3 &c. Opus poflhumum. Francof. 1634. in-40. Epifl. Kepleriana quad. cum refponfls. Lipf, 1718. in-fol. Ster. dol. Line, x605. in-fol, {a) Att. Lipf. ann. 1714. 2o8 HISTOIRE & à l’aide d’un grand échaffaudage de cercles, il réufîîfToit allez bien à reprélenter le mouvement de Mars en longitude: mais fon hypothefe manquoit totalement en ce qui concerne la latitude. Kepler , qui avoit déjà des idées phyfiques qui lui perfuadoient que le foleil étoit, non un centre lans action , mais le modérateur du mouvement des planetes, fuf-peéta d’abord l’hypothefe de Tycho de faulTeté à cet égard. D’idées en idées, ( car nous ferions trop longs li nous entreprenions d’en décrire ici la fuccelîion ) il vint enfin à reconnoître qu’il étoit nécefTaire de partager en deux également l’excentricité. Il fut probablement aidé par l’obfervation que Ptolémée avoit déjà faite, fçavoir que la première inégalité des Planetes fupérieures étoit en partie réelle, en partie optique, raifon qui lui avoit fait établir le centre de leur mouvement égal, hors de celui de leur excentrique. Les obfervations modernes avoient auffi convaincu de cette nécefîité, ôc il n’y avoit que la terre qu’on eut exceptée de cette loi commune ; mais Kepler fe conduifant par analogie , jugea qu’on devoit l’appliquer de même à la terre, qui efl: femblable aux autres Planetes. Il montra qu’il falloit rapprocher le centre de l’orbite de la moitié de l’excentricité qu’on lui donnoit autrefois ; ôc qu’en fuppofant le mouvement égal fe faire autour du point également éloigné du centre de l’autre coté, on fatisfaifoit beaucoup mieux , que par l’excentrique fimple à l’inégalité obfervée des mouvemens folaires. C’eft-là ce qu’on appelle la bifïeCtion de l’excentricité ; premier pas de Kepler vers la grande découverte. Entr’autres preuves de la nécefîité de partager ainfi l’excentricité , ôc de faire le mouvement du foleil ou plutôt delà terre, réellement inégal, il donnoit celle-ci. Sile foleil rouloit uniformément autour du centre de fon orbite, la vîtefTe de fon mouvement fuivroit exactement le rapport de fes diamètres apparens ; ce qui n’eft cependant pas. En effet, le diametre du foleil dans fon apogée, n’eft que d’un 30e environ moindre que dans fon périgée; ce qui défigne que fa diftance , dans le premier de ces points , eft plus grande d’environ un 30e que dans le fécond. Mais fon mouvement eft dans l’apogée d’un quinzième plus lent : fî donc on attribue à. la différence d’éloignement l’effet qu’elle doit produire, fçavoir un trentième de retardement, l’autre trentième fera une DES M AT H É M AT I QU E S. Part. IV. Llv. IV. 209 une retardation réelle. Or on fatisfait à Tune ôc à l’autre de ces conditions en retirant le centre de l’orbite terreïtre vers le foleil de la moitié de l’excentricité ancienne , ôc en faifant Fig. 74) mouvoir la terre uniformément à l’égard du point oppofé, 8c également éloigné de l’autre côté du centre. Kepler appliqua auffi ceci au mouvement de Mars, ôc trouva que fon excentricité partagée de la même maniéré repréfentoit mieux fon mouvement que quelque hypothefe qu’on eut encore faite. Cette hypothefe eût contenté bien des Aftronomes, ôc nous trouvons en effet que plufieurs s’en font tenus là; mais Kepler 9 qui afpiroit à une plus grande perfection , apperçut qu’elle ne fatisfaifoit pas encore entièrement aux mouvemens hors des aphélies Ôc aes périhélies. Conduit par un raifonnement plus heureux qu’exaCt ôc concluant, il tenta de faire croître dans cette hypothefe circulaire les feCteurs autour du point excentrique S uniformément. Ceci l’approcha en effet beaucoup de la perfeCtion : il trouva feulement à cette hypothefe le défaut de donner les lieux calculés trop avancés dans le premier quart de cercle de l’aphélie , ôc trop peu dans le dernier ; il trouva auffi que hors l’aphélie ôc le périhélie, les diftances calculées étoient plus grandes que les diftances obfervées , ôc cela d’autant plus que la planete étoit plus voifine des lieux moyens. Ces deux obfervations lui apprirent que l’excentrique qu’il avoit d’abord fuppofe, n’avoit que le défaut d’être trop renflé vers les diftances moyennes, ôc que la vraie orbite rentroit au dedans en forme d’ovale, ôc avoit le même axe. Mais quelle fera l’efpece d’ovale qu’il faudra adopter au lieu du cercle ? car on peut concevoir fur le même axe une infinité de courbes plus applaties les unes que les autres , ôc décrites par certains procédés géométriques. Ceci ne fut pas une des moindres occafions de travail pour Kepler. Prévenu de certain mouvement compofé, par lequel il croyoit que cette ovale étoit décrite, il en imagina une différente de l’ellipfe ordinaire, qu’il ne foupçonnoit pas encore. Il croyoit Mars fubjugué, lorfqu’il s’apperçut qu’il lui échappoit de nouveau. Les paroles de Kepler font remarquables, ôc méritent d’être rapportées comme décelant une imagination vive , qui en eût facilement fait un Poëte s’il n’eût été Aftronome. At dion de motibus manis in hunc modum triumpho , eique ut plane de-Tome II. Dd 210 Ttë'7S* HISTOIRE victo tabularum carceres œquationumque compedes necto 3 diverfs nuntiatur locis , futilem victoriam 3 ac bellum tota mole recrudef-cere ; nam domi quidem captivus 3 ut contemptus , rupit omniar aequationum vincula 3 carcerefque tabularum effregitr Jamque parum obfuit quin hoffis fugitivus fefe cum rebellibus fuis conjungeret j meque in defperationem adigeret 3 ni fi raptim nova rationum Phyjicarum fubfidia 3 fufis & palantibus veteribus 3 fub-mifffem 3 & qua fefe captivus proripuiffet, veffigiis ipfius3 nulla mora interpofita inhcefiffem 3 &c. En effet, pour me fervir de Texpreflion figurée de Kepler 3 il ne cefFa point de pourfuivre jfon prifonnier échappé , qu’il ne l’eût atteint 6c entièrement fournis. Il remarqua que le défaut de fon ovale étoit d’être trop rentrante dans le cercle, 6c trop applatie ; il en conclut que l’ellipfe ordinaire qui tenoit un milieu entre cette ovale fiétice 6c le cercle, étoit la véritable trace du mouvement de la planete. Son prifonnier, dit-il, content de cette capitulation , fe rendit de bonne grace 6c ne fit plus d’efforts pour s’échapper. Depuis ce temps on tient pour principe des mouvemens céleftes , que les Planetes parcourent des orbites elliptiques , dont l’un des foyers eft occupé par le foleil ou la Planete principale , 6c qu’elles s’y meuvent de telle maniéré que les aires décrites par la ligne tirée du foyer où eft la Planete centrale, font proportionnelles aux temps. Si l’orbite d’une Planete eft repréfentée par l’ellipfe A F P G , dont AP eft la ligne des apfides , le foleil S en occupe l’un des foyers , 6c elle s’y meut de forte que les feéteurs AS T, AS/,AFPS®, font comme les temps employés à arriver aux lieux T 3t3®. C’eft fur ce principe que font calculées les Tables qu’emploient aujourd’hui les Aftronomes. On a pris l’aire entière de l’ellipfe 3 ou celle du cercle A D P A, pour 3 6o° : enfuite on a fuppofé les feéteurs DS A au foyer S, croître uniformément de degré en degré , c’eft-à-dire, de 360e en 360ede l’aire entière, 6c on a déterminé quel étoit l’angle T S A, qui répondoit à chacun de ces fe&eurs ; ce qui a donné l’anomalie vraie répondante à chaque anomalie moyenne croiffànte de degré en degré (a) ; car il eft évident que le fećbeur ASD réduit en degrés, re- (a) Ce problème de déterminer l’ano- à caule de fa difficulté. Kepler ne le rélol-malie vraie, la moyenne étant donnée , voit qu’indireélement en prenant l’arc AD eft devenu celebre parmi les Geometres, ( qu’il appelle I’anomalie de l’excentre ) plus DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IV. m préfente l’anomalie moyenne, &; que l’angle correfpondant A S T eft l’anomalie vraie. On a enfin fouftrait l’anomalie vraie de la moyenne, ou au contraire, ôc l’on a infcrit la différence avec le ligne convenable d’addition ou de fouftraćfion » a cote de l’anomalie moyenne, afin d’avoir, fuivant la forme des Tables anciennes, l’équation, c’eft-à-dire, la partie à ajouter ou à fouftraire du lieu moyen pour avoir le lieu vrai. Telle eft la première loi du mouvement des Planetes, découverte par Kepler ; il en eft une fécondé qui concerne les mouvemens refpećtifs de plufieurs Planetes qui tournent autour du même point. Celle-ci confifte en ce que, dans ce cas, les quarrés des temps qu’elles emploient dans leurs révolutions , font comme les cubes de leurs diftances , ou ce qui eft la même chofe, que ces diftances font comme les quarrés des racines cubiques des temps périodiques. Kepler en fait la re- ou moins grand, de forte qu’il en réfultât pour le fećieur A S D la grandeur de l'anomalie moyenne donnée; enfuite il tiroit facilement delà l’anomalie vraie A S T. Mais la Géométrie ayant acquis des forces, on a jugé indigne d’elle de ne réfoudre ce problème qu’indireétement : on a cherché des folutions directes , & divers Géomètres & Aftronomes fo font exercés à en donner. La première de ce genre eft celle du Chevalier Wren , qui nous a été tranfmife par Wallis ( de cycl. ad fin.) ôc par M. Newton ( Prine. I. /. ). Elle eft purement géométrique, & procede par le moyen d’une cycloide alongée. Mais cela n’eft fatis-faifant que dans la théorie ; c’eft pourquoi M. Newton la fait fuivre auffi-tôt d’une autre, qui confifte en une fuite d’angles décroilfans qui font la correćtion à faire à l’anomalie moyenne pour avoir la vraie. Comme cette folution eft allez compofée , les DD. Keil & Grégori en ont propofée une autre, l’un dans fes Lett. Aflron. l’autre dans fos Elem. AJlron. En voici l’efprit. Le problème en queftion fe réduit, comme l’on fçait, à retrancher d’un cercle un efpace A S D égal à un efpace donné par une ligne tirée d’un point S * autre que le centre. Or en employant les calculs modernes, on trouve une fuite qui exprime la valeur du fe&eur fait au point S, & qui répond à l’ordonnée indéterminée DE. On égale cette fuite à l’efpace donné , & par le retour des fuites on trouve D E exprimée par une nouvelle fuite qui eft très-convergente lorfque l’excentricité eft peu confidérable ; de forte qu’un petit nombre de termes fuffifent pour avoir la valeur de D E. Cette folution n’a pas été inconnue à M. Newton. On la trouve dans le Comm. Epifl- p. n- Ces folutions diverfes n’ont pas fatisfait l’inquiétude des Mathématiciens. D’un côté les Aftronomes ont cherché des approximations purement Trigonométriques. Telles font celles qu’ont donné M. Horre-bow ( A5 blables pour fe réunir. Les corps graves, ajoute-t’il , ne ’3 tendent point au centre du monde, mais à celui du corps ” rond dont ils font partie ; ôc li la terre n’étoit pas ronde , ” les corps ne tomberoient point perpendiculairement à fa furface. Si la lune ôc la terre n’étoient pas retenues 33 dans leurs diftances refpeéfives , elles tomberoient l’une fur 33 l’autre , la lune faifant environ les jl du chemin , ôc la terre 33 le refte , en les fuppofant également denfes. « Il penfe aulîi qu’on ne doit attribuer qu’à cette attraction de la lune, le phénomène du flux ôc du reflux de la mer. ce L’attraCtion de la 33 lune, dit-il, s’étend jufques fur la terre. Elle attire les eaux >3 de l’Océan dans la Zone torride, fous l’endroit dont elle oc~ 33 cupe le zénith, ôcc. La lune, continue-t’il, pafîant rapide -33 ment le zénith, ôc les eaux ne la pouvant fuivre avec la même 33 vîtefle , il fe forme un courant continuel d’Orient en Occi-33 dent, qui va frapper fans celle les rivages oppofés , ôc qui 33 fe réfléchit fur les côtés. Delà l’origine du courant d’air 33 continuel qu’éprouvent ceux qui navigent fous la Zone tor-33 ride, ôc la caufe de la naiftance ou de la deftruCtion de di-33 vers Bancs de fables, oullles, ôcc. de l’excavation du Golfe 33 du Mexique ôc de la côte orientale de l’Afie. 33 II paroît reconnoître aulîi la gravitation des Planetes vers le foleil [b) ;car il lui compare celle des corps pefans fur la terre , ôc quoique dans fon Abrégé de VAflronomie Copernicienne, il ne veuille pas que l’attraCfcion des Planetes ôc du foleil foit réciproque, de crainte que le foleil ne foit ébranlé de fa place, il ne laifïè pas de la reconnoître ailleurs. Car il prévient cette objection en difant que la mafte ôc la denfité du foleil font telles, qu’il ta) Ibid. in Intrcd. (h) Epit. Aflron. Cop. 1. v , §%■ I « 214 HISTOIRE n’y a aucun fujet de craindre qu’il puiffe être déplacé par Faction réunie de toutes les autres Planetes (a). Kepler enfin avoit conjećture le mouvement du foleil autour de fon axe, 6c il en avoit fait un des points fondamentaux de fa Phyfique célefte {b) ; chacun fçait que fa conjećture a été vérifiée peu de temps après par la découverte des taches du foleil. Il fait ici une remarque digne d’attention , fçavoir que c’eft à l’équateur folaire, ou au cercle que cet équateur prolongé marque parmi les fixes , que devroient fe rapporter les orbites des Planetes, 6c non à notre écliptique : en effet, notre écliptique eft un cercle avec lequel ces orbites n’ont aucune relation phyfique, 6c par cette raifon il doit néceffairement arriver,comme le remarque encore Kepler ( c ) , que leur inclinaifon à l’écliptique foit changeante, à moins que les nœuds de l’orbite de la terre 6c de celles des autres Planetes, n’ayent un mouvement précifément égal à l’égard de l’équateur folaire. Or comme ce mouvement eft effeétivement inégal , ce n’eft qu’à fa lenteur extrême que nous devons attribuer de ne nous être point encore apperçus de cette variation. Après tant de traits de génie, on devroit, ce femble, s’attendre que Kepler reconnût le vrai fyftême des Cometes, fyftême fi fatisfaifant, 6c qui avoit droit de lui plaire à tant de titres. Mais les hommes les plus çlairvoyans ne le font pas également partout, 6c cette vérité fublime lui échappa. Loin de foup-çonner que ces aftres font des Planetes fort excentriques , comme les obfervations modernes femblent le confirmer de plus en plus, il en fait des générations nouvelles, 6c il les regarde comme des épaiflemens de l’æther capables de nous renvoyer la lumière ( d). Il leur donne un mouvement rećtiligne , 6c en quelque forte malgré les obfervations ; car elles dévoient au contraire le porter à compofer leurs trajećtoires de plufieurs portions de droites diverfcment inclinées , 6c fuccef-fivement de plus en plus dans un même fens; ce qui indiquoit une orbite curviligne , au lieu qu’afin de ne point abandonner fon hypothefe, il attribue à ces aftres un ralentiffement de vîtefTe à mefure qu’ils s’éloignent de leur périhélie. A l’égard (a) Comm. de Mot. Mart. Ibid. (c) Ibid. c. 60. \b) Comm. de Mot. JIellce Martis. P. iv , (d) De Com. lib. 3, icap. 3 4. & ąlibi pajfm. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IV. 215 des queues des Cometes, Kepler eut une opinion qui a paru probable à divers Phyficiens modernes. Il penfa que ce pouvoit être une partie de leur athmofphere entraînée par les rayons folaires , 6c qui nous les réfléchit. Il y a néanmoins de fortes raifons pour rejetter ce fentiment. Il nous faudroit donner au feul Kepler une partie confide-rable de la place que revendiquent divers autres Aftronomes dignes d’éloges , lî nous entreprenions de faire connoître toutes fes découvertes avec la même étendue que les précédentes. Nous nous bornerons par cette raifon à une brieve énumération du refte de ce que lui doit l’Aftronomie : telles lont d’abord diverfes méthodes pour la détermination des orbites des Planetes , de leurs dimenfions 6c de leurs polirions ; une multitude d obfervations qu’il fit pour fuppléer à celles de Tycho ; la remarque de la forme elliptique du foleil 6c de la lune dans le voifinage de l’horizon, remarque dont on fait ordinairement honneur au Pere Scheiner, mais que Kepler dé-duifit avant lui, ôc à priori, de la théorie des réfractions (a). La méthode dont fe fervent aujourd’hui les Aftronomes pour calculer les éclipfes de foleil, lui eft encore due : elle confifte à regarder ces fortes d’éclipfes comme des éclipfes de la terre par l’ombre de la lune 6c elle a non feulement l’avantage d’affranchir de quantité d’embarras auxquels la méthode ancienne étoit fujette, mais encore celui de montrer comme dans un tableau dans quelles régions de la terre une éclipfe fera vifible, de quelle quantité elle fera , 6cc. Nous lui avons déjà fait honneur de quelques remarques importantes d’Aftro' nomie Optique (b). Les Aftronomes lui durent enfin les cé-bres Tables Rodolphines qu’il publia en 1616. Elles feront à jamais mémorables comme les premières qui ayent été calculées fur les véritables hypothefes des mouvemens célef-tes ; 6c l’induftrie des Aftronomes poftérieurs n’a trouvé de changemens à y faire que dans quelques détails, comme les excentricités, les pofitions 6c les mouvemens des apfides, 6cc„ L’état de l’Aftronomie pratique au temps de Kepler, ne lui permettoit pas d’approcher davantage de la vérité qu’il l’a fait. (a) A(lr. pars Opt. p. 13 r.- (b) Liv. préced. art. i-. n6 HISTOIRE I L Des étoiles II feroit fort naturel de penfer que rien n’eft moins fujet au nouvelles ob- changement que ces régions immenfes où les étoiles fixes font %oq&?£>04. difperfées. Le fpeCtacle quelles nous préfentent, eft depuis II long-temps le même, qu’il eft difficile de fe défendre de cette opinion ; mais, comme le remarque M. de Fontenelle , ce fpec-tacle n’eft parfaitement le même que pour des yeux peu éclairés ou peu attentifs. Depuis qu’il y a de toutes parts des Ob-fervateurs qui ont les yeux tournés vers les Cieux, on trouve, pour me fervir encore des expreffions de cet Ecrivain célébré, qu’ils ont leur part des changemens qu’on croyoit n etre que fublunaires. L’apparition d’une étoile nouvelle, qui arriva en 1572 dans Cafîiopée, étoit déjà un exemple mémorable qui prouvoit ce que nous venons de dire. On vit en 1604 fe renouveller ce phénomène. Il parut tout à coup dans la conftellation du Serpentaire une étoile de la première grandeur, qui après avoir duré quelques années, a difparu, 6c n’a plus été vue depuis. Ce fut le 10 Octobre de cette année que les Difciples de Kepler l’apperçurent, 6c il eft très-certain que quelques jours auparavant elle ne paroilToit point encore ; car elle n’auroit pas échappé à Kepler 3 qui étoit alors occupé à fuivre les mouvemens de Saturne , Jupiter 6c Mars , en conjonction tout près de cet endroit. Elle fut obfervée par divers autres Aftronomes , comme Jujle B y rge, Fabricius , Galilée, qui, quoique placés à des diftances confidérables, lui donnèrent à peu de chofe près, la même pofition entre les fixes, d’où l’on conclut que ce n’étoit point un météore fublunaire, mais qu’il falloit la ranger au nombre des étoiles. Sa durée fut d’environ quinze mois : après s’être affoiblie par degrés, elle difparut entièrement au commencement de l’année 1606 (a). L’année 1600 nous offre un phénomène également digne de notre attention 6c de notre furprife. C’eft celui d’une étoile périodique, placée dans la poitrine du Cygne , qui paroît 6c difpa-roît fucceffivement. Elle n’avoit point été apperçue par Tycho, (a) Voyez Kepler, de Jlellâ nova in pede Serpentariï. 1606. in-4°. qui ^ DES MATHÉMATIQUES.Part.IV.Liv.IV. 217 qui avoit apparemment dreffé fon Catalogue des étoiles de cette conftellation, pendant le temps d’une de fes occultations. On la remarqua, comme nous avons dit, pour la première fois en 1600 y ôc Bayer la marqua dans fon Uranométrie 3 ou les Cartes céleftes qu’il publia en 1603. Elle étoit, en 1605 ou 1606, de la troifieme grandeur ; elle diminua enfuite pendant quelques années , ôc elle difparut tout-à-fait. M. Cajjini la revit en 1653 de la même grandeur, ôc elle diminua par degrés jufqu’en 1661, qu’on la perdit de vue. M. Hevelius l’ob-lerva de nouveau en 1666, lorfqu’elle recommençoit à fe montrer. De ces obfervations ôc des autres qu’on a faites dans la fuite, on a conclu que cette étoile a une période d’environ quinze ans, qu’elle refie environ dix ans apparente, ôc cinq ans invifible. Le fécond phénomène de cette nature , ( car les Cieux nous en offrent plufîeurs femblables, ) eft l’étoile changeante du col de la Baleine. David Fabricius l’avoit vue en 1596* fans la connoître pour ce quelle étoit, ôc l’avoit enfuite perdue de vue fans pouvoir la retrouver (a). Bayer l’apperçut vers l’an 1600, ôc la marqua dans fon Uranométrie, comme omife par Tycho. Enfin en 1638 , Pliocylide Holwarda la vit difparoître, ÔC renaître neuf mois après ; Ôc plufîeurs autres à fon exemple firent la même obfervation les années fuivantes. Depuis ce temps on a remarqué qu’elle paroît ôc difparoît tous les ans, anticipant chaque fois d’environ un mois (h), ôc que lorfqu’elle eft dans fon plus grand éclat elle va quelquefois, mais rarement, jufqu’à égaler celles de la fécondé grandeur, plus ordinairement celles de la troifieme. M. Bouillaud (c) fixe la durée de fa période, entre fes deux plus grandes phafes, à 333 jours ; ce qui fait une anticipation annuelle d’envion 33 jours : M. C affini, fondé fur une plus longue fuite d’obfervations , l’a déterminée de 3 5 jours ôc demi. La conftellation du Cygne feroit déjà fuffifamment remarquable , en ce qu’elle contient une étoile de l’efpece que nous venons de décrire. Mais elle l’eft encore à un nouveau titre ; (a) Kepl. A fl. pars Optica, p. 446. nova ftellâ in collo ceti. Secundum de nebu- (b) J. Hevelii , hifloriola mirez flellez in bulofâ in cingulo Andromeda ante biennium collo ceti. iterum ortâ. Par. 166p. {c) Ad Aflron. monita duo, Primum de Tome IL Ee *i8 HISTOIRE car on y en a découvert une fécondé en 1670. On doit, ce femble, cette découverte à M. Hevelius , ôc au P. Anthelme Chartreux ôc Obfervateur de Dijon. L’étoile changeante dont nous parlons , eft lituée dans le coi près du bec. Elle dif-parut la même année , ôc reparut en 1671 , après quoi elle fe cacha de nouveau, ôc l’on attendit vainement pendant plu-iieurs années une nouvelle apparition. Elle a néanmoins reparu dans la fuite, ÔC l’on a reconnu qu’à quelques irrégularités près, fa période eft de treize mois. M. Kirc/i l’a fixée plus exactement à 404 jours ôc demi (a). M. Maraldi a découvert en 1704 dans l’Hydre une étoile femblable aux précédentes [b). Elle avoit été vue, à la verite, par Hevelius ôc Montanari en 1661 ôc 1672. , mais fans quils cruftènt voir une étoile particulière. Ce que celle-ci a de remarquable , c’eft que le temps de fon apparition n’eft guere que de quatre mois ; elle en refte environ vingt fans paroitre , de forte que fa période entière eft précifément de deux ans. Elle ne furpaffe pas les étoiles de la quatrième grandeur, lorfqu’elle eft dans fon plus grand éclat. La conftellation d’Andromede a auffi fes fingularités. On y obferve une étoile nébuleufe, d’un genre différent de celui des autres de cette efpece, qu’on fçait n’être que des amas de petites étoiles très-voifines. Celle-ci reffemble à un petit nuage apparent à la vue fimple, ôc au milieu duquel on apperçoit, à l’aide du Télefcope, une partie plus lurnineufe. Simon Marius remarqua cette étoile vers l’an 1612, ôc la defeription qu’il en donne eft fort conforme à la vérité. M. Bouillaud (c) nous apprend cependant que Marius n’eft pas le premier qui l’ait vue. Il cite un Manufcrit anonyme rapporté d’Hollande par M. de Thou, ôc dont l’Auteur, qui vivoit près d’un fiecle avant Marius 3 avoit été témoin de ce phénomène. M. Bouillaud remarque dans cet écrit, que cette étoile n’ayant été marquée, ni dans les Catalogues anciens , ni dans celui de Tycho, ni dans rUranométrie'de Bayer, ôc ayant pourtant été vue dans des temps intermédiaires , il y a beaucoup d’apparence quelle eft fujette à des apparitions ôc des occultations périodiques j ce (a) Mifcell. JBeroL T. m , ad ann. 1710. (b) Mena, de l’Acad. x706,1709. lc) Ad AJlron. monita duo 3 &c, DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. IV 219 que M. Godefroi Kirch a confirmé par fon fnfFrage & fes obfervations. Quant à la caufe de cette nébulofiténous ne fçan-rions en afîîgner de plus vraifemblable que celle que foiîp-çonne M. de Mairan (a). Il penfe que cet éclat foible pourrait bien être occafionné par une immenfe athmofphere, femblable à celle qui environne notre foleil, ôc qui caufe la lumière Zodiacale dont la découverte eft due ^ comme fon fçait, à M. CaJJini : cette conjecture me paraît tout-à-fait heureufe ôc fatisfaifante. Après avoir vu dans le Ciel des étoiles qui ont paru & dif-ru, d’autres qui ont des périodes d’occultations ôc d’apparitions , il n’y aura plus que de quoi s’étonner médiocrement, fi nous y en trouvons qui paroifïènt avoir été inconnues à l’Antiquité j ôc d’autres qui femblent s’être éteintes depuis quelques fieclcs. A la vérité , on n’a pas des preuves bien complet-tes de ces derniers faits ; mais ft l’on rapproche tous les foup-çons que divers Aftronomes en ont formés en comparant d’anciens Catalogues aux nôtres , il en réfultera une efpece de corps de preuves qui rendra ces faits aflèz vraifemblables. Comme il feroit long de les raffembler ici, nous nous contentons de renvoyer au Catalogue des étoiles auftrales, de M. Hallei qui conjeCture plufîeurs de ces apparitions nouvelles ou dq ces obfcurcifTemens d’étoiles. Il faut encore confulter fur ce fujet un Mémoire de M. Maraldi, donné parmi ceux de l’Académie en 1708 , auffi-bien que divers écrits inférés dans les Tranf actions Philofophiques {%), qui contiennent plufîeurs obfervations pareilles. On doit lire enfin , pour s’inftruire pleinement de tout ce qui concerne ces phénomènes, fhiftoire des étoiles nouvelles qu’on trouve dans les TranfaCtions de l’année 1715 , ou bien celle que M. Cafjini a inférée dans fes Elémens d Aflronomie. Pour remplir toute l’étendue de notre objet, il faudroit ici dire quelque chofe des conjectures que les Phyficiens ont formées pour expliquer ces apparitions ôc ces occultations fi fin-gulieres. Je ne connois fur cela rien de plus ingénieux ôc de (a) Traité de l’Aurore Boréale, nouv. édit, feâ. v , p. z $-9. On trouve dans la fe&ion citée, plufîeurs exemples d’efpaces nébuleux répandus dans le Ciel, & entr’autres celui d’une étoile qui paroît être devenire nébu-leufe depuis M. Huyghens. (b) Voy. Tables des Tranf- p. 149, 1 jo. Ee ij Découvertes agronomiques 011 °fe ^ffe ClUe c’en fer°iC une bien 1Ó- lejun e a ^me ^ kjen raifonnable. Quoi de plus naturel à l’être peu- fant qui habite ce globe, que le delir de connoître l’étendue de cette portion de l’Univers qui lui a été affîgnée pour habitation. Mais nous ne nous en tiendrons pas à ce motif pour juf-tifier l’inquiétude ques les Aftronomes ont montrée , furtout depuis un fiecle ôc demi, pour mefurer la terre avec précilion. Il ne faut qu’être initié dans la Géographie pour fentir que cette mefure eft de la plus grande utilité, quelle eft enfin la bafe d’une Géographie parfaite. Quelles erreurs ne commct-troit-on pas dans les diftances d’une infinité de lieux dont les pofitions refpe&ives ne font déterminées que par des obfervations aftronomiques, fi l’on ne fçavoit quelle étendue répond à un certain nombre de degrés fur la terre. La navigation fait auffi un ufage prefque continuel de cette mefure. C’eft fur elle qu’eft fondée l'ejïime qui eft un des principaux élémens de cet art. On a déjà rendu compte , dans les endroits convenables, des efforts que firent autrefois les Grecs ôc les Arabes pour mefurer la terre. Mais les déterminations qu’ils nous ont tranfmifes n’étoient point capables de fatisfaire, dans des temps où l’on commençoit à afpirer à une grande exactitude. N’y eût-il eu que l’incertitude du rapport de nos me-fures aux leurs , ce feul motif eût exigé qu’on réitérât ces opérations, A plus forte raifon cela étoit-il néceftaire, lorf- DES M AT H É M AT IQ U E S. Part.JV. IV. 231 que par l’examen de leurs procédés, on étoit alluré qu’ils n’avoient pas mis dans cette détermination toute l’exaéài-titude ôc le foin qu’elle exigeoit. Le fameux Fernel, Médecin ôc Mathématicien dufeizieme fiecle , eft le premier des Modernes qui ait entrepris de déterminer de nouveau la grandeur de la terre. Il alla de Paris à Amiens , mefurant le chemin qu’il faifoit par le nombre des révolutions d’une roue de voiture, ôc s’avançant jufqu’à ce qu’il eut trouvé précifément un degré de plus de hauteur du pole ; ôc par-là il détermina la grandeur du degré, de 56746 toifes de Paris. Cette exaétitude feroit beaucoup d’honneur à Fernel, li elle étoit un effet de la bonté de fa méthode ; car on fçait aujourd’hui que ce degré eft de 57060 toifes environ : mais qui ne voit que ce fut feulement un heureux hazard qui l’approcha ft fort de la vérité, ôc à apprécier le procédé qu’il fuivit, qui auroit ofé le foupçonner ? On fut ainfi jufqu’au commencement du fiecle paffé fans mefure de la terre3 fur laquelle on pût faire quelque fonds. Ce motif engagea alors divers Aftronomes à y procéder d’une maniéré plus géométrique ôc plus exacte. Snellius commença ÔC donna l’exemple. Il eft Auteur d’une excellente méthode pour mefurer en toifes la longueur d’un grand arc du méridien. Comme elle eft la bafe de toute cette opération, ôc qu’elle a été employée par les Académiciens François qui ont déterminé dans le dernier fiecle ôc dans celui-ci la grandeur ôc la figure de la terre , nous allons l’expliquer. Qu’on imagine aux environs de la méridienne, une fuite de lieux éminens, comme des montagnes , des tours, A, B, C, D , ôcc. On releve avec un inftrument fort exa Aftronomes, de fe préparer à obferver Mercure fous le foleil le 7 Novembre de l’année 1631. Il annonçoit un pafîàge femblable de Vénus pour le 6 Décembre de la même année. A la vérité, ce dernier devoit arriver durant la nuit à l’égard de l’Europe ; mais Kepler ne fe tenoit pas affez alluré de fes calculs , pour ofer prononcer qu’il ne feroit pas vifible dans cette partie de la terre. Un grand nombre d’Aftronomes fe tinrent prêts à I’ob-fervation de Mercure ; mais peu furent aftez heureux pour la faire. Tous ceux qui fe contentèrent d’introduire dans la chambre obfcure l’image du foleil, comptant y appercevoir Mercure, furent fruftrés de leur attente. Il n’y eut que ceux qui fe fervirent du Télefcope pour contempler immédiatement le foleil, ou pour former fon image, qui apperçurent cette petite planete. Tels furentGaffendi à Paris, le P. Cyfatus à Infpruk, Jean Remus Quietanus, Médecin ôc Mathématicien de l’Empereur Mathias, en Alface, ôc un Anonyme (a) Mercurius in foie 3&c, Lipf. 1609, in-40. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IV. 237 à Ingolftadt. Nous ne connoiflons aucunes circonftances des obfervations des trois derniers. C’eft pourquoi nous nous bornerons au récit de celle de Gaffendi. Peu s’en fallut que le mauvais temps ne privât l’Aftronome François du plaifir d’une obfervation li rare ôc fi nouvelle. Le ciel fut couvert tous les jours precedens ; enfin celui qui étoit annoncé par Kepler étant venu, les nuages cefterent. Gaffendi qui guétoit l’inftant où il pourroit appercevoir le foleil, tourna aufiitot fon T éîefcope vers cet aftre , ôc n’y apperçut qu’une petite tache noire ôc ronde, déjà aftez avancée fur fon difque. La petitefte extrême de cette tache lui fit d’abord croire que ce n’étoit point Mercure ; car on s’at-tendoit à lui trouver une ou deux minutes de diametre apparent : mais, peu de temps après, la rapidité de fon mouvement ne lui permit plus de méconnoître la planete qu’il attendoit fous le foleil, ôc il fe hâta de déterminer fa route fur le difque de cet aftre avec l’inftant ôc l’endroit de fa fortie. Il trouva que fon centre étoit fur le bord de ce difque à dix heures, vingt-huit minutes du matin , ôc il détermina la conjonćtion à fept heures cinquante-huit minutes, dans le quatorzième degré trente-fix minutes du Scorpion. Il conclud le moment de l’entrée à cinq heures vingt-huit minutes du matin, ôc le lieu du nœud voifin au quatorzième degré cinquante-deux minutes du figne ci-deflùs , au lieu du quinzième degré ôc vingt minutes où le plaçoit Kepler. Gaf- [a) Le célébré Gaffendi naquit en 1^92, dans le territoire de Digne , d’un pere qui n’étoit qu’un bon payfan , & qui ne le vit pas fans peine fe jetter dans la carrière des Sciences. Apres plufieurs années de féjour à Aix & à Digne , où il avoit un Canoni-cat, il vint à Paris , où il fe fit une grande réputation. Le Cardinal de Richelieu le força en 1640, malgré Ces refus, à accepter une Chaire de Profeffeur Royal qu’il remplit jufqu’en 16 j- f, qui fut l’année de fa mort. Tout le monde fçait que Gaffendi travailla à relever de fes cendres la Philosophie Epicurienne , non cette Philofcphie impie qui attribue au hazard l’origine de l’Univers & de tous les êtres, mais cette Lhilofophie qui admet les atomes, le vui-de, &c. & dont plufîeurs dogmes paroifî- fent allez conformes à ceux de la Phyfique moderne. Mais ce n’eft pas ici le lieu d’en dire davantage fur ce fujet. Les principaux écrits Mathématiques & Aftronomiques de Gaffendi font les fiiivans. De Apparente magnit. Jolis humilis & fublimis, Epift. 4. Op.T. m. InJUtutio AJlron. ann. 164p. edita. Op.T. iv. De rébus celefibus comm. feu obf» ab anno 1618. ad ann. 16 f 2. habita. Ibid. De Mercurio in foie vifo & ven. invifâ j epijl. ad Schik. cum refponfo. 1631. Par. in-4®. Op. T. ni. De novem Jlellis circa Jovem vifs à P. P luit a. Ibid. Prop, Gnom. ad umbram folftit. Maffilia obf Ibid, Ad P. Cafraum de accelerat, gravium epif. 3. T. iv. Vit a Purbachii , Tychonis, Co-pernici3& Regiomontani. 1655. Hag. in-40» Op, T, y.Epifola varia. T. VJ. 238 . HISTOIRE jeudi mefura enfin le diametre apparent de Mercure , ôc fie l’eftima que de vingt fécondés. Il forma dès-lors la conjecture que celui de Vénus n’excédoit pas de beaucoup une minute ; ce que l’événement vérifia en 1639. A l’égard de Vénus dont nous avons vu que Kepler annonçoit le paffage pour le 6 de Décembre de la même année, il n’arriva pas, ou du moins il ne fut pas vifible dans ces contrées. Gajjendi l’attendit plufieurs jours inutilement; c’eft pourquoi il intitula le récit qu’il fit de fon obfervation, de Mercurio in joie vijo & Venere invijâ. Cet écrit parut en 1632, avec une ré-ponfe fçavante de Schickard (a). On fera peut-être étonné de ne point trouver Kepler parmi les Obfervateurs de Mer* cure. Cet homme célébré n’eut pas même le plaifir de fçavoir fi fon calcul étoit exaét. Il étoit mort l’avant-veille du jour qu’il avoit annoncé pour cette obfervation. Quel regret pour un Aftronome qui a fon art à cœur, de quitter la vie dans pareille circonftance ! Le phénomène dont nous' venons de parler, arriva de nouveau en 1651 : mais il ne fut obfervé que d’un feul mortel. On vit à cette occafion un exemple d’un grand zele pour l’avancement de l’Aftronomie. Jérémie Shakerley Anglois , ayant calculé le moment du pafîàge de Mercure lous le difque du fo-3 leil, Ôc ayant trouvé qu’il ne feroit vifible qu’en Afie, s’embarqua pour y aller, ôc l’obferva en effet à Surate le 3 Novembre à fix heures quarante minutes du matin , c’eft-à-dire à 1 h. 58 m. après minuit pour le méridien de Paris. Il informa les amis qu’il avoit en Europe, de fon obfervation , ôc c’eft d’eux que nous la tenons. Car il mourut aux Indes, vidtime de fon amour pour l’Aflronomie. Depuis ce temps les Aftronomes ont été témoins de plufieurs autres pafîages femblables: il y en a eu en i66i9 1(577, 1690, 1697, 1707, 1723,, 1736, 1740, 1743, ôc prefque récemment le 6 Mai 1753. M. Delijle publia à cette occafion un avertif-fement aux Obfervateurs, qui mérite d’être lu. Ce fçavant Aftronome nous y a promis un Traité complet de ces fortes (<2) Schickard , ProfelTeur de Mathéma- été recueillies par Lucius Barretus, ou AI-tiques & des Langues Orientales à Tubin- bert Curtius, & inférées dans Ion Hifl. Ce-ge, étoit un Obfervateur adroit & éclairé, lejłis, à la fuite de celles de Tycho, p. 913. Il mourut en 16335 lès obfervations ont DES M AT HÉMATIQUES. Part.IV. IV- 9 _/TL_ ' :i J __n______i r____• de paffages, où il doit raflembler toutes les obfervations qui en ont déjà été faites. On ne peut qu’applaudira ce deffein, ôc délirer qu’il ait une prompte exécution. Les mêmes raifons qui failoient defirer aux Aftronomes de voir Mercure fous le foleil, rendoient auffi un pafîàge de Vénus fous cet aftre, très-importai 77 ' " ' ' obfervé, ôc Kepler ayant prononcé qu’il n’y en auroit point d’autre durant tout le refte du fiecle , les Aftronomes laif-foient à leurs fuccefteurs le plaifir de ce rare fpeCtacle. Kepler fe trompoit néanmoins, ôc ce fut un jeune Aftronome confiné dans le fond de l’Angleterre, prefque deftitué de fecours ôc d’inftrumens , qui s’en apperçut, ôc qui fît cette obfervation encore unique jufqu’à nos jours. Il fe nommoit Horoxes. Né dans le Comté de Lancaftre de parens peu riches, il avoit pris le goût de l’Aftronomie vers 1633. Mais deftitué de fecours ôc de Livres, il commençoit à fe rebuter^ lorfqu’il fit connoiïlànce avec un autre jeune Aftronome de fon voifinage, nommé Guillaume Crabtree, qui éprouvoit prefque les mêmes difficultés. Le commerce de Lettres qu’ils lièrent fur des matières aftronomiques, leur donna à l’un ôc à l’autre un nouveau courage. Ils le procurèrent des Livres ÔC des inftrumens, ôc aidés des feules lumières qu’ils fe commu-niquoient mutuellement, ils firent d’importantes corrections dans la théorie des planetes. Horoxes avoit été d’abord féduit par les magnifiques promefTes de Lansberge , ôc les pompeux panégyriques de quelques adulateurs, qu’on lit à la tête de fon ouvrage. Le premier fruit de fa liaifon avec Crabtree fut de concevoir de grands foupçons contre cet Aftronome , ôc ils fe trouvèrent bientôt en certitude : il vit que fes hypothefes étoient vicieufes , que les obfervations fur lefquelles il les appuyoit, étoient ou falfifiées, ou pliées d’une manière qui approchoit de la mauvaife foi ; enfin que Kepler ôc Tycho-Brahé étoient injuftement ôc indignement dégradés. Il revint à ces deux reftaurateurs de l’Aftronomie, dont il fît une excellente apologie contre Lansberge (a), ôc adoptant les idées de l’année 1631 : mais comme lieu, ou il ne fut pas vifible ei (a) Voy. Horoccii opera pojlhuma vid. Aflronomia Keppleriana defenfa & promota. 24o HISTOIRE Kepler, il ne s’attacha plus qu’à redbifier fa théorie dans les points où elle étoit encore défeétueufe. Il fit entr’autres diverfes remarques très-importantes fur la théorie de la lune , ôc l’hypothefè qu’il propofa pour fatisfaire à fes mouvemens, a paru à M. Flamfleed la plus exaète qui eût encore été imaginée; de forte que ce célébré Aftronome n’a pas dédaigné de calculer les Tables qu'Horrocius n’avoit pas eu le temps de dreffer d’après fon hypothefe (a). On en parlera en rendant compte des efforts des Aftronomes pour perfectionner cette théorie. Revenons à l’obfervation célébré que nous avons annoncée plus haut. Ce fut un hazard qui donna lieu à Horoxes de s’appercevoir que la conjonction inférieure de Venus qui devoit arriver vers la fin de i <£39, feroit vifible. Ayant remarqué que les Tables de Lansberge, quoique fort défeCtueufes à d’autres égards, l’an-nonçoient telle, il voulut examiner ce que donnoient celles de Kepler; Ôc il trouva, à fon grand étonnement, qu’elles l’annon-çoient aufîi comme vifible pour le 4 Décembre, nouveau ftyle. En ayant égard à quelques corrections qu’il avoit trouvé né-ceffaires, il détermina le moment de la conjonction à cinq heures cinquante-fept minutes du foir du 4 Décembre, avec une latitude auftrale de dix minutes. Il informa aufîî-tôt fon ami Crabtree de cette importante découverte , ôc pour lui il fe mit à obferver le foleil dès la veille du jour annoncé par le calcul : enfin le foir de ce jour , comme il retournoit de l’Office Divin , dont la décence, dit-il, ne lui permettoit pas de s’abfenter pour un pareil fujet, il vit Venus qui ne venoit que d’entrer dans le difque du foleil dont elle touchoit le bord. Il étoit alors trois heures quinze minutes du foir. Il mefura auffi-tôt la diftance de Venus au centre du foleil, ce qu’il réitéra à diverfes reprifes durant le peu de temps qu’il put jouir de ce fpećtacle. Car le foleil fe coucha à trois heures cinquante minutes , de forte que la durée de l’obfervation ne fut que de trente-cinq minutes. L’ami & Horoxes la fit auffi, ôc ce font jufqu’ici les feuls mortels qui ayent vu Venus dans ces cir-conftances. Excerpta ex epiflolis ad Crabtrctum, Obfer- trïbe, & numeris lunaribus ad novum lunes vatwhum Catalogus : lune theoria nova j JyJlema Horoccù, Lond. 1678. in-40,, una cum Crabtrei obfervationibus 3 nec non (a) Voyez l’ouvrage précédent. Joąnnis Elamjleedii de eyuat, temporis dia-_ Quoique DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IV. 241 Quoique le lieu où obfervoit Horoxes , ne lui ait permis de jouir du fpeCtacle de Venus fous le foleil, que bien peu de temps, l’Aflronomie n’a pas laiffé de tirer un grand fruit de cette obfervation. Il détermina en effet par fon moyen avec beaucoup plus d’exaCtitude qu’on n’avoit encore fait, la pofition des nœuds , ôc divers autres élémens du mouvement de cette Planete. Il trouva d’abord que la conjonction étoit arrivée à cinq heures cinquante-cinq minutes du foir, au lieu de cinq heures cinquante-fept minutes , que donnoit le calcul, 6c que la latitude de Venus à ce moment n’avoit été que de huit minutes trente-une fécondés , au lieu de io', d’où il conclut qu’il falloit placer les nœuds au 130. 22'. 45^ du Sagittaire ôc des Gémeaux , au lieu de 13 0. 31'. i3/y, où les plaçoit Kepler ; que l’inclinaifon de l’orbite à l’écliptique étoit de 30. 24' ou 25' ; enfin que de toutes les Tables alors connues, les Rudol-phines étoient celles qui approchoicnt le plus de la vérité. Horoxes écrivit fur ce fujet un excellent Traité intitulé: Venus in foie vifa, auquel nous renvoyons pour le furplus des confé-quences qu’il tire de fon obfervation. Il n’eut pas le plaifir de le publier ; il finiffoit à peine de le mettre en ordre , qu’il mourut prefque fubitement le 15 Janvier de l’an 1641. Ce précieux ouvrage, 6c divers autres écrits d’Horoxes, refterent près de vingt ans enfouis dans l’obfcurité, jufqu’à ce qu’ils tombèrent dans les mains d’une perfonne capable de les apprécier. Huyghens fe procura une copie du Traité ci-deffus, 6c en fit part à Hevelius, qui le fit imprimer en 1661, avec fon obfervation du pafîàge de Mercure arrivé cette année. Ce qu’on a pu tirer du refte de ces précieux écrits, a vu le jour en 1678 , par les foins du D. Wallis, 6c de la Société Royale de Londres. Quant à Crabtree, il fuivit de près fon ami, également à la fleur de fon âge. Il périt, à ce qu’on conjecture, de même que Gafcoigne auquel les Anglois attribuent la première invention du Micromètre, dans les guerres civiles qui défolerent l’Angleterre vers ce temps. Depuis l’année 1639, il n’eft point arrivé de phénomène femblable que les Aftronomes ayent pu obferver. Mais dans peu d’années, c’eft-à-dire en 1761 (le 2 6 Juin ) 011 jouira de nouveau de ce fpectacle ; 6c comme il y a aujourd’hui des Obfervateurs répandus fur toute la furface de la terre , on peut Tome IL H h 24* HISTOIRE être afïuré que ce paffage de Venus fous le foleil fera vu d'uff grand nombre d’endroits. Outre l’utilité dont il fera pour déterminer avec encore plus de précifîon quelques élémens de la théorie de cette Planete , il fervira à trouver avec une exaèbitude à laquelle aucune autre méthode ne fçauroit atteindre , la parallaxe du foleil & fa diftance à la terre. M. Hallei a donné pour cela dans les Tranf. Phil. ( ann. 1716.) une méthode dont voici l’efprir. Chacun fçait que la diftance de Venus à la terre dans fa conjonction inférieure , n’eft qu’environ le quart de celle du foleil ; d’où il fuit que fa parallaxe eft alors quadruple de celle de cet aftre. Qu’on fuppofe à préfent un fpeCtateur qui obferve le paflage de Venus , d’un lieu tellement fîtué que l’entrée &: la fortie arrivent à peu près à la même diftance de Midi ; le mouvement de ce fpeCtateur oc-cafionné par la rotation de la terre , & qui fe fera en fens contraire de celui de Venus, raccourcira la durée de fa demeure fur le difque du foleil, d’un peu moins que le double du temps que Venus employeroit à parcourir par fon mouvement propre un arc égal à fa parallaxe. M. Hallei trouve qu’en fuppo-fant la parallaxe du foleil de douze fécondés, ce raccourcifïe-ment de durée fera d’environ onze minutes. Au contraire, fi l’on obferve le paffage deVenus d’un lieu tel, qu’on apper-çoive fon entrée vers le coucher du foleil, &; fa fortie vers fon lever, ce qui pourra fe faire en quelques lieux de l’Amérique Septentrionale, le mouvement de Venus fur le foleil fera retardé à l’égard de rObfervateur terreftre, dont le mouvement fe fera vers le même côté , ô£ ce retardement fera durer le paf-fage entier d’une fixaine de minutes de plus que fi cet Obfer-vateur, placé au centre de la terre, eût été immobile. Ainfi voilà dix-fept minutes de différence entre les durées du paf-fage obferve de ces deux lieux ; il n’en faut pas davantage à ceux qui eonnoiffent la précifion des Obfervateurs modernes , pour voir qu’on pourra déterminer par ce moyen , à une très-petite erreur près, la parallaxe du foleil- Nous renvoyons le lecteur curieux de plus grands détails à l’écrit de M. Hallei. Le raifonnement qu’on vient de faire à l’égard de Venus, on le peut faire à l’égard de Mercure , à cela près que la parallaxe de cette derniere Planete étant beaucoup moindre, ôs DES M AT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv. IV. 243 fon mouvement plus rapide, il ne peut pas y avoir à beaucoup près une aulîi grande inégalité entre les durées de fes paf-fages au devant du foleil obfervés de différens lieux de la terre. M. Delijle comptait néanmoins en publiant fon aver-tiffement fur le dernier paffage de Mercure , pouvoir s’en fer-vir pour déterminer la parallaxe du foleil, en attendant que celui de Venus fervît à le faire avec encore plus de précifîon. Mais il y a recontré des obftacles phyliques dont il eft à propos que les Obfervateurs foient avertis avant le phénomène qu’on attend en 1761. C’eft que le vrai diametre apparent du foleil paroît continuellement augmenté d’une couronne lumi-neufe, ôc variable fuivant la couleur ôc l’opacité des verres dont on fe fert, tandis que celui de la Planete qui le parcourt, eft au contraire diminué par une femblable couronne lumi-neufe qui anticipe fur elle ; ce qui donne lieu à quelques phénomènes particuliers qui rendent l’entrée ôc la fortie de cette Planete, incertaine pendant quelque intervalle de temps. Nous devons à M. de Barros, Gentilhomme Portugais, la remarque ôc l’explication de ces phénomènes , qu’il a données dans un écrit lu à l’Académie des Sciences, ôc publié en 1753. II en réfulte que pour l’obfervation exa&e de la durée de ces paflàges , il eft néceftaire de quelques attentions fur lefquelles cet ingénieux Obfervateur, aufli-bien que M. Delifle, ne font pas encore entièrement fatisfaits ; Ôc c’eft à fixer cette incertitude qu’ils travaillent aujourd’hui. L’avertiftèment que M. Delijle doit publier au fujet du paflage prochain de Venus, ôc qui ne doit pas tarder à paroître, inftruira les Aftronomes des précautions qu’ils doivent prendre à cet égard. VIII. On peut divifer l’Aftronomie en deux parties, l’une purement Mathématique, l’autre Phyfique ; l’une qui travaille à repréfenter ôc à affujettir au calcul les mouvemens céleftes , l’autre qui tâche d’en affigner les caufes ôc le Méchanifme. Il n’y a proprement que la première qui foit de notre plan , ôc nous pourrions par cette raifon légitimement nous difpenfet Rentrer dans l’examen du fyftême Phyfico-Aftronomique de defcartes > qui appartient tout entier à la fécondé. Mais la cé- Hh ij De VAflronO-mie-Phyfique de Defcartes. 244. HISTOIRE lébrité de ce fyftême nous impofe en quelque façon la loi d’en parler 5c de le difcurer. Sans entrer dans le détail du Roman phyfique de Defcartes , j’appelle ainfi la maniéré dont il conçoit la formation de fes trois élémens, je me borne à dire qu’il fait de notre fyftême planétaire comme un vaftc tourbillon au milieu duquel eft le foleil. Les diverfes parties de ce tourbillon fe meuvent avec des vîteftès inégales , 5c entraînent les Planetes qui y font plongées , 5c qui y nagent dans des couches d’une den-fité égale à la leur. Les Planetes qui ont des Satellites, font elles-mêmes placées au centre d’un tourbillon plus petit qui nage dans le grand. Les corps plongés dans ce petit tourbillon , font ces Satellites , 5c s’y meuvent fuivant les mêmes loix que les Planetes principales autour du foleil. Tel eft en peu de mots le fyftême célefte de Defcartes : rien n’eft plus fimple,plus intelligible , 5c plus fatisfailant du premier abord ; de forte qu’on ne doit point être furpris que l’idée en ait extrêmement plu à fon Auteur , 5c qu’elle ait même encore aujourd’hui des partifans qui aient peine à s’en détacher. Mais ce n’eft pas toujours fur ce premier coup d’œil qu’on doit fe déterminer en faveur d’une opinion phyfique. Il faut qu’une hypothefe fatisfaftè aux phénomènes ; c’eft-là la pierre de touche à laquelle il faut l’éprouver ; 5c nous le di-fons avec regret, celle de Defcartes ne foutient pas cette épreuve. Les remarques fuivantes vont le montrer. i°. On fçait que les mouvemens des Planetes font elliptiques ; il faut donc que les couches des tourbillons le foient aufii. Mais quelle en fera la caufe ? Defcartes l’attribue à la comprefiion des tourbillons voifins. Si cela étoit, il faudroit que toutes les orbites des Planetes fuftent alongées du même côté ; ce qui n’eft pas. Il y a plus, il femble que le foleil devroit occuper le centre commun de toutes ces orbites, 5c non un de leurs foyers. Enfin il eft évident que fi cet alonge-ment des tourbillons, étoit l’effet de la comprefiion latérale des tourbillons voifins , la matière célefte qui circuleroit près du centre s’en reffentiroit le moins ; de forte que l’orbite de Mercure feroit la moins excentrique de toutes. Or c’eft tout le contraire ; ainfi il eft néceftaire de rejetter entièrement ce méchanifme. Ł DES M AT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. IV. 245 20. Quoique Defcartes ne s’explique pas politivement fur ce qui entretient ce mouvement de tourbillon , il eft aftez évident qu’il a penfé , ou que la révolution de la planete centrale en étoit la caufe, ou au contraire que ce mouvement étoit celle de la circonvolution de cette planete. Mais on va faire voir qu’on ne peut dire ni l’un ni l’autre. En effet, il eft d’abord facile d’appercevoir que toutes les planetes de-vroient faire leur révolution dans l’équateur , ou parallèlement à l’équateur de la planete centrale. Or, on fçait qu’il n’y en a aucune parmi les principales , qui n’ait fon orbite inclinée à l’équateur folaire ; la lune tourne auffi autour de la terre, fans paroître avoir aucun rapport phyfique à l’équateur terreftre. En fécond lieu, fi la rotation de la planete centrale produifoit le mouvement de tourbillon, ou en étoit produite, la couche du tourbillon contigu à la planète, auroit la même vîteffe quelle ; ce qui ne fçauroit fe concilier avec la fameufe loi de Kepler. Le calcul en eft facile à faire : l’on trouve , par exemple, que pour que cette loi eut lieu, la vîteffe de la couche contigue au foleil devroit faire fa révolution en un tiers de jour environ : cependant le foleil ne fait la fienne qu’en 27 jours êt demi; la rotation devroit donc être accélérée, jufqu’à ce qu’il eût pris un mouvement convenable à la loi du tourbillon, ou bien il la détruiroit. Les planetes qui ont des fatellites autour d’elles, comme la terre, Jupiter ôc Saturne, fourniffent des objećfcions encore plus in-folubles, parce qu’elles ne laiftent lieu à aucun fubterfuge , tel que quelque partifan obftiné des tourbillons pourroit en imaginer pour affranchir le foleil de cette communication du mouvement. 30. Les Phyficiens qui, à l’aide de la Géométrie ôc d’une faine théorie d’Hydrodynamique , ont examiné le mouvement que pourroit prendre un tourbillon , n’ont jamais pu le concilier avec la regle de Kepler. M. Newton a traité cette matière à la fin du fécond Livre de fes principes, ôc trouvoit que dans un tourbillon cylindrique, c’eft-à-dire engendré par tm cylindre tournant rapidement autour de fon centre , les temps périodiques des couches devroient être comme les diftances à l’axe, ôc que dans le tourbillon fphérique, c’eft-à-dire engendré par le mouvement d’une fphere centrale, les temps ij.6 HISTOIRE périodiques des couches feroient comme les quarrés des diftances aux centres , tandis que fuivant la loi de Kepler , ils devroient être comme les racines quarrées des cubes de ces diftances. Il eft vrai que M. Bernoulli {a) a remarqué dans la fuite, que M. Newton n’avoit pas eu égard dans cette détermination à quelques élémens qui dévoient y entrer , 6c il a cru trouver que les couches d’un tourbillon fphérique dans lequel on fuppoferoit la denfité en raifon inverfe de la racine quar-rée de la diftance au centre , auroient des mouvemens tels que les quarrés des temps périodiques feroient comme les cubes des diftances (a). Il explique auffi l’excentricité des planetes par un mouvement d’ofcillation combiné avec le mouvement circulaire du tourbillon. Mais M. à'Alembert examinant avec foin le calcul de M. Bernoulli, a trouvé (b) que ce grand homme s’étoit trompé en négligeant une partie conf-tante d’intégrale, qui change totalement le réfultat. Or, en ayant égard à cette confiante, il montre qu’un tourbillon, foit cylindrique, foit fphérique, ne fçauroit fubfifter, à moins que toutes les couches ne faflent leurs révolutions dans le même temps , êe qu’il ne foit infini, ou bien circpnfcrit par des bornes impénétrables, comme feroient les parois d’un vafe. On peut encore renverfer tout l’édifice de M. Bernoulli par une remarque qu’ont faite MM. Daniel Bernoulli ê£ àlA-lembert. C’eft que pour qu’un tourbillon de matière fluide puifle fublifter, il faut que la force centrifuge d’une partie quelconque de volume donné, prife dans quelque couche que ce foit * ne foit pas plus grande que celle d’une partie égale prife dans la couche fupérieure. Ce ne feroit point aftez, comme quelques Philofophes partifans des tourbillons l’ont penfé , que l’eftort total d’une couche ne l’emportât point fur l’effort total de celle qui la fuit ; car fi l’on mettoit dans un vafe des fluides diverfement mélangés, fuffiroit-il que la pefanteur totale d’une couche ne furpaftat point celle de l’inférieure, pour que cet ordre fût permanent ? non, fans doute ! Aucun Hydroftaticien ne disconviendra que s’il y a inégalité dans quelque endroit, la portion prévalente de la couche fupé- (a) Nouvelles penfées fur le fyftême de Defcartes} Difcours couronné par l’Académie en 17 30. f) Traité des Fluides, p„ 3 8 ; & fuiv. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part, IV. Liv. IV. 247 fleure enfoncera l’inférieure, êt ne ceftèra de defcendre, qu’elle n’ait trouvé une réfiflance égale. Ainfi il en doit être de même dans l’hypothefe des tourbillons. Or dans celui de >M. Bernoulli, fi nous négligeons l’inégalité de denfité * nous trouvons que l'effort centrifuge croît réciproquement comme le quarré du rayon ^ &: fi nous avons égard à la denfité qu’il fuppofe en raifon réciproque de la racine de la diftance au centre, on trouve que cet effort centrifuge eft en raifon inverfe de la puiftance du rayon dont l’expofant eft f. D’où il eft évident que cet effort va toujours en croiftant de la circonférence au centre. C’eft comme fi l’on prétendoit arranger dans un vafe plufieurs fluides d’inégale pefanteur fpécifique, de maniéré que le plus léger occupât le fond. Quand même les couches iroient en décroiflant de volume , afin que l’effort total de chacune ne l’emportât point fur celui d’une autre , rien n’em-pêcheroit le mélange. La plus pefante fpécifiquement iroit au fond, à moins que ce ne fuftent des fluides d’une très-grande ténacité. M. Bouguer (aj nous fournit deux autres objections puiflan-tes contre le fentiment de M. Bernoulli. La première eft celle-ci. En faifant tourner une couche fphérique du tourbillon comme il le fuppofe, on établit une forte d’équilibre entre les différentes parties du tourbillon , dans le fens du rayon du parallele , ou fi l’on veut, du rayon même du tourbillon. Mais il n’y en a aucun dans la direction perpendiculaire à ce rayon. Toutes les parties tendent à remonter vers l’équateur fans être contrebalancées par un effort contraire ôc égal; ce qui ne peut manquer de mettre le défordre dans ce tourbillon , 6c de le détruire. Il femble même fuivre delà qu’un tourbillon fphérique eft abfolument impofîîble. Aufii ce paroît être le fentiment de M. d'Alembert dans l’ouvrage que nous avons cité plus haut. La fécondé des objections dont nous venons de parler , regarde la maniéré dont M. Bernoulli conçoit que ies planetes décrivent des orbites elliptiques. M. Bouguer Contre dans un Mémoire inféré parmi ceux de l’Académie C? i73 i 9 ftue les deux portions de courbe que décriroit la P anete par fes ofcillations de l’Aphélie au Périhélie, ne fçau-toient être égales 6c femblables. » % ^ ^ ntretiens fur l'ïnclinaifon des orbites des Planetes. Eclair, p- 89 . 243 HISTOIRE On a encore de M. Bernoulli une autre piece que celle que nous avons citée plus haut, ôc dans laquelle en admettant les tourbillons cartéfîens avec les changemens imaginés dans la première, il prétend déduire l’inclinaifon des orbites de* planetes à l’équateur folaire, des feules loix de l’impulfîon communiquée à ces planetes par le tourbillon. Mais comme il y admet, ôc même qu’il eft néceffaire qu’il prenne pour principe , que chaque planete , la terre par exemple, eft un fphéroïde alongé , ce qui eft contraire aux obfervations modernes, nous croyons inutile de nous y arrêter. M. Leibnią> dans un écrit inféré dans les Aéles deLeipfîdk, Ôc intitulé Tentamen de motuum celcflium caufis, tentoit de concilier les tourbillons avec les phénomènes d’une autre ma-niere. Il fuppofoit dans les différentes couches du tourbillon, une vîtefTe en raifon réciproque des diftances , ôc enfuite combinant la tranflation circulaire de la planete dans ces différentes couches , avec fa force centrifuge ôc une force centrale qui la pouffoit ou l’attiroit vers le foleil , il réuffiffoit à montrer que fi cette derniere étoit en raifon inverfe du quarré de la diftance, la planete décriroit des aires égales en temps égaux, ôc une ellipfe ayant le foleil à fon foyer. Mais il y a contre ce fyftême autant de difficultés à oppofer que contre le précédent. Premièrement, un tourbillon tel que le conçoit M. Leib-nią, ne fçauroit fubfifter ; car la force centrifuge de chaque particule de matière, y croîtroit à mefure qu’on s’approche-roit du centre. i°. Ce méchanifme fatisfait, à la vérité, au mouvement d’une Planete feule confîdérée dans les diverfes parties de fon orbite. Mais fi l’on compare deux Planetes différentes , on trouvera que la loi de Kepler exige une circulation différente de celle que fuppofe M. Leibnią. Il faudroit que le tourbillon fût comme partagé en diverfes couches d’une épaifïeur confidérable, ôc ifolées entr’elles ^ dans chacune defquelles les vîteffes moyennes feroient réciproquement comme la racine quarrée de la diftance , tandis que les diverfes couches de chacune auroient des vîteffes réciproques aux diftances elles-mêmes. Or cela ne fçauroit être admis, à moins d’introduire dans la Phyfique la licence des hypothe-fes les plus arbitraires. 30. Je remarque encore que le tourbillon DES M AT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. IV. 249 bilion fuppofe par M. Leibniteft entièrement inutile. Car la feule force centrifuge qu’il emploie, avec ce qu’il appelle Veffort paracentrique de la Planete qui n’eft que 1’attraClion Newtonienne dèguifée , fuffit pour faire décrire des orbites eL-Üptiques. Nous n’accumulerons pas davantage de réflexions contre le fyftême des tourbillons. Celles que nous venons de faire ne nous paroiflènt laiffer aucune réponfe aux partifans de ce fyftême. Quelqu’arrangement qu’on imagine dans les couches &C dans les vîteffes de ces tourbillons, on ne peut venir à bout de les concilier avec toutes les loix de l’Hydroftatique de de la Méchanique. En vain MM. Villemot (a) , de Molieres (b) > de Gamaches (c), de prefque récemment l’Auteur de la Théorie des Tourbillons (d), partifans célébrés de ce fyftême , ont-ils épuifé tout leur art à en combiner les parties, à imaginer de nouveaux mouvemens, à fe corriger les uns les autres , à prévenir enfin les objections de à y répondre, c’eft un édifice que toute l’habileté de fes Architectes ne peut foutenir. Tandis qu’on le répare d’un coté , il menace ruine de croule effectivement d’un autre. 5°. Mais admettons pour quelques inftans, que le fyftême des tourbillons fût compatible avec les phénomènes que nous obfervons, de les loix connues de la Méchanique, fa caufe n’en feroit guere meilleure. Nous avons des preuves pofitives, qu’on ne fçauroit admettre dans les efpaces céleftes aucune matière réfiftante, du moins fenfiblement. Il eft certain aujourd’hui que les Cometes traverfent ces efpaces dans tous les fens, fans éprouver dans leur mouvement aucune altération apparente ; c’eft ce qu’on établira en rendant compte du fyftême moderne fur ces aftres d’une efpece finguliere ; de cela eft fi bien reconnu , que depuis prefque le commencement de ce fiecle, tous les partifans des tourbillons n’ont rien oublié pour ôter à la matière dont ils les compofent, toute réfiflance {e). [a] Nouvelle explication du mouvement (d) Paris, 175-3. **es Planetes. Lyon. 1700. (e) Voyez M. Bernoulli, dans les Pièces . (*) Leçons de Phyfique. Paris, 1753. citées; M. de Moliere, Leçons Pbyfiques , Lee. v; M. de Gamaches, AJlron. Phyf 'ffc\ AJlron. Phyfique, &c. Paris, 1740. &c. ve Dijf. Tome IL li Longomonta-nus, 2 jo HISTOIRE Ils ont imaginé pour cet effet, les uns un fluide infiniment peu denfe, les autres un fluide infiniment divifé , ôc ils ont cru fatisfaire pleinement à l’objeéfcion. Mais , à notre avis , rien n’efl: plus foible, ôc plus mal combiné que cette réponfe* En admettant leur fuppofition, fçavoir que ce fluide ne réliftera pas, ou ne réfiftera qu infiniment peu, de quel ufage peut-il être, ou pour imprimer aux Planetes le mouvement qu’ils en dérivent , ou pour en déduire la caufe de la pefanteur ? Un fluide qui ne réfifte point, ou infiniment peu, n’eft capable que d’une aébion infiniment petite. Quant à la prétention de ceux qui veulent qu’un fluide infiniment atténué ne préfentera aucune réfîftance aux corps qui le traverferont, indépendamment de la réponfe ci-deffus, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que rien n’eft plus gratuit ôc plus contraire aux loix de la Méchanique. Ces loix nous apprennent que la réfiftan-ce, tout le refte étant égal, eft proportionnelle à Ja mafie à déplacer, quelle que foit fa figure ôc fa divilion. Sur cela nous indiquerons , afin d’abréger, les excellentes réflexions de M. Bouguer dans fes Entretiens fur la caufe de linclinaifon des orbites des Planetes. I X. Avant que de terminer ce Livre, il nous faut faire mention de quelques Aftronomes dont nous n’avons rien dit encore. Nous commencerons par Longomontanus (coo<.>t par une fimple analogie les portées correfpondantes aux autres angles d’inclinaifon. Comme Galilée s’étoit borné à déterminer l’étendue horizontale des jets , Torricelli alla dans la fuite plus loin , 6c il détermina cette étendue prife fur des lignes inclinées à l’horizon. Il trouva auffi fur ce fujet une ptopofition extrêmement curieufe , que nous rapporterons en parlant de ce difciple célébré de Galilée. Quelques Sçavans °nt depuis encore étendu 6c développé davantage cette théorie. Nous les faifons connoître dans la note fuivante (a). (4 Voyez le Livre de M. Blondel, intitulé l'Art de jetter les Bombes. ( 16 8 j. in-40. ) LI ij 268 HISTOIRE Il y a une troifieme branche de la théorie des mouvemens accélérés , qui n’eft pas moins importante que la précédente : c’eft celle du mouvement des pendules qui nous fervent aujourd’hui fi heureufement à mefurer le temps avec précifîon* Nous en devons encore la première idée à Galilée (a). Doué dès fa plus tendre jeuneffe de l’efprit d’obfervation , il avoit dès-lors obferve leur ifochronifme , c’eft-à-dire , que le même pendule faifoit fes vibrations grandes 6c petites dans le même temps. Il avoit auffi déjà remarqué que deux pendules inégaux mis en mouvement, faifoient dans un même temps des nombres de vibrations, qui font réciproquement comme les racines quarrées de leurs longueurs ; 6c il avoit appliqué cette vérité à mefurer la hauteur des voûtes d’Eglifes , en comparant le nombre des vibrations des lampes qui y font fufpendues avec celles que faifoit dans le même temps un pendule d’une longueur connue. La raifon de cet effet fe déduit facilement de la théorie précédente fur l’accélération des corps : car deux pendules inégaux qui décrivent des arcs femblables & fort petits , font dans le cas de deux poids qui rouleroient le long de deux plans inégaux, mais femblablement inclinés. Or on a vu ci-deffus que les temps qu’ils employeroient à les parcourir feroient comme les racines des hauteurs : les temps que ces pendules mettront à faire une demi-vibration , ou à tomber jufqu’à la perpendiculaire , feront donc comme les racines des hauteurs de ces arcs, ou parce qu’ils font femblables , comme les racines des rayons ou des longueurs des pendules. Mais le nombre des vibrations dans un même temps, eft en raifon réciproque de la durée de chacune d’elles. C’eft pourquoi les nombres de vibrations que feront dans le même temps deux pendules, feront comme les racines de leurs longueurs, ou les quarrés de ces nombres feront comme les longueurs elles-mêmes. On doit enfin à Galilée d’avoir jette les premiers fondemens d’une nouvelle théorie, fçavoir celle de la réfiftance des fo~ Les Mémoires de l'Académie des années François 3 par M. Bélidor, dont les travaux 3700 & 1707 , dans la derniere defquelles dans tous les genres qui conftituent l’Ingé-«n trouve un Mémoire analytique tres-élé- nieur, font fi connus & fi juftement prifes. gant fur cette madere, par M. GuiCnée. [a] Ibid. DiaL i°. Voy. Vita di Galilea> "Oa doit confulter enfin le bombardier dei Signor Viviani. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. V. 169 lid.es (a). Expofons d’abord l'état de la queftion ; nous ferons enfuite quelques réflexions fur l’utilité dont elle eft, Ôc nous fuivrons Galilée dans quelques-unes des conféquences ingé-nieufes qu’il tire de fa lolution. Imaginons un prifme de bois fiché dans un mur, ôc qu’une force pefant fur fon extrémité travaille à le rompre , quel fera le rapport de la force qui en feroit capable avec celle qui pourroit le faire en le tirant horizontalement , comme le poids R , qui paftant fur la poulie S, tendroit à l’arracher directement ? Tel eft le problème : voici le raifonnement que faifoit Galilée pour le réfoudre. Tandis que le prifme en queftion eft tiré dans la direction de fon axe, chacune de fes fibres réfifte également. Mais iorfqu’un poids tend à le rompre obliquement, la ligne A a devient un appui, ôc chaque fibre eft tirée, ôc réfifte par un bras de levier d’autant plus court qu’elle eft plus proche de cet appui. La réfiftance que chacune oppofe à la rupture , eft par conféquent com- Fig. 80. me la diftance à cet appui ; d’oii il fuit que leur fomme eft à ce quelle feroit fi elles étoient toutes égales à la plus grande, comme la diftance du centre de gravité de la figure ACæ à l’appui A a , eft à l’axe de cette figure. Ainfi fi le corps eft une poutre rectangulaire, la réfiftance oblique eft à la réfiftance direCte , comme 1 à 2. Il en eft de même d’un cylindre , parce le centre de gravité de fa bafe eft au centre ou au milieu de la hauteur. On a fuppofe ici un corps tirant obliquement par un bras égal de levier A P, égal à la hauteur AG „ ôc c’eft ce poids que nous avons pris pour la mefure de la réfiftance oblique, afin d’éviter les circonlocutions. Que fi l’efFort appliqué au corps pour le rompre étoit plus éloigné , les loix de la Méchanique apprennent qu’il faudroit le diminuer en même raifon. Galilée tire de fa théorie quelques conféquences que nous fle devons pas omettre. La première eft que des corps femblables n’ont point des forces proportionnées à leurs mafles pour réfifter à leur rupture : car les maftes croiftent comme les cubes des cotés femblables ; les réfiftances , cœterisparibus , ne e font qu’en raifon des quarrés de ces côtés : d’où il fuit qu’il Y a un terme de grandeur au-delà duquel un corps fe romproie (Æ) Difc. & d'un. Matk.&c. Dial.i* 27o HISTOIRE au moindre choc ajouté à fon propre poids , ou par ce poids même , tandis qu’un autre moindre de femblable, réfiftera au au lien , de même à un effort étranger. Delà vient j dit Galilée , qu’une machine qui fait fon effet en petit, manque lorfqu’elle eft exécutée en grand, de croule fous fa propre maile. La nature, ajoute-t’il, ne fçauroit faire des arbres ou des animaux déméfurément grands, fans être expofés à un pareil accident j de c’eft pour cela que les plus grands animaux vivent dans un fluide qui leur ote une partie de leur poids. Nous pourrions encore remarquer que c’eft-là la raifon pour laquelle de petits infe&es peuvent, fans danger de fracture, faire des chûtes fi démefurées , eu égard à leur taille, tandis que de grands animaux , comme l’homme, fe bleffent fouvent en tombant de leur hauteur. Une autre vérité curieufe qui fuit de cette théorie 3 c’eft qu’un cylindre creux , de ayant la même bafe en fuperficie, réfifte davantage que s’il étoit folide. C’eft, ce femble , pour cette raifon , de pour concilier en même temps la légéreté de la folidité, que la nature a fait creux les os des animaux , les plumes des oifeaux , de les tiges de plufieurs plantes, dec. Qui croiroit que la Géométrie pût avoir tant d’influence fur un genre de Phyfique fi éloigné d’elle? Depuis Galilée on a fait à fa théorie quelques changemens dont il nous faut rendre compte. Toutes fes conféquences font juftes dans la fuppofition que la réfiftance de chaque fibre eft proportionnelle à fa diftance au point d’appui. Cela feroit effe&ivement, fi elle rompoit brufquement de fans fouf-frir auparavant quelque extenfion. Mais fon eft fondé à pen-fer que ce n’eft pas là la vraie hypothefe. Il eft plus vraifemblable, comme l’ont remarqué MM. Mariotte de Leibnitque la force de chaque fibre n’eft que proportionnelle à fa diftance au point d’appui ; car chaque fibre s’étend en même raifon que cette diftance, de il eft reçu comme principe en Méchanique, que hormis les extenfions extrêmes, la réfiftance des refforts eft à peu près proportionnelle à leurs extenfions. La réfiftance que chaque fibre oppofe à la rupture fera donc comme le quarré du levier par lequel elle agit : ainfi au lieu du centre de gravité de la bafe de la rupture qui fert, dans f hypothefe de Galilée, à déterminer le rapport de la réfiftance oblique à la dire&e , il faudra ici fe fervir de celui de l’onglet cylindrique formé fur DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. Y. i7i cette bafe par le plan paffant par la ligne d’appui. Suivant l’hypothefe de Galilée., la réfiftance oblique d’une poutre rećtangu-laire , eft à fa réfiftance direćte comme i à 2. Suivant celle de M. Mariotte, elle n’en eft que le tiers ; ce qui eft plus conforme à l’expérience. M. Varignon a traité cette matière avec une généralité très-fatisfaifante, dans un Mémoire qu’on lit parmi ceux de l’Académie de l’année 1702. Je pafle,afin d’abréger , une infinité de détails de cette théorie, ôc je renvoie aux écrits de divers Mathématiciens qui l’ont traitée (a). I I I. Quoique la théorie de Galilée fur l’accélération des graves fût auffi-bien prouvée que le peut être une vérité Phyfico-Ma-thématique, elle n’a pas laifte d’éprouver des oppofîtions. Il y eut d’abord des Phyflciens qui la rejetterent, ôc qui lui en fubftituerent une autre ; ce qui éleva pendant quelques années des conteftations 6c donna lieu à divers écrits. Nous avons cru devoir en rendre compte avant que d’aller plus loin. Nous dirons aufîi quelques mots des expériences par lefquelles les Phyfîciens modernes établifïent la vérité de cette théorie de Galilée. L’hypothefe de Baliani eft la principale de celles qu’on a oppofées à Galilée. Baliani étoit un noble Génois, aftez bon Phyficien, qui paroît avoir eu quelque part à défabufer des préjugés de fon fiecle fur le mouvement. Dans un ouvrage ?[u’il publia en 1646 (Z>), ouvrage en général d’une do&rine olide dc judicieufe, après avoir dit de fort bonnes chofes fur le mouvement, ôc avoir même donné une démonftration ingénieufe de tout-à-fait fenfible de la loi d’accélération établie par Galilée , je ne fçais comment il vient à dire qu’il pourroit bien fe faire que l’accélération fe fît de maniéré que les vîteffes acquifes fuflent proportionnelles aux efpaces par- te) Alex. Marchetti, de reflfl. folid. Mem. de V Acad, avant le renouv. T. ’ P arm. 1701, i70f> 1709. Mouv. c atix > Part, v , Dif. z. De coherentia et Por-um , Dïjg autL petr, yan Mufchei , inter Diff. varias. Cette demie ^ertation contient furtout un gra nombre d’expériences fur la réfiflance de« corps. (b) De motu naturali gravium fluid, ac fol. Genuæ. in-40. On a encore de Baliar ni quelques Opufcules imprimés en 16$6V qui font fort peu de chofe. i7i HISTOIRE courus. Quelques Phyficiens faififfans cette idée , l’ont employée , ôc ont donné par-là à fon Auteur une malheureufc célébrité. Je dis malheureufe ; car donner fon nom à une opinion qui, examinée d’un peu près, n’eft qu’une abfurdité , cela ne vaut pas à mon avis , une honnête obfcurité. Cette forte d’hypothefe fur l’accélération des graves n’avoit pas été inconnue à Galilée. Il fe la fait propofer par un des interlocuteurs de fes Dialogues , ôc il avoue même (a) qu’elle lui avoit d’abord paru fort vraifemblable. Mais il la réfute auffi-tôt par un raifonnement très-ingénieux, qui montre que fi on l’admettoit , il faudroit que le mouvement fe fît in inflanti. En effet, dit Galilée , lorfque les vîteffes d’un corps font proportionnelles aux efpaces parcourus, les temps dans lefqucls ils ont été parcourus font égaux. Si donc on fuppofe la vîteffe croître continuellement comme l’efpace , de forte qu’après une chute de quatre pieds, la vîteffe foit quadruple de celle qui a été acquife après nn pied de chûte, le corps aura parcouru ces quatre pieds dans le même temps que le premier. Il auroit donc parcouru trois pieds fans y mettre aucun temps ; abfurdité palpable , ôc qui montre que l’accélération ne fçauroit fe faire fuivant ce rapport. En vain fe rejetteroit-on fur la différence qu’il y a entre le mouvement accéléré ôc le mouvement uniforme. Car fi l’on divifé l’efpace total, Ôc fon premier quart, par exemple, en un même nombre départies égales, ôc fi petites que l’on puilfe regarder chacune d’elles comme parcourue d’un mouvement uniforme , il fera facile de montrer que cet efpace total ôc le quart feront parcourus en temps égaux. Ainfi la démonftration de Galilée, quoique traitée de paralogifme par M. Blondel [b), qui dit ne l’avoir jamais pu concevoir, eft très-légitime , ôc concluante. Cette abfurdité que Galilée montroit dans l’hypothefe de i’accroiffement de la vîteffe en raifon de l’efpace, eût dû la faire rejetter unanimement. Mais il y a eu dans tous les temps de ces hommes précipités , ôc qui fçavent jetter un nuage fur les raifonnemens les plus concluans. Nonobftant la démonftration du Philofophe Italien , quelques-uns entreprirent la défenfe de cette faufle hypothefe. Tel fut entr’autres un Pere (a) Vif corJl & dim. Math. inîorno à due nuovc feien^e , &c. Dial. j. $) Mçm. de l’Acad. avant 1699. T. vin, Cafrée, DES MATH É M AT I QU E S. Pan. IV. Liv. V. 273 Cafrée 3 donc on lit la réfutation dans les Œuvres de Gaffendi ( T. iy ). Après bien de mauvais raifonnemens contre l’hypo-thefe de Galilée, raifonnemens qui décelent un homme qui a peu de folide Phyfique, ôc encore moins de connoiffance des Mathématiques, il tâchoit d’établir celle de Baliani par l’expérience fuivante. Il îaifîoit tomber un globe de la hauteur de fon diametre fur un des badins d’une balance dont l’autre étoit chargé d’un poids égal, ôc il remarquoit qu’il foulevoit ce poids. Il doubloit enfuite , triploit, quadruploit ce poids, ôc laiffant tomber le globe d’une hauteur double , triple, quadruple, il remarquoit que le poids en étoit foulevé. Delà il concluoit que les forces étoient comme les hauteurs , 6c que ces forces étant comme les vîteffes , celles-ci étoient aufii comme les hauteurs ou les efpaces parcourus. Il préten-doit enfin que fi l’on partageoit l’efpace parcouru dans un temps donné en parties égales, la première étant parcourue dans un certain temps , la leconde Pétoit dans la moitié de ce temps , la troifieme dans le tiers , 6cc. Gaffendi ne manqua pas à la caufe de la vérité , 6c il réfuta la Diftertation du P. Cafrée. Il fit voir que fes expériences ne concluoient rien contre l’hypothefe de Galilée. En effet il eût fallu montrer , non feulement qu’un globe tombant d’une hauteur double, triple , ôcc. de fon diametre, fouleve le double, le triple de fon poids, mais encore qu’il n’auroit pu l’ébranler d’une hauteur tant foit peu moindre. Or il n’eft point douteux qu’il l’auroit fait également, avec cette feule différence qu’il ne l’auroit pas autant foulevé. Si l’on fuppo-foit une balance Mathématique les loix connues du mouvement nous apprennent qu’il n’efl: point de poids fi petit qu’il foit, qui tombant de la plus petite hauteur fur un des badins, ne foulevât le plus grand poids qui feroit dans l’autre. Gaffendi montra aufii diverfes conféquences abfurdes 6c contradictoires , qui fuivent de l’hypothefe dont nous parlons , ôc ^ui prouvent que ce bon Pere, deftitué des lumières de la Géométrie, n’avoit pas la moindre idée de la maniéré dont 0r* doit comparer les temps, les vîteffes 6c les efpaces. Car ce ^apport qu’il établit entre les temps que le corps met à parcou-!;lr des efpaces égaux pris dans la perpendiculaire, eft ridicu-ement abfurde, en ce que, fuivant le nombre des parties Tome IL Mm 274 HISTOIRE égales dans lefquelles on divifé cet efpace , on trouve les mêmes parties parcourues dans des temps totalement differens : aufîi ce rapport des temps n’eft-il point celui qui fuit de l’ac-croiffement de la vîteffe en raifon de l’efpace. On trouve au contraire qu’en divifant l’efpace parcouru en parties continuellement proportionnelles , la première étant prife du commencement de la chute , ces parties font parcourues en temps égaux (a). Et delà il eft facile de tirer la conséquence que cette hypothefe eft faufle ; car rien n’eft plus aife que de montrer qu’il faudroit un temps infini pour parcourir le plus petit efpace donné. Gaffendi auroit encore pu faire voir d’une autre maniéré que l’expérience alléguée par le P. Cafrée, ne concluoit rien. Car fi la mefure de la vîteffe que le corps a acquife dans fa chûte d’une certaine hauteur, étoit le poids qu’il eft capable d’enlever , &C que ces poids fuffent proportionnels aux hauteurs, il s’enfuivxsit que ce corps , tombant d’une hauteur moindre de moitié que celle d’oii il enleve un poids égal à lui, n’en enle-veroit que la moitié, & d’une hauteur cent mille fois moindre, il n’en enleveroit qu’un cent mille fois moindre; enfin tombant d’une hauteur nulle ou infiniment petite, ce qui eft l’équivalent d’être fimplement placé dans l’autre bafîin de la balance, il ne pourroit enlever qu’un poids infiniment petit ou nul, c’eft-à-dire qu’il feroit fans pefanteur, nouvelle abfurdité, qui montre avec évidence lafauffeté du principe. (a) Voici la démonftration de ce que nous venons d’avancer. Suppofons q,ue C B foit la ligne perpendiculaire dans laquelle s’exécute la chûte du corps, & que cette perpendiculaire, ou tout l’efpace parcouru, foit divifée en une infinité de parties égales, 'Fig. 81, de telle forte qu’on puiife regarder chacune comme parcourue d’un mouvement uniforme. Que B b foit une de ces parties : puifque, fuivant l’hypothefo, la vîteiïe en B eft comme I’efpace parcouru C B , & que les temps dans lefquels des efpaces égaux font parcourusfont réciproquement comme les vîtelles, il s’enfuit que le temps employé à parcourir B b, eft réciproquement comme C B -, ainfi fi BD exprime le temps, le point D & tous les autres femblablement déterminés, feront dans une hyperbole entre les afymptotes C A, C H j & chaque ordonnée ou chaque rećtangle infiniment petit, comme D A, exprimant le tempufcule employé à parcourir B b , l’aire totale de la courbe repréfentera le temps entier employé à defeendre de C en B. Or on fçait que , dans l’hyperbole entre les afymptotes, à des fegmens de l’axe conti-nuement proportionnels répondent des aires égales j c’eft pourquoi l’efpace C B étant divifé de B en C, en parties continue-snent proportionnelles, ces parties feront parcourues en temps égaux. Delà il eft aifé de conclure qu’il faudroit un temps infini au corps, pour parcourir le plus petit efpace à commencer de la chûte, c’eft-à-dire ?. que le mouvement feroit impoflible. DES M AT H ÉM AT IQ U E S. Part. IV. Liv.Y- 17s Galilée trouva un autre défenfeur dans M. de Fermat. Cet habile Géomètre fentit la juftefte du raifonnement que le Philofophe Italien avoit fait contre l’hypothefe de l’accélération en raifon de 1 efpace, 6c le voyant contefté, afin qu’il ne reliât aucun fubterfuge pour l’éluder , il le développa davantage, 6c l’établit en fe fervant de la méthode des anciens Geometres. Il communiqua fa démonftration à Gaffendi, qui s’en fervit pour porter un dernier coup à la fauffe hypothefe dont nous parlons (a). Pendant que Gaffendi étoit aux prifes avec le P. Cafrée au fujet de la loi d’accélération propofée par Galilée , .le P. Rie-cioh travailloit en Italie à l’établir par des expériences qui pa-roiflent faites avec beaucoup de foin [b\. Cet Aftronome 6c le P. Grimaldi , fon compagnon , afin de mefurer 6c de fubdiviferle temps avec plus de précifîon , fe fervirent d’un pendule dont les vibrations ne duroient qu’un fixieme de fécondé. Mettant enfuite ce pendule en mouvement, ils laifterent tomber de diverfes hauteurs qu’ils avoient mefurées, des globes d’argille pefans huit onces, 6c ils trouvèrent à plufieurs reprifes que dans des temps exprimés par 5, 10, 15, 20, 15 vibrations , ces corps parcoururent des hauteurs qui furent refpeélivement de 10,40,90, 160, 250 pieds, ôc que dans les intervalles de 6, 1 2 , 18 , 24, 26 vibrations, ces hauteurs furent 1 5,60, 135, 240, 280 pieds. Je ne fçaurois cependant difiimuler que cette expérience eft bien délicate , 6c que quand les chofes fe feroient paftees un peu autrement, elle n’auroit pas manquée de réulfir à peu près de même. Car il étoit bien difficile de déterminer fi l’inftant de l’arrivée du globe au pavé étoit précifément celui de la fin de la vibration , 6c la rapidité de la chûte eft II grande, que dans une partie de vibration très-petite le corps pouvoit parcourir un efpace aftez confidérable, Auffi voyons-nous que quelques autres Obfervateurs n’ont pas trouvé un. réfultat fi parfaitement conforme à celui de la théorie. Le P. Defchales (e) entr’autres dit avoir examiné les efpaces parcourus pendant les vibrations d’un pendule de demi-feconde, 6c *voir trouvé que des pierres qu’il laiftoit tomber dans des puits (a) Voy. Op. Ferm. p. zoi. Op. Gajf. X. vi. verfi. fin. fi) Alm. Nov, L. xi, c. 19. In Mecan. Mund. Math. T. u. Mm ij 276 HISTOIRE d’inégale hauteur , parcouroient en 1, 2, 3,4,5, 6 vibrations des efpaces qui étoient 4^, 136, 60, 90, 123 , pieds ; au lieu qu’ils auroient dû être , fuivant la théorie , de 4ïj x7? 38 65 , 10^, 153. Mais ce Mathématicien ob- ferve luhmême que cela doit être attribué à la réfiftance de l’air, 6c il eft probable que fi, au lieu de faire ces expériences avec de petits cailloux, il les eût faites avec des poids fpéci- Suement plus graves , comme des balles de plomb , leur ré-tat eût été beaucoup plus approchant de celui de la théorie. Car le P. Merfenne a remarqué ( a ) que laiffant tomber des bab-les de plomb d’un endroit du dôme de S. Pierre de Rome, élevé de 300 pieds, elles parcouroient cet efpace en 5 , ou 5 fécondés ôc demi, au lieu que de petits cailloux employoient à le faire 7 à 8 fécondés, ce qui eft conforme aux expériences faites par M. Defaguliers à S. Paul de Londres. Il n’eft pas pofïible par les raifons qu’on a dites plus haut de s’aflurer parfaitement par les temps des chûtes perpendiculaires, de la vérité de l’hypothefe de Galilée. C’eft pourquoi, à l’exemple de cet homme célébré, les Phyftciens qui ont voulu établir cette vérité par expérience, ont recouru à d’autres preuves. La plus fûre ôc la plus démonftrative eft celle qu’on tire du mouvement des pendules. Car il fuit incontef-tablement de l'hypothefe de Galilée, ôc de cette hypothefe feule, que des pendules inégaux ôc femblables doivent dans le même temps faire des nombres de vibrations qui foient réciproquement comme les quarrés de leurs longueurs; Ôc c eft ce qu’on obferve avec la derniere précifîon , pourvu que les vibrations foient fort petites, ainfi que l’exige la démonftration tirée du principe de Galilée. Ainfi fon hypothefe eft la véritable, à î’exclufion de toute autre. On trouve dans les Livres de Phyfique expérimentale divers autres moyens de rendre fenfible aux yeux la vérité de cette hypothefe. Mais l’un des plus in- fénieux, eft celui du fameux P. Sébaflien (b) , que nous nous ornerons à faire connoître : qu’on fe repréfente un conoïde parabolique, autour duquel régné un canal fpiral qui fait un angle confiant, par exemple un quart de droit, avec le plan de chacune des paraboles génératrices. On démontre que fi [a] Refleft. Phyf. Math. c. 9. (b) Hift. de l’Acad. ann. 16yy. DES MATHÉMATIQUES.Part.IV.Liv.V- 277 l’hypothefe de Galilée eft la vraie, chaque tour de fpirale doit être parcouru dans un même temps. Or c’eft ce qui arrive. Si dans l’inftant où une boule achevé le premier tour en commençant du fommet, on en lâche une fécondé, 6c enfuite une troifieme lorfque la fécondé a fini ce premier tour, 6c ainfi défaite , on les voit avec plaifir fe trouver toutes fenfiblement en même temps fur le meme arc de parabole. Remarquons ici avec M. Varignon ( a ) , qu’en général fi l’on a une courbe dont l’abfcifïe repréfente l’efpace, êc l’ordonnée la vîtefie cor-refpondante, 6c qu’ayant fait tourner cette courbe autour de fon axe , on fafle régner autour de ce folide une fpirale comme celle de la machine précédente, chaque tour devra être parcouru dans le même temps, li la loi d’accélération délignée par l’équation de la courbe génératrice, eft la véritable. Ceci Fournit un moyen d’éprouver, d’une maniéré femblable à celle qu’on vient de voir, une hypothefe quelconque. Dans celle de Baliani, par exemple, il faudroit que ce fût un fimple cône. Mais nous ofons prévoir que fi on en faifoit l’expérience, elle ne feroit que fournir une nouvelle preuve de la fauflèté de cette hypothefe. IV. Les théories auxquelles Galilée avoit donné naiflance, reçurent leurs premiers accroiftemens de deux de fes difciples. L’un eft Benoît Cajlelli {b). Ce Méchanicien eft recommandable , comme étant en quelque forte le créateur d’une nouvelle partie de l’hydraulique , fçavoir, La mefure des eaux courantes. Les conteftations fréquentes qui s’élèvent en Italie fur le cours des fleuves , 6c la nécefîité où l’on eft dans ce pays de fe tenir continuellement en garde contre leurs dommages, firent que le Pape Urbain VIII, qui l’avoit appelle à Rome pour y enfeigner les Mathématiques, le chargea de réfléchir Éur cette matière. Cajlelli travailla à remplir les vues de fa Sainteté ; ôc c’eft le fruit de fes recherches 6c de fes réflexions qu’il donna dans fon Traité intitulé, délia mifura deWacque cor- («j Ibid. ann. 170Z . trouve aufii dans le Recueil Italien des Au- _ Benoît Caftelli , Moine du Mont- teurs qui traitent du mouvement des eaux. , fut un des premiers difciples de Nous ignorons la date de la naiflance & a ilce. Son Traité parut en 16 3 q , & a de la mort de cet habile homme, traduit en François en 166ą.. On le De quelques Difciples de Galilée. 178 histoire remi; ouvrage peu confidérable pour le volume, mais précieux par la folide de judicieufe doctrine qu’il contient. Nous en dirons quelque chofe de plus, lorfque nous parlerons des Ecrivains plus modernes fur le mouvement des eaux. L’autre difciple de Galilée à qui la Méchanique de l’Hydraulique doivent des progrès, efl: le célébré Torricelli [a'). Il étudioit à Rome les Mathématiques fous Cajlelli lorfque les écrits de Galilée fur le mouvement lui tombèrent entre les mains. Il compofa dès-lors fur le même fujet un Traité qui fut envoyé à Galilée > de qui lui donna tant d’eftime pour fon Auteur, qu’il délira le connoître de l’avoir auprès de lui. Mais Torricelli ne jouit de cet avantage que fort peu de temps, Galilée étant mort trois mois après. Il augmenta dans la fuite le Traité dont nous parlons, de y ajoutant une partie fur le mouvement des fluides, il le publia avec fes autres ouvrages mathématiques en 1644. Nous y trouvons la première idée d’un principe ingénieux de très-utile en Méchanique. C’eft celui-ci. Lorfque deux poids font tellement liés enfemble 3 quêtant placés comme Von voudra, leur centre de gravité commun ne Jiauffe ni ne baijfe , ils font en équilibre dans toutes ces fituations. C’efl: par le moyen de ce principe que Torricelli démontre le rapport des poids qui fe contrebalancent le long des plans inclinés ; de quoiqu’il ne l’emploie que dans ce cas, il efl: facile de voir qu’on peut l’appliquer à tous les autres cas imaginables de la Statique, de même qu’à quantité d’autres recherches Méchaniques. Torricelli pane delà à examiner le mouvement accéléré , aufii bien que celui des projeébiles , de il ajoute à la théorie de Galilée quantité de vérités remarquables. Nous en choi-firons une feule parmi une multitude d’autres. C’efl: une propriété finguliere de la trace de tous les projeéftiles jettes d’un même point fous differens angles , mais avec la même force. Torricelli montre que toutes les paraboles qu’il décrivent, font renfermées dans une courbe qui efl: elle-même une parabole , (a) Torricelli naquit à Faenza en 1618. de la cycloïde: on peut en voir l’hiftoire Il fut envoyé à l’âge de 20 ans à Rome, dans le Livre premier de cette partie. ïl pour y étudier les Mathématiques -, ce qu’il mourut en 1647 : il lailïa quantité d’écrits fit fous Benoît Caftelli. Apres la mort de ébauchés qui n’ont pas vu le jour. On en .Galilée, le Grand-Duc Ce l’attacha en qua- trouve les titres dans le Journal de VeniCe * lité d’un de fes Mathématiciens. Torricelli T. XXX , où l’on lit aufii fa vie# ■eut de vifs démêlés avec Roberval au fujet DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. V. 279 ôc qui les touche. Par exemple, que A foit le foyer d’une parabole , dont C foit le fommet, tous les corps lancés du point A, fous quelque inclinaifon que ce foit , avec une force capable de les élever perpendiculairement à la hauteur AC, décri- Fig. u; ront des paraboles qui toucheront la première. Torricelli termine fon Traité en rectifiant l’équerre ordinaire des Bombardiers ; il en donne une nouvelle ôi fort fimple, dont la conf-tru&ion eft appuyée fur le vrai principe , ôc dont l’ufage eft fort facile. Le fécond Livre du Traité de Torricelli a pour objet le mouvement des fluides. Il prend pour fondement de toute fa théorie, que l’eau qui s’écoule d’une ouverture pratiquée à un vafe en fort avec une vîtefte égale à celle d’un corps qui feroit tombé de la hauteur du niveau de l’eau au deffus de cette ouverture. U tâche d’établir ce principe par diverfes raifons , dont la meilleure eft celle de l’expérience qui montre que l’eau atteint prefque ce niveau, de forte qu’il eft à préfumer que fans la réfiftance de l’air elle l’atteindroit précifément. Nous remarquerons cependant dès cet endroit que cela n’eft pas généralement vrai , ôc que les prétendues démonllrations qu’en donnent les Livres vulgaires d’Hydraulique „ ne font pas concluantes. Depuis qu’on a traité cette partie de la Méchanique d’après fes vrais principes, on a reconnu que la hauteur à laquelle jailliroit l’eau forçant verticalement par l’ouverture d’un vafe, n’eft égale à la hauteur du niveau que dans le cas où cette ouverture n’a aucun rapport fenfibleavec la grandeur de la furface du fluide qui s’abaiftc en même temps. Nous traiterons ceci plus au long en rendant compte des découvertes de l’Hydrodynamique moderne. Nous paftons fur une multitude de propofitions utiles ôc curieufes que Torricelli déduit de fon principe , afin d’arriver à la découverte mémorable de la pefanteur de l’air. y. Quoique la découverte de la pefanteur de l’air foit des DécouverteM plus modernes, il y avoit déjà long-temps que les phéno- la Pefanteur, ^enes qu’elle occafionne , étoient connus. On fçavoit depuis delaterre* . plufieurs fiecles qu’en afpirant l’air contenu dans un tube dont 2So HISTOIRE l’extrémité eft plongée dans un fluide, ce fluide s’élevoit au deffus de Ton niveau , 6c prenoit la place de l’air. C’eft d’après cette obfervation qu’on avoit imaginé les pompes af-pirantes , 6c diverfes autres inventions hydrauliques, comme les fyphons que Héron décrit dans fes Pneumatiques, 6c ces efpeces d’arrofoirs connus du temps ÜAriflote fous le nom de Clepfidres [a), qui s’écoulent ou s’arrêtent fuivant qu’on laide l’orifice ouvert, ou qu’on le bouche avec le doigt. La raifon qu’on donnoit de ce phénomène , étoit la fuivante. On prétendoit que la nature avoit une certaine horreur pour le vuide, 6c que plutôt que de le fouffrir, elle préféroit de faire monter ou de foutenir un corps contre l’inclination de fa pefanteur. Galilée lui-même, malgré fa fagacité, n’avoit rien trouvé de plus fatisfaifant. Il avoit feulement donné des bornes à cette horreur pour le vuide. Ayant remarqué que les pompes afpirantcs ne foulevoient plus l’eau au-delà de la hauteur de 16 brades ou 3 2 pieds, il avoit limité cette force de la nature pour éviter le vuide à celle qui équivaudroit au poids d’une colonne d’eau de 32 pieds de hauteur fur la bafe de l’efpace vuide. Il avoit en conféquence enfeigne à faire du vuide par le moyen d’un cylindre creux 6c renverfé , dont on charge le pifton de poids fuffifans pour le détacher du fond. Cet effort fe nommoit la mefure de la force du vuide, 6c il s’en fervoit pour expliquer la cohérence des parties des corps (b ). Galilée n’ignoroit cependant pas la pefanteur de l’air. Il enfeigne dans fes Dialogues deux maniérés de la démontrer. Le pas étoit facile d’une découverte à l’autre : mais l’hiftoire des fciences nous apprend à ne nous point étonner de voir d’excellens génies manquer des découvertes auxquelles ils touchoient, Torricelli eut enfin l’idée heureufe de foupçonner que ce contrepoids qui foutient les fluides au deffus de leur niveau , lorfque rien ne pefe fur leur furface intérieure , eft la mafie d’air qui eft appuyée fur la furface extérieure. Voici par quels degrés il y parvint. En 1643 ce difciple de Galilée cherchant à exécuter en petit l’expérience du vuide qui fe fait dans les [a] Phyfic. iv , c.£. {(>) Difc. & dim. Math. &c. Dial. 11 pompes N. DES MATHÉMATIQUES. P art. IV. Liv.V. 281 pompes au deflus de la colonne d’eau , quand elle excede 32, pieds, imagina de fe fervir d’un fluide plus pefant que l’eau , comme le mercure. Il foupçonnoit que, quelle que fut la caufe qui foutenoit une colonne de 32 pieds au deffus de fon niveau , cette même farce foutiendroit une colonne d’un fluide quelconque qui pefèroit autant que la colonne d’eau fur même bafe ; d’où il concluoit que le mercure étant environ 14 fois auffi pefant que l’eau, ne feroit foutenu qu’à la hauteur de 27 à 28 pouces. Ilpritdonc un tube de verre de plufieurs pieds de longueur, 6c fcellé hermétiquement par un de fes bouts. Il le remplit de mercure, puis le retournant verticalement l’orifice en bas, en le tenant bouché avec le doigt, il le plongea dans un autre vafe plein de mercure , 6c le laifla écouler. L’evenement vérifia fa conjecture : le mercure fidele aux loix de l’Hydroftatique, defeendit jufqu’à ce que la colonne élevée au deffus du niveau du réfervoir fût d’environ 28 pouces. L’expérience de Torricelli devint célébré dans peu de temps; le P. Merfenne qui entretenoit un commerce de Lettres avec la plupart des fçavans d’Italie, en fut informé en 1644, 6c la communiqua à ceux de France qui la répétèrent bientôt. Le fameux M. Pafcaf 6c M. Petit, curieux Phyficien de ce temps, furent des premiers à la faire 6c à la varier de différentes maniérés. Cela donna lieu à l’ingénieux Traité que M. Pafcal publia à l’âge de 23 ans, fous le titre à'expériences nouvelles touchant le vuide3 6c qui le rendit dès-lors fort célébré dans toute l’Europe. Cependant Torricelli réfléchiffoit fur la caufe de ce phénomène, 6c il parvint enfin à deviner que la pefanteur de l’air ap-Püyé fur la furface du réfervoir, étoit ce qui contrebalançoit le fluide contenu dans le tube. Cette idée eft fi conforme aux loix de l’Hydroftatique, qu’il fuffit de l’avoir entrevue pour y ^connoître la vraie caufe du phénomène en queftion. Torri-cfUi eut fans doute imaginé de nouvelles expériences pourcon-t rfner fa découverte. Mais arrêté par la mort prefqu’à l’en- ^ee Ac fa carrière , il fut contraint de laiffer ce foin à d’au-tres. p av n effet, M. Pafcal qui, dans le premier Traité dont nous quefS Par^.5 avoit employé le principe de l’horreur du vuide, ^Ue5 dit-il, il eût déjà quelque foupçon de la pefanteur Nn i8i H I S T O ï R E de l’air, fiiifit l’idée de Torricelli, 6c imagina diverfes expériences pour la vérifier. L’une fut de le procurer un vuide au deffus du réfervoir du mercure. On vit alors la colonne tomber au niveau ; mais cela ne lui paroiffant pas encore affez puif-fant pour forcer les préjugés de l’ancienne Philofophie, il fie exécuter par un de fes beaufreres, (M. Perler 3 Confeiller a la Cour des Aides de Clermont, ) la fameufe expérience de Puy-de-Dôme. Sa célébrité me difpenfe de m’étendre beaucoup fur ce fujet. Tout le monde fçait que le correfpondant de Pafcal trouva que la hauteur du mercure à mi-côte de la montagne étoit moindre de quelques pouces qu’au pied , 6c encore moindre au fommet , de forte qu’il étoit évident que c’étoit le poids de l’athmofphere qui contrebalançoit le mercure. M. Pafcal apprit en même temps par-là qu’il pouvoir avoir à Paris la fatisfaćbion de voir l’abaiffement du mercure , à mefure qu’il s’éleveroit dans l’athmofphere.- Il choifit une des plus hautes tours de cette ville, fçavoir celle de S. Jacques de la boucherie, qui eft élevée d’environ. 25 toifes, 6cil trouva dans la hauteur du mercure une différence de plus de deux lignes. Nous ne croyons pas devoir entrer ici dans le détail de l’explication de divers phénomènes qui font une fuite de la pefanteur de l’air. Outre que cela nous meaeroit trop loin , ils font fi connus de tous ceux qui font initiés dans la Phyfique , que ce feroit nous y amufer inutilement. Nous nous contentons donc de renvoyer aux Livres de Phyfique ex périmentale, qui pour la plupart traitent amplement cette matière.. Il ne nous faut pas oublier ici quelques traits de la fagacité de M. Defcartes mi fujet du phénomène dont nous venons de parler. Nous avons des preuves que ce Philofophe reconnut avant Torricelli la pefanteur de l’air, 6c fon action pour foutenir l’eau dans- les pompes 6c les tuyaux fermés par un bout. Dans le recueil de fes Lettres , il y en a une qui porte la date de l’année 1631 ( a ) , 6c oii il explique le phénomène de la fufpenfion du mercure dans un tuyau fermé par le haut, en l’attribuant au poids de la colonne d’air élevée jufqu’au-dcla des nues : c’eft auffi par-là qu’il explique dans cette même Let^' lél T. m, îett. in, p. 6'ozi ■ DES M AT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv. Y. 283 ;tre la preflion d’un verre rempli d’air chaud , qu’on renverfe fur un corps en bouchant bien les avenues de l’air extérieur. Nous trouvons encore des preuves du fentiment de Defcartes fur ce fujet dans diverfes autres Lettres. Dans une qui eft peu poftérieure à la publication des Dialogues de Galilée fur le mouvement, ôc qui contient une critique un peu amere , ÔC -en plufîeurs points peu jufte, de cet ouvrage ( a ), Defcartes rejette la prétendue force du vuide imaginée par le Philofophe Italien, ôc il attribue l’adhérence de deux corps qui fe touchent par des furfaces fort polies, à la feule pefanteur de l’athmofphere qui pefe delfus ; raifon qu’il donne encore , quoique d’une maniéré moins cxclulive, à la fufpenfion de l’eau dans les tuyaux des pompes. Enfin dans une Lettre (b) qui fuit de près la précédente, il s’agit de ces arrofoirs qu’on maintient pleins d’eau en tenant l’ouverture fupérieure bouchée. L’eau ne demeure pas, dit-il, dans les vailleaux par la crainte 93 du vuide, mais à caufe de la pefanteur de l’air, ôcc. 33 II eft enî core à propos de remarquer que lA.Defcartes revendique dans «ne de fes Lettres (c) l’idée de l’expérience de Puy-de-Dôme. Après avoir demandé à M. de Carcavi de s’informer du fuc-ces de cette expérience que la renommée lui avoit appris avoit été faite par M. Pafcal: 33 J’aurois, dit-il, droit d’attendre cela de lui plutôt que de vous, parce que c’eft moi qui l’en ai avifé 33 il y a deux ans, ôc qui l’ai alfuré que , quoique je ne l’eulïe 33 pas faite, je ne doutois point du fuccès ; mais parce qu’il eft "®3 ami de M. Roberval qui fait profefiion de n’être pas le mien, 33 j’ai lieu de croire qu’il en fuit les pallions. 33 Nous ne pouvons porter aucun jugement bien alfuré fur la juftice de ces plaintes de Defcartes} ôc fur le droit qu’il prétend à l’expérience dont il s’agit ; mais ce que nous venons de rapporter d’après fes Lettres, pourra paroître fort favorable à fa prétention. VL La France déjà rivale de l’Italie en ce qui concerne les pre-srueres découvertes géométriques qui ont commencé à frayer (a) T. ri, lett. 9I. $) Ibid. lett. 94. •c) T. in, lett. 7 j-, Nn ij i84 HISTOIRE la route aux nouveaux calculs, femble l’avoir été auffi à l’égard de quelques-unes des découvertes méchaniques que nous venons d’expofer. Vers le temps où Galilée, finiffoit fa carrière, divers Mathématiciens François cultivoient la Méchanique , foit en confirmant par de nouveaux tours de dé-monftrations , les vérités déjà connues , foit en agitant entr’eux diverfes queftions qui ont enfuite donné lieu à des branches intéreiTantes de cette fcience. U Harmonie univerfelle du P. Merfenne, ouvrage imprimé en 1637, nous fournit des preuves de ce que nous venons de dire. On y voit des eftais méchaniques de M. Roberval, qui contiennent des démonftra-tions fort ingénieufes fur divers points de Statique. Il y fait ufage de ce principe depuis fi employé 6c fi connu , fçavoir , qu’il y a équilibre entre deux puifïances, lorfqu’elles font en raifon réciproque des perpendiculaires tirées du point d’appui fur les lignes de direédion. Quoique la découverte de ce principe ne paroifle pas d’une grande difficulté, il ne laide pas d’y avoir quelque mérite à l’avoir apperçu , d’autant plus qu’il ne parut pas fi évident à quelques gens de mérite, comme M. de , Fermât, qui éleva à fon fujet des difficultés mal fon-dées. A la vérité, la plupart des difeuffions méchaniques où entra M. de Fermat, montrent qu’il n’étoit pas auffi habile Phyficien que Géomètre. C’eft furtout l’idée que font naître les prétentions qu’on lit dans fon commerce épiftolaire avec Roberval, 6c qui redemblent fort à celles d’un Mr de Beaugrand , Auteur d’un ouvrage intitulé Geoflatique, dont Defcartes ne parle qu’avec pitié, ôc qui mérite ce jugement. Le P. Merfenne (a) fervit la Méchanique principalement par un grand nombre d’expériences, comme fur la réfiftance des folides, fur l’écoulement des fluides ôc le déchet occafîonné par les ajutages, fur les vibrations des corps, ôc fur une multitude d’autres fujets. On les trouve répandues dans fon Harmonie univerfelle, ôc fes divers écrits méchaniques. On pourroit les appeller un Océan d’obfervations de toute efpece , parmi lefquelles il y en a un grand nombre d’affez puériles* (a) Merfenne ( Marin ), le célébré cor- fiques & Mathématiques, comme fon Har-refpondant de Defcartes , naquit en 15-88. monie univerfelle, un Traité Latin de Mè-II fit fes études à la Flèche , & il entra chanique , des Cogitata P hyfico-Mathema-' dans l’Ordre des Minimes en 161 z. On a tïca, avec un Appendix 5 une Synopfis uni-de ce fçayant Minime, plufieurs écrits Phy- ver fez Mathefeos, &c. Il mourut en h>48. DES MATHÉMATIQUES. P art.IV. Liv.V.iSy Merfenne excicoit, comme tout le monde fçait, les fçavans par les queftions perpétuelles qu’il leur propofoit, ôc perfuadé que la vérité naît de la difpute , comme la lumière fort du fein du caillou 8c du fer qui s’entrechoquent, il mettoit fouvent fes correfpondans aux prifes les uns avec les autres. C’eft à ce s queftions propofées par le P. Merfenne que nous devons la théorie des centres de percuflion ou d’ofcillation, fujet à l’occafion duquel Defcartes ôc Roberval fe querelleront fort, fans avoir raifon ni l’un ni l’autre, du moins en ce qui concerne les cas les plus difficiles. Nous voyons auffi par les Lettres de Defcartes qu’il fut alors queftion parmi les Mécha-niciens François, de la pofition du centre de gravité dans les corps, en fuppofant les diredtions des graves convergentes; de ce qui arriveroit à un corps tombant dans un milieu réfif-tant, fur quoi Defcartes fit une remarque fort jufte. Nous nous bornons ici à cette indication , 8c nous paffons à rendre compte des efforts que fit ce Philofophe pour perfectionner la fcience du mouvement. A la vérité, ils ne furent pas tous également heureux ; nous ne pouvons même diffimuler qu’en plufieurs points cet homme fi bien partagé du côté du génie, fe trompa d’une maniéré qui nous fait peine pour fa réputation. Mais il entre dans notre plan de rapporter fes erreurs comme fes découvertes. Defcartes imita Galilée en réduifant la Statique à un principe général 8c unique. On a de lui un Traité de Méchanique en peu de pages , ouvrage qu’il accorda à la follicita-tion de M. de Zuylichem , pere du célébré M. Huyghens , qui fe plaifoit dans ces matières. Le principe auquel M. Def cartes réduit toute cette fcience, eft qu’il faut autant de force, c’eft-à-dire la même quantité d’effort, pour élever un poids a une certaine hauteur, que pour élever le double à une hauteur moindre de moitié. Car, dit-il, élever cent livres à la hauteur d’un pied, 8c de nouveau cent livres à la même hauteur, c’eft la même chofe qu’élever deux cens livres à la hauteur d’un pied , ou cent à celle de deux : ainfi l’effet eft le même, 8c Par conféquent il faut la même quantité d’action. Nous pour-davantage développer ce principe, comme nous avons à l’égard de celui de Galilée, Mais nous facrifions ce développement à la brièveté ôc à des objets plus intéreftans. HISTOIRE On doit principalement à M. Defcartes d’avoir enfeigne plus diftinćtement qu’on n’avoit encore fait les propriétés du mouvement. Je me borne à dire plus diftinctement ; car on ne peut refufer au célébré Philofophe Italien de les avoir reconnues , -de employées dans divers écrits, foit fon Syflema Cofmi-cum, foit fes Dialogues fur le mouvement. Nous ne croyons cependant pas que ce foit de lui que Defcartes les ait empruntées, le fyftême de notre Philofophe étant déjà en grande partie arrêté avant que les écrits de Galilée euftent vu le jour, Defcartes prend pour principe de toute fa Phyfique méchanique, i°. que le mouvement fubfifte dans un corps avec la même vîtefte de la même direćtion , tant qu’aucun obftacle ne le détruit, ou ne change cette vîtefte de cette direćtion. 2°. Que tout mouvement ne fe fait de fa nature qu’en ligne droite ; de forte que 30. un corps ne fe meut dans une ligne courbe , que parce que fa direction eft continuellement changée par quelqu’obftacle, fans lequel elle s’échapperoit par la tangente au point oii cet obftacle cefteroit. On emploie ordinairement, pour prouver ces règles , l’idée du mouvement qu’on confidere comme un état du corps ; d’où l’on conclud que toute chofe reftant dans fon état, tant qu’aucune caufe extérieure ne l’en tire, il faut qu’un corps en mouvement continue à fe mouvoir, jufqu’à ce qu’il rencontre quelqu’obftacle. Il en eft de même de la diredtion de de la vîtefte : elles doivent, dit-on , relier les mêmes par une raifon femblable ; car cette vîtefte de cette direćtion font au mouvement, ce qu’une plus grande ou une moindre courbure ou une courbure dans un certain fens, eft à l’état de curvité. Ce font des modifications du mouvement qui doivent par conféquent fubfifter , tant qu’aucune caufe ne les change. Telles font à peu près les raifons de M. Defcartes pour prouver ces réglés. Mais nous remarquerons avec M. d’Alembert (a), que fi l’on n’avoit que de pareilles raifons, elles ne feroient guere propres à opérer une convidbion entière. La nature du mouvement, nous ne pouvons le difiîmuler, eft encore pour nous une énigme ; ainfi toute preuve appuyée fur ce fondement ne peut être que foible. Nous n’en avons au- (a) Traité de Dynamique. Préface. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. V. 287 Cime meilleure que celle de l’expérience , qui dépofe de cens façons différentes en faveur de ces loix. Tout corps dégagé d’obftacle ne prend qu'un mouvement reétiligne , 6c tant qu’il ne rencontre aucune réfiftance fenfible, il continue à fe mouvoir avec la même vîtefte. Un pendule d’un certain poids , dont le mouvement eft très-libre, fait des ofcillations durant vingt-quatre heures, 6c il eft facile d’afîigner ici la caufe de la ceftation de fon mouvementfçavoir la réfiftance de l’air qu’il a à fendre : car cette réfiftance eft-elle plus grande , comme celle de l’eau , le mouvement eft plutôt éteint; eft-elle moindre, comme ft le mouvement fe pafte dans la machine pneumatique, il continue plus long-temps qu’il n’auroit fait, Enfin tout corps qui décrit une courbe, ne le fait qu’au moyen d’un arrêt contre lequel il exerce un effort qu’on ne peut mé-eonnoître. Cet arrêt cefte-t’il, le corps s’échappe par la tangente : c’eft ce qu’on éprouve dans tous les mouvemens curvilignes. Ainfi aucune vérité phyfique mieux prouvée que celle des loix qu’on a expofées ci-deffus. 1 Nous voudrions bien pour la gloire de Defcartes, à laquelle nous devons nous intéreffer, comme compatriote, pouvoir en dire autant des réglés qu’il prétendit établir pour la communication du mouvement. Mais c’eft ici que fa trop grande confiance en certaines idées métaphyfiques, èc un efprit fyftêma-tique mal dirigé , l’entraînerent dans une foule d’erreurs trop peu excufables. Nous trouvons effectivement dans ces réglés toutes fortes de défauts, principes bazardés , contradiélions 5 manque d’analogie &: de liaifon ; c’eft, pour le dire en un mot, un tiflu d’erreurs qui ne mériteroient pas d’être difeutées fans la célébrité de leur Auteur. Defcartes établit fes loix du choc des corps, fur deux princi--' pes, l’un affez féduifant r> l’autre trop peu pour que nous ne foyons pas étonnés qu’il ait pu lui en impofer. Le premier de ces principes, eft que dans le choc des corps il refte toujours la même quantité de mouvement. Defcartes appuyé fa Rétention fur l’idée de l’immutabilité divine. Dieu, dit-il, aVant créé le monde avec une certaine quantité de mouve--* ^nt qu’il a établie comme le reffbrt de toutes les opéra-tx°ns de la nature, il femble que fon immutabilité confifte à conferver la même quantité. D’ailleurs n’y auroitdl pas & 288 HISTOIRE craindre fans cela que le monde ne tombât dans line efpece d’engourdiftement fatal à tous les êtres. Le fécond principe employé par Defcartes > eft que le corps a une force pour per-févérer dans Tétât où il eft, foit de mouvement* foit de repos. Il faut encore remarquer que, fuivant ce Philofophe, un mouvement dans une direction oppofée, n’eft point un état contraire ; de forte que la feule raifon de ne pouvoir continuer fon mouvement , en eft une pour être réfléchi en fens contraire avec la même vîtefte. Nous difcuterons toutes ces prétentions après avoir rapporté quelques-unes des loix du choc, que M. Defcartes en déduit pour les corps abfolument durs qui font les feuls qu’il confidere. Les voici. i°. Si deux corps égaux fe choquent avec des vîteftes égales , ils fe réfléchiront en arriéré-, chacun avec fa vîtefte. i°. Si Tun des deux eft plus grand que l’autre, 6t que les vîteftes foient égales , le moindre feul fera réfléchi, 6c ils iront tous les deux du même coté avec la vîtefte qu’ils avoient avant le choc. 3°. Si deux corps égaux 6c ayant des vîteftes inégales en fens contraire, viennent à fe choquer, le plus lent fera entraîné de forte que leur vîtefte commune fera égale à la moitié de la fomme de celles qu’ils avoient avant le choc. 4°. Si Tun des deux corps eft en repos, ôc qu’un autre moindre que lui vienne le frapper, celui-ci, dit M. Defcartes fe réfléchira fans lui imprimer aucun mouvement. 5 °. Si un corps en repos eft choqué par un plus grand, il en fera entraîné, 6c ils iront enfemble du même côté, avec une vîtefte qui fera à celle du corps choquant comme la mafte de celui-ci à la fomme des maftès de Tun 6c de l’autre. Le corps en repos ayant i de mafte, ôc l’autre i , leur vîtefte commune après le choc fera les y de celle du corps choquant. Cette regle eft la feule où Defcartes ait rencontré la vérité. Je pafte les autres cas, qui font ceux où un corps en atteint un autre en le fuivant avec une vîtefte plus grande que la flenne, parce qu’il s’y trompe de même que dans les precedens. Il vaut mieux pafter à examiner les principes fur lefquelles font établies ces déterminations. En premier lieu^ que la quantité du mouvement doive refter toujours la même , c’eft une propofition démontrée fauffe DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. V. 289 faufte par l’expérience : quant à la preuve qu’en apporte Defcartes, il eft bien vrai que la Divinité agit d’une maniéré immuable : accordons encore qu’il eft fort probable qu’elle entretient l’univers par quelque loi générale ; mais il eft bien téméraire de prendre pour le caradtere de l’immutabilité divine , cette prétendue inaltérabilité dans la quantité du mouvement. Il eft mille autres loix plus générales , plus néceftaires , que la divinité a pu choifir, eût pu dire quelque adverfaire de Defcartes ; ôc en effet l’on fçait aujourd’hui que ce n’eft pas la quantité de mouvement abfolu qui eft inaltérable, mais celle du mouvement vers un même côté , ou bien encore , dans le choc des corps élaftiques, la fomme des produits de chaque mafte par le quarré de fa vîtefte. En fécond lieu , Defcartes s’étoit formé une idée très-faufle du mouvement. Sans doute il eût raifonné autrement, s’il n’eût pas trop déféré au faux principe qu’il avoit pris pour guide. Car c’eft une propofitioi> bien dure à admettre , que de dire que deux mouvemens égaux, mais en fens oppofés , ne foient pas deux états contraires du corps On conçoit très-diftinétement qu’il faut quelque chofe de plus pour changer un mouvement en mouvement contraire, que pour le détruire fimplement ôc arrêter le mobile : tout de même que pour changer une courbure en courbure contraire, il faut quelque chofe de plus que pour la réduire en ligne droite. En troifieme lieu , Defcartes tomboit dans une erreur bien, peu digne d’un Métaphyficien , lorfqu’il attribuoit au repos Sc au mouvement une force pour réfifter à leur changement d’état.. Il étoit encore bien éloigné de ce fentiment, lorfqu’il écrivoit (a) , ce Je ne reconnois dans les corps aucune inertie, ou tardiveté naturelle, ôc je crois que lorfqu’un homme fe » promene , il fait tant foit peu mouvoir toute la terre ; mais je ne laide pas d’accorder que les plus grands corps étant ,ł pouftes par une même force, fe meuvent plus lentement ; îs ce qui feroit peut-être aftez, fans avoir recours à cette iner-tie naturelle qui ne peut aucunement être prouvée : b nous aJ°uterons, qui eft entièrement contraire à l’idée que nous de-v°ns avoir de la matière. En effet , nous ne pouvons la re- ia) i^-94, T. U. J-ome I/, Oo i9o HISTOIRE garder que comme une fubftance purement paflîve 8c incapable* d’action. Or qui dit force, dit aćiion ; par conféquent la matière étant incapable de la derniere, Tell également de la première. Toute l’inertie des corps ne confifte qu’en ce qu’il faut line force pour imprimer un mouvement à un corps * puif-qu’il ne fçauroit de lui-même changer d’état ; 8c qu’il en faut une plus grande pour lui donner une plus grande vîtefie. Quant à la preuve que M. Defcartes prétend donner de fon fentiment , preuve qu’il tire de l’immutabilité divine, qui confifte à laifîer les chofes dans l’état où elles font lorfque rien ne tend à les en tirer , elle eft abfolument fans force ; car cette immutabilité eft très-compatible avec le fentiment contraire. Il fuffit qu’il y ait un choc pour qu’il y ait motif à un changement. Après les obfervations que l’on vient de faire fur les principes que Defcartes a employés dans fa recherche des loix du choc, il eft facile d’en porter un jugement. La première, où il s’agit de deux corps égaux ôc parfaitement durs , qui fe choquent avec des vîteftes égales, eft faufte. Ces deux corps ne doivent pas fe réfléchir , mais s’arrêter tout court ; car la force de chacun eft uniquement employée à détruire le mouvement de l’autre ; 8c comme on ne les fuppofe point élaftiques , il n’y a aucune caufe capable de rétablir le mouvement détruit. D’ailleurs fi ces deux corps fe réfîéchifloient l’un à la rencontre de l’autre, le reftort feroit abfolument inutile. La fécondé regle eft encore faufte par une fuite des deux faux principes adoptés par Defcartes. En raifonnant plus conformément aux faines idées du mouvement, il auroit trouvé que dans le choc le mouvement du petit corps auroit été détruit , 8c en auroit été détruit également dans le grand, ôc que le furplus fe diftribuant fur la maire de l’un ôc de l’autre, ils auroient du aller dans la dire&ion du plus grand. Je pafte la troifieme regle pour m’arrêter un peu à la quatrième, qui eft d’une faufteté évidente ôc des plus contraires à l’expérience. Dans cette regle Defcartes veut que , fi un corps en repos eft choqué par un autre tant foit peu moindre, celui-ci ne puifte le mettre en mouvement, ôc qu’il foit obligé de fo réfléchir avec toute fa vîtefte. Il falloit que les premiers Car- DES M AT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. Y. 291 téfîens fuffent des gens d’une finguliere docilité pour admettre une proportion femblable. Aulîi l’un des plus éclairés , ( M. Clerfelier ) lui fit des difficultés à ce fujet, ôc Defcartes tenta de lui répondre (a) ; ce qu’il fit par un raifonnement qui m’a paru fort peu intelligible. Quoi qu’il en foit, il eft: notoire aujourd’hui qu’un corps très-gros , un boulet de canon par exemple , fulpcndu par une corde , fera mis en mouvement par le choc d’une balle de piftolet. Je n’ignore pas que Defcartes tâche de rendre raifon de cet effet. Il dit qu’un corps plongé dans un fluide, efl: dans un équilibre parfait avec les parties de ce fluide qui le choquent, les unes d’un côté , ôc les autres de l’autre ; de forte que le choc d’un autre corps, quelque petit qu’il foit, venant s’y joindre, ne fait qu’emporter l’équilibre ( b ). Mais, nous l’oferons dire, malgré le ref-peéb dû au Philofophe François, ce n’eft-là qu’une défaite pitoyable. Il y a encore dans les réglés de Defcartes un manque d’analogie ôc de liaifon , dont voici un exemple. Lorfque deux corps mus d’égale vîteffe fe rencontrent, ils fe réfléchiffent, dit Defcartes , l’un ôc l’autre; mais diminuez tant foit peu l’un des deux,alors, fuivant lui, le moindre fe réfléchit avec toute fa vîteffe , ôc le plus grand continue avec la fienne toute entière. Cependant la raifon perfuade qu’un changement auffi léger n’eft pas capable d’opérer un effet aufîi oppofé ; car la nature n’agit pas ordinairement de cette maniéré. Les loix du choc admifes aujourd’hui parmi les Méchaniciens n’ont pas un pareil défaut ; on y voit toujours le mouvement fe changer en repos ou en mouvement contraire par gradation. Dans celles de Defcartes tout fe fait par faut, comme s’il n’y avoit pas entr’elles la moindre liaifon , la moindre dépendance d’un même principe. Nous fupprimons , afin d’abréger , plufieurs autres réflexions qui fe préfentent à nous ur les défauts de ces réglés qui pèchent de tous les côtés. Comment fe peut-il faire qu’un auffi grand Géomètre n’ait P'ls Laifî cet objet fous un point de vue plus géométrique. r 1 paroît par les Lettres de Defcartes qu’il a quelquefois rai-°nné plus fainement fur les loix du choc. Car dans la qua- «j 1 1 ^rincip. p. n , art. j-6. 15>1 HISTOIRE rante-quatrieme du fécond volume , il afîigne la véritable loi, dans le cas où un corps en choque un autre quelconque en repos. Il prétend ici que le mouvement du corps choquant fe répartit fur la mafie des deux * la vîteffe diminuant en même raifon que la maffe eft augmentée; ce qui eft conforme à la vérité. Nous ne doutons en aucune maniéré que Defcartes n’eût parfaitement réufîi à démêler les vrais loix de la communication du mouvement, s’il n’eût pas été préoccupé de l’idée de les faire quadrer avec fon fyftême général. On ne peut trop regretter qu’il ait embraffé un plan aulfi vafte. S’il fe fût adonné uniquement à perfectionner diverfes branches de la Phyfique, il n’en eft aucune dans laquelle il n’eût porté une lumière brillante ; car l’unique fource de fes erreurs eft l’efprit fyftématique auquel il fe livra avec trop de confiance , ôc fans confulter affez l’expérience. Mais en voilà affez fur ce fujet ; finiffons cet article par quelque trait qui faffe plus d’honneur au génie de Defcartes. Une des plus ingénieufes idées de Defcartes eft d’avoir tenté d’appliquer la force centrifuge de la matière éthé-rée à l’explication de la pefanteur des corps. Quoique l’examen de ce fyftême paroiffe appartenir davantage à la Phyfique qu’aux Mathématiques, cependant comme ce font des principes méchaniques que Defcartes y emploie , je n’ai pas cru cet examen étranger à mon fujet. D’ailleurs la célébrité de la queftion juftifie cette forte d’excurfion hors de mon plan. Defcartes fait rouler , comme l’on fçait, autour de la terre, &. de chaque planete, un tourbillon de matière éthérée, c’eft-à-dire extrêmement fubtile. Mais tout corps , ajoute-t’il, qui a un mouvement de circulation, fait effort pour s’éloigner de plus en plus du centre autour duquel il circule ; toutes les parties du tourbillon terreftre ont donc une propenfion continuelle à s’éloigner de la terre , ôc ce tourbillon fe difîiperoit , s’il ne rencontroit pas une réfiftance fuffifante dans l’effort du refte de la matière éthérée. Il faut encore fuppofer dans cette hypothefe que les corps terreftres font moins propres au mouvement que la matière éthérée , 8c qu’elles n’ont par conféquent qu’une force centrifuge moindre. Cette fuppofition admife, on fent qu’ils font dans ce DES M AT H É M AT IQ U E S. Part.IV. Livy. 193 fluide comme un corps plongé dans un liquide de moindre pefanteur fpécifique , Ôc de même que ce liquide le repouffe vers le coté oppofé à celui où il tend par fa pefanteur, de même les corps terreftres placés au milieu du tourbillon donc nous parlons, feront repouffes vers le milieu dont il tend à s’éloigner. Voilà, fuivant Defcartes, la caufe de la pefanteur ôc de la chûte des corps vers le centre de la terre. Il en eft à peu près de cette idée comme de celle des tourbillons , que le même Philofophe employa pour expliquer les mouvemens céleftes ; elle féduit du premier abord, elle enchante par l’apparence d’un méchanifme très-intelligible ôc très-vraifemblable. Mais elle eft fujette à de grandes difficultés , 6c qui font telles que le plus grand nombre des Phyfî-ciens convient aujourd’hui qu’il faut recourir à quelque autre moyen d’expliquer la pefanteur. M. Huyghens, quoique difciple de Defcartes, a le premier porté des coups dangereux à l’explication que nous venons d’expofer. Il remarque dans fon Livre De causa gravitatis 9 i°. Que l’effort centrifuge des portions de fluide, fituées dans les parallèles à l’équateur fe faifant dans le fens des rayons de ces parallèles, c’eft dans ce fens que doit fe faire la réaction qui caufe la pefanteur : conféquemment un corps placé partout ailleurs que dans l’équateur, tendra vers l’axe du tourbillon , 6c non vers le centre. i°. Qu’afin que la matière éthérée pût pouffer les corps terreftres avec la force que nous éprouvons , il faudroit que fa circulation fût dix-fept fois auffi rapide que le mouvement diurne de la terre. Mais un tourbillon de cette rapidité 6c de cette denfité , entraîneroit avec lui tous les corps, ôc ne manqueroit pas d’accélérer peu à peu la révolution de notre globe. 30. Il fuivroit de l’hypothefe de defcartes que ce feroient les corps les moins denfes qui pefe-r°ient le plus , de même que ce font les moins denfes qui fem-blent faire plus d’effort pour s’élever fur la furface des fluides plus pefans ; ce qui eft manifeftement contraire à l’expérience. M. Huyghens n’a pas cru qu’il fût poffible de répondre à ces difficultés, 8c s’eft cru obligé par cette raifon de donner à la Patiere éthérée un autre mouvement qu’il imagine fe faire dans diverfes couches fphériques, ôc dans tous les fens imaginables. Par-là on remédieroit effeétivement à quelques-uns 294 HISTOIRE des inconveniens du tourbillon fimple de Defcartes ; mais le remede efl: pire que le mal , ce méchanifme imaginé par M. Huyghens, efl: avec raifon réputé impoflible. On en eft donc revenu au tourbillon tel que Defcartes l’avoit propofé , Ôc l’on a tâché de répondre aux objećtions de M. Huyghens. M. Saurin a cru avoir réfolu heureufement la première : il difoit qu’un fluide agiffant toujours perpendiculairement à la furface qu’il comprime, un tourbillon renfermé dans une furface fphérique exerceroit fa preflion dans le fens du rayon , ôc que la réaâion de cette preflion, qui forme la pefanteur , fe faifant en fens contraire, il devoit s’enfuivre que les corps tendroient vers le centre (a). Il faifoit encore fur ce fujet un autre raifonnement qu’il feroit trop long de rapporter ; mais il femble qu’à l’exception de ceux qui étoient intéreffés à trouver cette folution bonne, perfonne autre n’en a porté un jugement aufii avantageux que lui. En effet, on pourroit, par un pareil raifonnement, prouver qu’un corps qu’on plon-geroit dans un vafe hémifphérique plein d’eau , devroit remonter perpendiculairement à la furface de ce vafe, ôc non à l’horizon. Quant à la fécondé difficulté de M. Huyghens M. Saurin convient ingénuement qu’il n’a rien de fàtisfaifant à y répondre {b). A l’égard de la troifieme je ne vois aucune part, pas même de tentative pour la réfoudre. On n’a pas négligé de faire des expériences pour reconnoître d’une maniéré fenfible fi les phénomènes de la gravité s’accordent avec l’hypothefe des tourbillons. On en lit quelques-unes dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences des années 1714,1715 ôc 1716. Mais leur Auteur ( M. Saul* mon ) ne peut diflimuier qu’il en réfulte tout le contraire de ce qu’il faudroit pour confirmer cette hypothefe. Outre qu’un corps efl: entraîné par le tourbillon , on obferve que les plus denfes, loin de fe plonger au centre, s’écartent au contraire vers la circonférence. M. Bülfinger, conduit par les mêmes vues que M. Saulmon, ôc délirant décider, par l’expérience, la queftion fi un corps plongé dans un tourbillon fphérique tombera au centre, ou vers l’axe, s’efl: procuré un pareil tourbillon , en faifant tourner rapidement autour de fon axe, une (a) Journal des Sça. ann. 170$. [b) Mem.jde l’Acad, ann. 1709. DES MAT HÉ M AT IQ U E S. Part.IV. Y. fphere de verre remplie d’eau (a). Il a remarqué que des bulles d’air qui fe rencontroient dans cette fphere, formèrent bientôt un cylindre autour de l’axe , non une fphere, de forte qu’il a cru pouvoir en conclure qu’un tourbillon fphérique rameneroit les corps vers l’axe & non vers le centre. L’Académie des Sciences ayant propofé pour le Prix de l’année 1728 , d’examiner la caufe &c le méchanifme de la gravité , M. Büljînger propofa une nouvelle maniéré d’expliquer ce phénomène (6). Il imaginoit un tourbillon tournant à la fois autour de deux axes perpendiculaires l’un à l’autre , efpérant pouvoir en déduire la chute direéfce dey graves vers le centre. On voit auffi dans cet écrit le def-fein d’ une machine propre à en faire l’expérience, en donnant à une fphere remplie d’eau ces deux mouvemens. Nous ne voyons pas que le Sçavant que nous citons ait exécuté cette expérience ; nous doutons fort qu’elle eût eu quelque fuccès , ou plutôt nous tenons le contraire pour alluré. Car afin qu’un tourbillon de cette nature repoufsât les corps au centre , il faudroit que tous les points du fluide décri vident des arcs de grands cercles , éc c’eft l’objet que fe propofoit M. Bülfinger par ce double mouvement. Mais ii n’y a que les points éloignés également, des poles des deux axes , qui décrivent des grands cercles. Tous les autres ne décrivent que des courbes à double courbure , dont les perpendiculaires ne concourent point au centre de la fphere ; ce qui feroit néceftaire pour que les corps fufTent poulies vers ce centre. * *, .'■* Ne difons rien de divers autres maniérés d’expliquer la pefanteur ; comme elles n’ont pas été accueillies des Phyfî-ciens , nous ne croyons pas devoir nous en occuper. Nous nous bornons à une réflexion qui paroît détruire toute explication de ce phénomène par le moyen du choc de quelle matière fluide. C’eft que 11 la pefanteur des corps dé-Pendoit d’un pareil méchanifme , elle ne feroit plus pro-P°rtionnelle à la mafte. Suivant qu’un corps préfenteroit plus de furface , il devroit être plus pefant , y ayant moins (fj gravium in vortice Sphârico. Mem. de Peterlb. T. i, ann. \ ) De causa gravit, dijj'. Prix de l’Acad. T. nu 19t hist. des mathém.p^.iv.z*v. v. de parties à l’abri de ce choc. Or cela eft contraire à l’expérience. On peut voir encore dans les Entretiens fur la caufe de Vinclinaifon des orbites des Planetes (a) par M. Bouguer3 diverfes autres réflexions qui fourniflènt des raifons puiiïan-tes contre ce méchanifme. [a) Remarques, p. 61,8x 3 Scc. Fin du Livre Ve de la IVe Partie» histoire *5>7 & 1SOfe-^*v»A»i JUKTfrWjih OT & - 4$* ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ £ T Ił % HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES. xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx QUATRIEME PARTIE, Qjti contient IHifloire de ces Sciences durant le dix-feptieme fiecle. LIVRE SIXIEME. Où l’on rend compte de Paccroiffèment de la Géométrie, ôc en particulier de la naifïànce ôc des progrès des nouveaux calculs , durant la derniere moitié du dix-feptieme fiecle. SOMMAIRE. ï* IVzllis applique le calcul à la Géométrie des indivifibles, & ffi1 par ce moyen diverfes découvertes. Maniéré dont il confidere la quadrature du cercle , & expreffion quil en tire. II. Découvertes auxquelles la méthode de JVallis donne lieu. Pre-Tome II. Pn \ 25)8 HISTOIRE miere rectification de courbe par Neil. Expreffion que donne. Milord B rounckerpour la mefure du cercle. Premièrefuite pour la quadrature de T hyperbole découverte parle même Geometre. Mercator en donne auffi une qu il avoit trouvée avant que celle de B rouncker eût vu le jour. III. Du D. Barrow , & en particu-culier de fa méthode des tangentes. IV. De M. Newton. Précis de la vie de cet homme célébré. Ses premières découvertes géométriques. Il découvre la théorie générale des fuites, le développement des puiffances , & fon calcul des fluxions P appelle dans le continent calcul différentiel & intégral. N - Exposition du principe géométrique des fluxions , & des premiers fondemens de leur calcul & de leur application. VI. Le Géomètre Jacques Grégori s'élève le premier au principe de M. Newton „ & ajoute par ce moyen diverfes découvertes aux fiennes. VIL Hiftoire de ce qui s'efl paffe vers i6j6p entre MM. Newton & Leibnitqau fujet de ces découvertes analytiques ; récit de la: querelle élevée depuis fur Vinvention du calcul différentiel. VIII. Expofition de quelques théories particulières qui prennent naiffance alors , comme celle des caufiiques de M. Tchirnaufen , & des épicycloïdes. IX. Progrès du calcul différentiel dans le cotitinent, a dater du temps ou M. Leibnitq le publia. Naifi fance du calcul intégral entre les mains du même M. Leibnit{ & de M. Jacques Bernoulli. M. Jean Bernoulli entre dans la la même carrière, & fait en France des profélytes au nouveau calcul3 entr autres M. de l'Hôpital P qui en dévoile les principes dans fon Analyfe des Infinimens Petits. X. Tempête élevée contre le calcul différentiel. De M. Niewentiit 3 auteur diin Livre contre ce calcul. Querelle entre Rolle & M. de Harignon3 enfuite entre le même Rolle & M. Saurin fur ce même fujet. Autres contradicteurs de cette invention , & réponfes qu on leur foit folides , dont les élémens font réciproquement comme quelque puififance de l’abfciffe ; dans l’hyperbole ordinaire , par exemple , l’ordonnée eft réciproquement comme l’abf-ciiTe , ôc dans celles des ordres fupérieurs elle efi: réciproquement comme une puififance de cette abfciffe, c’efi-à-dire * que l’équation de toutes ces courbes efi:y=»~ , ou jzczx Or on a vu que dans les courbes dont l’équation efl y = xm y le rapport général de l’aire au parallélogramme de même bafe ôc de même hauteur, eft 1 : m -4-1 ; ôc cela efi: vrai, quelle que foit la grandeur de m. Cela fera donc encore vrai, lui vaut les loix de l’analyfe ôc de la continuité, même lorfque m deviendra négatif ou — m. Ainfi le rapport ci-defifus fera dans ce cas celui de 1 : —m--J- 1 , ou en général de 1 à ;;z-f- 1, en prenant m avec le figne qui l’affecte. Dans l’hyperbole ou les ordonnées font réciproquement comme les racines del’abfcifte, m eft ôc par conféquent —Ainfi l’efpace hyperbolique AH, Fig. 8 j. efi: au rectangle C B, comme ià — ^ 1, ou 1 à f. Si m= 1, ce qui eft le cas de l’hyperbole ordinaire ; ce rapport eft 1 : — x H- 1 , ou 1:0; ce qui montre que l’hyperbole ordinaire a fon efpace afymptotique infini. Il fe préfente ici une difficulté dont JVallis, malgré fa faga-cité, n’apperçut pas le dénouement. Lorfque l’expofant négatif m, eft un nombre 'entier 3 , par exemple , qui furpaffe l’unité , le rapport ci-deffus eft 1 : — 2; c’eft-à-dire, celui de l’unité à un nombre négatif. Or on fçait, & il eft facile de montrer que 1:0, exprime un rapport infini : que défignera donc cette autre expreffion , peut-on fe demander ? JVallis imagina qu’elle défignoit un efpace plufqu’infini ; paradoxe fingu-lier, dont on doit la folution à M. Varignon. Ce que JVallis a pris pour un efpace plus qu’infini, n’eft: qu’un cfpacc fini pris négativement ou en fens contraire. Il arrive dans ce cas, ce dont l’analvfe fournit des exemples fréquens. On trouve la grandeur, non de l’cfpacc C ABG H C qu’on demandoit, mais celle du refte de l’efpace hyperbolique A KI B qu’on D E S M AT H ÉM AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VI. 301 demandent pas. Il eft facile de s’en convaincre ; car en cherchant la mefure de cette partie CLBK, par fon équation rapportée à l’axe CL, on trouve la même chofe que ci-devant, mais d’une maniéré pofitive. Nous remarquons à cette occafion une propriété de toutes les hyperboles de degrés fupé-rieurs ; c’eft qu’elles pallent d’un côté au dedans de l’hyperbole ordinaire, c’eft-à-dire, entre la courbe & l’afymptote, & de l’autre au dehors ; &. elles ont leur efpace afymptotique infiniment grand d’un côté, & de l’autre égal à un efpace fini. La méthode de JVallis s’applique avec facilité à des cas plus compofés, par exemple, à ceux où l’ordonnée de la figure efi: exprimée par une puiffance complexe , comme aa^ zax—• xx^aa— xx,\/a — v'x,ècc. Car il eft évident qu’on peut regarder cette ordonnée comme la fomme de plufieurs dont l’une feroit conflamment a a, l’autre + 2 a &: la troifieme -j-xx. Ainfi fuivant la regle donnée ci-defïus, l’aire fera compofée de plufieurs parties, dont la première fera a ax, la fécondé -\-axx^ & la troifieme —. JVallis examine de meme la me- 3 iure des courbes dont les ordonnées feroient comme les fonctions (a) triangulaires,pyramidales, êcc. de l’abfcifïè. Ces fonctions ne lont que des compofés de puifïances de l’abfcifle r c’eft pourquoi elles tombent fous les réglés données ci-deffus. Les bornes étroites où nous fommes refferrés, ne nous permettent pas d’entrer dans de plus grands détails. Nous renvoyons à l’ouvrage même dont nous tâchons de donner une idée» JVallis tira de ces confidéradons unemaniere fort ingénieufe d’envifager la quadrature du cercle, qui fut, peu d’années après , le germe de diverfes inventions de Newton.. Il obferva qu’on avoit la quadrature abfolue de toutes les figures dont les ordonnées feroient exprimées par ( 1 — xx)°; ( 1 — xx)1 ; ( 1 xx J1» f i — x x6cc. (b) La première eft, fuivant les Nous appelions ici fonftion avec les «0|0rnet/reS nos j°urs ■> toUte expreffion 2r J1 j°^e ^ une lTlaniere quelconque , de ürs eonftantes & de variables ; ainfi “V^Zxx ), aû-i~xx, mx-j-m. in-—i. xxy (i) Xrnt ^es ^on<^ons fier d°lM nous Sommes ferv^, pour fimpli-1 °ypreffion i—** , au lieu de aa 3 en Oppofant que Ja valeur de a eft l’unité. Il faut dans ce cas, afin de fe conformer à la loi des homogènes , regarder x, non comme une ligne, mais comme une valeur numérique de a:, à 1 egard de la ligne a, qui eft prife pour l’unitéj & ce qu’on dit ici doit s’appliquer à tous les autres cas où l’on a une une expreffion compofée de plufieurs puifïances de x , combinées par l’addition ou la fouftraćtion, 302 HISTOIRE réglés de l’Arithmétique des infinis, égale au parallélogramme circonfcrit. La fécondé en eft les f ; la troifieme , les ~ ; la 4% les —, lorfquex= 1. Voilà donc une fuite de termes 1 , fi, 6cc. dont chacun exprime le rapport qu’a au parallélogramme de même bafe 6c de même hauteur , la figure dont l’ex-prefîion de l’ordonnée tient un rang correfpondant dans la fuite des grandeurs ( 1 —xx )°; ( 1 —xx )T, 6cc. Mais les expofans des termes de cette derniere fuite , font en progreffion arithmétique, 0,1,2, &c. Si donc on vouloit introduire un nouveau terme entre chacun de ceux-là, celui qui tomberait entre ( ! —xx)° , ( i —xx ) , feroit ( 1 —xxfi9 qui eft l’expref-{ion de l’ordonnée du cercle. On auroit par conféquent la quadrature du cercle, fi dans la fuite 1, f, 77 » ttî ? il étoit également facile de trouver le terme moyen entre 1 6c f. Cette maniéré de raifonner en Géométrie, a été nommée interpolation. C’eft inférer dans une progreffion de grandeurs qui fuivent une certaine loi, un ou plufieurs termes intermédiaires qui s’y conforment autant qu’ils peuvent le faire. Cela eft facile dans les progreffions arithmétiques 6c géométriques , dans celle des nombres figurés quelconques ; mais il n’en eft pas ainfi dans le cas que fe propofé Wallis, 6c il y a bien du génie 6c de l’adrefle dans la maniéré dont il recherche ce terme. Nous nous contenterons de dire que, ne pouvant le trouver en termes finis , il l’exprime par une fraćtion dont le numérateur 6c le dénominateur font infinis, 6c font formés d’une fuite de multiplicateurs qui fuivent une progreffion très- élégante. Cette expreffion eft celle-ci 2X4X4x6x6x8x8x Sic. 3X3X5X5X7X7X9X Sic. de for- te que le rapport du quarré circonfcrit au cercle , eft celui de l’unité à Pexpreffion ci-deffus, ou de l’unité, 6c c> pu bien à f x fi x jj x , 6cc. (a) ce qui approche d’autant plus de la vérité que l’on prend un plus grand nombre de termes. Une ample moifFon de découvertes eft ordinairement la ré-compenfe de l’invention d’une nouvelle méthode, Ce fuccès étoit dû à Wallis : fon Arithmétique des infinis s contenoit (a) Cette fuite réduite à une autre forme , eft celle-ci j -f- A -j— 77 B ^î -C, Scc. A , B, C, &c, reprefentant toujours la fomme tous les termes precedens. M. ,Eyler montre dans les Mémoires de Te- terfbourg ( T. IX, ann. 17 37.), qu’elle Ce réduit à la fuite ü connue pour le quart de cercle, 1----j -f- f — i -f- i, &c 3 2 -f- ôcc. prolongée à l’infini. Mais lorfqu’on la terminera, on aura alternativement des limites par excès 6c par défaut. Au refte , Milord Brouncker obferve que pour avoir une approximation plus jufte en terminant la fuite, il faut augmenter le dénominateur de la fraćtion où l’on s’arrête, de la racine du numérateur ; on trouve par ce moyen, dès les feptieme 6c huitième termes , des limites plus refFerrées que celles & Archimede. Wallis en nous communiquant cette invention, nous a fait part de la maniéré dont Brouncker y eft parvenu (h). La Geometrie eft redevable à Milord Brouncker d’une autre C Gui^aume Brouncker, Vicomte de j"g te*'Lyons en Irlande, naquit vers l’an £e- °* d fut Chancelier de la Cour de la dern^’Garde de fon Sceau, & dans les fairesejes.ann^es ,7,8, font —, -L-, — , -r1—, Sec. donc cette fuite J ) ; J 9.I07 II. IL *13. 14* IS- de fraćtions continuée à l’infini, épuifera tous les rećtangles inferits de la maniéré qu’on vient de voir , 6c par conféquent - fera faire de l’efpace hyperbolique AEGDB. C’eft en calculant de la même maniéré les rećtangles continuellement inferits dans l’efpace A F E G , ou les triangles inferits dans le fegment AEG, qu’il trouve les deux dernieres fuites. On peut par le moyen de chacune d’elles calculer en plufieurs de- DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv.Yl. 307 cimales la valeur de l’aire hyperbolique entre les afymptotes : Brouncker en donne des exemples, Ôc trouve par cette méthode les logarithmes hyperboliques de 1 6c de 10. C’eft enfin à Y Arithmétique des infinis de Wallis, que nous devons à certains égards la découverte brillante par laquelle le Géomètre Nicolas Mercator [a) s’illuftra quelques années après. Car ce fut en cherchant à appliquer à l’hyperbole les réglés de cette Arithmétique, qu’il trouva une fuite pour exprimer l’aire hyperbolique entre les afymptotes. Voici de quelle maniéré il y parvint. Il fuivoit de ce que îVallis avoit démontré dans l’ouvrage cité tant de fois, que fi l’ordonnée d’une courbe étoit exprimée par une fuite quelconque de puifïances de l’abfciftè, comme i-i-x -4-a:3 -4- at+ 9 £cc. l’aire de cette courbe étoit x -4~ m — -H — -h —, &c. Wallis avoit aufii remarqué que prenant l’origine de l’abfciffe fur i’afymptote , à une diftance égale à B C, ou l’imité, de forte que B^füt =xy l’ordonnée étoit —■— ; mais cette expreffion ne tomboit point fous fes réglés, ôc il avoit tenté en vain de l’y foumettre (h). Ce fût Mercator qui en vint à bout : il eut l’idée heureufe, ôc néanmoins fort fimple, de divifer par la méthode ufitée, 1 par 1-4-a:, Sc il trou va, au lieu d’un quotient fi ni, cette fuite infinie 1 —a:-H atl — Ar3 -4-a:4, &c. La vérité de cette expreffion, ÔC fon identité avec la première , eft facile à montrer lorfque x eft moindre que l’unité : car alors la fuite dont nous parlons eft la différence des deux progreffions géométriques décroiftantes [a) Nicolas Mercator ( en Allemand HaufFmann), étoit du Duché de Holftein. Il vint s’établir vers l’an 1660 en Angleterre : il y demeura le refte de là vie , & il fut un des premiers membres de la Société Royale. Nous ignorons les dates de *à naiffance & de fa mort. On a de lui divers ouvrages, dont les principaux font les luivans. Hypoth. AJlron. nova. Lond. 1664. ia-fol. On a parlé de cette hypothefe à la du Livre IV. Z ogarithmotcchnia, &c. bid. 1668. in-40. Injlitut. AJlron. Ibid. j,f78.in-8°. Nous lommes fâchés, pour onneur de cet habile Mathématicien, 1 °n ait trouvé apres fa mort, parmi fes papiers , un Traité d’AftroIogie Judiciaire. Voyez le Supplément de Bayle, par M. de la Chaujfepié. [b) On lit dans le Supplément de Bayle, à l’article de Newton, une remarque où l’on revendique à Wallis l’invention de Mercator, fur ce que, dit - on , Wallis avoit déjà montré dans Ion Opus Arithm. imprimé en 16^7 , le développement de l’exprelfion 1 : ( 1 —|— a: ). Mais nous pouvons allurer que l’Auteur de cette remarque , qui paroît être le Chevalier Jones , a mal vu , & qu’on ne trouve rien de lèm-blable dans l’ouvrage cité, du moins dé l’édition de 16/7. Qq j De Mercatoft Fig' 8J' 3o8 HISTOIRE i HH*'1 -f-'Xl-l-x6y ôcc. 6t x-f-x^ -4~x*-f-x?, &c. qui étant fommées par la méthode ordinaire , 6t fouftraites l’une de l’autre, donnent précifément —La fuite x —~ + ~------- 4 — 9 6cc. fera donc égale, comme on l’a vu plus haut, à Faire hyper- bolique entre les afymptotes, répondante à l’abfciflç x. Que h l’on fuppofe au contraire x négatif, c’eft-à-dire, pris de B en cT, la fuite précédente fera — Hh y “ 5 &c. Mercator publia fa découverte dans fa Logarithmotechnia, qui parut vers la fin de 1668. Il donna ce titre à fon ouvrage, parce qu’il y applique principalement fa fuite à la conftruéHon des logarithmes qui dépendent, comme on l’a dit tant de fois, de la quadrature de Faire hyperbolique entre les afymptotes. L’invention de Mercator fournit en effet un moyen commode de calculer les aires hyperboliques , tant que x eft moindre que l’unité. Car fuppofons que x foit j, alors la fuite en queftion fe transforme en celle-ci f--—1---l—------7—, êcc. dont les termes décroiiïent rapidement, de telle forte qu’ils arriveront bientôt à un degré de petiteffe qui les rendra de nulle conlidération. Il fuffira donc d’en additionner un certain nombre, ce que Fon fera commodément par le moyen des fraćlions décimales dont nous fuppofons la doćtrine connue au îefteur. Ainfi Fon trouvera par la fuite ci-deffus, que le logarithme hyperbolique de f, eft o. 18 2 3 215. On trouvera de même ceux de tous les nombres pareils qui excedent peu l’unité, 6c par leur combinaifon mutuelle on tirera ceux de la plupart des nombres entiers (a). On a dit qu’il falloit fuppofer dans la fuite ci-deffus x moindre que l’unité. En effet, à mefure que x approche davantage (a) Car, par exemple, ayant le logarithme de I, & celui de i, on aura celui de z > en ajoutant à celui de 7 le double de celui de f-, ou celui de Car f x = 2. Maintenant ayant le logarithme de 2 , & celui de on aura facilement celui de 1 o j car 8 j ou d x 23 10 : ainfi il faudra au lo- garithme de 5, ajouter le triple de celui de 2. Avec le logarithme de f, & celui de f t ou le double de celui de f, on aura celui de 3 , car I x ! = 3. En ajoutant ceux de 1 o & de ~, on a celui de 1 r. Il eft facile de concevoir par le moyen de ces exemple5-» comment on peut calculer les logarithmes des nombres entiers par le moyen de ceux des fractions peu differentes de l’unité». DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VI. 309 de cette valeur, le calcul de la fuite eft plus laborieux parce qu’elle converge plus lentement, c’eft-à-dire, que fes termes décroiiïent moins rapidement. L’inconvénient eft encore plus grand , fi x furpaffe l’unité ; car alors les termes de la fuite, au lieu d’être décroiiïans, vont en croiftant de plus en plus, ce qui la rend inutile. Mais il y a à cela divers remedes , entr’autres celui-ci : par exemple, fi Àd eft fuppofe 17,6c qu’on ait dépi le logarithme de 2,6c par conféquent ceux de 4, de 8, de 16, il n’y a qu’à divifer 17 par 16, ce qui donnera fj, ou 1 —, Alors en faifant x = ~^9 on aura , par la fuite ci-deffus, le logarithme de 1 ■—, ou ; à quoi fi l’on ajoute le log. de 16, qui eft quadruple de celui de 2 , on aura celui de 17. Telle eft la maniéré dont on pourra parvenir à trouver les iog. des nombres premiers, pourvu qu’on ait ceux des 1 o premiers de la fuite naturelle. Il faut remarquer que les logarithmes qu’on trouve par cette méthode, ne font pas ceux des Tables ordinaires. On les nomme par cette raii.011 hyperboliques ; mais ils font aux Tabulaires, c’eft-à-dire, à ceux des Tables ordinaires, dans un rapport conftant, fçavoir celui de 2. 3025850 à 1. 0000000. Cela vient de ce que dans la conftruétion de logarithmes ordinaires, on a fuppofe d’abord, que celui de 1 o étoit 1.0000000; mais par le calcul fondé fur la méthode ci-deiïus, on le trouve de 2. 3025850. Les logarithmes appelles hyperboliques, font ceux qui réfultent du calcul des aires de l’hyperbole équilatere entre les afymptotes : les tabulaires repréfentent les aires d’une hyperbole dont les afymptotes font entr’elles un angle de 540 & 16'. Mais tout comme les aires de ces deux hyperboles fur mêmes abfciftes font entr’elles dans un rapport conf-tant_, qui eft celui de leur plus grand parallélogramme infcrit dans les afymptotes , de même les logarithmes hyperboliques ôc tabulaires font dans un rapport conftant ,• fçavoir de 2. 3025850 à 1. 0000000, ou de 1. 0000000 à o. 4342944: ainfi l’on réduira facilement les uns aux autres; les hyperboliques aux tabulaires, en divifant les premiers par 2. 3025850, ou au contraire les tabulaires aux hyperboliques , en multipliant* ceiix-là par 2. 3025850 ,,ou les divifant par 0. 4342944» HISTOIRE 310 I I L Du D. Bar- Parmi les Geometres contemporains de Wallis, ôc un peu ^thocU ddis antérieurs à Newton , qui ont principalement contribué à Tangentes. * l'avancement de la Géométrie, on doit une place au D. Bar-row (a). Ce Mathématicien célébré, publia en 1665», fes Leçons Géométriques , ouvrage rempli de recherches profondes fur la dimenfion ôc les propriétés des figures curvilignes. Nous nous en tiendrons à cet éloge ; car nous ne pourrions , fans tomber dans des détails prolixes, donner une idée plus développée de ce Livre fçavant. Il ne falloit rien moins que les nouveaux calculs pour effacer tant d’inventions excellentes. Nous nous arrêterons feulement à une, fçavoir fa méthode des tangentes, à caufe de fa liaifon avec le calcul différentiel ou des fluxions. Il faut fe rappeller ici ce qu’on a dit fur la méthode de Fermat; car celle de Barrow n’eft que cette méthode fîmplifiée. Le Geometre Anglois confidere le petit triangle formé par la différence des deux ordonnées infiniment proches, leur diftance Ôc le coté infiniment petit de la courbe. Ce triangle eft femblable à celui S ni fe forme par l’ordonnée, la tangente Ôc la foutangente. cherche donc par l’équation de la courbe le rapport qu’ont enfemble ces deux cotés b a , a B du triangle Ab a, lorfque la différence des ordonnées eft infiniment petite [b) ; enfuite il (a) Barrow, ( Ifâac ) naquit à Londres, vers l’an i6jo. Il promettait peu dans fa |eunefîè : mais lorfqu’il fut parvenu à un âge un peu plus mûr , fon génie fe développa , & il fît des progrès rapides dans prefque toutes les connoiffances. En 16Ć0 il fut nommé à une Chaire de Grec à Cambridge i il la quitta peu après pour une de Mathématiques au College de Gresham , Bc enfin en 1668, il revint occuper à Cambridge celle de Géométrie , qu’on nomme Lucafienne, parce qu’elle eft de la fondation de M. Lucas. Ce fut alors qu’il di&a fês excellentes Leçons optiques & Géométriques 3 qui furent imprimées en 1669. Cette année le D. Barrow fe démit de fà place en faveur de Newton , & dans la vue çLe fe livrer principalement à la Théologie. Il mourut en 167 8 à Cambridge, Reéleur du College de la Trinité. Outre fes Lett. Optica 6» Geometrica 3 on a de lui divers autres ouvrages Mathématiques, que voici. Nota in Eucl. Elem. Cant. 16 çç. in-40. Euclidis data fuccintte dem. Ibid. 165-9. in-40. Arch. opera , Appoll. Conica , ac Theod. Spherica 3 methodo nova illuflrata. 16 j j-. Lond. in-40. Lett. Math. Cant. 1684. in-8°. Le célébré Tillotfon publia en 16 8 3 , fes Œuvres Théologiques, Mo' raies & Poétiques : on peut juger de leuf mérite par celui de l’éditeur. [b] Par exemple, ü l’équation efl y y ==: p x , en fuppofant x devenir x -f- e , 8c l’ordonnée en même temps y —{— a , ou a cette autre équation y y -f- z aya a zzzzpx -J— p e. Otons de part & d’autre leS DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VI- 311 fait comme ab eft à b A, ainfi l’ordonnée à la foutangente cherchée. Cette regle * fi peu différente de celle de Fermat, ne différé , comme il eft aifé de le voir, de celle du calcul différentiel , que par la notation. Ce que Barrow nomme c, a, on le nomme dans le calcul différentiel dx 9dy, les co-ordonnées étant x 8c y. Il y a auffi une grande reffemblance entre la maniéré dont on prend la différentielle * ou la fluxion d’une grandeur 9 8c celle qu’emploie Barrow pour trouver le rapport des lettres e, a. Il ne lui étoit même pas impoffible d’appliquer fa méthode aux expreffions irrationnelles , de forte qu’il toucha de fort près au calcul différentiel ^ 8c qu’il n’eft guere befoin de recourir ailleurs qu’à fes ouvrages pour y trouver 1 origine de ce calcul. IV. Tel étoit l’état de la Géométrie 8c de PAnalyfe lorfque parut M. Newton. Cet homme immortel à tant de titres, naquit le 25 Décembre 1641 ( vieux ftyle ), à Woolftrop , dans la Province de Lincoln , d’une famille noble qui poffédoit depuis deux fiecles la Seigneurie de ce nom , 8c qui étoit originaire de New-Town , ville de la Province de Lancaftre. Il lit fes premières études dans le College de Grantham , où il fut envoyé à l’âge de douze ans. Lorfqu’elles furent finies , fa mere crut devoir le rappeller dans la maifon paternelle, afin qu’il commençât à veiller à fes affaires j mais Newton ne rapporta de l’Uni verfité qu’un efprit fi éloigné de ce genre d’occupations , 8c fi porté à l’étude, qu’il fallut l’y renvoyer afin qu’il pût y fuivre fon goût. Ce fut alors qu’il commença à étudier les Mathématiques. Un génie fi fublime ne devoit pas fuivre la route ordinaire ; Newton ne fit, dit-on, que jettçr les yeux fur les Elémens d’Euclide ; il paffa fur le champ à des Livres de Géométrie fublime, comme la Géométrie de Defcar-les 3 8c l’Arithmétique des infinis de Wallis. En lifant ces cubages , il ne fe bornoit pas à les entendre, mais portant déjà Fig. bs; De M. Newton & de fes premières découvertes. 31 ł HISTOIRE fes vues au-delà de celles de l’Auteur , il faifoit xiès-lors comme par occafion une ample moiflon de découvertes. C’eft ainü que s’offrirent à lui fes premières inventions analytiques , comme on le verra dans le récit que nous en ferons. Le mérite de M. Newton ne tarda pas à fe faire jour. Le D. Barrow , fi bon juge en fes matières , le connut, l’admira , ôc quittant fa place de Profefïeur à Cambridge, la lui procura. Il n’avoit encore que vingt-fept ans, mais il étoit déjà en pofleffion, ôc même depuis quelques années, de deux de fes plus belles découvertes , fa théorie de la lumière, ôc fon calcul des fluxions. Il commença alors à dévoiler la pre-miere, dans fes Leçons Optiques, ouvrage fublime foit par les recherches d’Optique ôc de Géométrie mixte, qui y font répandues , foit par cette nouvelle théorie qui en eft l’objet principal. Il mettoit en ordre dans le même temps fon Traité intitulé Méthode des Fluxions , fe propofant de le publier incef-famment avec le précédent. Mais les objections précipitées qui lui vinrent de divers côtés contre fes découvertes Optiques , fi-tôt qu’il en eut publié le précis dans les Tranf actions 9 le détournèrent de fon deflein. Plus flatté de la tranquillité que de la gloire * il les fupprima l’un ôc l’autre. Des découvertes fans nombre , ôc divers écrits font l’ouvrage de ce temps où il profeffoit les Mathématiques à Cambridge , en-tr’autres fes Principes Mathématiques de la Philofophie Naturelle, ce Livre immortel qui fera à jamais l’admiration de tous les fiecles éclairés. On en rendra ailleurs un compte fi étendu , que pour ne point nous répéter inutilement, nous nous bornerons ici à cet éloge, encore trop foible expreffion de l’efti-me dûe à cette fublime production de l’efprit humain. Un mérite tel que celui de M. Newton, étoit digne d’un autre théâtre que celui où nous l’avons vu jufqu’ici. On le fentit en i696. Milord Montague , Comte d’Halifax, lui procura la place de Directeur des Monnoyes de Londres. Newton la remplit en homme de génie, ôc fit dans certaines cir" confiances difficiles, des opérations également fçavantes utiles. En 1705 , il fut crée Chevalier par la Reine Anne. Cette Princefle ne fe borna pas à cette faveur : elle lui fit fou-vent l’honneur de s’entretenir avec lui fur les matières les plus DES MATHÉMATIQUES.Pan.TV.nv.VI. 313 plus fçavantes , on l’entendit plus d’une fois fe féliciter d’avoir eu un li grand homme pour fon contemporain & fon fujet. M. Newton jouit d’une fanté heureufe jufqu’à près de 80 ans : elle commença alors à s’afFoiblir ôc au commencement de 172.7 il fut attaqué de la pierre. Il montra dans cette cir-conftance autant de fermeté qu’il avoit déployé de fagacité durant le cours de fa vie. Au milieu des cruels accès qui terminèrent fes jours, on ne le vit jamais proférer une plainte, & li les gouttes d’eau qui couloient le long de fon front, n’euf fent été des marques de la violente douleur qu’il éprouvoit intérieurement, on l’eût cru dans un état tranquille. Il mourut enfin le 20 Mars 1717 (v. ft. ),âgé de 84 ans & trois mois. La Grande-Bretagne crut devoir montrer qu’elle étoit fenfible à l’honneur d’avoir produit un homme fi fupérieur. Son corps fût transféré à l’Abbaye de Weftminfter, & dépofé fur un lit de parade. Il fut conduit delà au lieu deftiné pour fa fépulture, avec une fuite nombreufe des plus grands Seigneurs. Le grand Chancelier d’Angleterre, les Ducs de Montrofe & de Rox-bury, les Comtes de Pembrock, de Suflex &; de Maclesfîed, fe firent un honneur de porter le drap mortuaire. Sa famille lui a depuis élevé un monument où l’on lit cette Epitaphe H. S. E. IS AA CUS NE IV TONUS, eques auratus, qui animi vi propè divina,planetarum motus,figuras, cometarum Jemi-tas, Océanique ce(lus,jua Mathefi lucem p referente,primus demonfi travit. Radiorum lucis diffimilitudines, colorumque inde nafcen-lium proprietates, quas nemo ante fufpicatus erat, pervefiigavit. Natura , Antiquitatis, S. Script, fedulus, fiagax, fidus , interpres , Dei O. M. Majefiatem Philofophiâ aperuit, Evangelii fimplicitatem moribus exprejjit. Sibi gratulentur mortales tale lantumque extitiffe humani generis decus. Natus XXV. Decemb. A. D. MDCXLII3 obiit Martii XX. ^DCCXXVI. (a) Les ouvrages de M. Newton font en grand nombre : les r°ici fommairement rafTemblés par ordre des dates de leur ^preflion. Nous paiïbns légèrement fur les notes dont il en-richit l’édition de la Géographie de Varenius, donnée en 1672, ia) ^eft-à-dire 17Z7, parce qu’en Angleterre l’année ne commence qu’à Piques. EomeII% Rr 3t4 HISTOIRE pour ilouS arrêter à fes Principes de la Philofophie Naturelle Ce fublime Livre parut en 1687 {a), de a eu depuis diverfes éditions. Il a été fçavamment commenté par les PP. Jacquier de le Sueur, Religieux Minimes, de profonds Géomètres (b) ; de il doit dans peu en paroître une traduction Françoife, avec un Commentaire fur les endroits les plus importans ; ouvrage de Madame la Marquife du Châtelet, auquel a préfidé M. Clai-rault, qui en a fourni les matériaux conjointement avec plu-Leurs autres celebres Geometres. M. Newton publia en 1704, fon Optique (c), avec les deux Traités Latins, De Quadratura curvarum , &: Enumeratio curvarum tertii ordinis 3 réimprimés •depuis en 1711, avec deux autres écrits Latins de M. Newton; fçavoir fon Analyfisper cequat. numero terminorum infinitas , &C fa Methodus dijferentialis. Les deux premiers de ces Traites ont été commentés, l’un par M. Steward 3 l’autre par le célébré Geometre M. Stirling (d). Nous revenons pour quelques momens fur nos pas, afin de ne pas oublier 1’Arithmetica uni-yerfalis, qui parut en 1707; nous en avons donné ailleurs l’idée convenable , de nous y renvoyons. Après la mort de M. Newton ont encore paru divers ouvrages qu’il n’avoit pas eu le temps, ou qu’il avoit négligé de publier : telles font fes Leçons Optiques, ouvrage en grande partie différent de fon Optique , en 1718 ; fon Livrc de Syflemate Mundi 3 en 1731 ; fa Méthode des Fluxions & des fuites infimes 3 publiée en Angîois en 1736, de dont nous avons une traduction Françoife donnée en 1740 , par M. de Buffon. Nous ne devons pas omettre fa Chronologie des anciens Royaumes corrigée y ouvrage auffi pofthume, qui parut en 1738 , de dont l'abrégé avoit déjà été furtivement publié à Paris en 172.5- Si le fyftême chronologique que tâche d’y établir M. Newton, n’eft pas vrai 5 Il eft du moins léduifant, de il prouve la profonde érudition que fon Auteur joignoit à fes connoifïances Mathématiques» Nous gliflons légèrement fur fes Obfervations concernant les. {a) Cantabrig- in-y. 1687. Ibid. 17x 3, (c) Angl. Lond. in-40. Ibid. 1717 8c- Sc Amjlel. 17x4. Lond. 1716. Il yen a 1721. in-8°. Latine. Lond. 1706 , 1719’ «ne tradu&ion Angloife enrichie de notes in-40. E11 François, Amfterd. 1720, &■ jpar M. Machin, qui parat en z. vol. in-8°* Paris 1722. in-8°. 174., (d) Illuflratio tratd. D. Newton! , de {b) Phil. Nat. principiâ Math, perpetuis enumeratione curvarum tertii ordinis. Ox°n' Comm, illujlrata, Genev. I742-- 3. yol. in-4'*. 1717» DES MATHÉMATIQUES. IV. Liv.VT. 3iy prophéties de Daniel & FApocalypfe. Ailleurs qu’à Geneve ôc à Londres , on eût cru l’honneur de M. Newton intéreffé à ce que ces obfervations ne viffent pas le jour. Tous ces écrits enfin, à l’exception des Principes, de F Arithmétique univerfelle, ô£ de FOptique , ont été raffemblés fous le titre ÜQpufcula, ôc publiés à Geneve en trois volumes in-40. On y trouve auffi quantité de pièces extraites des Tranfaclions , du Commercium Epijlolicum, ôc d’autres ouvrages. L’énumération en feroit trop longue ; nous préférons de paffer à l’expofition des découvertes analytiques de M. Newton. Les idées de IVallis fur les interpolations, furent l’occa-fion des premières découvertes de Newton. Lorfqu’il commença à fe jetter dans la carrière des Mathématiques, ce qui fut vers la fin de Pannée 1663 , un des premiers Livres qu’il lut, fut \Arithmétique des infinis , dont nous avons fi fouvent parlé. On doit fe reffouvenir que IVallis y montroit la maniéré de quarrer toutes les courbes dont ( ^ étant l’abfcifiTe ) , Pordonnée étoit exprimée par 1—xx , tant que m étoit un nombre entier pofitif ou zero ; 6c qu’en fuppofant m fucceffi-vement o, 1, 2,3, ôcc. les aires qui répondoient à l’abfciflè x, étoient refpeélivement x , x — \x^yx — \ x1 + y x$ 9x — xi -i~jx* — jx7 , ôcc. Ainfi , difoit-il * tout comme l’expo- fant de 1 —x x*, qui efi: l’expreffion de l’ordonnée du cercle , eft le terme moyen entre o ôc 1 , de même dans la fuite xy x — j xt, ôcc. la valeur de Paire circulaire répondante à l’abf-cifiTe x, efl: le terme moyen entre les deux premiers x yx — \xK Mais IVallis ne put parvenir à trouver ce terme; cette découverte étoit réfervée à un des premiers efforts de M. New-ton. Nous allons faire d’après lui-même l’hiftoire de fes méditations fur ce fujet (a). Pour rendre fenfible ce que nous avons à dire ici il nous faut expofer d’une maniéré plus diflinćte la fuite des expref-fions entre les deux premières defquelles il faut en interpoler une autre. Nous les réduirons pour cet effet en une efpece de "fable qui comprendra les quatre ou cinq premières. Ce font Comm, Epifl., de Analyfi promota, p, 67. New toni Opufcula. T. 1, p. 3 z 8. 3i6 HISTOIRE x, x — | xK X— I xl XK X---1 X> + { x5-~x7, x — j xî Hh f \ *7 — \ x9. Confidérons maintenant cette Table , ôc nous y remarquerons, i°. Que tous les premiers termes font x. i°. Que les /ignes font alternativement pofitifs ôc négatifs. 30. Que les puiffances de x y croiffent par degrés impairs. Ce doivent donc être là des conditions communes à rexpreflion cherchée, ôc aux précédentes ; Ôc comme il eft facile de s’y conformer , il n’y a plus que les coefficiens qui fallent de la difficulté. Pour cela, remarquons encore avec M. Newton , que le dénominateur de chaque fraćtion qui forme le coefficient de chaque terme , eft l’expofant même de la puiffance de x dans ce terme* A l’égard des numérateurs dans la fécondé colonne on remarque qu’ils croiffent par des différences égales ; dans la troi-lieme ce font les nombres triangulaires 1, 3 , 6, ôcc. Dans la quatrième les nombres pyramidaux 1,4, 10, ôcc. Ce fut fans doute par cette confidération que M. Newton parvint à démêler que m étant l’expofant de 1 —xx, la fuite de ces numérateurs etoit en general 1, -—-—, —— --—. ôcc. En effet, m, exprimant un nombre entier quelconque , eft l’expreffion générale de la fuite de nombres triangulaires , r~~1' eft celle des nombres pyramidaux, ôcc* Il eft aifé d’en faire l’épreuve fur les termes connus ; puis donc que ces expreffions font vraies à l’égard de m, tant qu’il eft un nombre entier, elles le feront de même fi m eft un nombre rompu, par exemple \ dans le cas préfent. Ainfi les numérateurs cherchés pour le terme moyen , entre le premier ôc le fécond de la fuite ci-deffus, font 1,7, , j~6, , qui multi- pliant refpeétivement les termes que nous avons vu devoir 1 DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VI. 317 chée, x — ’- x' — -1- x'----— .r7------1— x’. Sic. C’eft-là la va- leur de l’aire du fegment circulaire répondant à l’abfcifle x, prife à commencer du centre. M. Newton s’apperçut bientôt après qu’il y avoit une maniéré plus fimple de trouver la même fuite ; c’eft d’extraire par la méthode ordinaire la racine de 1 —xx , & de continuer l’opération jufqu’à ce qu’on ait un aftez grand nombre de termes pour appercevoir la loi de la progreffion. On trouve par cette voie que \/i —xx} efl: x — *7 “—% — — — 7Isx qu’il avoit enrichie de fes notes. Ce projet n’eût pas lieu j à caufe d’un incendie qui confuma une partie de fes papiers , 6c entr’autres ce Traité , à la fuite duquel il vouloit mettre le lien. Il fut enfuite fur le point de le publier avec fes Leçons Optiques; mais à la vue des chicanes qu’il commença à effuyer à l’occafion de fes découvertes fur la lumière, il prit Ie parti de les fupprimer l’un 6C l’autre : ce font-là les caufes pour lefquelles cet excellent Traité a été fi long-temps enfe-veli dans l’oubli par fon Auteur, au grand détriment de la Géométrie. Y- .Nous ne devons pas différer davantage à donner une idée Idée du pria-utinćte du principe fur lequel eft établie la méthode dont ^ous parlons. Car quoique pour l’effet elle foit la même que uur applica* Ce le du calcul différentiel la maniéré dont M. Newton envi-*ti qu’il parcourra dans le temps, pendant lequel l’ordonnée parcourra B b, mais par l’efpace Ee, qu’il parcourroit DES MAT H É M AT IQ Ü E S. Part. IV. Liv. VI. 321 parcourrait avec la vîteffe acquife au point C , confervée fans augmentation ni diminution. Car ce point décrivant ne parvient en c qu’en vertu de l’accélération ou de la retardation qu’il éprouve durant le temps que l’ordonnée met à parcourir B b, puifque s’il n’eût pas été accéléré ou retardé , l’efpace qu’il eût parcouru eût été la ligne E e, interceptée entre la parallele C E la tangente au point C. Ce que nous venons de dire montre déjà le principe de la regle des tangentes dans ce calcul. Sans faire aucune fuppofition. dure , comme celle-ci , que les parties infiniment petites de courbe font des lignes droites , & que les tangentes font leurs prolongations , on peut prendre l’intervalle entre deux ordonnées quelconques BC, bc, fi grand qu’on voudra; & fî F Ce efl tangente au point C , ÔC CE parallele à l’axe, CE fera la fluxion de l’abfcifle, 6c E e la fluxion correfpondante de l’ordonnée , de forte qu’il eft évident que la fluxion de l’ordonnée eft a celle de l’abfcifle , comme l’ordonnée à la foutangente. On verra enfuite comment, par l’exprefîîon analytique de la courbe, on trouve le rapport de ces deux fluxions. De même c’efl: la ligne C e qui eft la fluxion de la ligne courbe AC; ainfi l’on voit encore que le quarré de la fluxion de la courbé, efl égal à la fomme de ceux des fluxions des coordonnées , ce qui eft le principe des rećtincations. Il n’eft guere plus difficile de déterminer , à l’aide des principes ci-defFus, quelle eft la fluxion d’une aire curviligne. Ce n’eft pas l’efp ace CB bc 9 dont croît réellement cette aire, mais le rećtangle BE, formé de l’ordonnée par la fluxion de l’abfcifTe. Car , pour prendre l’exemple le plus fimple, dans le triangle où l’abfcifle flue uniformément, l’aire croît ou flue d’un mouvement accéléré , puifqu’en temps égaux les accroif-femens font de plus en plus grands. Or il eft évident que le petit triangle C E é, eft ce qui eft produit en vertu de cette aciération, Il faut donc le rejetter ; ôc la vraie vîtefie de l’aire giflante ABc, quand elle eft parvenue à cette grandeur, e.. le rećtangle CB bc. Ce qu’on vient de dire du triangle s’ap-Pbque facilement aux autres courbes. Ainfi la fluxion d’une pllc quelconque eft le produit de l’ordonnée par la fluxion de j,a. fl-'ifle. Celle d’un folide eft le produit de la fluxion de par la furface génératrice, qui fera, par exemple ^ le T**e IL Sf 312 HISTOIRE cercle décrit du rayon B C , fi ce folide eft le cône ou le conoïde produit par la circonvolution de la figure ABC autour de AB. Cette maniéré d’envifager l’accroifTement des figures , nous Conduit naturellement aux fluxions des fluxions , 6c aux fluxions de tous les ordres, fans qu’on puiffe leur oppofer aucune des difficultés qu’on a élevées contre les fécondés , troifiemes différences, 6cc. du calcul différentiel.- Car imaginons fur le même axe AB , une courbe DdD , dont chaque ordonnée B D foit comme la fluxion de B C , ou la vîteffe qu’a le point décrivant C fur B C. Cette vîteffe eft-elle uniforme la ligne fig. g9, D^D ne fera qu’une parallele à l’axe , 6c BD n’aura confé-quemment aucune fluxion ; il n’y en aura auffi aucune fécondé pour l’ordonnée BC. Mais la vîteffe du point C , eft-elle continuellement accélérée ou retardée , l’ordonnée B C croîtra ou décroîtra. Cette ordonnée aura par conféquent une fluxion qui fera évidemment la fécondé de l’ordonnée BC ou fa fluxion de fluxion. Cet exemple nous fervira encore à montrer ce que font les fluxions des ordres ultérieurs. Car fi la courbe Dd n’eft pas une fimple ligne droite inclinée à l’axe , l’ordonnée BD aura elle-meme une fécondé fluxion , qui fera confé-quemment la troifieme de l’ordonnée BC. On peut de même prouver 6c rendre fenfibles les fluxions des ordres quatrième, cinquième, 6ce. En général une courbe d’un degré m, ne fçauroit avoir de fluxions d’un ordre plus élevé que celui qui eft dénommé par m ; mais une courbe méchanique peut en avoir de tous les degrés à l’infini. Cela arrive à la logarithmique , parce que la courbe fur le même axe qui défigne le rapport des premières fluxions eft elle-même une logarihmique ; d’où il eft évident que celle qui défigneroit le rapport des fluxions de celle-ci, en feroit encore une, 6c ainfi à l’infini. Après avoir fait connoître en quoi confifte la méthode des fluxions, il nous faut entrer dans l’expofition iom-maire de leur calcul. Car ce feroit peu que d’être en poffeflion des principes qu’on vient d’établir, fi l’on n’avoit le moyen de trouver le rapport des fluxions des différentes efpeces de grandeurs 5 dans les divers cas, 6c fuivant les diverfes équa" tions des courbes, Il faut d’abord défigner la fluxion d’ufle quantité fimple, comme par quelque ligne.- M» Newton & DES M AT H ÉM AT IQ U E S. Part. ÏY. Liv. VI. 323 fait tantôt par x, tantôt par o x , quelquefois par X, ou par quelque autre lettre , comme p. Mais le premier ligne eft celui qui a été adopté en Angleterre dans l’ufage ordinaire, tandis que la plupart des Géomètres du continent fe fervent de celui-ci dx. Lors donc quon aura une quantité fimple ôc variable , comme x 3 il fera facile de trouver fa fluxion , ôc au contraire ayant une fluxion comme x, on verra aufli-tôt que fa fluente , ou la quantité dont elle eft la fluxion, eft x. De même la fluxion de mx 3 (m étant une grandeur confiante ou invariable ) eft 772x. Après ce cas, le plus fimple ôc le premier de tous, vient celui où on a le produit de deux grandeurs, comme xy. Pour avoir leur fluxion , qu’on fe repréfentc un reélangle comme AC, dont les côtés font x ècy. De même qu’on a mon- Fig. 9* tré que la fluxion de l’aire d’un triangle, comme A B C , eft Amplement BE , ôc non l’aire entière BQcb , de même il eft facile de prouver que la fluxion du rećtangle AC , n’eft que la fomme des fluxions BE , DF , c’eft-à-dire,yk-Hxy ; ôc vice versa3 fl l’on a une fluxion de cette ferme, on pourra dire que la quantité dont elle provient, eft xy. Delà il eft facile de tirer par la feule analyfe, ôc fans aucune confidéra-tion immédiate du principe des fluxions, le rapport de celles de toutes les autres fortes de grandeurs, quelle que foit leur forme ôc leur compolition. On en donne des exemples dans la note fuivante (a). {a) En effet, la fluxion de xy étant y x on démontrera facilement que celle de xy ^ fera y [x -f- x^y xy . Car que l’on fuppofe x y égal à u, on aura u î ^°ot la fluxion fera u*.-î-{ U ■> j 1 on a ù = x y -j— y x. Ainfi mettant à y place de u ôc U leurs valeurs, on aura .e*prefiîon ci-dellus , d’où il efi: facile de jj.lrer la regle générale pour tous les cas ^ablables. Cela montre encore que la flu- étan d Uri ftuarr^ x x zx *'• ^ar a^ors y ___nt ^ *, on a y x x y x x -t-x x T z x *■'* De même la fluxion de fera x x j & enfln celle de xm , ièra mxm—1 *x*!CC Versâ » la fllîente de * * * fera xx 3 ^ ^ai Coriféquent celle de a; x fera z ' Celle de x~ & fera —, & enfin celle / ç n’efl: que J. £ Donc fa fluxion fera 1 ^ , ou rt r*,ou : 2 A* sir on avoit quelque doute fur cette conféquence, nous la prouverions de cette maniéré. Soit y/^ =y: donc^=yy,& d^^zydy , Ôc df. i y ,ou z y/{ ij/à la fluxion de sJ£. De même la fluxion de y/ç eft x : n ”■■■■-. Tout ce que nous venons de dire eft également vrai des quantités complexes , comme feroit ( aaxx ) Sa fluxion eft z n x x x (a a xx) ” \ Enfin fi Sfi] 324 HISTOIRE Ce que nous venons de dire fur la nature des fluxions , c’effe le précis de l’excellent Livre de M. Maclaurin, qui a pris un foin particulier de développer l’idée de Newton, de d’écarter toutes les difficultés qu’on pourroit élever à ce fujet. M. Newton conçoit encore fes fluxions d’une autre maniéréfçavoir comme les dernieres raifons des accroilîemens flmultanés de deux grandeurs qui dépendent l’une de l’autre. Nous allons éclaircir ceci ; qu’on conçoive une courbe comme A C c, 6c 'Fig, 9i, deux ordonnées à une diftance indéterminée B b , avec la parallele CD. Les côtés CD, De, repréfentent les accroifFe-mens refpeétifs de flmultanés de l’abfcifle A B, de de l’ordonnée BC. Que C b fe rapproche de BC , la fécante Ce tournant fur le point C, de fe rapprochant de plus en plus de la tangente. Il efl viflble que le petit triangle C D e, approchera de plus en plus d’être femblable avec celui que forment la tangente CF , de les lignes F B , B C, Donc la raifon des côtés F B, BC , eft la limite vers laquelle s’approche continuellement celle des côtés CD, D c, de quelle atteint à l*i notant où ils s’anéantiflent. Pour trouver donc cette raifon y fuppofons l’abfciffe égale à x, de l’ordonnée repréfentée par une fonction de x , comme xn. Que l’accroiffement de a: loit défigne par x ; tandis que x deviendra x-+-xy xn deviendra (x-^x)71, ou xn-jrnxn 1 x■+■ xn~x xzydec. fuivant la formule connue. Les accroiflemens refpeélifs feront donc comme *, de nxn~l x -4- xn~’z xzydec, ou comme i , èe nxn 1 + xn' Ł &c. Donc à l’inftant où x de- l’on a une quantité comme celle-ci ~, là fluxion fera ——L5 • ce qu’on démontre, « foir en regardant -, comme y ç 1, ou en faifant - u j ce qui donne y zzzz p, 8c î y—^4 —|— u-k., d’où l’on tire par les re-*-gles vulgaires de l’Algebre, la fluxion, de -, égale à l’exprelUcn ci-deflus. Le c aïeul'des fluxions du fécond ordre , eft abfolument femblable. La fluxion de x efl x, celle de j eft 'y, celle de j j eft z yÿ9 & vice versa, la fluente de z ÿ 'ÿ eft j ÿ» Dans les équations de courbes, données en y & x , on fuppofe ordinairement l’une des. deux, le plus fréquemment la fluxion de l’abfcifle ou x , confiante & invariable , de forte que x n’a point de fluxion ; ainfi la-fluxion de x x eft feulement xr. Toutes les réglés enfin pour trouver les fluxions des quantités ordinaires , font les memes po^* trouver les fluxions de fluxions.. DES MATHÉMATIQUES.PartIV.Liv,VI. 325 viendra zero , cette raifon fera celle de 1 à nxn 1 , ou enfin celle de x à nxn 1 k, qui efl la même. Ainfi la fluxion ou l’accroiflement évanefcent de xz fera ixx ; celui de 'x*, $xx, &c. comme on l’a trouvé dans la note précédente. On voit encore par là d’une autre maniéré que ci-deflus, ce que font les fluxions de fluxions, ou les accroiflemens d’ac-croiflemens ; car fuivant les differens points de la courbe A C c , la raifon des côtés F B, B C du triangle tangentiel F B C varie ; par conféquent cette raifon étant la même que celle'des derniers accroiflemens de l’abfcifle ôc l’ordonnée, celle-ci varie : on pourra donc exprimer cette raifon par l’ordonnée d’une courbe, qui fera elle-même fufceptible d’accroif-fement ou de diminution. Les fluxions de ces ordonnées feront les fécondés fluxions , ou les fécondés différences fuivant Leibnit^ Il efl fuperflu d’en dire davantage fur la nature des fluxions que nous croyons avoir fuffîfamment éclaircie. Paflons à donner une idée de leur appplication. La première application de la théorie des fluxions, concerne la maniéré de trouver les tangentes des courbes. Il efl facile de voir par tout ce qu’on a dit ci-deflus, que dans toute courbe à ordonnées parallèles , la fluxion y de l’ordonnée efl à celle de l’abfcifle x, comme l’ordonnée y efl à la foutangente, de forte que celle-ci efl égale à Si donc on cherche par l’équation de la courbe la valeur de y, ce qui fera toujours facile , il en réfultera une expreffion qui, mife à la place de y, donnera un dénominateur ôc un numérateur tout affeélé de x. Ainfi en divifant l’un ôc l’autre par x, refiera une expreffion en termes ordinaires, ôc par conféquent fufceptible de conf-truélion. Ce fera le rapport de la foutangente ôc de labfcifle. La méthode des fluxions s’applique avec une grande facilité à la recherche des plus grandes ôc des moindres ordonnées des courbes. Lorfqu’une ordonnée de courbe , de croif-Etnte qu’elle étoit devient décroiflante, ou au contraire, le Point décrivant, qui efl tranfporté fur l’ordonnée , revient en *}uelque forte fur fes pas ; fa vîteffe ou la fluxion de l’ordonnée devient donc de pofitive négative , ou au contraire. Ainfi , os Pinflant du paflage, elle doit être zero ; car une quan-ne fçauroit de pofitive devenir négative, ou au contraire* 3iś HISTOIRE qu’elle ne paffe par l’état de zero. Pour trouver les maxima & minima , il faut donc prendre la fluxion de la grandeur dont on cherche le maximum ou le minimum , l’égaler à zero. Cette fuppofition permettra toujours de retrancher le figne de fluxion x ou y, qui affectera tous les termes, de forte qu’il ne reliera qu’une équation en termes finis, qui donnera la valeur de l’abfcilTe à laquelle répond la plus grande ordonnée. On aura par-là les points comme M, où la tangente eft parallele à l’axe. Ceux au contraire ou la tangente eft perpendiculaire à l’axe , fe trouveront en faifant la fluxion de l’abfcilTe égale à zero, ou ce qui revient au même, en égalant à zero tous les termes qui font affectés de la fluxion de l’ordonnée ^ ou de y. Toutes ces chofes font d’une extrême facilité dès qu’on a bien conçu les principes de ce calcul. Nous ferons feulement une obfervation importante fur ce fujet, après avoir parlé de points d’inflexion. On a fuflifamment expliqué dans le Livre fécond, la nature des points d’inflexion. Ce qui les caraétérife , c’eft que la courbe y eft à la fois touchée & coupée par une ligne droite ; &: que cette ligne fait avec l’axe le plus grand ou le moindre angle qu’elle puifTè faire. On conclud delà, en employant le principe des fluxions, que dans un point de cette nature, la fécondé fluxion de l’ordonnée, ou y eft égale à zero. En effet, puifqu’alors le rapport de l’ordonnée à la foutangente eft un maximum ou un minimum , &: que ce rapport eft le même que celui de) k x, il s’enfuit que| eft un maximum ou un minimum. Conféquemment / eft égal à zero , en fuppofant x invariable. On le démontre encore de cette maniéré. Lorfqu’une courbe de convexe vers un certain côté devient concave, elle perd de plus en plus fa courbure , & dans le pafîàge du convexe au concave, elle eft une ligne droite, coincidente dans un efpace infiniment petit avec la tangente. Elle participe donc dans cet endroit de la nature de la ligne droite. Or dans une ligne droite inclinée à un axe, les fécondés fluxions font nulles. Ainfi cela doit arriver au point d’inflexion. Il faudra donc prendre la fécondé fluxion de la valeur de l’ordonnée : en faifant x confiante , il en réfultera une expreffion toute affeéfcée de xz, qu’on égalera à zero. Les x1, comme multi- DES M AT H É M AT IQ U E S. Part.IV. LiVI. 317 plicateur commun, feront fupprimés, ôc il ne reliera qu’une expreffion en termes finis. L’obfervation que nous avons promife plus haut, efb celle-ci : il ne fuffit pas, pour avoir un maximum ou un minimum s que la première fluxion y de l’ordonnée foit zero ; il faut que la fécondé ne le foit pas dans ce point. Car li cela arrivoit, ce point auroit à la vérité fa tangente parallele à l’axe , mais ce feroit en même temps un point d’inflexion , 8c la courbe con-tinueroit à s’éloigner ou à s’approcher de cet axe. Nous pourrions développer ici de même, la maniéré dont le calcul des fluxions s’applique à la théorie des développées : mais comme nous ne le fçaurions faire fans entrer dans des détails trop peu convenables à la nature de cet ouvrage , nous préférons de pafler à donner une idée de l’ufage de ce calcul pour la mefure des aires des courbes, pour leur rectification , 8c la dimenfion des folides curvilignes. En examinant la nature des fluxions, nous avons jette les fondemens de ce que nous avons à dire ici. Car nous avons montré que la fluxion d’une aire efl le produit de l’ordonnée par la fluxion de l’abfcifTe , c’efl-à-dire, qu’elle efl y*. Or l’équation de la courbe donne toujours la valeur dey en x. On aura donc une fluxion toute en x 8c x : fi donc on remonte à fa fluente , procédé dont nous avons donné quelques exemples dans la note de la page 323, on aura l’aire de la courbe. Dans la parabole, par exempley = (ax)ï. Ainûy x fera akxtx9 dont la fluente, par ce qu’on a dit dans la p. 3 2 3, eft égale \ aïxf, ou f y x. Mais dans le cercle y étant = \/ a a — x x ^ on aura yx = x(aa—xx)i. Comme on ne fçauroit en trouver la fluente en termes finis, on tire la racine de a a — x x, en la ré- duifant en une fuite, qui efl a — ~ — £ — ôcc. Ainfi ia a a3 16a1 * Multipliant chacun de ces termes par x, 8c prenant enfuite la *Wnte de chaque terme, on a pour la valeur de l’aire répon- ^te à l’abfcifie *, on a, dis-je9ax — — -—— — —&c, ^lîl approche d’autant plus de la vérité qu’011 prend un plus fcrand nombre de termes. principe des re&ifîcations efl auffi contenu dans ce que 3 iS HISTOIRE nous avons dit plus haut. La fluxion de l’are C e efl: la racine de la fomme des quarrés des fluxions de l’abfcifle x, & de l’ordonnée/. Ce fera donc \/ (x2 h~/2 ) ; mais l’équation de la courbe donne la valeur de y, en ar 8c x, de forte que cette valeur étant mife à la place de y, le ligne x fort du figne radical, 8c l’on a une exprefiion dont la fluente, fi on peut la trouver en termes finis , efl: la grandeur de l’arc. Si l’on cherche une furface de circonvolution , la fluxion de cette furface efl: la petite zone formée par la fluxion de l’arc tournant autour de l’axe; cette fluxion fera donc ( xL-4- y )ł multipliée par la circonférence dont le rayon efl: y. Ainfi r 8c c défi-gnant le ravon ôc la circonférence, la fluxion de cette furface fera ~y (x2 -f- y1 )r, ou mettant à la place dey 8cy leurs valeurs en x 8c x y on aura une exprefiion toute en x 8c x, dont la fluente fera la furface cherchée. Il n’efl: pas moins aifé de voir que fi l’on multiplie le cercle que décrit une ordonnée , par la fluxion de rabfciflfe, ce fera la fluxion du folide produit par la circonvolution de la courbe. Ainfi cette fluxion fera —Loix z r * mettant au lieu dey1, fa valeur en x , 8c prenant la fluente,, on aura la grandeur du folide. Mais il faut nous borner ici à cette légère efquiffe de l’ufage des fluxions dans la Géométrie. Nous renvoyons les leéfceurs qui défirent s’en inftruire plus à fonds, aux Livres qui traitent de ce calcul. Nous allons reprendre le fil de notre hiftoire, De Jacques Le premier des Géomètres qui ajouta quelque chofe aux Grégon, inventions de M. Newton , fut Jacques Grégori , dont nous avons parlé ailleurs avec éloge (a). C’étoit fans contredit un des meilleurs génies qu’eût alors l’Angleterre, un homme propre à féconder Newton , fi la mort ne l’eut enlevé prefqu’à la fleur de fon âge. Il l’avoit, en effet, déjà prévenu dans l’invention du Télefcope à réfleétion : nous l’allons voir marcher de près fur fes traces , 8c même le devancer quelquefois dans la nouvelle carrière qu’il venoit d’ouvrir. la) Livre I, vers la fin. yers DES MATHÉMATIQUE S. Part. IV. Liv.VI. 329 Vers le temps où Newton fe difpofoit à fe rendre aux instances de Barrow, Jacques Grégori publioit fes Exercitationes, dans lefquelles il traitoit divers fujets de Géométrie fublime. Il y démontroit d’une maniéré neuve la quadrature de l’hyperbole donnée par Mercator ; il y réduifoit à cette quadrature la ligure des féçantes , dont dépend le vrai accroifïement des parties du méridien dans les Cartes réduites. Il y donnoit en-hn une fuite pour exprimer la circonférence circulaire , que nous ne croyons pas devoir rapporter, comme étant d’un ufage trop difficile. Les découvertes de Newton ayant été communiquées à Collins s celui-ci en informa divers Géomètres , parmi lefquels fut Grégori. Il lui envoya une des fuites que Newton avoit trouvées pour le cercle. Elle fut, à la vérité , d’abord fuf-peéfce à Grégori , qui prévenu pour la lienne* penfoit qu’elles dévoient fe relTembler & fe déduire l’une de l’autre {a) Mais il ne tarda pas a rendre à Newton la juftice qu’il méritoit ; ôc ré-fléchifïant profondément fur cette matière, il parvint à découvrir l’origine de l’expreffion qui lui avoit été communiquée. Outre la remarque qu’on en fait dans le Commercium ŁpifloUcum (b), on en a des preuves qui ne permettent pas d’en douter. Car répondant à Collins il rétraéle les foupçons qu’il lui avoit témoignés fur la fuite de Newton, il lui en envoyé la continuation, avec celle qui exprime l’arc par le finus j qu’il avoit trouvée de lui-même. Peu de temps après , Collins lui en ayant envoyé quelques autres, Grégori en ré-ponfe lui en renvoya plufieurs auxquelles Newton n’avoit point longé (c). Parmi elles efl d’abord celle qui donne l’arc par la tangente. Le rayon étant r, ôc la tangente t, l’arc dit Grégori , efl t — — -q- ~, ôcc. à l’infini ; de forte qu’en fuppo- fant le rayon == 15 ÔC la tangente égale au rayon , l’arc qui efl alors de 450, ou | de circonférence, efl 1 —7-P7 — &cc. M. Grégori donne dans la même lettre la tangente ôc la fécante par l’arc ; ce qui prouve qu’il s’étoit mis en pofïeffion la méthode du retour des fuites. Il fait plus : il donne aufîi * (a) Comm. Epifl. p. u , % ed, «>-4°. v\ Ibid. 19,48,71. *c) Ibid. p. z f. Lomé IL T t 330 HISTOIRE deux fuites pour trouver immédiatement le logarithme de la tangente ÔC de la fécante, l’arc étant donné , ou au contraire, ôc une troifieme pour la rectification de l’ellipfie , où il remarque fort bien qu'il n’y a que quelques fignes à changer pour avoir celle qui convient à l’hyperbole. Il avoit écrit un Traité fur cette méthode : mais comme Newton fe propofoit vers ce temps de publier lui-même fes découvertes, par égard pour lui, il ne voulut pas le prévenir. Dans la fuite Newton fe défifta de fon projet, de forte que l’ouvrage de Grégori eft refté manufcrit. VII. Il faut convenir , ôc c’eft un fait dont le Comm. Epifl. fournit les preuves, que toutes ces brillantes nouveautés d’Analyfe ôc de Géométrie, prirent naiffance en Angleterre : ce ne fut que quelques années après que le continent commença à y prendre part. Nous touchons ici à la difeufiion de la fameuie querelle fur la part qu’a Leibnit7 à l’invention de fon calcul différentiel. Nous allons en faire un rapport circonftancié , ôc dif-cuter avec foin les faits allégués de part ôc d’autre. M. Leibnit7 fut au commencement de 1673 à Londres , à la fuite d’un Ambaffadeur. Il paroît, ôc lui-même n’en difeon-vient pas , qu’il ne s’étoit point encore beaucoup attaché à la Géométrie , ôc qu’il ne s’occupoit que d’Arithmétique : on ne peut même difeonvenir que de deux inventions qu’il donne dans une lettre écrite de Londres à Oldembourg, l’une ôc l’autre ne fuffent connues avant lui. Mais on doit remarquer en même temps que M. Leibnit\ avoit été bien plus loin que ceux qui l’avoient prévenu ; car il dit dans cette lettre qu’il peut afiigner la fomme de toutes les fuites infinies de fractions, dont le numératur étant l’unité , les dénominateurs font les nombres triangulaires , ou pyramidaux , ou triangulo-triangu-laires; comme feroient celles-ci 1 -+- y -h y H- -ff-f- 77H- 775 ou ôcc. En effet la première continuée à l’infini eft égale à 1 7, la fécondé à 2 , ôcc. Cette invention if1" génieufe difculpe M. Leibnit% du foupçon de plagiat que jecce fur lui l’éditeur du Comm. Epiflolicum. M. Leibnit7 retourna à Paris, après quelques mois de fé-jour à Londres. Ce fut feulement alors qu’il commença a fe DES MAT H ÉM AT I QU E S. Pan. IV. Liv.VI. 331 livrer à la haute Géométrie. La converfation de M. Huyghens qu’il fréquentoit, lui en fit naître le goût ; ôc comme il avoit apporté d’Angleterre la Logarithmotechnie de Mercator , il fe mit à la lire, de même que l’ouvrage de Grégoire de Saint* Vincent que M. Huyghens lui avoit loué. Tout à coup , dit-il , fes yeux fe défillerent : de nouvelles idées fe préfenterent à lui, ôc il trouva vers la fin de 1673 , fa quadrature du cercle par une fuite rationnelle qu’il communiqua à M .Huyghens , qui l’approuva fort. Sa méthode confiftoit, comme on le voit par une de fes lettres écrite en 1676, en une transformation par laquelle il changeoit le cercle en une autre figure égale, dont l’ordonnée étoit une fraction rationnelle, de forte qu’il prati-quoit fur elle ce que Mercator faifoit fur l’ordonnée de l’hyperbole. Cette fucceffîon d’idées eft tout-à-fait probable, ôc le Livre de Mercator excitoit naturellement cette tentative. La méthode de M. Leibnit7^ nous a été tranfmife par quelques Auteurs, fçavoir par l’Abbé de Catelan, qui la lui attribue expref-fément (a),ôc ^TvcO^anam (£),qui ne dit point de qui il la tient, maisqui n’en étoit fûrementpas l’inventeur. Comme elle eft ingénieufe , ôc qu’elle fert à éclaircir quelques imputations des adverfaires de Leibnit7 , la voici. Une courbe quelconque étant propofée , un cercle , par exemple, A H-B; fi l’on prend fur l’ordonnée PH une ligne égale à la tangente AI, retran- pig. chée par la ligne qui touche ce cercle en H, Ôc qu’on faffe cette conftruéHon dans tous les autres points , on aura une nouvelle courbe dont l’aire A PG, retranchée par l’ordonnée P G, fera double du fegment AL H A. Il trouve par ce moyen une équation entre les co-ordonnées Aï, IG, telle que l’ordonnée IG efi: repréfentée par une fraction rationnelle. Il la réduit en fuite par la divifion ; enfuite traitant cette luite, fuivant les réglés de l'Arithmétique des infinis, il trouve la va-^ur de l’aire AGI, qui étant retranchée du rećtangle G A, & le refte divifé par z , donne le fegment ALH A. On lui aj°ute le triangle HP A , ôc voilà le fegment AP H repré-fenté par une fuite. Que fi l’on fuppofe AI devenir égale à AF , ou au rayon, ôc ce rayon = 1, on trouve pour le quart cercle la fuite 1——7ôcc. Si au contraire au feg- f?l Logifl. univ. & Méthode pour les tangentes, 1691, in-40. Paris, p. 68 & x 12,. • ' Geotn, Prat. Tt ij 33* HISTOIRE ment A L H donné en x, on ajoute le triangle À C H, 8c qu’on divifé le tout par 2 , on aura le fecteur A C L, répondant à la tangente AI ; & fi on divifé ce fecteur par {> on aura la valeur de l’arc AL égale à cette fuite x — yx3-f-~x* — l- x7, 8cc, Tout cela s’applique à l’hyperbole avec la même facilité, ôc l’on trouve le fecteur hyperbolique dont la tangente eft x » égal à la moitié de cette fuite x x> -h jX*, 8cc. Leibnitj communiqua, dit-il, fa découverte aux Géomètres de Paris, au commencement de 1674, 8c quelques mois après il l’annonça à Oldembourg par deux lettres ; dans la fécondé il parle de fa fuite avec beaucoup de complaifance , la regardant comme la première qui ait été donnée pour le cercle. Il ajoutoit que par la même méthode il pouvoit aflîgner l’arc, le finus étant donné : il obferve enfin que fa quadrature fournit une analogie tout-à-fait remarquable entre le cercle 8c l’hyperbole* A cette lettre Oldembourg répondit d’une maniéré qui fait beaucoup en faveur de Leibnit7. Il l’informe feulement des progrès de Newton 8c Grégori dans cette partie de la Géométrie. Leibnitf en demande la communication. Collins 8c Oldembourg conjointement lui envoient les diverfes fuites trouvées par les deux Géomètres Anglois , 8c entr’antres celle qui exprime l’arc par la tangente. Mais iiLeibnit^cut tenu cette fuite dlOldembourg ou de Collins, l’un ou l’autre auroit-il manqué de le lui rappeller ? Soupçonnera-t’on Leibnit7 d’une hardiefïè affez grande pour fe vanter d’une découverte auprès de ceux qui la lui auraient communiquée ? Cette correfpondance entre Leibnit% 8c Oldembourg, dura jufques vers le milieu de 1676 que fur les inftances de l’un 8c de l’autre , Newton décrivit dans deux longues lettres fa méthode pour les quadratures des courbes. Dans la première , 11 expofe fa formule pour l’extraéHon des racines , 8c il l’applique à divers exemples. Il donne diverfes fuites pour le cercle , pour l’hyperbole, pour la rectification de l’ellipfe , la qua-drature de la quadratrice , 8cc. Enfin il termine fa lettre pat certaines méthodes pour déduire des fuites infinies, des approximations commodes. _ Leibnit7 répond à cette première lettre de Newton s en lui faifant part de la méthode par laquelle il transforme une cour- DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VL 333 be à ordonnées irrationnelles, en une où elles font rationnelles ; ce qui lui permet d’y appliquer la divifion à la maniéré de Mercator, pour la transformer en fuite infinie ; au refte cette méthode, quoiqu’ingénieufe, eft fort au deftous de celle de Newton ôc même dans certains cas elle peut préfenter des difficultés in-furmontables, de forte qu’on ne fçauroit la regarder comme générale , ni comme fuffifante. Dans cette lettre _,M. Leibnitp remarque particuliérement l’analogie du feéfceur circulaire avec le fećteur hyperbolique, en ce que t étant la tangente au fommet , ôc 1 le demi-diametre , celui-là eft t — -—j- --— ôcc. 5 3 s i5 3 f 7 au lieu que celui-ci eft ^ + ^7^7’ ôcc. ^ C’eft cette derniere fuite qu’il avoit probablement en vue, lorfqu’il annonçoit à Oldembourg l’analogie remarquable qu’il avoit découverte entre le cercle ôc l’hyperbole. Le refte de la lettre eft employé à expofer quelques nouvelles vues fur la réfolution des équations. Newton répondit à cette lettre par une autre, qui contient une multitude de chofes remarquables ; telles font la maniéré dont il parvint d’abord à la méthode des fuites, l’application qu’il en faifoit dès l’an 1665 , à la quadrature de l’hyperbole, ôc à la conftruélion des logarithmes ; divers théorèmes généraux pour les quadratures, qui les donnent en termes finis quand elles font poffibles, ou en fuites infinies, par lg feule comparaifon des termes de l’équation ; la rectification de la cyftbïde réduite à la quadrature de l’hyperbole. Il y annonce fa méthode pour trouver par approximation l’aire d’une courbe lorfque les fuites qui l’expriment font trop compliquées, ou trop peu convergentes. C’eft cette invention qu’il a expliquée dans fon Traité intitulé Méthode différentielle. On y voit auffi des formules d’expreffions d’ordonnées de courbe, dont les aires fe réduisent à la quadrature des fections coniques ; diverfes fuites pour -*e cercle , ôc. leur ufage pour trouver des approximations en gtand nombre de chiffres ; l’ufage de fon parallélogramme four la réfolution des équations ; deux méthodes pour le re-t0Ur des fuites, avec quelques théorèmes généraux pour cet effet. fl finit par dire qu’il eft en pofteffion du problème in-verfe des tangentes, ôC d’autres plus difficiles j ôc qu’il y em- 334 HISTOIRE ploie deux méthodes qu’il ne veut pas dévoiler : c’efl: pourquoi il les cache fous des lettres tranfpofées, dont l’explication a depuis été donnée dans le Commercium Epiflolicum. Il faut bien remarquer, d’après les extraits que nous venons de donner de ces lettres , qu’il y efl: prefque uniquement queftion de la méthode des fuites 8c de la quadrature des courbes, de forte que Leibnit£ avoit quelque raifon de fe plaindre de ce que tandis qu’il s’agiffoit du calcul différentiel, fes adverfai-res prenoient fans celle le change , 8c fe jettoient fur les fériés, en quoi il ne difconvenoit point que M. Newton ne l’eût précédé. En effet, la queftion eft fort differente. Un Géomètre eût pu être en pofTefïion de la méthode des fuites , 8c s’en fervir à quarrer toutes les courbes, fans être en poffeffion du calcul des fluxions 8c fluentes. Car l’expreflion de l’ordonnée d’une courbe étant réduite en férié, fl le cas l’exige, les méthodes de JVallis , de Mercator, que dis-je , de Cavalleri 8c de Fermat, fuffifent pour trouver l’aire. Quant au principe des fluxions, trois endroits fculs du Commercium Epiflolicum, y ont trait, d’une maniéré affez claire pour prouver que M. Newton l’avoit trouvé avant Leibnitq , mais trop obfcurément pour oter à celui-ci le mérite de la découverte : l’un eft une lettre de M. Newton à Oldembourg, qui lui avoit marqué qu c Slufe 8c Grégori venoient de trouver une méthode des tangentes d’une flmplicité extrême : Newton lui répond qu’il foupçonne bien ce que c’eft, 8c il en donne un exemple qui eft effedti-vement la même chofe que ce que ces deux Géomètres avoient trouvé. Il ajoute que cela n’eft qu’un cas particulier, ou plutôt un corollaire d’une méthode bien plus générale, qui s’étend à trouver,.fans calcul difficile, les tangentes de toutes fortes de courbes, géométriques ou méchaniques, 8c fans être obligé de déli vrer l’équation des irrationalités. Il répété la même cher fe, fans s’expliquer davantage, dans fa fécondé lettre, donc nous avons parlé plus haut, 8c il en cache le principe fous des lettres tranfpofées. Le feul écrit oii M. Newton ait laiffe tranfpirer quelque chofe de fa méthode , eft fon Ana" lyjis per aequationes numero term. infinitas. Il y dévoile d’uue maniéré fort concife 8c affez obfcure, fon principe des xions ; il y nomme momentum 3 l’incrément inftantané de faire qu’il fait proportionnel à l’ordonnée , tandis que celui de DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. VI. 335 i’abfciffe eft repréfenté par une ligne confiante égale à l’unité. Il applique enfuite ce principe à trouver Texpreflion du moment d’un arc de cercle qu'il exprime par — ■ 1 — , d’où il tire \/ X X- X X par une fuite la valeur de l’arc lui-même. Plus loin il nomme l’a b fci fie x, fon momentum o , 8c celui de l’aire oy ; 8c par un procédé reffemblant à celui qu’employoit Fermat dans fa regle des tangentes, il démontre que fi l’aire q eft exprimée par cette équation j xï = ^, il faut que l'ordonnée y foit égale à xr. D’où il conclud vice-verfa3 que Ci y = xi, l’aire fera j xh On ne peut difeonvenir , fans doute , que le principe 8c la méthode des fluxions ne foient expofés dans cet endroit de l’écrit dont nous parlons ; mais on n’a aucune certitude que Leibnitq l’ait vu. Il ne lui a jamais été communiqué par lettres : fes adverfaires ne l’ont pas même avancé , 8c ils fe font contentés de donner à foupçonner que Leibnit^ 3 dans l’entrevue qu’il eut de fon aveu avec Collins 3 lors de fon fécond voyage à Londres, avoit eu communication de cet écrit. C’eft à cela feul que fe réduit la conteftation. A la vérité , ce foupçon pourra paroître affez vraifemblable , d’autant plus que Leibnitq convient encore qu’il vit dans cette occafion une partie du commerce épiftolaire de Collins. Je crois cependant qu’il feroit téméraire de prononcer là-deffus; on ne condamne pas fur de Amples foupçons , comme coupable d’un crime odieux dans la République des Lettres , un homme qui a donné d’aufîî fortes preuves de génie que M. Leibnitq. Nous croyons devoir faire ici quelques remarques fur la Préface du Traité des Fluxions 3 traduit par M. de Bujflon , parce qu’il nous a paru que ce fçavant Académicien a un peu trop déféré aux imputations captieufes de Keil. Si tout ce qu on y lit étoit exaéb, Leibnitq feroit aufii ridicule que le geai de la Fable. En effet , on lit dans la Préface dont nous parons j qu’il eft prouvé par le Commercium Epiflolicum, ôc par lettres de Leibnitq qu’il a eu connoiïlànce de la mé-dj°de des fuites avant que de donner la fienne pour le cercle, ^ ^ue celle-ci même lui avoit été envoyée par la voie d’O/-la nf>our8> qlle Teibnivq n’en avoit pas la démonftration, puifqu’il demanda dans la fuite ; quen 1677 il donna une méthode des 3 36 HISTOIRE tangentes, qui n’eft que la même que celle dé Barrow , à la notation près , de dontle calcul eft le même que celui que Newton avoit communiqué à Collitis dès l’année 1669. Quatre ou cinq pages plus loin , on lit encore que le calcul des fécondés, troisièmes différences, dcc. a été donné dans la première propolition du Traité uks Quadratures, communiquée à Leibnit^ dès l’année 1675. C’eft-là la fubftance des apoftilles de Keil au Comm. Epiflolicum ; mais elles font toutes fauffes ou du moins cap-tieufes , comme le vont montrer les obfervations fuivantes. i°. Quelque foin que j’aye mis à lire le Comm. Epifl. je n’y ai vu nulle part que la théorie des fuites ait été dévoilée à Leib-nit{3 ni qu’il ait reçu aucune fuite pour le cercle , avant qu’il eût annoncé la ftenne à Oldemhourg 3 avec l’analogie particulière qu’elle lui faifoit découvrir entre le cercle de l’hyperbole. Quelle apparence que Leibnit% fe fût vanté d’une découverte qu’il n’avoit point. Nous ne croyons pas qu’aucun de nos lecteurs foupçonne cet homme illuftre d’un procédé aufîi infenfé. 20. La fuite dont il demande la démonftration à Oldembourg, eft celle-ci, ,&c. qui donne l’arc par le finus x, mais cette fuite n’eft point celle que donne la méthode de Leibnit^ expofée ci-deffus. Ainfi Keil eft tout-à-fait mal fondé dans l’obfervation qu’il fait contre lui , fçavoir qu’il avoit avancé qu’il pouvoit trouver l’arc par le finus , de que cependant après la communication d’une fuite femblable, il en avoit demandé la démonftration. En troifieme lieu, la méthode des tangentes donnée en 1677 , par Leibnitf , eft bien vraiment le calcul différentiel, de nullement la méthode de Barrow ; Keil avoit apparemment oublié que Barrow n’étendit jamais fa méthode aux courbes à équations irationnelles ; au contraire, Leibnit7, pour mieux montrer les avantages de la fienne, l’applique à une expreffion fort compliquée d’irrationalités j de forte que nous ne fçavons à quoi Keil fongeoit quand il a avancé un pareil fait. D’ailleurs il y a une contradiction ridicule à dire que le calcul de Leibnit^ , décrit dans la lettre dont nous parlons, n’eft que le calcul de Baf' row de qu’il eft le même que celui que Newton avoit cofr' muniqué dès l’année 1669, de qu’on prétend être vraimenC fon calcul des fluxions, 40. On ne verra aucune part que la. proportion du Traité des Quadratures3 qui contient, dit-on» DES MATHÉMATIQUES.Pan.IV.Liv.VI. 337 principe des fluxions des differens ordres * ait été communiquée à Leibnitp. C’efl: une imputation de Keil , d’autant moins fondée, qu’il en réfulte précifément tout le contraire de ce qu’il prétend ; car cette prétendue méthode pour les fluxions de tous les ordres , eft vicieufe , 6c les donne toutes faufles, à l’exception de la première (a). C’eft un fait que Keil ne fçauroit détruire , 6c qui eft trop bien prouvé : il ne faut que jetter les yeux fur les éditions du Traité de Quadratura curvarum , des années 1704 6c 1711, pour s’en convaincre. Je paffe légèrement fur quelques autres obfervations de Keil z obfervations qui font évidemment l’ouvrage de la paflion. T elle eft celle-ci : Lors, dit-il, que Newton difoit que la courbe dont l’ordonnée étoit avoit fon aire égale à c’eft la même chofe que s’il eût dit que la différentielle de \ 37, étant fd^ , fon intégrale eft j pr; d’où M. Leibnitajoutc-t’il, a pu conclure que la différentielle de , eft{^{. La conféquence eft tirée d’un peu loin- M. Aez/ignoroit-ii donc que fans autre calcul que celui de IVallis , de Fermat même, 6c de Cavalleri ce théorème étoit fufceptible de démonftration ? D’ailleurs , il n’y a point de découverte dont on n’exténuât le mérite, qu’on, n’anéantît même * par un expofé artificieux des gradations qui ont pu y conduire. Après ces obfervations, je reprends le fil de mon récit. Leibnit^ après avoir féjourné quelques jours à Londres , partit pour Hanovre. Arrivé à Amfterdam, il écrivit à Oldembourg. On voit par fa lettre qu’il n’étoit pas encore en pof-feffion de fa méthode pour les tangentes , tirée du calcul différentiel ; car il propofoit un certain travail à faire fur celle de Slufe. Enfin par une lettre du 21 Juin 1677, il notifia à Collins fa découverte, « Je conviens, dit-il3 avec M. Newton, que la regle de Slufe n’eft pas parfaite, 6c il y a long-temps que j’ai traité le problème des tangentes d’une maniéré plus qui n’ignoroit pas Ie \a) De dim. figur. Edimb» (b) Lib. n, l’emm. n. DES M AT HÉMATIQUE S, Pan. IV. Zm VI. 339 fécond voyage de Leibnit| à Londres , 6c fon entrevue avec Collins, le dépofitaire de fes papiers ; car Collins l’en avoit informé, comme on le voit par une lettre du Commercium Epiflolicum. Il y a apparence que M. Leibnitq auroit refté tranquille pof-fefïeur d’une partie de l’honneur de la découverte de fon nouveau calcul, s’il eût été plus équitable envers Newton. Nous ne pouvons ici diffimuler qu’il eut des torts confidérables, 6c ce fut ce qui lui attira fon efpece de difgrace. Déjà quelques lettres écrites en Angleterre , 6c ou il s’attribuoit trop exclufi-vement cette invention, lui avoient attiré des remarques défa-gréables fur le droit qu’y avoit Newton antérieurement à lui. M. Fado avoit même dit hautement que M. Leibnit7 ne s’imaginât pas qu’il tint de lui ce qu’il fçavoit de ce calcul ; qu’il étoit obligé de reconnoître Newton pour le premier inventeur du calcul des fluxions, 6c qu’il laifloit à juger quelle part y avoit M. Leibnit7, à ceux qui pouvoient lire leurs lettres mutuelles , 6c divers papiers confervés dans le dépôt de la Société Royale. Leibnitq infulté fans raifon , répondit vivement , 6c fe plaignit à la Société Royale ; mais l’affaire n’eut pas alors d’autre fuite. Ce fut feulement quelques années après que la querelle éclata. Le Traité de Newton fur la Quadrature des Courbes , ôc fon Enumération des lignes du troifieme ordre ayant vu le jour, les Journaliftes de Leipfick n’en firent pas un extrait trop avantageux. On y difoit entr’autres, après une légère expofition de la nature des fluxions, que Newton, au lieu des différences Leibnitiennes , fe fervoit 6c s’étoit toujours fervi des fluxions > comme le P. Fabri avoit fubftitué dans fa Synopfls Geometrice, le mouvement aux indivifibles de Cavalleri. C’étoit, ce femble, dire que Newton n’avoit fait que fubf-tituer les fluxions aux différences , quoique ces mots, & s’eft toujours fervi , femblent inférés exprès pour prévenir ce fens. Quel que fût l’objet des Journaliftes , qui auroient pu s’exprime1" plus clairement, 6c rendre fans ambiguité à Newton la juftice qu’il méritoit, cet article blefla fes compatriotes. Keil fUit en 1708 , dans les Tranfaclions Philofophiques, un écrit où ûifoit formellement que Newton étoit le premier inventeur jcu Calcul des fluxions, 6c que M. Leibnitq, en le publiant dans Cs Aéfces de Leipfick, n’avoit fait qu’en changer le nom 6c la Vu ij 340 HISTOIRE notation. Leibnit\ prit ces paroles pour une accufation de plagiat , à quoi elles reffemblent effe&ivement beaucoup , ôc par une lettre écrite à M. Hans Sloane , Secrétaire de la Société Royale, il demanda que Keil fe rétradfât. Keil, au lieu de le faire, répondit à M. Hans Sloane par une longue lettre, où il accumule toutes les raifons qu’il peut pour montrer que non feulement Newton a précédé Leibnit^, mais qu’il lui a donné tant d’indices de fon calcul, qu’il ne pouvoit pas échapper à un homme même d’une intelligence médiocre. La lettre fut envoyée à Leibnitf, qui demanda à la Société Royale de faire cefler ces criailleries dç la part d’un homme trop nouveau pour fçavoir ce qui s’étoit paflfé entre Newton ôc lui. La Société Royale jugea qu’il falloit confulter les pièces originales, ôc nomma des Commiflaires pour les choifir ôc les examiner. Ils raffemblerent celles qu’on lit dans le Comm. Epifl. ôc ils firent leur rapport de cette maniéré : Qu’il paroifibit par ces pièces que M. Collins communiquoit fort librement aux habiles gens les écrits dont il étoit le dépofitaire ; que M. Leibnitç ne paroifiToit pas avoir eu connoiflance de fon calcul jufqu’au mois de Juin 1677 , un an après la communication d’une lettre oii la méthode des fluxions étoit fuffifamment décrite pour toute perfonne intelligente. Nous remarquons ici qu’après avoir lu ôc relu cette lettre, nous y trouvons feulement cette méthode décrite quant à fes effets ôc fes avantages , mais non quant à fes principes ; ce qu’il efl: important d’obferver, afin de ne point donner à ce mot un fens qu’il ne doit point avoir , ôc fur lequel quelqu’un qui n’auroit pas les pièces en main con-damneroit fans héfiter M. LeibnitMais revenons au rapport des Commiflaires de la Société Royale. Us ajoutent que par des lettres de Newton, depuis 1669 jufqu’en 1677, il paroît qu’il étoit en pofTefïion de la méthode des fluxions ; que la méthode différentielle de Leibnit.ç étoit la même , aux termes 8C fignes près, que celle des fluxions ; ils difent enfin qu’ils regardent M. Newton comme le premier inventeur de cette métho-the , ÔC qu’ils penfent que M. Keil en le difant n’a fait aucune injure à M. Leibnit7. Du refte , ils ne prononcent rien fur les indices qu’a pu fournir à M. Leibnitj la correfpondance qu’il a eue avec Newton. Us en abandonnent la décifion aux lećfeurs , & pour les mettre en état de juger, la Société Royale ordonna DES M AT H É M AT IQ U E S. IV. Liv. VI. 341 l’impreflion des pièces fur lefquelles étoit fait ce rapport. Elles parurent en 1712, fous le titre de Commercium Epiflolicum de Analyfl promota, in-40. La querelle concernant l’invention du calcul des fluxions , ou différentiel , n’en refta pas là. Le Commercium Epiflolicum ayant paru , M. Leibnity s’en plaignit beaucoup , ôc menaça d’y répondre d’une maniéré qui confondroit fes adverfaires. Il eût été difficile de renverfer les faits qui prouvent l’antériorité de Newton fur lui, en ce qui concerne l’invention de ce calcul : ce point ne pourra jamais être contefté. Quant au refte, il ne nous paroît pas fans réponfe. Cependant tout cela n’aboutit qu’à quelques écrits anonymes , ouvrages de fes amis, où Newton étoit plutôt attaqué , que Leibnit£ défendu. On y prétendoit entr’autres, que M. Newton , ne connoifloit pas le vrai principe du calcul des différences des degrés fupé-rieurs ; il eft vrai que par précipitation il s’étoit trompé dans une des maniérés de confldérer ces différences ; mais l’on voit par une lettre écrite à IVallis en 1692 , qu’il connoifloit la véritable. Keil défendit Newton dans les mêmes Journaux : on lui répliqua, ôc l’on fe dit des injures ou des chofes fort aigres, comme c’eft la coutume en pareil cas. Ce qu’il y eut de plus remarquable dans la fuite de cette conteftation, fut la propofition d’un problème que Leibnitf fit indirectement à Newton. Ce problème , qu’après s’être concerté avec Ber-noulli, il crut propre à embarrafler fes adverfaires, eft le fuivant. Soit, par exemple, une infinité de courbes de même efpece , comme feroient des hyperboles de même fommet & de même centre, depuis la plus applatie qui coïncide avec fon axe, jufquà la plus ouverte qui n efl autre chofe que la ligne perpendiculaire à Vaxe communi °n demande la courbe qui les coupera toutes à angles droits. Nous nous hâtons d’obferver que ce n’eft là qu’un cas des plus Amples , ôc qui n’excede pas la portée d’un médiocre Analifte. Le problème eft bien autrement difficile, s’il s’agit d’une fuite de courbes , d’hyperboles, par exemple, de même fommet, ôc ^eme paramétré , mais de centres variables ; fi les centres ôc es;paramétrés font variables; fi les courbes, au lieu d’être géométriques font tranfcendantes , par exemple, une infinité e logarithmiques paffant parle même point, Ôcc. L’idée gé-nerale du problème comprend une multitude d’autres cas, 342 HISTOIRE dont quelques-uns font d’une très-grande difficulté. L’hiftoire de ce problème déjà ébauché par Viviani} 6c enfuite propofé dans les Aétes de Leipfick de 1697,6c réfolu plus généralement par M. Jacques Bernoulli 3 feroit trop longue. Nous nous bornons à dire qu’il nous paroît que Newton le traita un. peu trop légèrement dans l’efquiflè de folution qu’il en donna ; non que nous penlîons qu’il ne l’eût pas réfolu d’une maniéré complette , mais il y eut rencontré des difficultés particulières, furtout au cas propofé par M. Bernoulli. Quoi qu’il en foit, ce problème a fucceffivement excité la fagacité de M. Jean Bernoulli , de fon fils Nicolas Bernoulli, 6c de fon neveu du même nom , de M. Tailor, qui parmi les Anglois y fatisfit, 6c de M. Herman. On trouve toutes leurs recherches furce fujet dans les Œuvres de M. Bernoulli (a). Un ami commun de Leibnit:£ 6c de Newton ( l’Abbé Conti3 Noble Vénitien ) entreprit en 1715 de les faire expliquer l’un à l’autre. Mais cela ne fervit qu’à les aigrir davantage , Leib-?iią perfiftant à contefter à Newton fon droit de priorité fur le calcul en queftion , 6c Newton refufant à Leibnit.% ce qu’il lui avoit autrefois accordé (b). Enfin la mort de Leibnitarrivée vers la fin de 1716 , mit fin à la querelle. Pour la réfumer en peu de mots, nous dirons qu’il eft inconteftable que M. Newton eft le premier inventeur du calcul des fluxions : quant à M. Leibnit\ , il nous paroît que les pièces qu’on peut prouver lui avoir été communiquées , ne contiennent rien qui puifTe donner lieu de le regarder comme ayant emprunté ce calcul de Newton mais feulement comme l’ayant deviné fur la defeription que Newton lui faifoit de fes avantages. Au furplus, fi l’on obferve combien peu il y avoit à faire pour pafter des calculs de Barrow 6c de IVallis au calcul différent tiel, il paroîtra, ce femble , fuperflu de rechercher ailleurs l’origine de ce dernier. En effet, ce que Barrow défîgnoit par e 6c a, n’étoit autre chofe que les incrémens inftantanés ÔC infiniment petits de l’abfciftè 6c de l’ordonnée. Or en fuppo-fant cette équation , par exemple x* zz byz, le calcul de Baf' row 3 dépouillé des opérations fuperflues , donnoit 3 x1 e 2 b y a, de même l’équation x*~b'>y, donnoit 4 x* e zz; V (a) Voyez la Table générale , au mot Trajektoria Orthogonalis. [b) Voyez Newt. Opufcula. T. 1. p. 379. & fuiv. DES M AT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. VI. 343 L’analogie conduifoit donc à remarquer que fi l’on avoit xn son devoit trouver nxn~~'1 e = ncLufen. Car ce Géomètre un peu précipité , s’étoit trompé en *jUelque chofe, lorfqu’il annonça fa découverte à l’Académie I es Sciences. Il prétendoit que pour trouver chaque point de cauftique, il n’y avoit qu’à décrire fur le rayon ÇB un de-^cercle, & partager le reftant de chaque ordonnée, comme Tome II. ' Xx 34* H I S T O I R E H E en deux également en I, ôc que le point I étoit dans la cauftique. Cette prétention ne lui fut point paffée par M. de la Hire, mais M. Tchirnaufen , entier dans fes fentimens , après avoir fort contefté, ne fè rendit pas. Il ne reconnut fon erreur que plufieurs années après, fur la nouvelle obfervation que lui en fit M. Bernoulli. Cependant M. de la Hire eonfidérant cette courbe, trouva que lé rayon réfléchi étoit la moitié de l’incident, ôc il démontra aufîi qu’elle étoit une épicvcloïde prer duite par la révolution d’un cercle fur un autre (a).. Les Géomètres contemporains de M. Tchirnaufen , ont beaucoup enchéri fur fa théorie. Elle fortoit à peine de fes mains, qu’ils l’étendirent, foit en ne fe bornant plus aux rayons incidens parallèles , mais en les fuppofant convergens ou divergens à volonté, foit en appliquant à la réfraction ce que M. Tchirnaufen avoit feulement remarqué dans la réfleétion ; foit enfin en examinant les cauftiques des courbes méchaniques, auxquelles M. Tchirnaufen dédaignant l’ufage du calcul différentiel, ne pouvoit appliquer le lien. On doit les principaux traits de toute cette théorie aux deux illuftres freres MM. Jacques ôc Jean Bernoulli. Le premier donna en dans les ACtes de Leipfick , des chofes très-curieufes fur ce fujet {h), il y fit entr’autres la remarque , que la cauftique de la fpirale logarithmique, le point lumineux étant au centre,, étoit une fpirale égale. Pendant le même temps, M.. Jean Bernoulli, qui étoit alors à Paris , donnoit dans fes Lectiones calculi integralis, des formules déduites du calcul différentiel, pour déterminer les cauftiques de toutes les efpeces. Nous fup-primons avec regret quantité de chofes curieufes que nous au-irions à dire ici, fi. nous pouvions nous étendre à notre gré»* Nous renvoyons aux écrits des Geometres qui ont traité cette théorie, entr’autres aux Leçons de calcul intégral de M.. Ber~ noulli, ou au Traité des infiniment petits de M. le Marquis de T Hôpital. On peut auffi confulter un Mémoire qu’on lie parmi ceux de l’Académie de l’année 1703. C’eft une efpece de Traité fur cette matière , où l’on trouve raffemblé avec beaucoup de précifîon tout ce qu’elle offre de plus intéreffanr»' La génération des épicycloïdes fera facile à entendre poti£ [a] Hift.de l’Acad. avant le renouv. ann. r68S.édit. FrançoiC T) Linea cycloid, cauflka 3 perïçaufiicœ x &c. DES MATHÉM AT I QU E S. Part. IV. Liv. VI. 347 ceux à qui ła cycloïde eft connue. Car elle n’eft que celle de ^sesEpt cette courbe célébré , un peu généralifée. La cycloïde s’engendre lorfqu’on fait rouler un cercle fur une ligne droite. Les épicycloïdes font formées de la même maniéré, à cela près 5 que la bafe au lieu d’être une ligne droite eft une autre circonférence circulaire. On fait honneur de l’invention des épicycloïdes à M. Roc-mer célébré Aftronome Danois, qui les imagina durant fon féjour à Paris, vers l’année 1674* Ce ne fut point entre fes mains une pure fpéculation géométrique. Ces courbes lui parurent être celles dont la forme convenoit aux dents des roues pour diminuer le frottement des unes contre les autres, 6c rendre 1’ation de la puiftance plus égale; ce fut-là le motif qui le porta à les confidérer. M. de la Hire néanmoins, dans fon Traité des Epicycloïdes, imprimé en 1694, garde 1111 profond lilence fur M. Roemcr, &c femble s’attribuer le mérite de cette invention géométrique 6c méchanique. Mais outre le cri public qui en fait honneur à M. Roemer, on a le témoignage exprès de M. Leibnit7 (a), qui étant à Paris , en 1674 6c les deux années fuivantes, dit que l’invention des épicycloïdes 6c leur application à la méchanique , étoient l’ouvrage de ce Mathématicien Danois, 6c qu’il en paftoit pour Auteur auprès de M. Huyghens > fans qu’il fût en aucune maniéré queftion de M. de la Hire. Je ne trouve perfonne qui ait rien publié fur les épicycloïdes avant M. Newton. Ce grand homme donne, dans le premier Livre de fes principes , leur rectification d’une maniéré fort générale 6c fort fimple. Après lui M. Bernoulli, pendant fon féjour à Paris , s’adonna à déterminer, à l’aide du calcul différentiel 6c intégral, encore naiftant, leur aire , leur rétification , leur développée, ôcc. plufieurs de fes Leçons de calcul intégral font occupées de cet objet. En 1694, M. de la Hire Publia fon Traité des Epicycloïdes , dont il revendique les prin-eipaies vérités, comme des découvertes faites depuis longtemps. C’eft un ouvrage exceftivement embrouillé ; mais on a- dans les Mémoires de l’Académie de l’année 1706, un écrit u meme M. de la Hire fur les épicycloïdes, qui forme un (Æ) Comm. Phil. Leïbnïtiï 6» Bernoulli, T. x, p. 347. Xx ij 548 HISTOIRE Traité complet de ces courbes * très-curieux de très-élégant» Il y auroit dans les écrits qu’on vient d’indiquer une ample moiffon de vérités curieufes à étaler ici. Mais nous nous bornerons à quelques-unes des plus dignes d’attention. C’eft d’abord une propriété remarquable des épicycloïdes circulaires qu’elles font fouvent géométriques , tandis que la cycloïde ordinaire , d’autant plus fimple en apparence que la ligne droite l’eft davantage que la courbe, n’eft que méchanique ou transcendante. Ce cas où les épicycloïdes font géométriques , eft celui où il y a un rapport comme de nombre à nombre entre les circonférences du cercle qui fert de bafe , de du générateur. Que fi ce rapport eft incommenfurable , alors l’épicycloïde eft méchanique. La raifon en eft fenfible : dans le dernier cas, le cercle générateur continuant à l’infini de tourner fur fa bafe, jamais le point décrivant ne peut retomber fur un de ceux d’où il eft parti au commencement de quelque révolution ; ainfi la courbe ne rentrera jamais en elle-même , mais fera une infinité de circonvolutions différentes de de replis. Elle feroit par conféquent coupée en une infinité de points par une ligne droite, ce qui ne fçauroit arriver à une courbe géométrique. Ceci nous donne la folution de l’efpece de paradoxe remarqué plus haut. La cycloïde ordinaire n’eft qu’une épicycloïde formée par un cercle fini roulant fur un cercle infini. Mais le fini de l’infini font incommenfurables. Ainfi elle eft dans le cas des épicycloïdes à bafe incommenfurable avec le cercle générateur , de elle doit être tranfeendante comme elles. C’eft encore une propriété remarquable des épicycloïdes , foit géométriques, foit tranfcendantes, qu’elles font abfolument reétifiables , du moins dans le cas où le point décrivant eft fur la circonférence du cercle générateur.. On démontre Fig. ?/. que la circonférence de l’épicycloïde G E F eft au quadruple du diametre du cercle générateur BE , comme le rayon de la bafe, à la fomme de ceux de la bafe de. du cercle générateur, Si l’épicycloïde étoit intérieure, alors, au lieu de la fomme ci-deffus, ce feroit la différence. Veut-on voir reparoître ici la cycloïde ordinaire de fa propriété célébré, d’avoir fa circonférence égale à quatre fois le diametre du cercle générateur » il n’y aura qu’à fuppofer le cercle de la bafe infini ; alors la raifon ci-deffus fe changera en une raifon d’égalité. Car l’iür: DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VI. 3 49 fini augmenté ou diminué d’une quantité finie , efi: toujours le même. Lorfque le point décrivant de l’épicycloïde eft pris au dedans ou au dehors de la circonférence du cercle générateur, la longueur de l’épicycloïde efl: égale à une circonférence d’el-lipfe facile à conftruire. A l’égard des aires des épicycloïdes, elles fe déterminent par l’analogie fuivante : comme le rayon du cercle de la bafe : à trois fois ce rayon , plus deux fois celui du cercle générateur, ainfi le fegment circulaire b H, au feéteur épicycloïdal £HF , ou tout le cercle générateur , à l’aire entière de l’épicycloïde FEGB. Je ne dis rien des tangentes: on fçait depuis le temps de Defcartes que la ligne H b, tirée d’un point quelconque H, à celui de la bafe que touche le cercle , tandis que ce point eft décrit, eft perpendiculaire à la courbe , par conféquent à la tangente. Je finis cet article en donnant une idée de la méthode ingénieufe que M, de Mau-permis a fuivie en traitant ce fujet [a). Il conçoit un polygone rouler fur un autre dont les côtés font égaux aux fiens. La trace d’un des angles, décrit une courbe dont le contour eft formé d’arcs de cercles, ôc l’aire compofée de fećteurs circulaires , ôc de triangles rećtilignes. Il détermine le rapport de l’aire ôc du contour de cette figure avec ceux du polygone générateur. Il fuppofe enfuite ces polygones devenir des cercles , la figure décrite devient une épicycloïde , ôc le rapport ci-deflus, modifié comme il convient par cette fuppofition, lui donne l’aire ôc le contour de l’épicycloïde. I X. L’Angleterre, quoique le pays natal des calculs que nous Nommons différentiel Ôc intégral, n’eft cependant pas celui où ils ont d’abord pris leur accroiftement. Nous faifons abf-*racfcion de M. Newton, qui les appliqua dès-lors avec tant de , cçès à la découverte des vérités les plus fublimes, ôc qui etcnt eil pofTefïion de quantité de méthodes excellentes. Mais al exception de ce qu’il en dévoila dans fes principes en 1687, Sc de ce qui en pût tranfpirer d’après fes lettres ôc fes manuf-Crits 5 c et°it un tréfor précieux dont lui feul avoit encore H Stem, de l’Acad. ann. 1727*. Progrès dm calcul différentiel dans Incontinent, 3 50 H IS TOIRE propriété ; de maniéré que c’eft, en quelque forte, du continent que l’Angleterre reçut la connoilfance de ce calcul. Craig, qui le premier le cultiva, ôc qui l’appliqua à la dimenfion des grandeurs curvilignes (a), le tenoit des pièces inférées par Leib-nit% dans les Aties de Leipfick, Il en fait l’aveu de plufieurs maniérés, foit en appellant cette méthode, le calcul deLeibnitç, foit en adoptant fa notation. Ainfi c’eft à l’époque de la con-noiftance qu’en donna M. Leibnit? au monde fçavant, qu’on doit à certains égards fixer fa naifiance ôc fes développemens^ Nous en ferons bientôt l’hiftoire avec étendue ; mais quel--ques traits de la vie d’un homme à qui les Mathématiques ont de fi grandes obligations , ne fçauroient fufpendre qu’agréa-blement l’attente de nos le&eurs. Le célébré M. Leibnit% ( Godefroi-Guillaume ) naquit à Leipfick, le 2 3 Juin, v. ft. de l’année i 6ą6. Il fit fes premières études dans fa patrie, ôc dès l’âge de quinze ans b il commença à embraftèr avec une ardeur incroyable tous les genres de connoilïances. Poéfie , Hiftoire , Antiquités , Philofophie , Mathématiques, Jurifprudence, foit civile , foit politique, tout fut dans peu d’années de fon relfort, ôc il n’efl: aucun de ces genres dans lequel il n’ait fignalé fon génie ou fon fçavoir. Nous paflferions bientôt les bornes que nous preferit l’étendue de cet ouvrage , fi nous entreprenions de faire connoître M. Leibnit^ fous tous ces differens afpećls. Le leôteur curieux nous pardonnera fi nous nous bornons à le repréfenter ici comme Mathématicien. Les Mathématiques furent du nombre des connoiiïànces que M. Leibnit% , avide de toute efpece de fçavoir , acquit dans fa jeuneiïe. Lorfqu’il prit des erades en Philofophie , il ioutint une theie lur un lu jet a demi-Mathematique, ôc tenant à l’art des combinaifons. Cette thefe fut le premier germe d’un Traité de Ane combinatoriâ, qu’il donna en 1668,8c qui a été réimprimé en 1690. On ne doit pas mettre cette nouvelle édition fur le compte de M. LeibnitIl la vit a1* contraire avec déplaifir, ne jugeant plus cet ouvrage digne de fon nom, quoiqu’il lui eût autrefois fait honneur. Il donna-aufii en 1671 , un ouvrage intitulé Hypothefis Phyfica nov&p &c. ou Theoria motus , dont il défapprouva la doćtrine lorfilu fut parvenu à un âge plus mur. (. in-8°. & quelques autres écrits que leur obfcurité ^aI^eAu° 6 *chel ) né à Ambert dans la a fait tomber dans l’oubli. Voy. là vie dans On a dpV^r^ne ’ ^ 16 i mort en *71 ?• l’Hift. de l’Acad. Roy. des Sciences, ann. ilł“4° ) 1 7raité * Algèbre , ( 16 9 z. 1719. ' ł • June Méthode - * Tome II, pour la réfolution des Zz 3^ HISTOIRE loux des inventions d’autrui II avoit donné quelques écrits où, au travers de l’obfcqrité qui l’accompagna toujours, on entrevit des méthodes allez ingénieufes. A cela près, il paffa fa vie à quereller Defcartes, ôc le calcul différentiel. Il commença à s’élever contre ce dernier en 1701. 11 l’attaqua non feulement du coté de la certitude rigoureufe de fes principes, mais encore il prétendit montrer par divers exemples qu’il induifoit en erreur, ôc qu’il étoit en contradićtion avec les méthodes connues ôc admifes, comme celles de Dejcartes, de Fermât > ôcc. Ces prétentions étoient affaifonnées de la confiance la plus grande, ôc étayées d’un grand appareil de calcul, de forte qu’elles étoient tout-à-fait capables d’en impofer à ceux qui ne pénétroient pas au-delà de la fuperficie. Mais le calcul différentiel trouva dans M. Varignon, un dé-fenfeur auffi zélé ÔC intelligent, que Rolle étoit ardent ôc impétueux. M. Varignon répondit d’abord avec beaucoup de fo-lidité aux objections qui concernent les principes du nouveau calcul. Il donna la véritable notion des différentielles , ôc montra que ce n’étoient ni des zero abfolus, ni des incomparables , mais les dernieres raifons des élémens refpeCtifs de l’abfciffe ôc de l’ordonnée, lorfque décroiffans continuellement ils s’anéanti fient enfin. A l’égard des erreurs que Rolle imputoit au nouveau calcul, ce fut-là furtout que M. Varignon triompha. Il fit voir que toutes fes imputations n’étoient que des effets de fa précipitation ôc de fon inadvertence. Nous nous bornerons à quelques exemples, tirés d’une réponfe manufcrite de M. Varignon , que nous avons eue entre les mains. Rolle pre-noitune courbe dont l’équation étoit y—b~{xx— 2 ax-{-a a — hh)j : af. Il en cherchoit les plus grandes ôc les moindres ordonnées, en faifant dy=o ^ ôc il trouvoit que le maximum cherché répondoit à l’abfciffe égale à a. Cependant, difoit-il, il eft certain que cette courbe a trois ordonnées qui font des maxima ôc minima. En effet, la regle de M. Hudde en donne trois, qui répondent à des abfciffes qui font a — b ; a9 ÔC a~\—b. Un autre exemple qui arrachoit à Rolle de grands cris de victoire, étoit celui-ci. Soit cette équation y =2 h-V^-x^ V^-h ix. En faifant de tout le tort à fon ad^ verfaire. Cette première conteftation fembloit finie ou du moins aftbupie dans l’attente d’un jugement. Mais les adverfaires du nouveau calcul ne purent fe réfoudre à le voir jouir longtemps de cette efpece de paix. Rolle, leur champion , renou-vella bientôt après les hoftilités , de éleva un nouvel incident fur la regle des tangentes. Il en donna une à fa maniéré dans le Journal des Sçavans de l’année 1702, & l’appliqua à certains cas particuliers qu’il propofa, en forme de défi aux partifans de la nouvelle méthode. Ces cas, au refte, étoient adroitement choifis. Il s’agiflbit de tirer les tangentes à des points où des branches de courbe s’entrecoupent. Or il arrive ici quelque chofe de fingulier de d’embarraftànt : on trouve, comme à l’ordinaire , facilement l’expreffion indéterminée de la foutangente , qui eft alors une expreffion fractionnaire ; mais lorfque dans cette expreffion on donne à l’abfciffe ou à l’ordonnée , la valeur convenable à ce point particulier d’interfeétion , le numérateur de le dénominateur de la fraćtion deviennent à la fois égaux à zero. C’eft ce qui arrive, par exemple, dans la fraćtion {ax — x y/ ax) : x — a. En y faifant x = a, elle devient f. Que faire dans pareille circonftanee ? On doit la remarque de cette difficulté à M. Jean Bernoulli , qui en trouva auffi le premier la folution, de qui la communiqua aux Geometres de Paris, entr’autres à M. de VHôpital, qui l’a inférée dans fon Analyfe des infiniment petits , art. 163. (a) Ce fut M. Saurin qui foutint ici la caufe du calcul différentiel. Il répondit à Rolle en fatisfaifant à fon défi, de il montra que la difficulté en queftion étoit précifément prévue de rendue dans le Livre contre lequel il s’élevoit avec tant de chaleur (£). Il fit voir auffi que la regle de Rolle n’étoit elle-même que la regle des tangentes du calcul différentiel , de celle de l’article 163 de l Analyfe des infiniment petits, dégui- [a) Voy. J, Bernoulli , perfeflio régula fuœ3 pro determinando valore frattionis3 cujus numerator ac denominator certo cafu ev ane f eunt. Aft. Lipf. ann. 1704. Bernoulli. Op. T. 1. p. 40x. (b) M. Saurin a depuis traité plus au long ce cas particulier des tangentes dans un Mémoire inféré parmi ceux de l’Acad^' mie des années 1716 & 172?. On en troü-ve auffi un parmi ceux de l’année 172 T’ qui concerne les queftions de maximp ^ minimis 3 & qui eft une réfutation vi#0"-rieufe de celui de Rolle de l’année 17° 3 * DES MATHÉMATIQUES.P^.IV.XiKVI. 367 fée , à l’aide d’un facras énorme de calcul. Rolle répliqua par un prolixe écric inféré dans le Journal des Sçavans de 1703 , écric plein de déclamations. M. Saurin négligea d’y répondre , mais s’appercevant que fon adverfaire imputoit ce filence à une défaite entière, il crut en 1705 devoir rabattre cette confiance extrême, en repouffant fes déclamations , ôc le preffant vivement fur le fond de la queftion. Rolle répliqua de nouveau par un tilTu d’inveôtives , d’afTertions pleinement démenties par les faits, ôc s’attribuant toujours la victoire avec un ton ôc une confiance qui excitent l’indignation. M. Saurin lui oppofa de fon côté un écrit qui étoit plutôt un factum , qu’une difcuffion Mathématique. Enfin il en appella au jugement de l’Académie. M. Bignon voulut prendre lui-même connoiïlànce de l’affaire, ôc fe nomma pour affefïèurs Mef-fieurs Gaiois ôc de la Hire, deux Juges peu favorables à la caufe de M. Saurin. Cependant ils n’oferent prononcer, ou , pour mieux dire , fans prononcer fur le fonds , ils ne purent s’empêcher de donner tort à M. Rolle. Par l’efpece de jugement qu’ils rendirent vers la fin de 1705 , il lui fut recommandé de fe mieux conformer aux réglemens de l’Académie, en difant les chofes avec plus de ménagement, ôc M. Saurin fut renvoyé à fon bon cœur, c’eft-à-dire, invité à lui pardonner fes mauvais procédés (a). Telle fut la fin de cette conteftation dans laquelle, pour adoucir nos termes, nous dirons feulement que Rolle s’eft fait peu d’honneur auprès des Géomètres mtelligens. Il efl vrai qu’il a, à certains égards, mérité fon pardon auprès de la poftérité. On lit (b ) qu’il fe convertit peu de temps après , ôc qu’ayant fait fa profeffion de foi entre les mains de Meilleurs de Fontenelle, Varignon ôc Malebranche , il leur avoua qu’il ne s’étoit porté à attaquer ainfi le calcul différentiel , qu’à l’infligation de quelques perfonnes. L’une eft aTez connue 5 l’on fçait que c’étoit l’Abbé Gaiois, l’autre étoit probablement le P. Gouye , qui avoit fortement appuyé les ob-Eètions de Rolle dans un des Journaux de Trévoux. Après Cctte retraite de Rolle qui, ne pouvant fe palier de quereller ÿelqu’un, s’attacha à chicaner l’anal y fe de Defcartes, l’Abbé a°LS refia feul adverfaire déclaré du calcul différentiel. Mais Lj ^,°Uv*de la Republ. des Lettres. Janv. 1706. 0Tnm‘ Epifl. Leibnitü ac Bernoulli. T. 11, p. 170, 368 HIST. DES MATHÉM./V/. IV.ZjV. VL deftitué des fecours de fon champion , ôc peut-être enfin ébranlé par les réponfes vi&orieufes de Mefiîeurs Varignon ôc Saurin , il commençoit à mollir, lorfque la mort l’enleva. On ne peut voiler plus ingénieufement le travers qu’il avoit pris fur ce fujet, que le fait M. de Fontenelle dans fon éloge hiftorique. « Le goût de l’Antiquité, dit-il, ce goût fi difficile à contenir >5 dans de juftes bornes, le rendit peu favorable à la Géométrie >3 de l’infini. On ne peut même le diffimuler, puifque nos hiftoi->3 res l’ont dit, qu’il l’attaqua ouvertement : en général, il >3 n’étoit pas ami du nouveau, ôc il s’élevoit par une efpece 33 d’oftracifme contre tout ce qui étoit trop éclatant dans un 33 état libre, tel que celui des Lettres. La Géométrie de l’in-J3 fini avoit ces deux défauts, 6c furtout le dernier. 33 Ce tour ingénieux eft digne du célébré Secrétaire de l’Académie , mais il ne juftifie point l’Abbé Gaiois. On n’eft jamais excufa-ble d’avoir tort en Géométrie, ôc de s’oppofer par paffion ôc par jaloufie aux découvertes propres à accélérer le progrès des fcien-ces. La mort de l’Abbé Gaiois mit entièrement fin à la querelle. Le calcul de Leibnit% a été univerfellement adopté, ôc voici déjà plus d’un demi-fiecle que les Géomètres l’emploient à toutes fortes de recherches , fans que jamais fa certitude fe foit démentie en aucun point. Bien loin delà, il n’eft prefque pas de découverte faite par fon moyen qui n’ait été confirmée ce mille maniérés différentes. Ainfi il ne fçauroit plus y avoir que des ignorans, ou de ces efprits finguliers, occupés à jetter un nuage fur toutes les connoiffances certaines , qui foient capables de fufpeéter la folidité de cette méthode. D’ailleurs, fi les principes au calcul appelle des infiniment petits, font de nature à éprouver quelques difficultés , perfonne n’ignore aujourd’hui qu’il eft abfolument le même dans le fonds, que ce-lui que Newton a appelle des fluxions. Or celui-ci n’a rien qui ne foit conforme aux principes les plus rigoureux de Ja Géo^ métrie, comme on l’a montré affez au long. L’un ôc l’autre doivent donc jouir du même degré de certitude. Fin du Livre VIe de la IVe Partie. HISTOIRE HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES. XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX QUATRIEME PARTIE, Où r on expofe les progres de ces Sciences durant le dix-feptieme fiecle. LIVRE SEPTIEME. Qui contient les progrès de la Méchanique pendant la derniere moitié de ce fiecle. SOMMAIRE. Les loix du choc des corps & de la communication du mouvement 9 manquées par Defcartes, font enfin découvertes & par des balles d’yvoire ou de marbre. On les fufpend à des fils de maniéré qu’étant dans la perpendiculaire , elles fe touchent, ôc quelles fe choquent centralement. Alors, pourvu qu’on ne leur faffe pas décrire des arcs de plus d’une dixaine de degrés, leurs vîteffes, quand elles font arrivées à la perpendiculaire , font fenfiblement comme les arcs d’où elles font Tombées. Il efl donc facile de les faire choquer avec tels degrés de vîtefie que l’on veut ,ôc de remarquer quels degrés de vîteffe elles acquièrent dans le choc ; car cette nouvelle vîtefie efl aufîi fans erreur fenfible, comme l’arç qu’elle leur fait parcourir en remontant. On trouve par ce moyen un accord fatisfaifant entre la théorie ci-deffus ôc l’expérience. On voit toujours les boules y foit molles , foit élaftiques, s’élever fenfiblement aux hauteurs que la théorie a déterminées d’avance. La plupart des Ecrivains de Phyfique expérimentale ont imité M. Mariotte; ôc donnent à la preuve des loix de la communication du mouvement , quelque partie de leur ouvrage. On peut voir fur ce fujet M. Dejaguliers, M. s’ Gravefande , M. l’Abbé Nollet. Le fuf" frage unanime de ces Phyficiens, fait de ces loix des vérité d’expérience qu’il n’eft plus permis de révoquer en doute.. DES MATHÉMATIQUES.i’a/ï.IV.ZiV.VII. 381 11. Il n’efl: perfonne dans le dix-feptieme fiecle , fi nous en ex- DeM.Huy ceptons Galilée ôc Newton , à qui la Méchanique ait des obii* ^hm5' gâtions plus nombreufes qu’à M. Huyghens. On vient de le voir concourir à l’honneur de la découverte de la loi du choc des corps. Nous lui devons encore l’application du pendule aux horloges ; la curieufe découverte de l’ifochronifme des chûtes dans la cycloïde ; la théorie des centres d’ofcillation , l’une des plus délicates ôc des plus fubtiles de la Méchanique ; les premiers traits enfin de celle des forces centrales. Comme c’eft ici l’endroit de notre hiftoire , où M. Huyghens joue le plus grand rôle, c’eft celui où nous avons remis de donner le précis de fa vie. M. Huyghens 3 ( Chriftian ) Seigneur de Zelem ôc de Zuli-chem , reçut le jour à la Haye, le 14 Avril i6zy , de Conftan-tin Huyghens, Secrétaire ôc Confeiller des Princes d’Orange. M. Conftantin Huyghens, étoit non feulement homme de Lettres , comme le témoignent les Poéfies Latines qu’on a de lui, *nais encore verfé dans la Phyfique ôc les Mathématiques. Il fut le premier Maître de fon fils , qui commença, dès l’âge de treize ans , à donner des indices de ce génie profond qui devoit un jour le guider dans les recherches les plus obfcures. Le jeune M. Huyghens , deftiné par fon pere à l’étude du Droit, fut envoyé en 1645, à l’Univerfité de Leyde. Il y prit les leçons du Profeffeur Vinnius, mais en même temps il y trouva Schooten , le Commentateur de Defcartes , qui fortifia fon goût pour les Mathématiques. Aidé des fecours de cet habile homme, ôc plus encore de fon propre génie, il fit des progrès rapides dans tout ce que la Géométrie de Defcartes a de plus difficile. Schooten a donné place dans fon Commentire à diverfes obfervations utiles , ouvrage de ce temps de la ^le de M. Huyghens. fe fameux Livre du P. Grégoire de Saint-Vincent, fut l’oc-Ca lQn du premier ouvrage public de M. Huyghens. Il le réfuta 5 par un petit écrit qui ne laifle lieu à aucune réponfe f îde , ôc auquel les partifans de Grégoire de Saint-Vincent ne "pondirent effectivement que par des traits de mauvaife hu^ 3 8i HISTOIRE nieur. Il publia la même année, fes Theoremata de circuli & hyperbolce quadratura, Ôc en 1654, fon ingénieux Traité intitulé De circuli magnitudine inventa nova, dont nous avons parlé ailleurs. Mais ce ne font-là que des effais de la jeu-neffe de M. Huyghens. Ils ne peuvent entrer en comparaifon avec les inventions dont il enrichit depuis la Géométrie 6c l’Analyfe. Telles font entr’autres la théorie des développées , dont nous avons déjà rendu un compte étendu (a) ; & fes découvertes de Géométrie 6c de Méchanique mixtes, qui doivent nous occuper une partie de cet article 6c de quelques-uns des fuivans. On lui doit conjointement avec Meffieurs Pafcal 6c de Fermat, les premiers traits de la nouvelle fcience de calculer la probabilité. Il en dévoila les principes en 1657, dans fon écrit intitulé De ratiociniis in ludo Aleæ. Les autres parties des Mathématiques n’ont pas de moindres obligations à M. Huyghens. Nous avons déjà annoncé au commencement de cet article, celles que lui a la Méchanique. L’Aftronomie lui eft redevable de la mefure exaéte du temps dont elle eft aujourd’hui en pofteftion ; de la découverte de l’anneau de Saturne, de celle d’un des fatellites de cette planete, de la première remarque de l’applatiftement de la terre , depuis ft heureufement confirmée par l’obfervation. Perfonne enfin ne porta plus loin que lui l’art de travailler les verres de Télefcope, foit pour la longueur des foyers, foit pour l’excellence. Nous nous bornons à ce tableau fuccinét 6c imparfait des travaux de M. Huyghens. Tous ces differens objets doivent trouver leur place ailleurs, 6c y feront expofés avec l’étendue convenable. M. Huyghens s’étoit acquis dès l’année 1665 , une telle réputation j que Louis XIV voulant fonder dans fa capitale une Académie des Sciences , le fit inviter, fous des conditions honorables 6c avantageufes, à venir s’établir en France. Il les accepta , ôc il vint réfider à Paris en 1666. Durant le féjour qu’il y fit, il fut un des principaux ornemens de l’Académie Royale des Sciences , dont il enrichit les Regiftres d’une mu P titude d’écrits profonds. Il eût peut-être terminé fa carrier5 en France, fans la révocation de l’Edit de Nantes. En vai11 (a) Voyez î. 1, art. vm. DES MATHÉM AT IQUE S. Pan. IV. Liv. VII. 383 tenta-t’on de l’y retenir, en l’alfurant qu’il y jouiroit de la même liberté qu’auparavant ; il ne put fe réfoudre à vivre davantage dans un pays où fa religion alloit être proferite ^ 6c fes freres perfécutés. Il prévint l’Edit fatal en fe retirant dans fa patrie en 1681. De retour en Hollande , M. Huyghens continua de cultiver fes fciences favorites, 6c de les enrichir de divers ouvrages. Tels furent fon Aflrojcopia compendiaria à tubi molimine liberata , fon Traité^ Lumine, 6c celui de Gravitate. Il eut part aux folutions de quelques-unes des queftions célébrés que pro-poferent vers ce temps les Géomètres qui faifoient ufage du nouveau calcul de Leibnit{, telles que celle de la courbe ifo-chrone., 6c principalement celle de la chaînette. Ce n’eft pas un des traits les moins glorieux de la fagacité de M. Huyghens , d’avoir pu , prefque deftitué des fecours de ce nouveau calcul qui lui étoit peu familier, furmonter des difficultés de cette nature. M. Huyghens promettoit encore plufieurs années d’une vie utUe aux Mathématiques , lorfqu’il fut faili de la maladie qui ^erfuina fes jours. Sa mort arriva le 5 Juin 1695. Il légua par Ion teftament tous fes papiers à la Bibliothèque de Leyde ; priant Meffieurs Burcher de Hôlder 6c Fullenius , Mathématiciens habiles, de faire un choix de ce qui étoit en état de voir le jour, 6c de le publier. Ils s’en acquittèrent en 1700 , qu’ils publièrent un volume pofthume des ouvrages de M. Huyghens. depuis ce temps, M. s Gravefande nous a procuré une édition c°mplette des Œuvres de cet homme célébré. Les deux premiers volumes de cette intéreftante collećtion, parurent en en 1714 in-40 5 & les deux derniers en 1728. Parmi les découvertes Méchaniques de M. Huyghens, nous er* remarquons une principale , 6c qui femble avoir été le motif &c l’occafîon de toutes les autres. C’eft celle de l’appli-cJtion du pendule à régler le mouvement des horloges. Cette J;lrconftance nous preferit l’ordre que nous avons à fuivre dans expofition de ces découvertes. , 7 égalité de durée entre les ofcillations du pendule étoit un ja en°mene déjà fort connu, lorfque M, Huyghens entra dans carrier des Mathématiques. Galilée , qui en avoit fait la f miere obfervation , avoit auffi eu l’idée de l’appliquer à la Application du pendule à rider les hor~ loges, 384 HISTOIRE mefure du temps , ôc quelques Aftronomes, à fon imitation, l’avoient employé dans cette vue. Mais faute de moyens commodes pour en compter les vibrations, ôc en perpétuer le mouvement , cette idée n avoit pas encore apporté beaucoup d’utilité à l’Aftronomie. On voit, à la vérité , un Auteur Italien , ( M. Carlo Dati ) revendiquer à Galilée ou à fon fils, l’invention de M. Huyghens (a). Mais c’eft une pure aftèrtion qui, n’étant revêtue d’aucune preuve , ne mérite pas grande attention. D’ailleurs, quelle apparence qu’une invention fi utile,, fi facile à mettre en pratique , ôc fi recherchée non feulement par les Sçavans , mais encore par les Artiftes , eut refté pendant près de vingt ans enfevelie dans un pareil oubli. Cela n’eft aucunement vraifemblable. M. Huyghens ne s’adonna pas plutôt à l’Aftronomie, que fenfible aux avantages que cette fcience pouvoit tirer du pendule , ôc aux inconveniens qui s’y oppofoient, il travailla à les lever. Le fuccès répondit à fes defirs. Egalement doué du génie de la Méchanique , ôc de celui de la Géométrie, il imagina une conftrućtion d’horloge ou le pendule fervant de modérateur au rouage , ne lui permet qu’un mouvement très-uniforme. Voici une idée de ce méchanifme. Le pendule qui eft une verge de fer au bas de laquelle le poids eft fufpendu , communique par fa partie fupérieure un mouvement alternatif à un aiflieu garni de deux petites palettes tellement dif-pofées , qu’à chaque vibration elles ne laiftent pafter qu’une dent de la roue avec laquelle elles s’engrenent. Cette roue ne peut donc avoir qu’un mouvement aufii uniforme que celui du pendule même , 6c puifque de fon mouvement dépend celui de tout le rouage, dont les parties s’engrenent mutuelle^ ment, ôc enfin avec elle , ce rouage eft contraint de marcher avec la même uniformité que le pendule. Il y a plus : ce rouage , par l’a&ion' du poids ou du reflort qui le met en mouvement , fait un petit effort contre le pendule, ôc lui communique à peu près la même quantité de mouvement qu’il en perd à chaque vibration par la réfiftance de l’air, de forte qu’au lieu de relier vingt-quatre heures en mouvement, comme d pourroit faire fans cela , il ne peut plus s’arrêter que (a) Z, et ter# ai Philaleti di M. Timauro Antiate. que DES MAT HÉMATIQUES. Pan. IV. Liv. VII. 3S5 que le poids ou le relTort de la machine cefTera d’agir. M. Huyghens fit cette belle découverte vers la fin de l’année 1656,6c vers le milieu de 1657 , il préfenta aux Etats une horloge de fa nouvelle conftruéHon. Il la dévoila bientôt après par un écrit ' particulier, de elle a été fi univerfellement adoptée, que les petites horloges d’appartemens en ont pris le nom de pendules. Il y avoit dans les premiers fuccès de cette invention, de quoi fatisfaire M. Huyghens. Mais l’envie de la porter à une plus grande perfedtion, ne lui permit pas d’en refter-là. C’eft a cette fçavante inquiétude que nous devons les profondes & fubtiles recherches qu’il mit au jour en 1673 , dans fon fa-meux ouvrage intitulé Horologium ofcillatorium. M. Huyghens confidéra qu’il pouvoit arriver par diverfes circonftances que les ofcillations de fon pendule ne fuftent pas toujours égales en étendue. Or dans ce cas leur durée n’auroit plus été parfaitement la même : car, nous l’avons déjà remarqué , cette égalité de temps entre les ofcillations d’étendue inégale , n’eft pas entièrement parfaite ; elle n’eft que fenfible, de même il faut pour cela quelles foient affez petites. M. Huyghens craignit que ces petites différences accumulées , ne fiffent à la fin une fomme fenfible : cette confi-dération lui infpira l’idée de faire enforte que quelle que fût 1 etendue des ofcillations de fon pendule, elles fuflent géométriquement égales : or ce problème fe réduit à déterminer le long de quelle courbe un poids doit rouler , afin que de quelque point que fa chûte commence, il arrive dans le même temps au plus bas. Il le rechercha, de il trouva que c’étoit la cycloïde qui jouiffoit de cette propriété. Pour nous expliquer plus clairement, qu’on fuppofe une cycloïde telle que ABS ^I0°* tenverfée , ou le fommet en bas , de quelque point A, B, ou ^ s qu’on laiife tomber un corps il arrivera en S dans le même ternps (a). Les Géomètres cherchant à abréger le difeours, te H Cette belle vérité, dont la découver-fac'i0'1 cr^s-tiifficile , peut être néanmoins cetteetïient démontrée. Elle eft fondée fur Ie&eu^r°^0^“on Pr^*minaire , dont tout ment Ver^ danS fcience du mouve-un corv^n* kientôt démonftration. Si S , pJ*S Pouffé & accéléré vers un point 71 elle à U,nef°rce W1 eft toujours proportion- Tft dlftance où il eft de ce point, de ome U. quelqu endroit quil parte , il arrivera à ce point S dans le même temps. Or c’eft-là précifément le cas d’un corps qui roule le long d’une cpcloïde. Car la force avec laquelle le corps placé en B, tend vers le Fig. rooi point S 5 eft toujours comme l’arc BS, qui eft Pelpace à parcourir. En effet la tangente en B , eft parallele à la corde b S : or puifque toutes les cordes D S, b S, c S, font par- Ccc '< 3 S 6 HISTOIRE ont depuis donné à cette propriété le nom de Tautochronifme, comme qui diroit Videntïté ou légalité, du temps entre les chûtes. Par la même raifon on nomme Tautochrones les courbes qui jouiffent de la même propriété dans certaines circonftan-ces , de fuivant les différentes hypothefes. La cycloïde eft la courbe Tautochrone dans l’hypothefe de l’accélération uniforme des graves, de des directions parallèles. Mais ft nous fuppofons ces directions convergentes à un point, &; la force de îa pefanteur varier comme la diftance au centre, ce fera une épicycloïde. Cette élégante de curieufe vérité eft due à M. "Newton. M. Huyghens ayant montré qu’il falloit que le poids du pendule décrivît une cycloïde, afin que fes ofcillations quelconques fuffent d’égale durée , il lui reftoit à exécuter ce méchanifme. Il imagina pour cela avec beaucoup de fagacité , que toute courbe pouvoit être décrite par le développement d’une autre , de forte qu’afin que le centre du pendule décrivît une cycloïde j il falloit déterminer cette autre courbe , de faire que le fil du pendule s’appliquât fur elle dans fes mouvemens. Ce fut-là l’origine de fa célébré théorie des développées dont nous avons rendu un compte fuffifamment étendu (a'). Nous nous bornons ici à remarquer qu’il trouva que la courbe fur laquelle fe devoit appliquer le fil du pendule , étoit encore une cycloïde égale , de pofée feulement en fens contraire, comme on voit dans la figure ioo. En conféquence il fufpen-dit la verge ou la barre de fon pendule à des fils de foie , de il plaça vers le point de fufpenfion deux arcs de cycloïde, afin que ces fils s’appliquaffent fur ces arcs pendant les ofcillations. Rien de plus ingénieux que tout ce méchanifme ; mais quelque agréables que foient pour l’efprit ces fubtilités de Géométrie de de Méchanique, on s’eft apperçu dans la fuite qu’elles étoient fuperflues pour la pratique. On a même trouvé daf^ la fufpenfion propofée par M. Huyghens > de s inconveniens qlU l’ont fait rejetter, de l’on s’en eft tenu à ne faire décrire aux pendules que de fort petits arcs. L’expérience a appris qu’il courues en temps égaux, la force avec la- cordes correfpondantes. Par conféquent & quelle un corps placé au commencement force accélératrice à un point quelconqtie * d’une corde quelconque tend à rouler , eft eft comme l’arc qui refte à parcourir» comme cette corde. Mais les arcs de cy- (a} Liv. il, art. Vin., chude A S Ł B S} C S, &c, font doubles des DES MAT H É MAT I QU E S. Part. IV. Liv. VIL 387 n’en falloit pas davantage pour donner aux horloges une régularité fuffifante pour les ufages les plus délicats. Ne terminons pas cet article fans faire connoître une proposition utile 6c remarquable que nous offre encore cette théorie de M. Huyghens. C’eft que le temps d’une ofcillation entière d’un poids décrivant une cycloïde , eft au temps qu’il employeroit à tomber de la hauteur de l’axe de cette cycloïde , comme la circonférence au diametre. Cette vérité mit M. Huyghens en état de déterminer avec bien plus de préci-fîon qu’on n’avoit encore fait, un élément des plus importans de toutes les théories où il eft queftion de la chiite des corps , fçavoir la grandeur de l’efpace qu’ils parcourent en vertu de leur pefanteur dans un temps donné , comme celui d’une fécondé. La chofe eft facile, d’après la proportion ci-deffus : car fuivant la théorie des développées * l’axe D S de la cycloïde eft la moitié de la longueur du pendule. Or l’on peut connoître avec beaucoup d’exactitude la longueur du pendule à fécondés. Il eft , par exemple, fous la latitude de Paris „ de trois pieds, huit lignes 6c demie. On aura donc par le rapport du diametre à la circonférence, le temps qu’employeroit un corps à tomber de la moitié de la longueur précédente , c’eft-à-dire, de 18 pouces, 4 lignes £. Ce temps fe trouve de 19"' 7ô* Enfin connoiffant qu’un corps tombe dans cet intervalle de temps, de la hauteur ci-deffus , la théorie des mouvemens uniformément accélérés, enfeigne à déterminer quelle hauteur parcourra ce corps en une féconde précife. Le calcul que nous venons d’indiquer , le donne de quinze pieds, un pouce de Paris. 1 I I. C’eft une chofe connue de tout le monde, que la durée des ofcillations d’un pendule dépend de fa longueur. Si le poids dont il eft formé étoit fans étendue, que le fil auquel Ce poids eft fufpendu fût infiniment délié , cette longueur fe-roit facile à déterminer. Mais un pendule de cette forte n’eft Su un être mathématique. Le poids eft réellement un folide, a Verge à laquelle il eft fufpendu , a elle-même de la pefan-ferlr 5 ^ ^CS dimenfions en largeur 6c en épaiffeur. Quel era dans ce cas le point de fon axe , qui déterminera fa lon- Ccc ij De la théorie des centres d’ofcillation, 388 HISTOIRE gueur, &: par conféquent la durée de fes vibrations. Voilà un problème que préfente naturellement le mouvement des pem* duies, & dont la confidération a donné lieu à une des plus délicates ôc des plus profondes théories de la Méchanique moderne , fçavoir celle des centres d’ofcillation. Pour fe former une idée jufte de cette théorie, on doit fe repréfenter piulieurs poids diftribués le long d'une verge inflexible. Le plus voifin feroit, comme l’on fçait, s’il étoit feul , fes ofcillations dans moins de temps que le plus éloigné ; mais attachés comme ils font par un lien inflexible, ils font contraints de fe mouvoir enfemble , de forte qu’ils tempèrent mutuellement leurs vîteftes. Le plus vîte hâte l’autre, ôc celui-ci retarde le premier. Ainfl il eft un point moyen , où étant attachés ils feroient leurs ofcillations dans le même temps qu’ils mettent à les faire , placés comme ils font à des diftances inégales du point de fufpenfion. C’eft ce point auquel on a donné le nom de centre d'ojcillation, par une raifon femblable à celle qui a fait donner celui de centre de gravité, au point où toute la mafte du corps concentrée produiroit fur un appui fixe la même preflion que difperfée. Cette recherche offre à l’efprit géométrique , un vafte champ de fpéculations ; mais ce n’eft pas là fon feul mérite. La détermination des centres d’ofcillation eft néceftaire pour reconnoître fans tâtonnement la durée des vibrations d’un pendule quelconque de forme affi-gnée, ou pour lui donner la longueur convenable, afin que fes vibrations foit de la durée qu'on demande. Sans la con-noiftance de ce centre, on ignoreroit même la longueur pré-cife du pendule qui bat les fécondés, longueur importante à connoître , puifqu’elle fert de bafe à toutes les déterminations de ce genre. Enfin ce que le centre de gravité eft dans la Statique , le centre d’ofcillation l’eft à plufieurs égards dans la Dynamique ou la fcience du mouvement aétuel. Une infinité de queftions fur le mouvement des corps exigent la con" noiflance de ce centre. On ne parvient du moins ordinairement à réfoudre queftion dans fon entier, qu’en s’élevant en quelque forte far degrés des cas les plus faciles aux plus difficiles. C’eft pour qu’avant de confidérer les centres d’ofcillation des folides , les-Géomètres commencent par examiner ceux des grandeur3 DES MAT H ÉM AT I QU E S. Part. IV. Liv. VIT. 389 plus fimples, comme les lignes ôc les furfaces. Nous ne pouvons mieux faire que de fuivre le même ordre dans le récit de leurs recherches ôc de leurs découvertes. On peut mettre une figure plane en vibration de deux maniérés différentes. Prenons pour exemple un triangle fufpendu par fon fommet. On pourra en premier lieu , le faire mouvoir de maniéré que fes ordonnées refient parallèles à i’hori-fon auffi-bien quà la ligne indéfinie paffant par le point de. fufpenfion , ôc que nous nommerons par cetre raifon axe de fufpenfion. Cette forte d’ofcillation efl la plus fimple * ôc on la nomme in planum ^ en plan. Mais on peut encore faire balancer ce triangle de maniéré que refiant toujours dans un même plan , un des angles de fa bafe s’abaifîe pendant que l’autre s’élève. Cette efpece d’ofcillation fe nomme in latus, de côté. Remarquons dès à préfent qu’il y a une grande différence entre ces deux maniérés de faire ofciller une figure. Dans la première, le centre d’ofcillation tombe toujours au dedans. Dans la fécondé , il peut tomber au dehors, c’efl-à-dire , que le pendule fimple d’égale durée peut être beaucoup plus long que l’axe de la figure. Il efl facile de s’en convaincre par la confidération fuivante. Plus un triangle fufpendu par le fom-ïïiet ôc mu de cote , devient obtus, plus fes ofcillations doivent devenir longues : car s’il étoit infiniment obtus , ce ne feroit plus qu’une ligne droite fufpendue par le milieu, 6c en lui donnant un mouvement, elle ne ceflèroit de tourner du même côté. Ainfi fes vibrations feroient infinies en durée , ôc par conféquent le pendule ifochrone feroit d’une longueur infinie. Il en doit être de même de certains folides, d’un cône , par exemple d’un conoïde, fufpendus par le fommet. : car s’ils font infiniment obtus, ils ne différeront plus d’un cercle fufpendu par fon centre , dont les ofcillations feroient auffi d une durée infinie. La theorie des centres d’ofcillation doit fa première origine queftions que le Pere Merfenne propofoit aux Matliémati Cl(rns de fon temps. Il leur demanda, vers l’an 1646, de déter-iner la durée des ofcillations de plufieurs figures fufpèndues différentes maniérés, & mues foit en plan foit de côté. L)ef 5 Roberval, Huyghens même quoiqifencore fort jeune, x£nt particuliérement invités à cette recherche* 35)o HISTOIRE Le problème étoit d’une nature encore trop fupérieure à la Méchanique de ce temps-là, pour être traité avec beaucoup de fuccès. Defcartes, Roberval, s’y appliquèrent néanmoins, ÔC quoiqu’il s’en faille beaucoup qu’ils aient réfolu fuffifamment le problème , on ne laide pas d’appercevoir dans leurs tentatives des traits de fagacité. Defcartes donna la vraie folution du cas où une figure plane fait fes ofcillations in planum. Elle s’accorde avec celle de M. Huyghens; mais il fe trompa en ce qui concerne les centres d’oicillation des folides, Ôc même des figures planes qui ofcillent de côté : cas bien plus difficiles que le premier qu’il avoir réfolu (a). Roberval fut ici contre fa coutume un peu plus heureux, ôc alla plus loin que Defcartes : car non feulement il afligna le centre d’ofcillation dans les figures mues en plan , mais il réuffit encore à le trouver dans quelques figures mues de coté, comme le fecteur fufpendu par fon centre , ôc la circonférence circulaire. Mais deftitué d’une méthode générale ôc affez fiire , il fe trompa dans les autres figures , foit planes, foit folides (b). Ce problème éleva entre Roberval ôc Defcartes une conteftation dans laquelle celui-ci n’eut pas autant la raifon de fon coté que dans les autres difputes qu’ils avoient déjà eues enfemble (c). A dire vrai , ils avoient tort tous deux ; car ils fe trompoient l’un ôc l’autre dans les réglés générales qu’ils donnoient pour la détermination de ce centre dans ies folides ôc les figures ofcillant de cc>té. Il eft à propos de remarquer, avant que d’aller plus loin, au fujet de ces premières tentatives pour réfoudre le problème des centres d’ofcillation , qu’on ne l’avoit point encore envifagé fous fon vrai point de vue. Defcartes3 Roberval3 Merfenne > Fabri [d) 3 au lieu du centre d’ofcillation qui leur étoit pro" pofé recherchèrent le centre de percuflion , fuppofant tzcitf ment qu’ils étoient la même chofe. Le centre d’ofcillation bien, à la vérité, au même point que celui de percuffion, n^is l’une ôc l’autre queftion font fort différentes, ôc doivent etr^ traitées d’après des principes qui n’ont rien de commun, (a) Lettr. de Defcartes. T. m3p. 487. (c) Lettr. de Defcartes. Ibid. r ^ & fuiv. (d) Trait. de motu , Append. mllC0 (b) Merfenni, Refl, Phyjico-Math, c. 11. Math. De centro perçujfîonis. & ix, DES MATHÉM AT I QU E S. Part. IV. Liv, VU. 391 Le centre de percuffion eft le point autour duquel tous les efforts des parties d’un corps mis en mouvement, font en équilibre, de forte que de même qu’un appui qui foutient un corps par fon centre de gravité , en fupporte tout le poids , ainfi le poinc fur lequel eft appuyé le centre de perculfion, reçoit tout le choc du corps. Or il eft aifé de voir que ce problème eft bien plus facile que l’autre ; car fuppofons plufieurs poids enfilés par une verge tournant autour a’un centre, il eft vifi-ble que la quantité de mouvement de chaque poids , ou l’im-preflion qu’il eft capable de faire contre l’obftacle qu’il rencontre , eft le produit de fa mafte par fa vîtefte qui eft comme la diftance au point de rotation. Ainfi les impreffions de deux poids placés à différentes diftances de ce point, feront comme les produits de leur mafte par leur diftance à ce point de rotation. Mais le centre de percuffion eft à l’égard de ces impreffions, ce que le centre de gravité feroit à l’égard des poids eux-mêmes. Puis donc que pour avoir le centre de gravité , on multiplie chaque poids par fa diftance au point d’appui , qu’on fait une fomme de tous ces produits, èc qu’on la divifé par la fomme des poids, il faudra pour trouver le centre de percuffion , multiplier chaque impreffion par fa diftance au point d’appui, ( ce qui revient au même que de multiplier chaque poids par le quarré de fa diftance à ce point, ) faire une fomme de tous ces produits, la divifer par la fomme de toutes les impreffions, c’eft-à-dire , de tous les produits des poids par leur diftance au point de rotation. Or celle-ci ne différé point du produit de la fomme de tous les poids par la diftance de leur centre de gravité à celui de rotation. On aura conféquemment le centre de percuffion en faifant la fomme ■des produits de chaque poids par le quarré de fa diftance au centre de rotation , le divifant par le produit de la fomme de tous les poids , êc de la diftance de leur centre de gravité commun à ce point. Il nous fera maintenant facile de déterminer les centres de jj^tcuffion dans toutes fortes de figures mues en.plan : car foit a %ure SB A , mue autour du point S, &. que fur cette figure conçoive un coin ou un onglet cylindrique formé par un P an incliné de 450 , & paffant par l’axe de rotation; chaque ei*ient de ce folide, comme E1, repréfcntera le produit de 392 HISTOIRE l’élément de la figure H F, multiplié par fa diftance à l’axe de rotation : tous les élémens de ce folide feront donc analogues St proportionnels aux impreffions que feroient ceux de la bafe, St par conféquent le centre de gravité de ce folide repréfentera le centre de percuffion ; ôc li l’on conçoit de ce point tomber une perpendiculaire fur la bafe , elle y marquera ce centre. Ainft voilà le problème des centres de percuffion réduit à la Géométrie pure. C’eft maintenant à elle à déterminer la grandeur ôc les centres de gravité de ces folides. On verra par ce moyen que le centre de percuffion d’une ligne droite eft éloigné du point de rotation des deux tiers de fa longueur, auffi-bien que celui du rećtangle tournant autour d’un de fes cotés : car l’onglet cylindrique de la figure , fe réduit dans le premier cas à un triangle , ôc dans le fécond à un prifme triangulaire, dont les centres de gravité font placés de maniéré que les perpendiculaires qui tombent fur la bafe la rencontrent en des points éloignés du fommet des f de l’axe. Un triangle ifofcele tournant autour de fon fommet, aura fon centre de percuffion aux ~ de fon axe, parce que le coin en queftion , devient une pyramide dont le centre de gravité a une femblable pofition. On découvrira auffi facilement par ce moyen quelle eft la pofition du centre de percuffion dans le triangle tournant autour de fa bafe. On le trouvera au milieu de l’axe ; car c’eft le point où tombe le centre de gravité du coin retranché par un plan paffant par la bafe de ce triangle. Nous n’avons confidéré jufqu’ici que les centres de percuffion des figures mues en flan. Si on les fuppofoit fe mouvoir de côté, la détermination de ces centres feroit plus difficile. La raifon s’en préfente fans peine. Dans ce nouveau cas., chaque partie de l’ordonnée de la figure , a une vîteffe différente, ÔC par conféquent fait un effort different, qui doit être eftb mé , ôc par fa diftance au point de fufpenfion, ôc par l’angle que fait fon bras de levier avec l’axe d’équilibre. Ainfi le pr mettre fa méthode en quoi ? ravec celle de M* Huyghens j en pe Lfe trompoit aflurément. Il fe trom-Perriwr en œ 9ui concerne le centre de des folides , qu’il traite comme Tome II. fi toutes leurs tranches perpendiculaires à l’axe étoient réduites à leur centre. Ainfi il fixe le centre de percuflîon du cylindre aux j de l’axe , celui du cône aux f : fuivant la vraie théorie, ils font plus éloignés, comme on le verra plus loin. Cette double faute a été commife par divers autres Auteurs , comme M. Carré, { Elémens du calcul intégral ) , & M. Stone, ( Traité du calcul intégral }. Tout ce que dilènt ces Ecrivains fiir ce fujet, n’eft prefque qu’une erreur conti-; nuelle. Ddd 394 HISTOIRE gliens ne fe contente pas de le fuppofer, comme femblenr l’avoir penfé ceux qui l’ont trouvé trop obfcur 6c trop éloigné pour fervir de bafe à une théorie auffi délicate. Il le démontre d’après une hypothefe beaucoup plus claire 6c moins fujettolà conteftation, du moins auprès de ceux qui font initiés dans les folides principes de la Méchanique. C’eft que lorfque plufieurs corps tombent, foit librement, foit agiftans les uns fur les autres par l’atlion. de leur pefanteur, 6c qu’enfuite ils remontent , de quelque maniéré qu’ils agiffent les uns fur les autres , leur centre de gravité ne fçauroit s’élever plus haut que le point d’où il eft defcendu. S’il en étoit autrement, le mouvement perpétuel, cette chimere de la Méchanique n’en feroit plus une. On pourroit imaginer tel méchanifme qui éleveroit de plus en plus le centre de gravité d’un fyftême de corps par leur a&ion propre ; ce que les Méchaniciens feront toujours fondés à regarder comme abfurde. Les lećbeurs à qui l’Analyfe 6c la Méchanique font familières , peuvent déjà entrevoir comment, à l’aide du principe ci-deffus , M. Huyghens eft parvenu à déterminer le centre d’ofcillation d’un pendule compofé. Pour cela il fuppofe , fuivant les loix ordinaires de l’Analyfe, la longueur du pendule Ample 6c ifochrone, indéterminée ; 6c d’après cette fuppofition ? 6c les principes connus de la Méchanique, il calcule la hauteur dont tombe le centre de gravité durant une demi-vibration 6c celle à laquelle ce centre s’éleveroit en fuppofant les poids libres 6c remontans avec leurs vîteffes acquifes. Cette leconde hauteur égalée à la première, lui donne une équation qui détermine la longueur du pendule ifochrone (a). Il trouve (a) Nous croyons faire plaifir aux Géomètres, de leur développer davantage cette Analyfe. Pour cet effet, que A , B , C , &c. Soient les poids fufpendus à des diftances i*%. 10 3’*. a s b y c , &c. de l’axe de fufpenfion. Que a: foit la diftance du centre O d’ofcillation, & y le finus verfe de Tare qu’il décrit dans ufie demi-vibration, ou la hauteur dont il tombe. Les finus verfes des arcs décrits par les poids A , B , C, &c. dans le même temps, feront évidemment — , —, ^,&c. Ou on x x x x. multiplie chaque poids par la hauteur dont il tombe, ou le finus verfe de fon arc , & qu’on divife la fomme des produits par l3 femme des poids, ce fera la hauteur dofl1 eft tombé le centre de gravité : on auia donc pour cette hauteur { A a -f- B b -4” C c , &c. ) y : ( A -f- B -f- C , Sec.) y Maintenant lefc hauteurs auxquelles s e^e' vent des poids remontans , font comme lef quarrés de leurs vîteffes. Mais la hauteur a laquelle s’éleveroit le centre d’ofcillatio^.j eft le finus verfe y de fon arc, parce qu^ jouit de toute fa liberté. Les hautelly auxquelles s’élèveront les autres poids s' DES MAT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. VII. 3 95 par ce procédé , que cette longueur eft celle qui proviendroit en faifant la fomme des produits de chaque poids par le quarré de fa diftance à Taxe de fufpenfion , ôc divifant cette fomme par celui de tous les poids multipliés par la diftance de leur centre de gravité à ce même axe. Il n’eft pas befoiii que nous infiftions beaucoup à remarquer que s’il y a des poids fitués de côtés differens de l’axe de fufpenfion , il faut ôter la fomme des produits des uns de celle des autres, au lieu de les ajouter enfemble. Le plus médiocre Analifte eft en état d’en voir la nécefiité ôc la raifon. Cette regle générale pour les centres d’ofcillation étant trouvée , on peut facilement les déterminer dans toutes fortes de figures. Ce fera le même procédé que pour le centre de percuffion. Sur la figure que nous fuppofons d’abord ofciller in planum, qu’on conçoive un cylindre , coupé par un plan incliné à la bafe de 45% ôc paffant par l’axe de fufpenfion : ce fera de l’invention du centre de gravité de ce coin que dépendra la détermination du centre d’ofcillation de la figure qui lui fert de bafe : car fi l’on cherche par la méthode générale des centres de gravité, celui de ce coin , ou plutôt le point de la figure SAB, où tombe la perpendiculaire abaiffée fur elle de ce centre , on aura précifément la même expreffion. On trouvera qu’il faut multiplier chaque élément de la figure par le quarré de fa diftance à l’axe de fufpenfion , ÔC divifer la fomme de ces produits par celle des momens des poids qui n’eft autre chofe que le produit de la fomme des élémens de la figure par la diftance de fon centre de gravité au même axe. Ainfi le centre d’ofcillation de la ligne droite eft éloigné de 1 axe de fufpenfion des deux tiers de fa longueur. Celui du triangle fufpendu par le fommet, ÔC ofcillant in planutn 3 fera éloigné du point de fufpenfion des I de fon axe. On en a vu la raifon dans ce que nous avons dit plus haut fur le centre de percuffion. Le cercle, fufpendu par un point de fa circonfé-rence, a fon centre d’ofcillation aux ^ du diametre. La parabole rontdonc^,^, &c. refpeftivemenr. X X X X ln 1 en multipliant chaque poids par la Jut,eur > & divifant la fomme des produits » J,a fournie des poids , ôn aura (Aaa-i- ^ + Cf£,&c.)y:(A + B + C, &c. ) xx f qui fera la hauteur à laquelle s’éleveroit le centre de gravité des poids dégagés du lien. Ces deux expreflions égalées donnent *= (Aaa-hBbb-f-Ccc): A a — {— JB b —J — Ce, &c> Ddd ij 39^ HISTOIRE fufpendue par fon fommet, Ta aux - de fon axe , ôcc; Mais failons ofciller une figure plane de côté, ou de maniéré qu’elle refte toujours dans le même plan. La regle de M. Huyghens va nous donner aufîi fon centre d’ofcillation avec guere plus de difficulté que dans le cas précédent : car cette regle veut qu’on prenne la fomme des produits de chaque par-104. ticule, comme P, par le quarré de fa diftance P S à l’axe de fufpenfion , ôc qu’on divifé cette fomme par le moment de toutes les particules réduites à leur centre de gravité. Mais le quarré de P S eft égal à ceux de SR Ôc P R. Conféquemment 3e premier produit fe réduira à deux, dont l’un fera la fomme «des produits de toutes les parties multipliées par les quarrés de leurs diftances à l’axe de fufpenfion , ôc l’autre celle des produits de ces mêmes particules par les quarrés de leurs diftances P R à l’axe. Or nous avons vu que la première fomme eft repréfentée par le moment du coin formé fur la figure par un plan incliné de 450, ôc pallant par la tangente au fommet ; la fécondé eft pour la moitié de la figure, comme S 0 V* le moment du coin formé fur cette moitié par un plan femblablement incliné „ ôc paffant par l’axe ; ôc conféquemment pour la figure entière , ce fera le double de ce moment* Ainfi l’un ôc l’autre étant donnés ou devant être donnés par la Géométrie, on aura le centre d’ofcillation de la figure mue de coté. En fuivant cette méthode, on trouvera que le centre d’ofcillation du triangle ifofcele, mu de coté autour du fommet, eft éloigné du point de fufpenfion des \ de fon axe,, augmentés de la huitième partie d’une troifieme proportionnelle à l’axe ôc à la bafe. Dans le triangle re&angle fufpendu par le milieu de la bafe, il fe trouve au fommet. Dans le cercle fufpendu par un point de fa circonférence, on le trouvera aux. I du diametre. Il nous faudroit entrer dans des détails trop embarraflan5 pour fuivre M. Huyghens dans l’application qu’il fait de & méthode à l’invention des centres d’ofcillation dans les folideS* C’eft pourquoi nous l’abandonnerons ici, nous réfervans de faire connoître ailleurs une méthode plus fimple, ôc qui fatigue moins l’imagination. Nous nous bornons à indiquer d’après lui les centres d’ofcillation de quelques folides. Da*fs 3e cylindre fufpendu par le centre d’une de fes bafes, d eit DES MAT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. VII. 397 éloigné du point de fufpenfion, des f de fon axe, plus de la moitié d’une troifieme proportionnelle à cet axe ôc au demi-diametre. Dans le cône fufpendu par le fommet, il efi: aux | de l’axe, augmentés de la moitié d’une troifieme proportionnelle à cet axe, ôc au demi-diametre de la bafe. Celui de la fphere fufpendue par un point de fa furface , eft: au deffous de fon centre, des j de fon rayon. Voici feulement encore quelques vérités remarquables que M. Huyghens déduit des principes ci-deffus. i°. Si autour du centre de gravité d’une figure plane, ôc de ce point comme centre , on décrit un cercle d’une grandeur quelconque, cette figure fufpendue d’un point quelconque de ce cercle, aura fes ofcillations de côté ifochrones. 20. Le point de fufpenfion > ôc celui d’ofcillation font réciproques dans toute figure y c’efl:-à-dire, que fi une figure ayant fon point de fufpenfion en S , a fon centre d’ofcillation en O , fufpendue du point O , j^lle aura fon centre d’ofcillation en S. 30. Si une figure quelconque fufpendue du point S , a fon centre de gravité en G, ôc celui d’ofcillation en O , ôc qu’ayant prolongé l’axe O G S , on prenne un autre point de fufpenfion comme s, le nouveau centre d’ofcillation fera en 0 , de forte que le rećtangle S GO, fera égal à s Go. Ainfi le centre d’ofcillation s’approche toujours de celui de gravité en même raifon que le point de fufpenfion s’en éloigne. Cette derniere propofition eft utile pour déterminer fans un nouveau calcul le centre d’ofcillation d’un corps, lorfqu’on en connoît une fois la pofition à l’égard d’une certaine fufpenfion. Par exemple , la fphere fufpendue par un point de fa furface à fon centre d’ofcillation au deffous de fon centre de figure ôc de gravité , des j du rayon. Qu’on veuille maintenant la fufpendre au bout d’un long filet „ pour en former un pendule, ôc qu’on demande quel fera fon centre d’ofcillation ; il n’y aura qu’à faire cette analogie : comme la longueur de ce filet eft au îayon de la fphere , ainfi les j du rayon , à une quatrième proportionnelle ; ce fera la quantité dont le centre d’ofcilla-tlQn fera au deflous du centre de figure. Par conféquent lorf-qu°n connoîtra le diametre de la fphere qu’on veut mettre en Vlbration 8c la longueur précife que doit avoir un pendule P°ur battre les fécondés, par exemple, il fera facile de trouver a diftance du centre de la fphere au point de fufpenfion, op 398 HISTOIRE au contraire ayant la diftance du centre de la fphere mife en vibration , ôc batrant les fécondés, on connoîtra facilement la longueur précife du pendule (impie ôc mathématique, qui exécute fes vibrations dans une fécondé. Quoique les découvertes de M. Huyghens fur les centres d’ofcillation foient très-conformes à la vérité, il faut cependant convenir quelles portent fur un principe qui, du premier abord, ne préfente pas cette évidence qui arrache le confente-ment. Il eft vrai que plus on y réfléchit, ôc mieux on connoît les loix que la nature fuit dans la communication du mouvement, plus on le trouve raifonnable ôc digne d’être admis. Mais enfin l’on peut dire qu’il n’eft pas démontré en tonte rigueur , de forte qu’il prête matière à la contradi&ion. Aufîi en efluya-t’il quelques-unes d’un Géomètre contemporain que je vois dans quelques endroits décorer du titre d’habile. Je ne fçais fur quel fondement ; car cette quenelle ne me paroît rien moins que propre à le lui confirmer : le récit fuivant va mettre à portée d’en juger. Il y avoit environ neuf ans que l’ouvrage de M. Huyghens jouifloit de l’approbation générale des habiles gens, lorfque l’Abbé de Catelan s’avifa de l’attaquer [a). Il accufa de fauffeté fa proportion fondamentale , fçavoir que fi dans un pendule les poids à la fin d’une demi-vibration , par exemple , fe déta-choient ôc remontoient en haut avec leurs vîteffes acquifes, leur centre de gravité s’éleveroit à la même hauteur d’où il étoit tombé. Il prétendoit même qu’il y avoit une impoffibi-lité analytique dans ce principe, d’où il concluoit que tout le Traité de M. Huyghens > bâti fur une erreur, ne pouvoit être qu’une erreur continuelle. Après avoir ainfi ruiné de fond en comble la théorie cte M. Huyghens , l’Abbé de Catelan prétendoit édifier à fon tour * c’eft-à-dire , afîigner les centres d’ofcillation par une méthode plus certaine. Mais à fon feul début, on voit, pour peu qu’on l’oit inftruit de la nature du problème, qu’il va fe tromper. Car ce problème lui paroît peu difficile, ôe en effet moyennant deux faux principes qu’il propofé avec autant de confiance quC des axiomes métaphyfiques, il l’expédie avec une grande (a) Journal des Sçavans 1682. Toutes les pièces de cette querelle le trouvent <*anS ^ Hecueil des Œuvres d’Huyghens. DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VII. 399 cilité. L’un de ces principes eft , que dans un pendule compofé, la fomme des vîteffes des poids efl égale à celle des vîteffes qu ils auroient eues féparément, s’ils eufjént formé chacun un pendule à part. L’autre, non moins hazardé , étoit que le temps des vibrations du pendule compofé, étoit moyen arithmétique entre les temps des vibrations de fes poids formant chacun féparément un pendule fimple. Le problème des centres d’ofcillation eût été effectivement d’une grande facilité , s’il n’eût pas fallu plus d’efforts pour le réfoudre. Mais malheureufement ces deux prétendus principes font faux. Il fuivroit de l’un ôc de l’autre, que le centre de gravité des poids du pendule, détachés à la fin d’une demi-vibration , remonteroit plus haut que le point d’oii il eft dei-cendu , ce que M. Huyghens avoit droit de regarder comme contraire aux loix de la nature , ôc que fon adverfaire ne lui conteftoit pas. Il y a plus , ces deux principes fe contrarient ; ils donnent le centre d’ofcillation à différens points , ôc ils font remonter le centre de gravité à des hauteurs différentes. Ils ne s’accordent que dans l’abfurdité de le faire remonter plus haut que d’où il eft defeendu , ainfi que le remarqua M. Huyghens dans fes réponfes (a). Il eût encore pu remarquer que , fuivant le premier des principes propofés par l’Abbé de Catelan, le centre d’ofcillation ne différeroit pas de celui de gravite ; erreur tout-à-fait contraire à l’expérience, ôc dont furent fe préferver les premiers même qui ébauchèrent la théorie des ofcillations. A l’égard de rimpofiibilité que l’Abbé de Catelan obje&oit contre la propofition fondamentale & Huyghens, elle n’étoit ondée que fur la préoccupation où il étoit que la fomme des VitefTes des poids ofcillant féparément, devoit refter la même orlquils formeroient un pendule compofé. Mais il n’y a au-î^nCAneCe^tc que cette fomme de vîteffes foit conftamment ça Iîleme* adverfaire & Huyghens ne devoit pas ignorer, à ^ette epoque, cppil y a une infinité de cas ou une partie de la dan n aMoIue ^ k* quantité de mouvement , s’abforbe q s~ aéfion mutuelle des corps. Ainfi rien n’étoit plus frêle °u prétendu principe , ôc que l’objeCtion qu’il en tiroit ^ JoutnaLdes Sçavans. i68z & 1684., / 4oo HISTOIRE M. Huyghens ne fut pas feul à foutenir fa caufe, contre les mauvaifes objections de ce Mathématicien. Il eut deux féconds illuftres, M. Jacques Bernoulli , êt le Marquis de U Hôpital. Le premier entreprit d’affigncr par les principes ordinaires de la Statique, la caufe pour laquelle, dans le pendule compofé, la fomme des vîteftes des poids eft moindre qu’elle ne feroit s’ils faifoient leurs ofcillations féparément (a). Il ébaucha ici la réfolution qu’il donna dans la fuite du problème des ofcillations par la nature du levier. Mais s’étant trompé dans quelques circonflances, faute d’une application allez réfléchie d’un principe qui eft très-vrai , cela donna lieu à M. de rHôpital de le développer davantage. Son raifonnement eft fi propre à éclaircir cette matière, que nous croyons devoir en donner une idée. M. de U Hôpital imagine une verge horizontale chargée de deux poids quelconques, ôc dans l’inftant ou elle commence à Fig- io f. tomber par Taétion de la pefanteur de ces poids. Tout le monde fçait que des poids égaux ou inégaux, tombent avec des vîteftes égales. Dans le premier inftant de la chûte, les corps A, B, tendent donc à tomber avec la même vîtefie , ôc s'ils étoient libres, ils parcourroient des efpaces égaux, par exemple AC, BD ; mais liés comme ils font l’un à l’autre*, ils font contraints de parcourir des efpaces A a9 B h, proportionnels à leurs diftances au point d’appui ou de fufpenfion S. Ainfi le poids B, qui refteroit en arriéré de la quantité Dh, eft accéléré par le poids A, qui agit fur lui par le bras de levier S B. Or lorfqu’un corps agit fur un autre par un bras de levier, il y a une partie de la force qui eft perdue dans la réfiftance du point d’appui. De même le corps B réagit contre les corps A par un bras de levier , ôc une partie de fa force eft perdue contre la réfiftance du même point d’appui. Ainfi il y a u?e partie de la force ôc par conféquent de la fomme des vîteftes qui eft perdue dans 1’aćtion mutuelle de ces poids pour fe mettre en vibration ; ÔC c’eft-là la raifon pour laquelle le centre d’ofcillation eft toujours plus bas que celui de gravité à l’égaf du point de fufpenfion. Mais allons plus loin, ÔC examinons d’après ces princlPeS quelle (a) Narratio controv• inter Hug. & Abb. Çatçl, Ad. Lipf. ann. i6%6. DES M AT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. Vil. 401 quelle vîtelTe doit prendre le pendule. Le poids A ne tombant pas avec toute fa vîtefte naturelle , la force avec laquelle il preftera le poids B fera le produit de fa mafte par l’excès de la vîtefte naturelle fur celle qu’il prendra. Or un corps doué de la même force agit fur un autre avec d’autant moins d’avantage, que celui-ci eft plus éloigné du point d’appui. Ainfi il faudra, conformément aux réglés de la Statique , faire cette analogie, comme S B eft à S A , ainfi la force du corps A , a l’augmentation de mouvement qu’il produira dans le corps B, augmentation qui n’eft autre chofe que le produit de la malle du corps B par l’excès de vîtefte qu’il prendra pardcftus fa vîtefte naturelle. En fuivant cette route, 8t en employant l’analyfe , on trouve la même vîtefte pour l’un ou l’autre des poids A ou B, que par la formule de M. Huyghens. On peut aufiî appliquer ce raifonnement à trouver immédiatement cette formule, 8c c’eft ce qu’a fait M. Jacques Bernoulli j dans les Aétes de Leipfick de l’année 1691 (a). Mais comme il n’étoit encore queftion dans fon écrit que des poids fufpendus le long d’une ligne droite , il a enfuite davantage étendu fa méthode, dans un Mémoire qu’on lit parmi ceux de l’Académie de l’année 1703. Il y embrafle le problème dans une plus grande généralité. Il fuppofe deux poids fufpendus aux deux cotés inégaux d’un angle qui fait fes vibrations de coté ; en fuivant la même méthode , 8c en analyfant avec beaucoup de fubtilité l’a&ion d’un corps fur l’autre , ils parvient à Une formule équivalente à celle de M. Huyghens. Comme il feroit trop long de le fuivre dans cette pénible route, il nous fuffira d’inviter le leéteur à lire fon Mémoire. Dans une fuite de ce Mémoire, inférée parmi ceux de l’année 1704, il jufti- (a) Cette méthode de M. Bernoulli l’aîné , nous a paru trop lumineufe pour nous borner à l’indication ci-delfus. En voici un e*emple fuffifant pour mettre les lećteurs for la voie. Que S foit le point de fufpen-fion d’un pendule. Que les poids A, B foient £> ?, & les diftances S A, S B, a & b ; que j foit le centre d’ofcillation ,5c S O =rr x. propriété du centre d’ofcillation eft de e Pouvoir avec toute fa liberté -, c’eft pour-^u°i fà vîtelfo O E eft fa vîtelle naturelle , *Primons-là par i. On aura donc A a = ' * > & par conféquent a C =C ( *—a) : x. Tome II, Ainfi le moment du poids A pour accélérer B , qui eft par le raifonnement qu’on a développé plus haut, p x a C , fera ( p x ---pa) : x. Réduifons - le au point B , comme on l’a dit auffi plus haut. Ce fora (ap x — p a a) : b x. Mais le mouvement produit par ce moment dans' le poids B , eft le produit de ce poids par bD,8cb ( b--x) : x ce mouvement eft donc ( q b — q x) : x. Ces deux grandeurs égalées donnent x =: ( p aa-\- qbb )\ ap-f-q b , comme par la regle de M. Huyghens* Ece 402 HISTOIRE fie pleinement Huyghens de l’accufation ou des doutes élevés contre lui, ôc il montre que le principe qui fert de bafe à fa théorie , efi: fort vrai. On y trouve enfin une démonftration fondée fur les mêmes principes,, de l’identité des centres d’ofcillation 6c de percuffion ; identité plutôt foupçonnée jufque-là que démontrée. C’eft un des caraéleres de la vérité, que d’être acceffible par plufieurs voies différentes. La découverte de M. Huyghens , déduite par MM. Jacques Bernoulli & de PHôpital, d’un principe différent du fien, a été démontrée de quantité de maniérés par divers Géomètres poftérieurs. Une des plus ingénieufes, eft celle de M. Jean Bernoulli (a) , ôc nous croyons par cette raifon devoir en donner une idée. Soit un pendule, dit M. Bernoulli chargé de plufieurs corps tels que A, B, ôc fufpendu par le point S. Que X foit un point pris à volonté. Il n’y aura rien de changé dans le mouvement r;s. 106% de ce pendule, fi au lieu du corps A, nous fubftituons en X une force qui produife dans ce point la même vîtefie qu’y pro-. duifoit le corps ou la force A. Concevons donc ce corps A anéanti, 6c qu’on ait mis à fa place au point X la force ci-deffus que nous déterminerons bientôt. Qu’on en faftè autant du poids B, ôc de tous les autres. Nous aurons un pendule fimple SX ifochrone au pendule compofé S AB, 6c qui nous fervira à trouver le centre d’ofcillation d’une maniéré fort facile. Pour déterminer préfentement quelle force placée en X équivaut à celle du poids A , il faut confidérer que cette dernière n’eft autre choie que la maffe A, animée ou mife en mouvement par la force de la gravité ; force qui produit, comme l’on fçait, dans tous les corps une vîtefie initiale confiante. Nous la nommerons i par cette raifon. Au lieu du poids A 9 nous pouvons donc concevoir le point A entraîné par ufle mafte A, mue avec la vîtefte i. Or les loix de la Statique n^lls apprennent que la force appliquée au point X, 6c y prodL11~ fant la même vîteffe que la force A, doit être une mafte telle que A animée ou mife en mouvement avec une vîtefte M Voy. Att, Lipf- & Mena, de l’Académie , ann* 1714» DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIL 403 ~ (a). La maffe à fubftituer en X, au lieu du poids A, eft donc —jÿ-y mue avec la vîtefte De même celle qui équivaudra au poids B, fera la mafte , animée de la vîtefte Ainft voilà notre pendule compofé, transformé en une efpece de levier, au point X duquel font appliquées diverfes puifïances agiflànt chacune avec leur vîtefte propre, ôc tendant à y produire une certaine vîtefte réfultante de leur effet réuni. Or l’on fçait que dans pareil cas , il faut, pour trouver cette vîtefte réfultante divifer la fomme des momens des puiffances , par celles des puiffances elles - mêmes. Cela donnera ici pour la vîteffe du point X , cette exprefiion Mais fi le point X eft le centre d’of- cillation, ce que nous pouvons fuppofer, puifque SX a été prife indéterminée, la vîtefte de ce point fera égale à celle que la gravité imprime à tous les corps, c’eft-à-dire à 1 ; d’où l’on voit qu’en égalant à l’unité la vîteffe ci-deftus, on déterminera la ligne SX à être la diftance du centre d’ofcillation , ÔC on trouvera précifément la même formule que celle de M. Huyghens. Cette méthode, M. Bernoulli l’applique aufîi aux pendules dont les poids auroient des pefanteurs qui ne feroient pas proportionnelles à leurs maftès. Tel feroit un pendule dont on fuppoferoit les poids de différentes gravités fpé-cifiques, ÔC plongés dans un fluide. En fuppofant que ces poids fuflent dans le vuide A, B, C, ôc que le fluide les réduisît à mA,rcB,êcc. le centre d’ofcillation feroit A x S A^^-f-BxB SL, $Cc. divifé par ( m A -4- n B, ôcc ) S G. Il faut remarquer ici que G eft, non le centre de gravité des maffes A, B, C * ôcc. mais de #2 A : * B , ôcc. Cela fe déduit facilement de la méthode précédente. H n’y a qu’à fuppofer chaque maffe animée par une force qui foit à celle de gravité comme m ou n. Ôcc. à l’unité : tout le refte eft abfolument femblable. {&) Cela eft facile à prouver. Car le mo-Jttent du corps A eft A x S A ; & celui ^ force fubftituée en X > eft évidem- ment A x S A1 SX S XL * S~À x s^x , Ravoir le produit de la maffe par la vîteffe & le bras de levier. Or cette expreffion fe réduit à AxSA. Ainfi les momens font égaux de part & d’autre , & par conféquent les mou« vemens qu’ils produifenr. Eee ij 404 HISTOIRE Pendant que M. Bernoulli annonçait cette maniéré de réfoudre le problème des centres d’ofciilation , M. Tailor y par-venoit de fon côté par une méthode femblable, qu’il publia dans les Tranfaclions du mois de Mai de l’année 1714. Cette date eft importante pour porter un jugement fur l’accufation que lui intenta M. Bernoulli, de s’êrre paré d’une découverte qui ne lui appartenoit point, en la donnant dans fon Livrein-titulé Methodus incrementorum. Il faut convenir qu’en cette occafion M. Bernoulli, ôc ceux qui écrivirent pour lui, tranf-grefterent de beaucoup les bornes de la politeffe, ôc maltraitèrent M. Tailor étrangement. Au contraire, celui-ci donna un exemple remarquable de modération : il fe contenta d’adreffer quelques plaintes aux Journaliftes de Leipfick ôc d’alléguer la date ci - deffus , qui eft même antérieure à celle de l’écrit de M. Bernoulli. On a répondu que M. Bernoulli avoit déjà indiqué cette méthode dès l’année 1713. Cela eft vrai, mais ce qu’il dit ne fuffit pas pour fruftrer M. Tailor du mérite d’avoir du moins deviné avec beaucoup de fagacité (a). La folution du problème des centres d’ofcillation fe déduit encore avec une facilité finguliere du principe des forces vives , comme l’a montré M. Bernoulli dans fon difeours fur la communication du mouvement. Ce principe confifte en ce que lorfque plufieurs corps agiffent les uns fur les autres par leur pefanteur , la fomme des produits de chaque maffe par le quarré de fa vîteffe, refte invariable. Cela s’applique au cas préfent avec une facilité remarquable. La vîteffe de chaque poids dans le pendule compofé, eft de fa nature comme la diftance au point de fufpenfion. Ainfi le produit de chaque mafte par le quarré de fa vîtefte, eft A x S A1, B x S B1, ôcc. en confervant les dénominations précédentes, ôc leur fomme eft A x S A1 -k Bx SB1, ôcc. Mais en fuppofant la longueur du pendule fim' pie ôc ifochrone égale à x, fa vîteffe ou celle du poids pla^e à cette diftance du point de fufpenfion, fera comme x ; car elle eft à celle de chaque poids A ou B, en même raifon que fa diftance du point de fufpenfion, eft à la leur. Or on trouvera par la théorie des pendules fimples que la vîtefte de chaq^e poids ofcillant féparément, feroit exprimée par \/ (xx S A*)> (a) On a les pièces de cette querelle dans les A «Ses de Leipfick, année 1716 r *71 * » 1*77? ? 17Z1 ? 172.2.. Voy. auffi J. Bern. Opera, T. il. DES MATHÉMAT I QUE S. Part. IV. Liv.VïL. 405 %/ ( X x S B ). La fomme de chaque mafte par le quarré de fa vîtefte eût donc été A x x x S A -*-B x x x S B , ôcc. Or ces fournies doivent être égales par le principe ; ainfi en les égalant on trouvera la valeur de x, ou de la longueur du pendule fimple. Elle fera exprimée par la même formule précifément que celle que nous avons déjà vue fi fouvent. Il n’y a au refte rien que de très-naturel dans cette conformité de folution. Car le principe des forces vives, n’eft autre chofe que celui des forces afcenfionnelles , dont M. Huyghens s’eft fervi pour la même détermination. M. Euler eft encore parvenu à déterminer le centre d’ofcillation par une méthode qui lui eft propre. Elle eft uniquement fondée fur un principe de Statique , ôc elle expédie le problème avec une très-grande brièveté (a). M. d'Alembert enfin le réfoud d’une maniéré très-fimple , par le moyen du principe lumineux ôc commode qui fert de fondement à fa Dynamique. Nous regrettons de ne pouvoir en donner une idée plus développée. Depuis l’invention des nouveaux calculs , il n’eft plus quef tion des folides ôc des onglets cylindriques, dont la confidération étoit néceftaire à M. Huyghens pour déterminer les centres d’ofcillation dans les différentes figures. Le calcul intégral en affranchit ôc fournit des formules commodes qui ne furchargent point l’imagination, comme faifoit la méthode de M. Huyghens. Ces formules font faciles à déduire de la regle générale que nous avons démontrée plus haut de tant de maniérés. Que l’abfcifte d’une figure prife du point de fufpenfion foit x , ôc y fon ordonnée ; y dx fera fon élément, Se par conféquent le pondufcule à multiplier par le quarré de la. diftance à l’axe de fufpenfion. Ainfi xxydx fera le produit, St la fomme de tous les produits femblables, fçavoir f x xy dx, Vivifiée parla fomme des momens ou f xy dx, fera la diftance fa) Comm, P e trop. T. vis. 4o6 histoire on trouve pour la formule de fon centre d’ofcillation, f{xx *+'Lyy)yt » divifé de même que ci-devant par la fomme des momens, qui eft ici fxyydx. Nous ne nous arrêterons pas à développer par des exemples les ufages de ces formules. Ils n’ont aucune difficulté pour ceux qui font un peu familia-rifés avec le calcul intégral. Nous renvoyons les autres aux Ecrivains qui traitent de cette théorie. Nous paffons à celle des forces centrifuges. iy. Des forces C’eft un phénomène connu dès long-temps des Phyficiens, centrifuges. que ]es corpS qui fe meuvent circulairement font un effort pour s’écarter du centre de leur mouvement. L’expérience de la fronde eft familière à tout le monde. Des gouttes d’eau qu’on laiflè tomber fur la furface d’un globe qui tourne rapidement fur fon axe, en font jettées au loin. Un corps attaché à un fil, ôc placé fur une furface horizontale, qui tourne rapidement autour d’un point, tend ce fil, ôc le rompt même, fi la force qu’il lui oppofe eft inférieure à la tenfion qu’il éprouve. La caufe de ce phénomène fe déduit des loix du mouvement. Tout corps en mouvement affećte une direćtion rećti-ligne , ôc fi quelque obftacle le force à prendre un chemin curviligne , auffitbt qu’il en eft affranchi , il continue fon chemin fur la ligne droite tangente au point ou cet obftacle a ceffé. Il feroit facile de le démontrer, fi l’on n’en étoit pas fuffifamment convaincu. Lors donc qu’un corps attaché , par exemple, à un fil, tourne circulairement, à chaque inftant il tend a s’échapper par la tangente. Mais on ne fçauroit écarter un corps de la direćtion naturelle , non plus que le mettre en mouvement, fans en éprouver une réfiftance en fens contraire* Le fil auquel le corps eft attaché , ôc qui le retient fur la cń~ conférence , en le retirant vers le centre , éprouvera donc un effort contraire, c’eft-à-dire , dans la direćtion du centre à la circonférence. Que fi au lieu d’un fil , nous fuppofons unc force quelconque qui agit fur ce corps en le repoufïànt fur la circonférence, il eft ailé de voir que ce fera la même chofe * cette force éprouvera de la part du corps une réaction , oe un effort en fens contraire. Cet effort confidéré comme l’effet de DES MAT HÉMATIQUES. Pan. IV- VII. 407 l’inertie du corps, ôc comme tendant à l’écarter du centre, eft nommé force centrifuge. La force oppofée, qui le ramene continuellement dans la route curviligne, eft appellée/ûra centri-fete. On leur donne le nom commun àç forces centrales. Dans les mouvemens circulaires, elles font égaies : car puifque le corps ne s’approche ni s’éloigne du centre , il eft néceftaire que l’une ôc l’autre fe contrebalancent exaétement ; mais dans les mouvemens fur d’autres courbes, elles fe furmontent alternativement , ôc c’eft-là la caufe des approches ôc des éloignemens périodiques de certains corps, comme les planetes , du centre de leurs mouvemens. On le bornera ici à ce qui concerne les forces centrifuges dans les mouvemens circulaires. La connoiftance de la force centrifuge eft d’une grande antiquité , ôc même quelques Philofophes anciens en avoient fait un des reftorts du méchanifme de l’Univers. On a déjà remarqué qu’Anaxagore, interrogé pourquoi les corps céleftes , auxquels il attribuoit de la pelanteur, ne tomboient pas fur la terre , avoit répondu que leur rotation les foutenoit, ôc con-trebalançoit leur gravité. C’étoit auffi le fentiment de quelques Philofophes contemporains de Plutarque comme le prouve fon Livre De facie in orbe Lunce. Au refte, les idées que les Anciens avoient fur le mouvement, étoient trop incomplètes, trop peu juftes, pour qu’il leur fût poffible de reconnoître la nature ôc la caufe de cette force. Defcartes ôc Galilée font les premiers qui en aycnt donné des idées juftes. Néanmoins ces Philofophes illuftres par d’autres travaux, s’en étoient tenus à une légère ébauche C’eft à M. Huyghens qu’on doit des recherches plus approfondies fur ce fujet intéreftant. Dn va préfenter le tableau des principales vérités qu’il décousit s & qu’il publia dans la cinquième partie de fon HoroL vfcittcit fous le titre de Theoremata de vi centrifuga. Les premières vérités de la théorie des forces centrifuges > fe préfentent aftez naturellement. Il ne faut qu’une médiocre ^tention pour reconnoître qu’en fuppofant la même vîteft« , I Us le cercle que parcourra un mobile fera petit , plus fa °tce centrifuge fera grande. La raifon en eft fenfible : un petit rcle eft plus courbe, ou, dans une étendue égale, s’écarte da-k^ntage de direction rectiligne, qu’un plus grand. Le mo-e ftffi le parcourra, fera donc» dans des inftans égaux * da- 40 S HISTOIRE vantage écarté de la dire&ion reétiligne qu’il affeéle, lorfqu’iî parcourra le premier de ces cercles. La force qui produit cet effet, doit donc être plus grande. C’eft encore une vérité facile à appercevoir, que le cercle étant le même , la force centrifuge fera d’autant plus grande que la vîteffe le fera davantage. On le montre par un raifonnement femblable au précédent. Mais les Mathématiques ne fe contentent pas de cette maniéré de raifonner vague ôc fans précifîon. Quel eft dans ces différentes circonflances le rapport des forces centrifuges ? voilà le problème qu’il s’agit de réfoudre , ôc que M. Huyghens réfolut le premier. Il trouva que fi des cercles égaux font décrits par des corps de même maffe, 6c avec des vîteffes inégales, les forces centrifuges font comme les quarrés des vî-teffes ; un corps qui fe meut dans un même cercle avec une vi-teflè triple, tend à s’écarter du centre , ou fait contre la force qui le retient dans la circonférence, un effort neuf fois aufft grand. Mais li deux corps décrivent avec la même vîteffe des circonférences inégales, leurs forces centrifuges font réciproquement comme les rayons ; double, fi le rayon n’eft que la moitié , triple, s’il n’eft que le tiers. En général, quelles que foient les vîteftes de deux corps égaux, ôc les cercles dans lefquels ils circulent, leurs forces centrifuges font en raifon compofée de la direćle des quarrés des vîteftes, ôc de l’inverfe des rayons. Les démonllrations de ces vérités fe trouvent aujourd’hui dans prefque tous les Livres de Méchanique un peu relevée ; c’eft pourquoi nous nous bornons à cet énoncé. Il ne fuffit pas de connoître les rapports des forces centrifuges , fuivant les différens degrés de vîtefte ôc la grandeur des cercles que décrivent les mobiles : il eft aufîi important de connoître la quantité abfolue de cette force dans un mobile qui fe meut avec une vîtefte déterminée. Cette confidération eft une des plus délicates ôc des plus fubtiîes de la théorie de M. Huyghens. Il découvrit qu’un mobile qui circule dans un cercle avec une vîtefte égale à celle qu’il auroit acquife en tombant par un mouvement uniformément accéléré de la hauteur du demi-rayon, auroit une force centrifuge égale à fa pefaU" teur. La force centrifuge combinée avec celle de la pefanteur , donne naiflance à un genre d’ofcillation nue M. Huyê^ens & 1 lamina DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VII. 409 examina dans fon Traité,&; qui lui fournit la matière de plufieurs proportions curieufes. Un poids étant fufpendu à un fil,, au lieu de lui donner un mouvement d’ofcillation dans un plan vertical, comme aux pendules ordinaires, on le fait tourner circulairement, de forte que le fil auquel il eft fufpendu décrive une furface conique. Ce mobile eft ainfi follicité par deux forces , qui ont des directions contraires : Tune eft la pefanteur qui tend à le ramener à la perpendiculaire, en le faifant rouler le long de la courbe qu’il décriroit par une ofciliation ordinaire : l’autre eft la force centrifuge qui tend à l’écarter de cette perpendiculaire en Télevant le long de la même courbe. Il y a un point où ces deux forces font en équilibre : delà vient que le mobile décrit autour de l’axe une circonférence horizontale ôc fans la réfiftance de l’air qui, diminuant fa vîteffe, diminue aufîi fa force centrifuge , ÔC fait prévaloir fa gravité , ce pendule , de même que les pendules ordinaires , continue-* roit fa circulation à l’infini. Cette forte de pendule qu’on vient de décrire, a diverfes propriétés dignes d’attention. Nous nous bornerons néanmoins à une des plus remarquables. La voici : Que ABC repréfente la furface concave d’un conoïde parabolique , ôc que Fig. io7* F ôc G foient les points de fufpenfion de deux pendules circulaires, dont les poids décrivent les cercles D E, HI. Ils mettront, dit M. Huyghens, le même temps à faire leurs révolutions , ôc ce temps fera égal à celui de deux ofcillations d’un pendule ordinaire, dont la longueur feroit égale au demi-para-metre de la parabole ABC. M. Huyghens tenta de tirer parti de cet ifochronifme en 'faveur de l’Horlogerie. Il imagina pour cet effet la conftrucHon fuivante. AC eft un axe verti- Fig. 108. cal tournant fort librement fur fes deux pivots, ÔC qui porte Une lame de quelque largeur DEF, coupée fuivant la courbure de la développée de la parabole, qui eft, comme l’on fçait, parabole du troifieme degré , dont les dimenfions font ^Unées, celles de la première étant connues. Ce même aifîîeu ę t percé d’une fente latérale, qui donne paffage au fil du pen-L1e 5 ôc qui lui permet de fe haufler ôc de s’abaifler , en s’en-emppant fur la courbe DEF , ou en fe développant de def-Ver^ C* ^ar Ce moyen centre du poids fe doit toujours trou-r dans une ligne parabolique, ôc conféquemment fes vibra-Tome II. Jff 4io HISTOIRE tions circulaires feront toutes égales , ôc d’une durée connue > fuivant la propriété qu’on a expofée plus haut. Ce pendule feroit propre à fervir de modérateur à un horloge, ôc tournant toujours du même côté , il lui procureroit cet avantage de n’être point fujet à ce bruit que font les horloges à pendule ordinaire. M. Huyghens nous apprend qu’on a conftruit des horloges de cette efpece , qui ont eu du fuccès ; nous lifons aulîi qu’on en a fait de femblables à Rome (a). Cependant l’Horlogerie n’a pas tiré de cette fécondé invention de M. Huyghens , les mêmes avantages que de la première. Le pendule ordinaire eft li commode, ôc remplit li bien toutes les vues qu’on fe propole dans cet. art, qu’on s’y eft tenu ; ôc à parler franchement, cette nouvelle conftrućtion me paroît plus cu-rieufe que néceftaire. v. Découvertes de M. Newton fur les mouvemens curvilignes. Si la beauté d’une découverte fe mefure par la fublimité des objets auxquels elle s’applique , il en eft peu dans la Méchanique d’aulli brillantes que celle dont nous allons rendre compte. Il ne faut qu’être initié dans la Philofophie moderne pour connoître les grandes lumières que la théorie des mouvemens curvilignes, Ôc des forces centrales a procurées à l’Aflronomie Phyfique. C’eft à cette théorie que nous fouîmes redevables de la démonftration des vérités importantes que l’obfervation avoit autrefois apprifes à Kepler. C’eft elle qui nous a mis en pofteftion de la loi générale qui régné entre les corps céleftes,. ôc qui les aftreint aux mouvemens que nous obfervons. C’eft d’elle enfin que l’on attend avec fondement la réfolution du problème le plus difficile de l’Aflronomie _> fçavoir le mouvement de la lune , dont les irrégularités ont occupé fi long" temps Ôc fi infruClueufement les Aftronomes. Toute la théorie des mouvemens curvilignes fe réduifolC » avant le temps de M. Newton, à ce que Galilée avoit autrefois démontré fur la courbure du chemin des projeCtiles, dan^ la fuppofition d’une force agiftant uniformément,, ôc dans dçs directions parallèles, ôc à ce que M. Huyghens avoit appr!^ fur les forces centrales dans les mouvemens circulaires. Mais (d) leibnit. ac Bern. Comm. Epijl. T. n > p. j z f , &c. DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VII. 411 M. Newton envifagea le problème des mouvemens curvilignes dans une bien plus grande généralité, ôc guidé par une profonde Géométrie , il alîigna les loix fuivant lefquelles ils s’exécutent. Une partie de fon immortel Livre des princi-pes de la Philofophie naturelle , eft occupée à les expofer * ôc elles font la bafe de toutes fes découvertes fur le fyftême phyfique de l’Univers. Quelques gênés que nous foyons par les bornes de notre plan , nous ne fçaurions nous refufer aux détails convenables à une matière fi importante. Lorfqu’un corps eft projette dans une certaine direćtion , ôc avec une certaine vîtefte, il fuivroit, comme on l’a dit fi fouvent , une ligne droite , s’il étoit entièrement libre, ôc affranchi de toute aćtion extérieure. Mais s’il éprouve celle d’une force qui agit fuivant une direćtion déterminée, il fera évidemment contraint de fe détourner à chaque inftant de fa direćtion ; il décrira enfin une courbe qui variera fuivant l’in-tenfité ôc la direćtion de la force qu’il éprouvera à chaque point, ôc fuivant la vîtefte ôc la direćtion initiale de fa pro-jećtion. Il régné dans tous les mouvemens curvilignes produits par 1 aćtion d’une force qui attire vers un point, une loi générale que nous ne devons pas différer davantage de faire connoître. Cette loi déjà obfervée par Kepler dans les mouvemens des planetes , ôc que M. Newton a le premier démontrée à priori confifte dans la proportionnalité confiante des temps avec les aires décrites par le corps autour du centre des forces. Je m’ex- I09* plique : que S foit le centre des forces, c’eft-à-dire, le point Yets lequel la force pouffe ou attire le corps A , qui a reçu une ^Ppulfion oblique A T, ôc qui, en vertu de ces deux forces com-bl^s, décrit la courbe ABGD. Qu’après le premier intervalle de temps , le corps foit en B , à la fin du fécond en C , à afin du troifieme enD,&c,fi l’on tire les rayons SB, SC, ^ » l^s aires curvilignes ASB,BSCjCSD, ôcc. feront e§ales ; d’ou {[ fLfic qu’en général un fecteur quelconque , tel A S E eft à un autre ASF, comme le temps mis à aller de ei1 E, eft au temps mis à aller de A en F. L’inverfe de cette ft pas moins vraie : nous voulons dire que fi on mobile décrive autour d’un point des aires pro-iu temps, l’on doit en conclure que fon mou- Tff ij 1 f ürtl°n n e ferve qu'un P°rtionnelles i ! 4ii HISTOIRE vernent eft caufe par une force qui le pouffe ou Pattire vers ce point. De ce principe fondamental découlent naturellement quelques autres vérités qu’il eft à propos de remarquer avant que d’aller loin. Il eft d’abord facile de voir que plus le corps fera voifin du centre des forces, plus il accélérera fon mouvement, plus l’arc qu’il parcourra fera grand ; car il faudra que le fećteur qu’il décrit autour de ce centre dans un temps déterminé, regagne en largeur ce qu’il perd dans l’autre dimenfion. Delà vient que les planetes décrivent vers leur moindre diftance du foleil, de plus grands arcs que dans tout autre endroit de leur orbite. Il eft encore facile de conclure de ce principe , quelle eft dans les difterens points de la route curviligne d’un corps, la vîtefte avec laquelle il fe meut. Il n’y a qu’à prendre deux fećteurs infiniment petits, comme SE 420 HISTOIRE^ temps périodiques efl: remarquable dans le même cas. A quelque diftance que foient les corps circulans , quelles que foient les grandeurs des orbites elliptiques qu’ils décrivent, les temps de leurs révolutions font égaux. Si une pareille loi régnoit dans notre fyftême, toutes les planetes mettroient le même temps à faire leurs révolutions. La même méthode qui a fervi à M. Newton pour démêler la loi des forces qui font décrire à un corps une fećtion conique , lui fert à reconnoître celle qu’il faudroit pour lui faire parcourir d’autres courbes connues. Il eft aifé de le fentir, puif-qu’il ne s’agit que de démêler le rapport de certaines lignes qui font données, dès que la figure ôc fes propriétés font connues. Ainfi il prouve qu’un corps qui décrit une fpirale logarithmique autour d’un point, eft retenu fur cette courbe par une force qui eft en raifon inverfe du cube de la diftance. Pour décrire un cercle , le centre des forces étant fur la circonférence , il faudroit que la loi de la force centrale fût la raifon réciproque de la cinquième puiffance de cette diftance. Mais ce n’eft encore là que l’ébauche d’un problème plus général que M. Newton fe propofé dans le même Livre. Nous venons de voir la maniéré de déterminer quelle loi de force centrale, eft requife pour qu’un corps qui décrit une courbe connue, foit contraint à fe tenir fur fa circonférence. Il eft naturel de demandet quelle courbe décrira un corps projette dans une direćtion ôc avec une vîteffe déterminées, ôc qui eft follicité vers un point par une force centrale, qui agit fuivant une certaine loi. Le problème , envifagé de cette maniéré, eft d’une bien plus grande difficulté. Nous imiterons M. Newton , qui, avant de le traiter, s’y éleve, ou du moins y conduit fe? lecteurs par plus fimple. Il s’agit dans cet autre problème de déterminer la loi d’accélération fuivant laquelle tombera directement un corps qu* éprouvera 1’aćtion d’une force variable. Galilée, comme \'o& fçait, avoit confidéré la chûte direćte des corps, en fuppofi1^1-la pefanteur uniforme êc fa découverte eft connue de to**c monde. M. Newton généralife infiniment la queftion > en montrant la maniéré de déterminer ce qui doit arriver dan? toutes les fortes d’hypothefes qu’on peut former fur faćtion degres, en le faifant précéder d’un autre un pea DES MATH É M ATI QU ES. Part. IV. Liv.VII. 411 de la pefanteur ou de la force centrale aux différentes diftances du centre. M. Newton traite quelques cas de ce problème d’une maniéré trop ingénieufe, pour ne pas nous y arrêter. Mais il falloit s etre élevé auffi haut quil avoit déjà fait, pour s’y prendre ainfi. Sa folution n’eft qu’un corollaire de ce qu’il a déjà démontré fur les courbes que décrivent les corps autour d’un centre de forces. Il eft vifible qu’un corps décrira une courbe d’autant plus applatie , 6c voifine de fon axe, que la force de ptojeétion qui fe combine avec celle de la pefanteur , fera moindre. Cette courbe ne doit cependant pas changer de nature , tant que la même loi de forces centrales fubfiftera : ce fera toujours une ellipfe , ft la force eft comme la diftance , ou en. raifon inverfe du quarré de la diftance. La ligne droite, fuivant laquelle il tombera dans le cas d’une projection nulle, ou infiniment petite , pourra par conféquent être confidérée, comme une ellipfe infiniment applatie ou étroite ; & dans le premier cas , le centre des forces étant toujours au milieu de l’axe , cette ligne que nous avons dit repréfenter l’orbite du corps j fera partagée également par ce centre , c’eft-a-dire, que le corps l’ayant atteint, paffera autant au delà en Vertu de fon accélération, puis reviendra continuant ainfi fes ofcillations à l’infini. Il n’en arriveroit pas de même fi la force ctoit réciproquement comme le quarré de la diftance. Car on a vu y ou il eft aifé de voir, que plus l’ellipfe s’applatit, plus fes foyers fe rapprochent des fommets. Ainfi lorfqu’elle fera Une ligne droite , fon foyer &c fon fommet fe confondront. Le corps ne paffera donc point au delà ; on peut même aftù-ter qusfi ne rebrouffera point chemin. Car on ne fçauroit afîigner aucune caufe qui le réfléchiffe en fens contraire. Ce phénomène au refte ne doit point nous furprendre; on en peut tellement rendre raifon. La force qui eft réciproquement c°mme le quarré de la diftance, devient, lorfque cette diff-tance eft zero, infiniment grande, eu égard à la vîtefte qu’a le n réciproque des diftances , pendant que l’autre aug-ÏTlente réciproquement comme leurs quarrés. Par conféquent Cette derniere, lorfque la diftance deviendra o , fera comme 4ii HISTOIRE i : o1, & l’autre comme i : o, dont la première eft infiniment grande, eu égard à la fécondé. Faifons connoître maintenant la méthode générale qu’en-feigne M. Newton pour déterminer dans tous les cas, & fuivant toutes les hypothefes qu’on peut faire fur la loi de la force fig-IIł* centrale , les efpaces, les temps & les vîteftes refpe&ives dans les chûtes rectilignes. La voici : Sur Taxe A C, le long duquel tombe le corps , loit élevée à chaque point comme D, une perpendiculaire DE , proportionnelle à l’a&ion de la force centrale en ce point : de tous les fommets de ces lignes fe formera une courbe dont l’aire fervira à mefurer la vîtefte acquife par le corps dans les differens points de la chûte. Car cette vîtefte en un point quelconque D , fera à celle qu’il aura en F, coni' me le côté du quarré égal à l’aire A B D E , au côté du quarré égal à faire ABF G. A l’égard des temps employés dans ces chûtes AD, AF , il faudra faire une autre courbe comme AK ii l’on peut trouver une équation, foit finie , foit différentielle entre l’arc SH 6c CF ; car il eft évident que cette équati^n étant donnée &; ccnftruite, à chaque point H on pourra aih-gner le point F qui lui répond, 6c par conféquent on aura 1* trajećtoirc S F L *......“ - pour DES MAT H É MAT I QU E S. Part. IV. Liv. VU. 425 Pour trouver ce rapport, nous nous fervirons des confidé-rations fui vantes. En fuppofant le rayon C h, infiniment proche de CHjde forte que H h, F /”, foient des arcs infiniment petits, le rapport de C H à C F, fera celui deHAàg-F;&: le petit triangle gCF, exprimera le temps pendant lequel/F fera parcouru. D’un autre côté, la loi de la force centrale étant donnée, on aura l’aire de la courbe S P E B, ôc par conféquent la vîtefie en P ou en F. Finalement l’efpace eft en raifon compofée de la vîtefie ôc du temps ; par conféquent on aura une égalité qui, traduite en exprefiion analytique ^ donnera l’équation entre H h & fg> ou SH ôc C F. En nommant ces dernières lignes x ôc y, ôc leurs différentielles refpeétives dx,dy, on trouvera pour l’équation delà trajc&oire dx:==! Za'dy:y\/ (iBy1—2y^xjrdy — 4a^). (a) On peut maintenant former telle hypothefe que l’on voudra fur la loi de la force centrale. La quantité indéterminée F, qui doit exprimer fa relation avec y, fe prête à toutes fes différentes hypothefes. Si on fuppofe la force en raifon inverfe du quarré de la diftance , alors F fera exprimée ia) Voici l’analyfo entière de ce problê-Que CS foit = <* S H = *, H h ^ , C F =y , fg = dy , on trouvera *7ZĄd\; & r/= /((-■»* df J d ^ J • d /• Que u foit maintenant la vueiie du corps en F j & que F défigne la iprce centrale , l’élément de l’aire S D E P era — F dy. Or cet élément eft, corn- is l’°n a vu dans la note de la page 43 , * u d u. Par conféquent F d y =r — udu> & en intégrant f£ d y = B — — . f On verra plus bas pour quelle raifon nous ajoutons cette confiante B ). Ainfi u = \/(zB D’un autre côté, le petit triangle g c F , qUe nous avons dit expri-er le temPs , fera y1 d x : 1 a , ou ( parce y e le temps ne doit avoir aucune dimen-^ ± ^ obferver la loi des homo- PaceS>r LV*5, on 9ue l’eI" de la’v^ai'r°ir en ra'fon compofée ^galanM'^6 & temPs > c’eft pourquoi l’efp exprefiion trouvée ci-delfus pour telle avec Ie Produit de celles de la vî-u temps que nous avons aufii afiî- Jome If. gnées j & traitant l’équation à la maniéré ordinaire, on trouvera celle que nous avons donnée. La raifon pour laquelle on a fait u zrz \/(iB —* z y F dy ), c’eft que lorfque y eft égale à a , ou C S, il faut que la vîtefie ne foit pas nulle , mais quelle foitégale à celle avec laquelle le corps eft parti au point S. Il faudra donc préliminairement déterminer B , d’après cette condition. Par exemple, fi l’on fuppofe la force en raifon inverfe du quarré de la diftance, c’eft à-dire , a a g : y y 5 (g étant la force à la diftance a ), on aura-*/F dy rr: a ag: y. Ainfi u fora \J ( z B —f— z a a g : y ). Or en nommant h la hauteur qui auroit produit la vîtelfe de projećlion en S, par l’aélion uniformément continuée de la force g, cette vîtelfe eût été trouvée == \/[xgh). Donc quand y fera , alors u doit être \/ [ z g h ). Ainfi l’on a dans ce cas z B -f. z ag rz g h > ce qui donne B= [h—a) g. Il faudra ufer de femblables précautions dans les autres hypothefes. Hhh 42 6 HISTOIRE par j- , ou —, en exprimant par g cette force à la diftance ai Ainfi —/F dy, fera —, ou , ôc Téquation fe réduira à celle-ci, ~ = 2 a2, dy :y yj ( 2 B y1 HH 2 0 gy —4 )* Cela lignifie que fi l’on prend une y ou CP 3 ad arbitrium > ÔC qu’on integre Pexprefîion iaz dy : y v^&c. cette intégrale exprimera l’angle que fait le rayon veÛeur égal à CP, avec la ligne CA; car y n’eft autre chofe que la différentielle de cet angle ou de fon égal S C H. Or dans le cas préfent l’intégrale de 2 à1 dy :y yjôcc. eft elle-même un angle dont le rayon eft donné en quantités déterminées, ôc le finus eny. Ainfi l’on pourra facilement, ôc par une conftru&ion géométrique, afîigner à chaque diftance y du centre des forces l’angle S C H , ou SCF, qui lui convient, ôc l’on aura la courbe décrite par le mobile. Mais ce n’eft pas affez que de connoître ce rapport entre les ordonnées C F, ôc leurs diftances angulaires avec C S. Comme il ne donne pas une idée auffi diftinéfce de la courbe qu’une équation de la forme ordinaire, ou à ordonnées parallèles , il faut tâcher de remonter à cette équation : cela fe pourra toujours , lorfque l’intégrale 2 à1 dy :y \/ôcc. fera un angle ou une portion rationnelle d’angle. La chofe n’eft pas bien difficile , ôc nous l’abandonnons à la fagacité de nos lecteurs. L’équation étant ainfi une fois réduite à exprimer un rapport entre des co-ordonnées, telles que CL, L F, il fera facile de la comparer à celles des courbes connues : dans le cas particulier que nous venons d’examiner , on trouve que la courbe cherchée eft toujours une fećfion conique , ayant le centre de forces à un de fes foyers : fçavoir une ellipfe, lorfque l’angle C S R étant droit, la hauteur d’oû le corps eût dû tomber pour acquérir la vîtefie avec laquelle il part en S , hauteur qu^ nous avons exprimée par h, eft moindre que la diftance du point de départ au centre de tendance : une parabole , lorfque cette hauteur eft égale à cette diftance : une hyperbole eo&n ? DES MATHÉMATIQUE S. Pan.IV. VII. 417 lorfq 11’elle la furpafle , ou que i’attraCHon fe change en répul-fion. L’analyfe que nous venons de développer, eft due à M. Jean Bernoulli (a), ôc nous l’avons choifie parce quelle eft plus claire que celle qu’on trouve dans les Principes. Il faut néanmoins convenir que M. Newton en avoit fait les principaux frais en établiftant le théorème préliminaire qui lui fert de bafe. Il faut encore convenir que c’eft une forte de chicane que le reproche que M. Bernoulli fait à Newton de n’avoir pas aftez bien démontré que la trajectoire, dans le cas d’une force croif-fante en raifon inverfe du quarré de la diftance, eft néceftaire-ment une feCtion conique. M .Newton ayant déjà fait voir que, pour décrire une feCtion conique, il faut une force qui fuive le rapport ci-deftus, il pouvoit le difpenfer d’entrer dans le détail de la preuve direCte. Quant à l’exemple que M. Bernoulli emploie pour autorifer fon reproche, il y a une difparité. Il eft bien vrai que , de ce qu’on a démontré qu’un corps décrivant une fpirale logarithmique , éprouve l’aCtion d’une force centrale qui eft réciproquement comme le cube de la diftance, on feroit mal fondé à en conclure que dans cette hypothefe , tout corps projette, même obliquement, décrira une pareille courbe. Cela vient de ce que l’angle de la tangente avec un rayon de la fpirale étant donné , cette courbe eft entièrement déterminée dans toutes fes dimenfions : c’eft pourquoi il n’y a qu’une vîtefte déterminée de projection dans l’angle donné, qui puifle la faire décrire. Mais il n’en eft pas de même dans les kétions coniques. Le même centre de forces fubftftant, Une infinité d’ellipfes , de paraboles ôc d’hyperboles, peuvent avoir au point de départ la même tangente. Ainfi, quelle que foit la vîtefte de projeCfion , il y aura une feCtion conique a laquelle elle conviendra, ôc qui fera la courbe que décrira le corps. D’ailleurs, M. Newton ayant donné la folution du problème , où l’on demande la trajectoire d’un corps projette avec une certaine vîtefte, & dans une direction quelconque , la force variant dans le rapport inverfe du cube de la diftance, ^ela montre que le cas de la force fuivant le rapport inverfe quarré , ne lui auroit guere coûté, H Mem. de l’Acad. 1710. 8c Op. T. i, «• Hhhij 4i8 HISTOIRE On peut parvenir à l’équation de la trajećtoire de diverfes maniérés. Outre celle qu’on vient de voir, M. Bernoulli en a donné une autre. Il nous a aulîi communiqué celle de M. Herman : mais celle-ci mene à une exprelîion différentielle, fi compliquée par le mélange des indéterminées , qu’à moins d’être prévenu de ce qu’on doit trouver , il feroit peut-être im-pçlîible de les démêler. M. Varignon a tiré, avec beaucoup d’adreffe, la folution du même problème , de fes nombreufes formules pour les forces centrales (a). On peut enfin confulter fur ce fujet le Commentaire qui doit paroître dans peu à la fuite de la tradućtion des Principes, par Madame la Marquife du Châtelet. Il faudroit nous plonger dans des détails trop profonds de pure analyfe, pour développer les cas différens de ce problème, La nature de notre plan nous permet de nous en tenir à indiquer les réfultats. Si l’on fuppofe que la force foit comme la diftance, la trajectoire fe trouve une ellipfe ayant le centre des forces , non à fon foyer , mais à fon centre. Fait-on varier la force en raifon inverfe du cube de la diftance , ôc partir le corps obliquement à la direction de la force centrale , 6c avec une certaine vîtefie déterminée, il décrira une fpirale logarithmique ; mais s’il partoit dans une direćtion perpendiculaire à celle de la force centrale, la trajećtoire feroit une fpirale d’une autre efpece , dont le rapport entre les rayons 6c les angles de révolutions dépendroit de la mefure d’un fećteur hyperbolique ou elliptique. Il eft à propos de remarquer que dans toutes les hypothefes où l’on fait varier la gravité dans une raifon réciproque du cube, ou d’une puiflance plus élevée de la diftance fi le corps a une fois commencé à s’approcher du centre de forces, il ne ceflera jamais de s’en approcher de plus en plus. Dans ce cas , il tombera quelquefois à ce centre , quelquefois il s’en approchera feulement jufqn’à une certaine diftance qu’il n’atteindra jamais : c’eft ce qui arrive dans l’hypothefe d’une force en raifon inverfe de la cinquième puiflance de la diftance , lorfqu’un corps eft lancé dans une direćtion oblique à celle de la force, ôc avec une (b) Mem. de l’Acad. 1710, DES MATHÉMATIQUES.Part.IV.Liv.VII. 4z9 certaine vîtefte (a) ; au contraire dans les mêmes hypothefes , un corps qui a commencé à s’éloigner du centre, continue toujours à le faire : ôc il y a des cas où il ne parviendra jamais qu’à une diftance finie ; d’autres, ôc ce font les plus fréquens , où il s’éloignera en plus ou moins de révolutions à une diftance infinie. De ce que nous venons de dire, il réfulte encore une vérité CUrieufe, ôc d’autant plus digne d’être remarquée, que M. Newton en a fait ufage pour expliquer ôc calculer le mouvement des apfides de la lune. On a vu qu’un corps follicité vers un centre par une force qui eft en raifon inverfe du quarré de la diftance, s’approchera ôc s’éloignera alternativement de fon centre de tendance , après une demi-révolution , à moins qu’il ne décrive un cercle. Mais fi la force eft réciproquement comme le cube de la diftance, le corps s’approchera , ou bien s’éloignera fans ceftè du centre , c’eft-à-dire , tendant de fon périhélie à fon aphélie , il n’y arrivera jamais , ou au contraire. Si donc nous faifons croître ou décroître la force centrale en une raifon plus grande que la réciproque des quarrés des diftances , ôc cependant moindre que celle des cubes , le corps commençant à s’éloigner du centre, ôc partant, par exemple , de fon périgée, n’arrivera à fon apogée qu’après plus d’une demi-révolution , ôc ce furplus fera d’autant plus grand que la loi de la gravité approchera davantage de la réciproque des cubes des diftances. Dans le cas particulier où la force centrale feroit réciproquement comme la puiftance de k diftance , le corps partant du périgée, n’attendroit fon apogée qu’après une révolution entière, ôc delà reviendroit dans une révolution complete à fon périgée, de forte que fon orbite auroit la forme qu’on voit dans la figure 116. Ce feroit le contraire, nous voulons dire que le corps partant, par exemple du périgée, atteindroit fon apogée avant une demi-révolution, ^ feroit de retour à fon périgée avant une révolution complété a fi la force centrale fuivoit un rapport moindre que le Jeciproque du quarré de la diftance. Toutes les fois donc avec une ^°*Ce qui en raifon inverfe du quarré de la 1 ance, fe mêlera quelque autre force , qui augmentera ou tie!^dVoy- traité des Fluxions de M. Maclaurin , parag. 878 & fuiv. Cet ouvrage con-63 chofes remarquables fur ce fujet, & mérite tout-à-fait d’être confulté. 43o HISTOIRE qui diminuera la première , de telle forte que le total ou le reftant fuivra une loi qui s’écartera du quarré , le corps décrira une orbite ayant fon apogée &c fon périgée, diftans de plus ou de moins qu’une demi-révolution. Si Ton defire un plus grand détail fur toutes ces vérités, on doit confulter l’excellente Expo fîtion des découvertes Philofophiques de Newton , par le célébré M. Mac lauri n. Il y auroit dans le Livre de M. Newton de quoi nous occuper encore long-temps , fi nous entreprenions d’entrer fur tous les points dans des détails femblables aux précédens. Mais cela nous mencroit de beaucoup trop loin , ôc par cette raifon il nous fuffira d’indiquer quelques-unes des recherches nom-breufes de Méchanique , répandues dans cet immortel ouvrage. Après avoir déterminé les orbites que décriroient des corps projettes dans les différentes hypothefes de la force centrale , M. Newton examine comment ces différentes hypothefes affe&eront le mouvement des corps qui roulent le long des courbes. Il fe propofé à cette occafion de déterminer celle le long de laquelle un corps devroit tomber, dans le cas d’une force croiffant comme la diftance au centre, pour que fes chûtes quelconques fuffent d’égale durée. Le réfultat de fa recherche eft très-digne d’être remarqué. Il trouve que , dans ce cas , la courbe eft une épicycloïde , comme dans celui des directions parallèles ôc de la pefanteur uniforme , c’étoit une cycloïde. Delà M. Newton paffe à examiner quels mouvemens prendront des corps qui s’attirent mutuellement : ce qu’il dit dans cet endroit eft d’un grand ufage dans le fyftême de l’Univers , ôc c’eft le fondement de fes découvertes fur les mouvemens ôc les irrégularités de la lune, la précefîion des équinoxes , ôcc. Il examine enfuite 1’aCtion qu’un corps dont tou tes les particules attirent fuivant une certaine loi, exerce fur ufle autre placé dans fon voifinage. Il termine enfin fon premier Livre, en déterminant le chemin des particules de lumiere paffant d’un milieu dans un autre , d’où il déduit la fameu fc loi de la réfraCtion , ôc l’égalité fi connue des angles d’incidem cc ôc de réfleCtion. Une grande partie du fécond Livre de M. Newton eft etf1' ployé à traiter de la réfiftance des fluides , ou des milieux » aLl mouvement. Ce doit être l’objet de l’article fuivant, où 1011 DES M AT H É M AT î Q UES. Part. IV. Liv. VII. 431 fera connoître les principales vérités de cette théorie. M. Newton traite aulîi dans ce Livre du mouvement des fluides, 6c examine diverfes queftions qui y ont rapport ; comme les vibrations des fluides élaftiques j le mouvement des ondes, chofes fur lefquelles il démontre des vérités également curieufes 6c utiles dans la Phylique. Nous ne dirons rien ici du troifieme Livre : il appartient tout entier à l’Aftronomie, ou au fyftême Phylique de l’Univers ; 6c nous en ferons un extrait allez étendu dans un des Livres fuivans. Y L Dans tout ce qu’on a dit jufqu’ici, du mouvement 6c des De la réfiftan-phénomènes qui fuivent de fa compolition , on n’a fait aucune ccdçsmilieuXf attention à la réfiftance du milieu dans lequel il fe fait. Il étoit néceftaire de commencer à écarter de la queftion, cette circonf-tance qui en augmente beaucoup la difficulté, fauf à y revenir dans la fuite après avoir connu parfaitement ce qui fe paflè-t'oit fi elle n’avoit point lieu. C’eft par une femblable gradation que l’efprit humain doit fe conduire pour s’élever à la con-noiflance des phénomènes de la nature. Il lui faut en quelque forte décompofer fon objet , le confidérer d’abord fous l’afpeéfc le plus fimple , fe familiarifer , pour ainfi dire, avec les premières difficultés, avant que d’entreprendre d’en furmonter de plus grandes. C’eft au moyen de cette marche fage 6c prudente que les Mathématiques, s’élevant de recherches en recherches, ont atteint ce point de fublimité auquel elles font aujourd’hui parvenues. Les premiers fondateurs de la fcience du mouvement, tels que Galilée, Torricelli, firent toujours abftra&ion de la réfif-tance des milieux. Ce n’eft pas qu’ils ne préviftènt bien qu’elle devoir apporter quelque changement à leurs déterminations; ^ais il n etoit pas encore temps de s’attacher à cette recherche difficile , 6c la Méchanique n’avoit pas acquis des *Srcęs fuffifautes pour s’en tirer avec fuccès. C eft pourquoi ąlilće appliquant à la pratique fa théorie fur les mouvemens es Proje£fciles , fuppofe que les corps projettes ont une mafte ^°nfidérable, 6c une denfité beaucoup plus grande que celle 06 Pair, 43i HISTOIRE Il y eut cependant, peu après Galilée , quelques Méchanf-ciens François qui confidérerent ce qui arriveroit à un corps tombant, non dans le vuide, mais à travers un milieu réliftant. Nous trouvons fur ce fujet dans les Lettres de Defcartes, {a) une remarque fine ôc propre à confirmer ce que nous avons dit ailleurs fur les découvertes qu’il eût été capable de faire , li moins ambitieux , il fe fût contenté d’approfondir différentes parties ifolées de la Phyfique. Un des Méchaniciens dont nous parlons, avoit avancé qu’un corps tombant dans un milieu ré-fiftant, n’accéléreroit fon mouvement que jufqu’à un certain point, après quoi il tomberoit avec une vîteffe uniforme. Il y a dans cette propofition du vrai 6c du faux, 6c Defcartes le démêla très-bien. Il montra qu’il y avoit, à la vérité > un certain degré de vîteffe au-delà duquel le mobile ne pafferoit jamais , mais qu’il refteroit un temps infini à l’acquérir. Ainfi ce corps accélérera toujours fon mouvement, quoique par degrés de plus en plus infenfibles. Cette doctrine efi: conforme à celle des Géomètres qui ont depuis traité la même théorie. C’eft à Newton 6c IVallis qu’on doit les premières recherches approfondies fur la réfiftance des milieux au mouvement» Newton publia le premier fes recherches fur ce fujet dans fes Principes Mathématiques de la Philofophie Naturelle. Il y emploie prefque tout le fécond Livre, 6c il l’y traite avec cette profondeur qui caraétérife tous fes écrits. L’ouvrage de Newton excita Wallis 3 qui avoit confidéré de fon côté le même fujet , à publier fes réflexions. Il les communiqua à la Société Royale ,, 6c elles furent inférées dans les Tranfadions de 1687. La matière n’eft pas autant approfondie dans cet écrit que dans les Principes. Wallis n’embrafte que l’hypothefe la plus fimple, fçavoir celle de la réfiftance en raifon des vîteftes. Mais ce qu’il dit ne laifte pas de faire beaucoup d’honneur à fa fagacité. Peu après que le Livre de M. Newton eut paru , M. Leihnifq, fur l’extrait qu’il en vit dans les Actes de Leipfick fe rappella, dit-il, d’anciennes idées qu’il avoit eues fur cf fujet , ÔC qu’il avoit déjà expofées douze ans auparavant f' l’Academie Royale des Sciences de Paris. Il en forma un écrit qu’il infera dans ces Actes. M. Huyghens enfin expofa aufii a fa (d) Lett. de Defèarc. T. ni, Lett. 10;. DES M AT H ÉM AT I QUE S. Part. IV. Liv. VII. 433 fa maniéré , c’eft-à-dire avec une élégance remarquable , quelques traits de cette théorie à la fin de fon Traité de la pefanteur, qui parut en 1690. Tout ce que ces Auteurs avoient démontré , ou avancé fans preuve, a enfuite été traité à l’aide des calculs modernes j par M. Varignon, dans une fuite de Mémoires imprimés parmi ceux de l’Académie des années I7°7 5 170S , 1709 ôc 1710. Ce font d’excellens morceaux, auxquels on pourroit néanmoins à mon gré reprocher une prolixité fatiguante , ôc tout-à-fait fuperflue. O11 doit considérer dans les fluides deux fortes de réfiftan-ces , l’une que nous nommerons refpeétive avec M. Leibnitr , l’autre que nous appellerons abfolue. La première , eft l’effet de l’inertie des parties dont le fluide eft compofé. Le corps ^ui le traverfe ne peut le faire fans déplacer celles de ces parties qui fe trouvent fur fon chemin, ÔC fans leur communiquer du mouvement. Il faut par conféquent qu’à chaque inftant il perde quelque partie du ften. Cette perte fera vifible-ment d’autant plus grande , que le milieu fera plus denfe. Car tout le refte étant égal, il y aura d’autant plus de maffe à déplacer dans le même temps. Elle croîtra aufîi à mefure que la vîteffe fera plus grande. La chofe eft fi évidente, qu’il eft inutile de nous mettre en frais de raifonnemens pour le démontrer. La réfiftance abfolue a une autre origine. Elle vient de l’ad-bérence des parties du fluide , adhérence qui ne peut être fur-montée que par une certaine force déterminée. Il eft vifible que celle-ci ne dépend point de la vîtefie. Quelle que foit la vrtefle , grande ou petite, il faut la même force pour furmon-ter cette difficulté, ou pour féparer ces parties les unes des au-tl'es. De cette efpece eft la réfiftance occafionnée par le frottement s par Ja vifcofité des fluides : on peut encore regarder ue cette maniéré celle que la pefanteur apporte à l’afcenfion des corps jettes perpendiculairement en haut , en fuppofant qu elle agi{pe uniformément. Nous commencerons par exami-ner quelques-uns des phénomènes de la réfiftance refpeétive. j. Nous venons de dire que la réfiftance refpective des mi-et!x 3 croît ou décroît , en même temps que la vîteffe , *ls nous n’avons pas voulu dire que ce fut toujours dans le eme rapport. Cette relation entre la vîteffe ôc.la réfiftance, Tome IL In 434 HISTOIRE ne pouvant guere être connue à priori, à caufe de plufieurs circondances phyfiques , les Geometres ont examiné ce qui arriveroit dans trois hypothefes différentes. Suivant la première , la réfiftance eft proportionnelle à la vîtelle. Un corps mu avec une vîteffe double , triple 5 perdra de fon mouvement ou de fa vîteffe une quantité double , triple, ôcc. Dans la fécondé , cette réfiftance ou la perte de mouvement qu’elle opere, eft proportionnelle au quarré de la vîteffe. Il y en a enfin une troifieme , fuivant laquelle cette réfiftance eft proportionnelle à la fomme du quarré de la vîtefte, ôc de la vîteffe elle-même. De ces hypothefes la plus probable ôc la plus phyfique, eft la fécondé. Car lorfqu’un corps fe meut dans un fluide , avec une vîtefte triple, par exemple , non feulement il choque chacune des parties de ce fluide avec une vîtefte triple , mais il en choque dans le même temps trois fois autant. La perte de mouvement faite dans le même temps, qui, à raifon du premier chef, eût été trois fois auffi grande , le fera donc neuf fois, en y faifant entrer le fécond. Ainfi cette hypothefe paroît la plus conforme aux loix de l’hydraulique. Il n’eft cependant pas inutile de confidérer les autres , n’y eût-il que le plaifir que goûte l’efprit géométrique dans la découverte d’une vérité purement hypothétique. Il y a dans le mouvement d’un corps qui traverfe un fluide,, trois cas à examiner. Il peut fe mouvoir, ou en vertu d’une impulfion une fois imprimée , dans lequel cas fa vîteffe eût été uniforme , ou en vertu d’une fuite d’impulfions qui auroient fait varier fon mouvement fuivant une certaine loi. Tel eft le mouvement des corps graves, qui tombant dans le vuide, s’ac-céléreroit uniformément. Ce mobile enfin peut être projette obliquement à l’horizon : alors fon mouvement tiendra des deux precedens. Il auroit été uniforme dans le fens de I2 direćtion primitive, ôc accéléré dans le fens vertical, fuivant une certaine loi ; mais la réfiftance change l’un ôc l’autre de ces rapports , ôc la courbe eft d’une autre nature que dans l’hypothefe du vuide. Faifons d’abord mouvoir le mobile d’un mouvement primi" tîvement uniforme, ôc fuppofonsque le milieu réfifte en rai" fon des vîteftes : nous allons voir décroître celles-ci geonić" tdquement en temps égaux. Pour le rendre fenfible, imag*" DES MATH É MAT I QU E S. Part. IV. Liv. VU. 435 nons que la réfiftance du milieu eft telle qu’à chaque inftant égal, elle ote un dixième de la vîtefte du mobile. Cette vîtefte étant donc exprimée par 1 , après le premier inftant elle fera réduite à ~, ôc après le fécond, aux ~ de celle-ci, c’eft-à-dire, aux : à la fin du troifieme , elle ne fera plus que les —-— de la vîtefte primitive, ôc ainfi confécutivement. Or ces grandeurs font vifiblement, ôc par la nature de l’opération , en progreffion géométrique décroiffante. Cette première vérité nous met déjà en pofTeffion de quelques conféquences remarquables. Il eft vifible que le corps perdant à chaque inftant des degrés de vîtefte en progreffion géométrique décroiftànte, il faudra un nombre infini d’inf-tans , ou un temps infini pour réduire le corps au repos. Mais fi ne faut pas en conclure que l’efpace parcouru foit infini. En fuppofant les inftans égaux , les efpaces parcourus dans chacun d’eux , font comme les vîteftes. Or celles-ci décroiftant géométriquement , leur fomme, ôc par conféquent celle des efpaces , ne fera que finie. Dans le cas préfent, l’efpace parcouru avec la vîtefte primitive, durant l’un des inftans égaux dans lef-quels nous avons divifé le temps , étant 1 , l’efpace parcouru durant ce temps infini que durera le mouvement , feroit la fomme de 1 , —, — , ôcc. ou 10. J 10*100? Si, félon la coutume des Géomètres, nous repréfentons les vîteftes par des lignes A B, C D, ordonnées fur un axe, tandis que leurs intervalles repréfenteront les inftans, la courbe paflant par le fommet de ces ordonnées, fera la logarithmique : car la pro- Fig. n6. priété de cette courbe eft, comme l’on fçait, d’avoir fes ordonnées équidiftantes, auffi-bien que leurs différences, en progreffion géométrique ; de forte que les abfciftes prifes d’un terme fixe, font en progreffion arithmétique. Ainfi le temps croît comme les abfciftes, qui font les logarithmes des ordonnées , ^ par conféquent le logarithme de la vîteffe initiale étant *ero , les temps qui répondront aux autres vîteffes, feront ^me leurs logarithmes ; d’où il fuit encore que la vîtefte ne eia_ entièrement anéantie qu’après un temps infini ; car le lo-garithme de zero eft infiniment grand. Quant à l’efpace, il era rePréfenté par l’aire de la courbe prolongée à l’infini. Or Cecte aire eft finie, nouvelle preuve que l’efpace parcouru par le ?rPs> durant le temps infini qu’il faut pour anéantir fa vîteffe, n£ft S«e fini. * * Iüij . 43 6 HISTOIRE Qu’on fuppofe préfentement un corps dont la vîteffe eût été uniformément accélérée; 6c retenant la même hypothefe, examinons quel fera fon mouvement. Nous pouvons nous aider ici d’un raifonnement 6c d’un exemple femblables aux précédens. Que la vîteffe qu’imprimeroit la pefanteur au mobile dans un inftant déterminé, lbit repréfentée par l’unité, ôc que la réfiftance dans le même temps foit capable de détruire un dixième de la vîteffe du corps. Cette vîteffe à la fin du premier inftant, feroit donc réduite à —. Mais durant le fécond inftant, la pefanteur eût donné au mobile un nouveau degré de vîteffe, qui avec celle qu’il avoit au commencement, eût fait i + ^ fans la réfiftance. Donc la réfiftance réduifant toute cette vîteffe aux ~, celle qu’aura le corps à la fin du fécond inftant, fera -^ + 7^. Le même raifonnement montre qu’à la fin du troifieme inftant, elle fera ~ + 5c ainfi continuellement; il fuffit de jetter les yeux fur cette fuite pour voir qu’elle eft une progreffion géométrique décroiftànte. Cette analyfe nous met en état de voir que, dans un temps infini, un corps tombant par l’effet d’une accélération uniforme dans un milieu réfiftant en raifon des vîteffes, n’auroit acquis qu’une vîtefTe finie. Car en fuppofant un nombre infini d’inftans écoulés, la vîtefte acquife ne fera que la fomme des termes d’une progreffion géométrique. Ainfi la vîteffe du mobile s’accélère toujours ; mais comme l’accroiffement quelle reçoit en temps égaux, décroît en progreffion géométrique , elle approche toujours d’un certain terme fans jamais l’atteindre, comme Defcartes le remarquoit déjà de fon temps. C’eft ce que M. Huyghens, 6c quelques autres ont appelle vîteffe terminale. On trouve encore ici, que c’eft une logarithmique qui fert à repréfenter les vîteffes 6c les autres circonftances du mouvement de ce corps. Mais au lieu que dans les cas précé" $%. 117. dens , c’étoient les ordonnées A B, C D , EF , 6cc. entre la courbe 6c fon afymptote* qui repréfentoient les vîteftes, ce feront ici leurs reftes cD , cF , g H, 6cc. interceptés entre la courbe 6c la parallele B L, menée par le point B, où l’ordorr née AB eft égale à la vîteffe terminale. Les efpaces enfi*1 parcourus durant les temps Bc, Be, ôcc. feront comme les fegmensBDc, BFe , ôcc. de forte que l’efpace parcouru fer3 infini durant un temps infini ; ce qui eft d’ailleurs évident y puifque la vîteffe va toujours ça croiftant. DES M ÀT H É M AT IQ U E S. Paru IV- Liv. VII. 437 L’analogie de l’hyperbole avec la logarithmique fournit un autre moyen de repréfenter les rapports precedens. C’eft celui qu’a employé M. Newton dans fes Principes. Il y montre que le temps croiftant comme des aires hyperboliques entre les alymp-totes , les vîteftes à la fin de ces temps font comme les ordonnées qui terminent ces aires. Ceux à qui les propriétés de l'hyperbole font familières, n’auront aucune peine à voir les liai-ions de ceci avec ce qu’on a fait voir ci-deflus. Le problème de déterminer la courbe décrite par un corps projette dans un milieu réfiftant fuivant la loi que nous avons luppofée jufqu’ici, tient aux confidérations précédentes. Il en eft ici, à quelques égards tout comme fi le mouvement fe paf-foit dans le vuide. On peut divifer le mouvement du corps en deux autres , l’un dans la dire&ion de la force imprimée , ôc qui eût été uniforme fans la réfiftance du milieu ; l’autre dans le fens vertical, qui eût été uniformément accéléré s’il fe fut fait librement. Or la vîtefte dans la direćtion de la force initiale étant donnée , avec l’intenfité de la réfiftance, on trouvera pour chaque inftant, la grandeur AC du chemin qu’eût Fig. u$ fait le corps s’il n’avoit eu que ce mouvement. On trouvera aufîi de combien le mobile fût tombé perpendiculairement dans ce milieu, après le même intervalle de temps écoulé. Que ce foit AM, par exemple : ces deux lignes A C, A M ou CF, feront les co-ordonnées de la courbe cherchée, donneront le point F , oii fe trouvera le corps par l’effet des deux mouvemens combinés. C’eft-là le principe des folutions qu’ont donné de ce problème , MM. Newtori, Huyghens, ôcc. La courbe de projećtion avec telle vîtefte qu’on voudra, fe-r°it dans le vuide d’une étendue infinie : car une parabole s écarté à l’infini de fon axe , quelque petit que foit fon paramétré. Mais il n’en eft pas ainfi dans l’hypothefe préfente : un corps lancé avec une vîtefte finie, quelque grande qu’elle fût, n auroit qu’une amplitude finie. Cela fuit de ce qu’on a re-P^us Faut, qu’un corps auquel on imprimeroit une vî-quelconque 3 ne parcourroit dans un temps infini qu’un ,.Pace limité. Ainfi en fuppofant que AD , ou Ad dans la llection imprimée au corps , repréfente cet efpace, fi l’on verticale D ° , ou dO, la courbe s en approchera ls cebe , fans jamais l’atteindre* M* Newton remarque dan® 43s HISTOIRE la fécondé édition de fes principes , une maniéré fort fimple de la conftruire. La ligne AD étant déterminée , comme on vient de le dire, il fait tirer une ligne A B, de telle forte que C D foit àDB, comme la vîtefte verticale du corps , à la vîtefte terminale ; après quoi les lignes B G , B g, étant en progression géométrique , les ordonnées correfpondantes GR, gr, font en progreffion arithmétique,ou leurs logarithmes, celui de B A étant égal à zero. Enforte qu’on peut conftruire avec facilité cette courbe par le moyen d’une logarithmique. Cette conftruCtion revient, à peu de chofe près, à celle que M. Bernoulli a déduite de fa folution générale du problème des trajectoires dans un milieu réfiftant en raifon quelconque (a). j II eft important de remarquer que Panalyfe que nous avons donnée de ce problème, ne peut être d’ufage que dans l’hyp. de la réfiftance en raifon des vîteftes. C’eft la feule qui permette de décompofer ainfi le mouvement d’un corps en deux autres de directions connues, pour en conclure, fans erreur, le point où le corps doit fe trouver. En voici la raifon : lorfqu’un corps éprouve une réfiftance , 6c décrit un efpace moindre qu’il n’auroit fait fans cela, afin d’employer furement la décompo-fition du mouvement, il faut qu’en diminuant chaque coté du parallélogramme dans le même rapport, la diagonale du nouveau parallélogramme , foit 6c dans la même direction que celle du premier, 6c diminuée dails le même rapport. Or cela ne peut arriver ainfi que dans l’hypothefe de la réfiftance en raifon des vîteftes, parce qu’alors chaque côté du parallélogramme qui exprime les vîteftes, eft diminué dans le rapport fimple de fa grandeur. Dans toute autre hypothefe, autant de décompofitions qu’on feroit du mouvement fimple* autant de diagonales dans des directions 6c de grandeurs dd" férentes, de forte que la nature tomberoit en apparence dans une perpétuelle contradiction avec elle-même. Cette inadvertance a été une fource d’erreurs pour plus d’un Géomètre* Le P. Pardies, M. le Chevalier Renau , 6c divers autres , Y font tombés, 6c c’eft furtout par-là que pèche la théorie du la manœuvre donnée par ce dernier, comme on le verra loi que nous en rendrons compte. (4) An. Erud. 1719. Bern. Op. T. n, p. 400. DES MAT HÉMATIQUES. Part. IV. Liv. VII. 439. Il nous refte à dire quelque chofe des autres hypothefes de réfiftance * ôc particuliérement de celle où on la fuppofe en raifon doublée de la vîtefte , qui eft la plus conforme aux loix de l’hydraulique. Voici quelques-unes des conféquences les plus importances de cette derniere hypothefe. Loriqu’un corps poufte avec une vîtefte une fois imprimée, pénétré un milieu qui réfifte fuivant la loi que nous venons de dire, fa vîtefte diminue, à la vérité , mais moins rapidement que dans l’hypothefe précédente, ôc l’efpace qu’il décrit durant le temps infini qu’il faut pour le réduire au repos, n’eft plus limité, mais infini. Lorfque le milieu réfiftoit en raifon fimple des vîteftes , les temps écoulés étant repréfcntés par les abfciftes d’une logarithmique, les vîteftes qui leur répondoient l’étoient par les ordonnées continuellement décroiftantes, ôc l’efpace parcouru, par l’aire comprife entre la première ôc la derniere ordonnée j mais dans l’hypothefe préfente , c’eft une hyperbole rapportée à fon afymptote, qui fert à repréfènter les temps , les vîteftes, ôc les efpaces. Les temps font comme les abfciftes prifes à commencer de quelque diftance du centre ; les vîteftes fuivent le rapport des ordonnées, ôc les efpaces ce-lui des aires correfpondantes. Delà fuit que l’efpace parcourt* dans cette hypothefe durant un temps infini , quoiqu’avec Une vîtefte continuellement décroiftànte, eft infini. Car dans ^hyperbole, l’efpace renfermé entre la courbe ôc l’afymptote prolongée infiniment , eft infini ; au lieu que dans la loga-rithmique, il eft limité. On pourroit examiner de même ce ftüi arriveroit dans d’autres hypothefes quelconques. M. Kari-gnon l’a fait avec beaucoup d’étendue , ôc même une prolixité ^Perfiue dans les Mémoires de l’Académie de l’année 1707. Comme la chofe eft facile lorfqu’on eft en pofteftion du principe , nous nous en tiendrons ici à l’indiquer au lećteur (4), Voici la manière d’appliquer 1 ana-^ calcul à la théorie prélente. c)ui's’^ance n autre choie qu’une force dont p^jr0*"e au mouvement du corps , & de ce effeteft la diminution de la vîtelfe l’au Corps. Mais on doit fe rappeller que Pr°du'lentataon ou diminution de vîtelfe menî11Le]Jar une force qui agit uniformé-8c de l’in, ei* raif°n Compofée du temps, er)hté de cette force. C’eft pour- quoi la réfiftance étant uniforme dans un1 inftant infiniment petit, fi on la nomme R > le temps t, la vîtelfe u, & fa diminution inftantanée----d u , on aura d’abord — d a=R d t. Si l’on nomme enfuite s~ l’efpace parcouru , on aura d s=zu d t ^ par les railons données dans la note de la page 4Z0. Ainfi dr=.ds : u. Ce lont les deux équations fondamentales d’où l’oir peut dériver tout ce qu’on a dit ei-deftus»- 440 HISTOIRE Un. problème qui fe préfente encore dans cette hypothefe de réfiftance, c’eft celui de déterminer les diverfes circonftan-ces du mouvement d’un corps projette perpendiculairement, ou qui tombe verticalement par l’a&ion d’une pefanteur uniforme. M. Newton ne manque pas de l’examiner : il trouve que dans le premier cas, les vîteffes de projection perpendiculaire, étant comme les tangentes d’un cercle de rayon déterminé, les arcs ou les fećteurs répondant à ces tangentes, font comme les temps pendant lefquels ces vîteftes feront détruites. Il en eft à peu près de même dans le cas des chûtes verticales. Ce font des feCteurs hyperboliques, qui défignent les temps écoulés depuis le commencement de la chûte , pendant que les vîteftes acquifes font repréfentées par les portions de la tangente au fommet, qu’ils interceptent. Il y a donc dans le cas d’une chûte accélérée à travers un milieu qui réfifte comme nous le fuppofons ici, une vîtefte terminale, à laquelle le mobile n’atteint jamais, quoiqu’il en approche déplus en plus : car à un fe&eur hyperbolique infini, ne répond qu’une tangem te finie, puifqu’elle eft toute comprife dans l’angle afympto-tique, Au contraire, un corps projette perpendiculairement avec une vîtefte quelconque, même infinie , la perdra dans un temps fini. En effet, à un feéteur circulaire fini, peut répondre une tangente infinie, comme lorfque ce fećłeur eft un quart de cercle. Ce font là des vérités {a) qui fe préfentent En effet, qu’on faffe la réfiftance proportionnelle au quarré de la vîtelle, on aura R z=:uu. Ainli la première équation deviendra d t = — du:uu 5 & en intégrant t = - — 1 , en fuppofant que 1 foit la vîteffe initiale. ( Car t' étant alors égal à zero , il faut que la vîteffe devienne égale à r. ) Or l’on voit que t exprime alors l’abfcifïe d’une hyperbole entre les alymp-totes , prife à une diftance du centre ==: r j & que la vîtelle u eft l’ordonnée. Maintenant à la place de dt, mettons fa valeur d s : u , dans la première équation : nous allons avoir d szrz----d u : u , c’eft-à-dire, j, comme le logarithme de u , ou l’aire hyperbolique interceptée entre la première ordonnée , ou la vîteffe initiale 1 , & celle qui exprime la vîteffe u. Ce qui démontre ce que nous venons de dire fur les proprié- tés du mouvement retardé en raifon des quarrés des vîteffes. (a) Ces vérités fè démontrent facilement à l’aide du calcul intégral, & des formules de la note de la page 410. Il faut feulement faire attention que quand un mobile tombe à travers un milieu réfiftant, i3 force accélératrice eft la différence de l3 gravité & de la réfiftance , & que la £otce retardatrice, quand il eft projette en eft la fomme des mêmes forces. n’a befoin d’aucune preuve. Cela étanc^ue 1 repréfente la gravité , & u u la réfiftance , on aura ( 1 — uu) dt z=. dit ■> oU d* = du ; ( i----u u ). Or l’intégrale du nier membre de cette équation eft un leC teur hyperbolique, dont la tangente eft 11 ^ le demi-diametre tranfverfe étant 1 ; ^ l’autre étant déterminé par l’inten^tC . la réfiftance. Ainfi le temps éco«lc dePL 1 fous DES MAT H ÉM AT I QU E S. Part. IV. Liv, VII. 441 fous Pair de paradoxes, mais qui n’en font pas moins des vérités , & qu’il ne nous feroit pas difficile de dépouiller de cet extérieur , à l’aide de certains développemens , fi nous eu avions le loifir. Il nous faudroit maintenant parler de la courbe de projection dans un milieu qui réfifte en raifon des quarrés des vîte fies. Mais cette queftion , qui n’eft que médiocrement difficile dans Thypothefe précédente, l’eft bien davantage dans celle-ci, ôc dans toutes les autres. Il fuffiroit, pour le prouver, de remarquer qu’elle échappa à M.. Newton. Au lieu de la réfoudre dans la fécondé fe&ion du fécond Livre de fes Principes, ou l’on s’attend à la trouver, il examine quelle loi de denfité variable, permettroit à un corps projette avec une certaine force, de décrire une courbe déterminée, ôc il tente par-là de déduire indirectement la folution approchante du problème. Dans une autre feCtion* il examine quelle force centrale combinée avec une denfité variable, feroit décrire à un corps des fpirales d’un certain genre autour du centre de forces. Tous ces endroits , nous le remarquerons en paftànt , font d’une Profondeur digne du génie de Newton, malgré quelques fautes d’inadvertence qu’apperçut M. Bernoulli (a) * ôc qui furent corrigées dans l’édition des Principes* faite en 1714. Mais dans cette édition même , ce grand homme ne donna point la folution du problème dont nous parlons. Il a cependant été réfolu dans la fuite. Il nous fuffira de dire ici, qu’ayant été Propofé en 1718, par Keil à M. Bernoulli3 dans le cours de leurs querelles* celui-ci le réfolut pour la première fois dans toute fa généralité ; nous voulons dire, dans quelque hypothefe de réfif-tance que ce foit. M. Nicolas Bernoulli en vint auffi à bout ; l’An-glcterre enfin en fournit une folution qui fut donnée par M. lailor. Comme ce problème mérite une attention particu-nere * à caufe de fon ufage dans la baliftique,, nous nous réfer-vons d en traiter plus au long dans la fuite. le pr^m,mencement de la chûtp, étant re- changemens de ligne près y changemens vite(Te jC f ** Un fe<^eur hyperbolique, la qui défignent des ledeurs circulaires, au te. jj e Jera Par ? tangente correfpondan- lieu des ledeurs hyperboliquesqu’on vient au ca c * d appliqUer cette analyfe de trouver. d’un ~~ G' Proie<5tion perpendiculaire (a) Atf. Erud. 171 3, Bern. Op. T, 1, p. aura tT Vraver’ Ie mèln*milieu : on ,14. trie mes formules , à quelques Kkk z* «ternes Pome II. 44i HISTOIRE Il y a, comme nous l’avons dit, fur la réfiftance des milieux* une troifieme hypothefe qui la fait proportionnelle à la fomme du quarré de la vîtefte , & de la vîtefte même. M. Newton l’examina aufii ; mais nous n’entreprendrons pas de le fuivre, vu les longueurs où cela nous entraîneroit. Les lecteurs verfés dans le calcul intégral, &: qui auront faifi les principes expo-fés dans la note de la page 439 * y fuppléront facilement. Ils pourront aufii prendre pour guide M. Varignon * qui a traité au long de cette hypothefe dans fes divers Mémoires fur la ré-fîftance des milieux, que nous avons indiqués. Tout ce qu’on a dit jufqu’ici fur la réfiftance des milieux * doit s’entendre de celle que nous avons nommée refpeclive, ôc qui fe regle uniquement fur la vîtefte. Mais la réfiftance ab-Jolue fuit d’autres loix ; car fuivant la notion que nous en avons donnée , c’eft une force conftamment la même qui s’oppofe au mouvement du corps.Ce font comme autant de filets doués chacun d’une force déterminée, au travers defquels le corps a à fe faire jour. Il doit par conféquent perdre à chaque fois la même quantité de force quelle que foit fa vîteffe, d’où il fuit néceflairement que cette forte de réfiftance le réduira toujours au repos dans un temps déterminé. Les principes que nous avons donnés pour le calcul général des réfiftanceS refpec-tives dans toutes les hypothefes imaginables, peuvent fervir ici. Il n’y a qu’à prendre pour l’exprefiion de la réfiftance une quantité confiante ; on trouvera que la courbe dont les ordonnées expriment les vîteftes décroiftantes, fera un triangle, dont les fegmens de l’aire repréfenteront les efpaces parcourus. Ainfi il en fera précifément ici de même que dans le cas du mouvement uniformément retardé ; les pertes de vîteffe feront comme les temps écoulés, & dans le même temps que le corps par fon mou" vement retardé auroit perdu toute la vîteffe* il auroit parcouf11 un efpace double de celui qu’il parcourt étant empêché par la liftance. Aufîi la pefanteur n’eft-elle qu’une réfiftance de 1& nature de celle que nous examinons. Il eft à propos de remarquer que M. Leibnit% 3 dans fon écrit fur la réfiftance des lieux, après avoir donné la même notion que nous de la rèd\ tance abfolue , trouve néanmoins un réiultat tout °ppof^ a celui que nous venons de donner. Mais cela vient de ce que M-Leibnit^ abandonne en quelque forte cette notion , en frppo- DES MAT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. VU. 443 fant, pour analyfer les effets de cette réfiftance, qu’elle eft proportionnelle à l’efpace parcouru ; ce qui eft la même chofe pour l’effet * que s’il eût fuppofe la réfiftance proportionnelle a la vîteffe. Aufîi , tout ce qu’il dit de celle qu’il nomme abfolue } eft-il la même chofe que ce que les autres ont démontré de la réfiftance refpeclive en raifon des vîteffes ; ôc ce qu’il dit de celle qu’il nomme refpeclive, convient avec ce que l’on démontre de celle qui eft en raifon des quarrés des vîteffes. Mais il fe trompe en tentant de conftruire la courbe de projećtion dans cette hypothefe. Car il le fait par la dé-compofition du mouvement, ce que nous avons dit induire en erreur dans ce cas , & il l’a reconnu dans la fuite. La réfiftance des milieux au mouvement, donne naiffance à une infinité de recherches profondes ôc utiles. Quelque hypothefe en effet qu’on admette * un corps qui fe meut dans un fluide , y éprouvera une réfiftance différente, fuivant fa figure &c fa direćtion. Des exemples feroient fuperflus pour éclaircir une chofe aufîi fimple ôc aufîi évidente. La confidération de la figure des corps , ôc la détermination des rapports de leurs téfiftances, forment donc une branche effentielle de la théorie prefente. M. Newton en a donné un eflai fuffifant pour mettre fur la voie, en examinant la réfiftance d’un globe mu dans un fluide, ôc en la comparant avec celle d’un cylindre de même bafe, mu avec la même vîteffe dans la direćtion de fon axe. Il trouve que le dernier de ces corps éprouvera une réfiftance double de celle du premier ; il réfoud aufîi, à cette occafion , ce problème intéreffant : quel efl le folide de bafe ôc de fom-J?et donnés, qui, mu dans un fluide fuivant la direćtion de axe, y éprouvera la moindre réfiftance pofîible. On en dira quelque chofe de plus dans l’article fuivant, qui eft deftiné a faire l’hiftoire de divers problèmes célébrés fur lefquels sexercerCllt Jes Méchaniciens de la fin du fiecle paffé. Ce que M. Newton avoit ébauçhé fur les rapports de réfiftance des ^?tps de diverfes figures * a depuis été étendu par M. Jacques ernoulli, qui a donné dans les Aćt. de Leipfick 13, Je réfultat f?. ^cherches fur quantité de figures ôc de folides. M. Ber-n°u li a aufii traité cette matière dans fa nouvelle théorie de la pfKuvre * ôc M. Herman en a fait l’objet d’un chapitre de fa, 0ronomie. L’analyfe de ce genre de queftions, ôc la maniéré Kkk ij 444 HISTOIRE d’y appliquer le calcul, ne font guere fufceptibles de difficultés * pour ceux qui font inflruits des loix de l’hydraulique * Ôc fuffîfamment verfés dans le calcul ôc l’analyfe. D’ailleurs, f la place nous le permet, nous en dirons quelque chofe de plus, lorfque nous expoferons la théorie de La manœuvre► VIL Hiftoire de Après avoir rendu compte des principales théories dont s’en-Wm^céUbrês la Méchanique durant le dernier fiecle, nous avons à de Méchant parler de quelques autres objets particuliers qui appartiennent lue- auffi à l’hifloire de cette fcience. Tels font entr’autres divers problèmes de Méchanique qu’on vit les Géomètres fe propofer mutuellement , comme par défis, vers la fin de ce fiecle. Ils méritent à plufieurs titres une place dans cet ouvrage, &: comme très-propres à intéreflèr la curiofité , ÔC comme ayant beaucoup contribué aux progrès de l’analyfe. En effet, quoique des hommes du premier mérite, à la tête defquels on pourroit mettre Galilée, ayent témoigné une grande averfion a être tentés par ces fortes d’énigmes, leur utilité, lorfqu’elles font bien choifies, ôc que leur dénouement tient à quelques difficultés particulières, ne fçauroit être révoquée en doute. C’efl intéreflèr adroitement l’amour propre à la réfolution de ces difficultés , ôc fouvent ce qui s’étoit refufé à des recherches occafionnées par les motifs ordinaires, cede aux efforts réitérés Ôc puiffans que produit la curiofité, ou le defir de l’emporter fur ceux qui courent la même carrière. Problème de Le premier des problèmes qui font l’objet de cet article,. l(hrmerbecelui de la courbe ifochrone , Ôc fut propofé par M. Leih' nitf. On fçait qu’un corps livré à.fa pefanteur , parcourt, fuit dans la perpendiculaire, foit fur un plan incliné quelconque des efpaces d’autant plus grands en temps égaux qu’il s’éloigne davantage du point où fa chute à commencé. On fçait auÆ qu’un corps met d’autant plus de temps à parcourir la mê*11^ ligne avec une vîtefie déterminée, quelle efl plus incliné a f horizon. Il y a donc une courbe telle que l’obliquité de fes différentes parties compenfant la vîtefie avec laquelle elles fe' roient parcourues , le mobile s’éloignera uniformément de l’horizontale, ou parcourra des efpaces égaux pris dans 1e ^enS DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV- Liv. VII. 445 perpendiculaire : cette courbe eft celle que M. Leibnit\ nomma ifochrone 9 ôc c’eft à trouver fa nature qu? confifte le problème dont nous parlons. M. Leibnit7 le propofa en 1687 (a) , dans la vue de rabattre la confiance de quelques Cartéfiens qui, trop attachés à la Géométrie de leur Maître , témoignaient peu d’eftime pour les nouveaux calculs. Il invita ces Analiftes à faire fur fon problème une épreuve de leurs forces ôc des ref-fources de leur méthode. Ce que M. Leibnit{ avoit prévu arriva : aucun de ces trop fer-viles admirateurs des produćtions de Defcartes , ne réfolut le problème. Il n’y eut que M, Huyghens ôc lui, qui en donnèrent à temps des folutions. M. Huyghens n’employoit pas , à la vérité, le calcul différentiel ; mais ce génie profond ôc fertile en reflources , fçut fe frayer une route pour arriver à la folution du problème , ÔC il la publia bien peu après qu’il eut été propofé (b). Celle de M. Leibnit^ a tardé davantage, ôc par des raifons que nous ignorons , n’a paru qu’en 1689 (c) ; ils montrèrent que la courbe cherchée n’eft autre chofe qu’une des paraboles cubiques, fçavoir celle où le quarré de l’abfeiffe par le paramétré eft égal au cube de l’ordonnée. Cette courbe étant difpoféc de maniéré que fon axe foit parallele à l’hori^ ion , ôc fa concavité tournée en haut, tout corps qui tombera d’un point élevé au defTus de l’axe des \ du paramétré, roulant enfuite le long de la courbe, s’éloignera de l’horizontale également en temps égaux. Quelque temps après que les folutions de MM. Huyghens ôc Leibnit\ eurent paru,M.Bernoulli l’aîné, aidé fecours du nouveau calcul qu’il commençoit à cultiver , * y éleva auffi {d). Il en publia l’anaîyfe, que ni l’un ni l’autre n’a-^oient laifïe entrevoir, ôc par-là il mérite, à quelques égards, de partager avec eux l’honneur d’avoir deviné cette énigme. Ce problème donna lieu à un autre, qui fut auffi propofé Par M. Leibnit^ Il ne s’agiffoit plus de déterminer la courbe ? long de laquelle devroit rouler un corps pour faire en temps &aux des chutes égales dans la perpendiculaire. M. Leibnit{ ^manda le long de quelle courbe un corps devoit tomber,, ann ^’il s’éloignât d’un point donné proportionnellement au Set? de *a Républ. des Lettres, (c) AÜ.Erud. 168$. tóoa.„,7. (fl Ibid. / Problème de la chaînette. 446 HISTOIRE temps. Il lui donna pour cette raifon le nom & ifochrone para-centrique. Ce changement de condition rend le problème bien, plus difficile,, ôc M. Leibnią ne fe hâtant pas de dévoiler fa folution , plufieurs années s’écoulèrent avant qu’on en vît au-aucune. Il échappa aux premiers efforts de MM. Bernoulli ; mais l’aîné de ces illuftres freres s’étant remis à y fonger vers l’an 1694, il le réfolut enfin, ôc il publia peu après fa folution , qui fut auffi-tot fuivie de celles de M. Leibnit^, ôc de M. Bernoulli le jeune (a). Suivant ces folutions, la courbe demandée par M. Leibnit% a la forme qu’on voit dans la figure 119. Elle prend fon origine en A , ôc coupant fon axe en P , elle remonte vers l’horizontale qu’elle touche en E. Il en eft ici de même que dans la'courbe ifochrone fimple. Le corps doit partir au commencement avec une vîteffe déterminée, qu’on fuppofe acquife en tombant d’une certaine hauteur, par exemple H A. Cette courbe fait fur elle-même un repli, ôc revient fe couper en P , formant de l’autre coté de l’axe AP, une partie entièrement égaie ôc femblable à la première. D’oii il fuit qu’un corps partant du point E , avec la viteüe initiale acquife par la chute d’une hauteur égale à H A, ôc roulant de là le long de E P B A, s’approchera uniformément du point A, puis roulant le long de AbPe, il s’en éloignera fuivant la même loi. Enfin parvenu au point ey il roulera le long de l’horizontale , s’éloignant toujours uniformément du même point. Remarquons encore avec MM. Leibnitq ôc Huyghens , qu’à chaque hauteur d’où l’on fuppofe la vîteffe initiale acquife , répondent une infinité de courbes qui fatisfont au problème , fans en excepter l’horizontale : cette derniere n’eft en effet qu^ la plus applatie de toutes. Pendant que le problème de la courbe paracentrique, étoit fur le tapis , un autre propofé par M. Jacques Bernoulli, exci-toit auffi les recherches des principaux Géomètres de l’Europe* C’eft le problème fi connu fous le nom de la chaînette. chaîne, ou une corde infiniment déliée étant fufpendue lâche* ment par fes extrémités , M. Bernoulli demanda quelle cour* bure elle prendroit. Ce problème avoit autrefois excité la ctf" riofité de Galilée ; mais cet homme célébré y avoit écho^6 > )a) Ati, Erud. ann. 1C94. Bem. Opera. Wolf. Elem. Math. DES MAT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. VU. 447 ou du moins il avoit jugé fort gratuitement ôc fans aucune raifon folide, que cette courbure étoit celle d’une parabole ; ce que quelques Mathématiciens ( les PP. P ardies ÔC de Lanis ) s’étoient efforcés d’établir par d’amples paralogifmes. Un Geometre Allemand, nommé Joachim Jungius (a), avoit , à la vérité , montré le contraire par diverfes expériences ; mais il n’avoit pas donné plus de lumières fur la vraie folution du problème. Elle exigeoit des reffources d’analyfe ôc de calcul dont on ne fut en pofTefïion que long-temps après. La nature du problème ne permettoit pas de s’attendre à voir beaucoup de Géomètres concourir à l’honneur de le réfoudre. Aufîi n’y en eut-il que quatre ; M. Jacques Bernoulli , qui l’avoit propofé , ôc fon frere ; M. Leibnit% ôc M. Huyghens. Ils publièrent leurs folutions dans les Adtes de Leipfick (b) , *nais fans analyfe, apparemment afin de laifïer encore quelque lauriers à cueillir, à ceux qui viendroient à bout de la deviner. C’efl: ce que tenta de faire quelques années après M. David Grégori , en publiant, dans les Tranf. Phil. de 1697 , une folution de ce problème. Elle a été vivement accufée de paralo-gifme par M. Bernoulli. Mais il me femble que ce jugement eft trop rigoureux ; on ne peut, à mon avis, lui imputer que de Tobfcurité, ôc de l’embarras dans l’application d’un principe très-vrai ôc très-folide. Nous croyons ne pouvoir nous difpenfer de mettre ici les ledleurs Géomètres un peu fur la voie de la folution de ce cu-tieux ôc difficile problème. Nous emprunterons pour cela la Subtile analyfe qu’en a donné M. Jean Bernoulli dans fes Le-f°ns de calcul intégral. Paginons que la courbe ASE eft celle qu’on cherche, que\S en le fommet, ou le point le plus bas ; SE , l’axe; LC, cc> deux ordonnées infiniment proches. Il eft certain , ^c 1 on peut facilement le démontrer par les loix de la Statiae , que fi aux points S ôc C , on conçoit deux puifïances rêvant la portion de chaînette SC dans fa pofition , elles Paveront chacune un effort dans la dire&ion des tangen-s bH, CH , ôc que chacune foutiendra la même partie du prj|^l^nade ce Geometre un Livre im- C’eft apparemment là qu’il examinoic la GiQjtff- 9, fous le titre lingulier de queftion de la chaînette. TLa empirica ( feu txperimentalis ). [b] Ail. Erud. ann. 1691. Fig. 119. 44$ HISTOIRE poids abfolu de cette portion, que fi ce poids étoit réuni en H concours de ces tangentes. D’un autre côté, la puiffance placée en S, fera toujours la même, quelle que foit la place du point C où l’autre eft appliquée ; car quelle que foit la longueur de la portion SC , l’autre S A ne change ni de figure, ni de pofition , comme il eft ailé de s’en convaincre par l’expérience ; ôc par conféquent fon point extrême S , ou la puiffance que nous y fuppofons, éprouve conftamment la même traćtion dans la direćtion S H. Mais la Statique nous apprend que quand deux puiffances foutiennent de cette forte un poids H , ce poids eft à l’effort de l’une des deux, par exemple S , comme le finus de l’angle des direćtions S H C, ou DHC, au finus de l’angle HC D , formé par la direćtion de l’autre puiffance avec la verticale, c’eft-à-dire, comme CD à DH, ou c f à C f Ainfi nommant a la puiflance confiante S : \, la courbe SC , ou le poids H; SE ôc E C, x ôcj', ôc leurs différences refpećtives dx, dy , on aura %:a::dx: dy, ou idy t=/ {xx — a a). Ayant donc pris l’indéterminée SE=ar, ôc conftrui-fant l’intégrale de adx: y/{xx — aa) , on aura l’ordonnée correfpondante E C, ou y. Mais cette intégrale dépend de la dimenfion d’une courbe dont les ordonnées font données, ou bien de celle d’un fećteur hyperbolique : on peut auffi la repré-fenter par la longueur d’un arc parabolique, ou enfin par le logarithme d’une quantité variable qu’il eft facile d’afïïgner ; car toutes ces chofes dépendent de la quadrature de l’hyperbole. Ce font là les différentes maniérés dont s’y prirent pour conftruire cette courbe, MM. Huyghens, Leibnit^ ôc Bernoulli. La chaînette eft, comme l’on voit, une courbe méchanique ou tranfeendante, puifque fa conftrućtion fuppofe la quadrature de l’hyperbole. Mais elle a d’ailleurs diverfes propriétés tout-à-fait remarquables , qu’obferverent les illuftres Auteurs des folutions dont on a parlé. Voici quelques-unes de ces pro^ priétés. i °. La chaînette eft abfolument rećtifiable ; l’arc S £ eft toujours égal à l’ordonnée correfpondante E F de l’hypet-bole équilatere dont le fommet eft en S, ôc le centre fur l’a*c prolongé à la diftançe SV, égale à la quantité déterminée - a de l’analyfe précédente. i°. Cette courbe eft abfolument fluar' DES MAT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv. VIL 449 rabie : l’aire E C S eft égale au rectangle de E C par ES, moins celui de SV par CF. 30. De toutes les courbes de même longueur ôc de même bafe , la chaînette eft celle donc ie centre de gravité eft le plus bas. La raifon s’en préfente facilement à ceux qui font inftruits de ce principe méchanique , fçavoir qu’un corps, ou un fyftême de corps , ne celle de def-cendre ou de fe mouvoir que fon centre de gravité ne foit le plus bas qu’il eft poffible. Ainfi de toutes les courbes de même longueur ôc de même bafe, la chaînette eft celle qui tournant autour de cette bafe, produira le folide de plus grande fur-face. 40. La courbure de la chaînette eft enfin celle fuivant laquelle il faudroit arranger une infinité de petits voufïoirs pour en former une voûte qui fe foutînt d’elle-même par fon propre poids. C’eft la coutume des Géomètres de s’élever de difficultés en difficultés , ôc même de s’en former fans cefTe de nouvelles , pour avoir le plaifir de les furmonter. M. Bernoulli ne fut pas plutôt en pofTefïion du problème de la chaînette, confidéré dans le cas le plus fimple , qu’il fe mit à confidérer d’autres cas plus compofés. Il fe demanda, par exemple, ce qui arriveroic li la corde étoit d’une pefanteur inégale , ou inégalement chargée dans toutes fes parties ; dans quelle raifon il faudroit que tût cette inégalité , pour que la courbure fût d’une efpece donnée ; quelle feroit cette courbure fi la corde étoit extenfî-ble par fon propre poids. Il donna bien-tôt après les folutions de tous ces cas (a), mais comme il s’en réferva l’analyfe, on doit recourir aux Œuvres de M. Jean Bernoulli (b), où on la Couvera. On s’eft enfin propofé le problème dans l’hypothefe des directions convergentes à un point, ôc de la gravité variable en telle raifon qu’on voudra de la diftance au centre ; ôc M. Jean Bernoulli en a donné la folution (c). Le problème précédent conduifit M. Bernoulli l’aîné à Quelques autres qui lui font analogues, ôc qui ne font ni moins c^rieux ni moins difficiles. Le premier eft celui de la courbe ^faftique, ou d’un reftort plié. Il fuppofoit une lame élaftique attachée perpendiculairement à un plan par une de fes extrê- {a) AU. Lipf, ann. 1691 , p. 189. . I Lea. calculi intezr. Bern. Op. T. ni, fc) Ibid. Op. t. ITf Tome II.' LU Problème de l«z courbe élafi' que. 45? H I S T 9 I R E no. mités, êc plié comme l’on voit dans la figure ni , par un poids attaché à l’autre. Il demandoit quelle courbure prendroit ce refiort, 6c afin qu’on ne réputât pas fon problème impoffi-ble, il annonçoit qu’il en avoit la folution y ôc il confignoit fous un logogriphe de lettres tranfpofées , l’une des principales propriétés de la courbe cherchée. Trois ans s’écoulèrent fans que perfonne répondît à fon invitation , c’eft pourquoi il dévoila fa folution en 1694 (a). Il n’a pas donné en même temps fon analyfe , mais on peut conjecturer que c’efl: celle-ci. Lorfqu’une lame élaftique difpofée, comme on le voit dans la figure, eft courbée par l’aCtion d’un poids, chaque petite partie eft écartée de la rećtitude, 6c d’autant plus que l’im-preflîon quelle éprouve du poids, efl: plus grande.. Mais cette quantité de flexion efl: mefurée par la petite ligne ck , perpendiculaire à la courbe , 6c interceptée entr’elle 6c la tangente ,, tandis que l’impreflion du poids en C, eft fuivant les réglés de la Statique proportionnelle à l’ordonnée CD. Ainfi kc eft toujours proportionnelle à l’ordonnée C D. Or kc eft, comme l’on fçait, réciproquement proportionnelle au rayon de la développée en C ; d’où il fuit que ce rayon efl: dans cette courbe réciproquement comme C D. Cette propriété donne l’équation différentielle de l’élaftique , d’où l’on tire enfuite , quoique non fans ad refte, une équation plus fimple, 6c la conf-trućtion de la courbe. M. Bernoulli en parcourt au long les propriétés dans l’endroit cité ; mais nous ne fçaurions l’imiter ici : c’eft pourquoi nous y renvoyons nos lecteurs. Le fécond des problèmes que nous avons annoncés, regarde la courbure d’un linge rempli de liqueur. Imaginons un linge, ou une furface rectangulaire infiniment flexible, attachée lâchement par fes deux côtés oppofés, à deux lignes parallèle^ entr’elles 6c à l’horizon, 6c de même hauteur. Si l’on rempli ce creux d’une liqueur, que nous fuppofons ne pouvoir s’échapper par les côtés , quelle fera la courbe que formera ce linge ? Tel efl: le problème que réfolut M. Bernoulli. Il trouva que cette courbe étoit la même que la précédente, dont on au' roit placé la bafe horizontalement. En effet, la preflion qu’tf' xerce fur chaque portion égale de la courbe 9 la colonne (a) Yoy, A£t. Erud. ou îac, Bern, Opera, DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIL 451 ticale du fluide DC , efl: proportionnelle à la hauteur. Or on démontre d’après les principes de la Statique, que li plufieurs puifïances , ainfi appliquées aux différentes parties d’un filet, font en équilibre, le finus de l’angle formé à chaque endroit 011 la puiflance eft appliquée, eft comme cette puiffance. La petite ligne kc, qui mefure ici l’écart de la courbe de de la tangente , de qui eft le finus de cet angle, ou de fon fuppîé-ment , fera donc ici, comme dans le problème précédent, proportionnelle à CD; de conféquemment ce fera la même courbure dans l’un de dans l’autre cas , quoique les caufes qui la produifent foient bien différentes. M. Bernoulli remarquoit une belle propriété de cette courbe , fçavoir que c’étoit celle de toutes les ifopérimetres dont l’aire avoit fon centre de gravité le plus bas. Mais cela doit être entendu avec modification , comme il i’a reconnu lui-même dans la fuite (a) : il faut feulement dire que de tous les fegmens égaux qu’on peut retrancher de différentes figures ifopérimetres, celui qui forme la lintéaire , a fon centre de gravité le plus bas, ou le plus éloigné de fa bafe. Cela fuit évidemment de cet axiome méchanique , fçavoir qu’un fyftême de corps qui agiffent les uns fur les autres, n’arrive à l’état permanent ou d’équilibre , que lorfque le centre de gravité eft le plus bas qu’il eft poffible. Mais fi la lintéaire ou V élaftique , n’eft pas douée de la propriété , d’avoir le centre de gravité de fon aire , le plus bas qu’il eft pofîible , elle en a une autre qui n’eft pas moins belle. C’eft que le folide qu’elle produit en tournant autour de fa bafe, eft le plus grand. Ainfi voilà trois courbes, le cercle, la chaînette de ta Üntéaire, entre lefquelles régné une analogie tout-à-fait remarquable ; la première eft de toutes les ifopérimetres celle qui a la plus grande aire, la fécondé celle qui produit le folide circonvolution qui a plus grande furface , de la troifieme , €eUe qui produit le folide abfolument le plus grand. . Quelle fera enfin la courbure d’une voile , ou d’une furface Infiniment flexible, qui arrêtée de deux côtés, fera enflée par vent} C’eft le troifieme des problèmes analogues que réfo-M. Bernoulli. Il faut ici diftinguer deux cas. Si le vent *pres avoir choqué ta voile, trouve auffl-tôt une iftue, ta courbe 1 ) Journal des Sçavans du zj Juin 1691. lu ij Problème de la ligne de la plus courte dejcen- te. 451 HISTOIRE eft la même que celle de la chaînette ; mais fi ce fluide y fé-journe, cette courbe fera circulaire. La raifon de cette dif-tintftion eft aifée à fentir , du moins en partie : dans le dernier cas, le fluide féjournant contre la furface qu’il pouffe , fe difi tribue également en tout fens , la preflion qu’il éprouve de celui qui le frappe par derrière ; d’oii il réfulte que toutes les parties de la voile font également preflees : elles doivent donc prendre la forme circulaire. Quant à l’autre cas , il faudroit, pour l’analyfer entrer dans des détails qui nous mene-roient trop loin. Les lecteurs pour qui ces matières fublimes ont des attraits , me permettront de les renvoyer aux Œuvres de M. Jean Bernoulli. On y trouve deux analyfes de ce problème, l’une dans fes Leçons de calcul intégral 3 l’autre dans-fa Théorie de la Manœuvre. La derniere, beaucoup plus fimple que la première , eft particuliérement remarquable par fon élégance ; elle eft fondée fur le principe lumineux dont nous nous fommes fervis ci-deflus , en parlant de la courbe du linge chargé de liqueur, 6c qui eft dû à M.Bernoulli3 fçavoir que quand une infinité de puiffances font appliquées perpendiculairement aux points d’un filet, ou d’une furface infiniment flexible, la courbure à chaque point eft comme la puiflance qui y eft appliquée ; 6c par conféquent le rayon ofculateur à ce point eft en raifon réciproque de cette puiflance. Cette importante vérité met prefque fur le champ en pofleflion de l’équation différentielle de la courbe , 6c donne avec une facilité remarquable la folution de divers problèmes , qui traités fuivant une autre méthode , feroient beaucoup plus embarraf-fans. Il faut voir dans l’ouvrage même de M. Bernoulli3 l’ufa-ge qu’il en fait pour la réfolution des problèmes de la chaînette , du linge chargé de liqueur, de la voiliere, 6ce. Parmi les problèmes qui occupèrent les Géomètres vers la fin du fiecle paffe, il en eft peu qui foient plus curieux 6c plus dignes de remarque , que celui de la plus courte defeente. Ce fut M. Jean Bernoulli qui propofa celui-ci (a). Deux points qui ne font ni dans la même perpendiculaire, ni dans la même horizontale , étant donnés , il s’agit de trouver la ligne le long de laquelle un corps roulant de l’un à l’autre, y em~ (a) Acl, Erud, ann. 1696» DES MAT H É M AT I QU E S. Part. IV. Liv, VII. 453 ploycroit le moindre temps poffible. M. Bernoulliy lui donne le nom de Brachyftochrone, nom dérivé du Grec (a), ôc qui fignifie le temps le plus court. On pourroit être tenté d’abord, de penfer que cette ligne eft la droite menée d’un point à l’autre ; mais nous nous hâtons de diffiper cette erreur, ôc la chofe eft facile , à l’aide des réflexions fuivantes. En effet, le temps qu’un corps emploie à tomber d’un point à l’autre j n’eft pas en raifon fimple de la longueur du chemin qu’il parcourt. La détermination de ce temps exige néceftàirement qu’on ait égard à la vîtefte avec laquelle ce chemin eft parcouru. Quelque court qu’il foit , fi la vîtefte eft très-petite, le mobile y pourra employer beaucoup de temps ; d’ailleurs cet efpace n’eft pas parcouru d’un mouvement uniforme, mais d’un mouvement continuellement accéléré ; ôc la quantité de cette accélération dépend de la pente de la ligne le long de laquelle fe meut le corps, ôc principalement de celle des parties de cette ligne où il commence à fe mouvoir. Une courbe qui procurera au corps un commencement de chute verticale , qui enfuite deviendra de plus en plus inclinée , pourra donc lui donner une vîtefte plus grande qu’il ne faut pour compenfer la longueur du chemin qu’il parcourt ; ainfi il ne doit point paroître étonnant qu’un corps qui tombe le long d’une courbe menée d’un point à l’autre, emploie moins de temps à parcourir ce chemin, que s’il fût defeendu le long de la ligne droite qui les joint. Ce problème eft encore un de ceux que Galilée avoit tentés. Les vérités que nous venons d’expofer , ne lui avoient pas échappé, ôc il avoit prouvé qu’un corps qui rouleroit le long de plufieurs cordes inferites dans un arc de cercle , arrivèrent plutôt au bas, que s’il rouloit par la corde de cet arc ; de forte qu’il démontroit qu’un corps roulant le long de l’arc, cmployeroit moins de temps dans fa chûte, qu’en parcourant la c°rde , ou telle fuite de cordes qu’on voudroit. Il eft vrai qu’il concluoit mal-à-propos delà que cet arc de cercle étoit le chemin que le corps devoit parcourir pour arriver d’un point à 1 autre dans le moindre temps poffible. C’étoit une conféquen- cp précipitée , ôc qui n’étoit point une fuite de fa démonftra-tion. H ÇfaXv~or} fqrperlatif de Çfcutlf, hrevis3 & xpm(3 tempus. 454 HISTOIRE M. Bernoulli n’a voie pas propofé ce problème fans être bien alfuré de fa polfeffion. M. Leibnit% , trappe de fa beauté , ne put, malgré fes occupations d’un genre tout différent, fe défendre de s’en occuper, ôc ne tarda pas à le réfoudre. Il engagea M. Bernoulliqui avoit donné fix mois aux Géomètres pour y travailler , à proroger ce terme encore de fix mois. Ce délai procura trois autres folutions. L’une vint de Newton, qui n’eut connoilfance du problème que vers le commencement de 1697 , 6c qui le réfolut aulli-tôt. On fènt aifément que de quelque nature qu’il fût , il ne devoit pas échapper à ce profond génie. Le frere du propofant, M. Bernoulli l’aîné, en donna aulfi une folution. Il en vint enfin une de M. le Marquis de F Hôpital a qui indifpofé durant les premiers fix mois , n’avoit pu y donner une attention fuffifante , Ôc qui y revint avec fuccès lors de la prorogation du terme accordé pour le réfoudre (a). Ainfi l’Angleterre, la France ôc l’Allemagne, concoururent à l’honneur d’une découverte fi curieufe ôc fi difficile. La Hollande fans doute y eût auffi eu part, fi M. Huyghens eût vécu : mais il venoit de mourir ; ÔC M. Hudde dont on pouvoit auffi efpérer quelque chofe, alors Bourguemeftre d’Amfterdam , avoit renoncé aux Mathématiques. Au lieu de folution , il y eut un Profeffeur Hollandois, nommé M. Ma-ckrel, qui dit que ce problème étoit bon pour des Allemands, mais que fes compatriotes ne s’en occuperoient pas {b). Quelques temps après, c’eft-à-dire en 1699. M. Fado deDuilliery depuis devenu fi célébré par fon enthoufiafme (c) , voulut auffi participer à la gloire de la folution de ce problème. C’étoit, on ne peut en difeonvenir, un très-profond Géomètre ; mais ceux qui liront les pièces qui ont rapport à la conteftation affez vive qui s’éleva à ce fujet, verront clairement qu’il vint un peu trop tard pour être fondé à fe mettre fur les rangs. Le problème dont nous parlons n’eft pas un de ces problê- (a) Voyez toutes ces folutions dans les de foi, pour tranfporter les montagnes & Aćtes de Leipfick. ann. 1697. reflufeiter les morts, il n’étoit pas difficile (b) Comm% Phil. Leibn. ac Beffi. T. 13 p. d’en avoir allez pour opérer ces merveilles» Ł44* , , . Il promit donc à l’Angleterre de relïufèit^ (c) La Geometrie ne met pas toujours a un mort. On prit ces nouveaux SeétaiïeS 1 abri des travers & des ridicules. M. Fatio au mot, le Gouvernement leur en fît donne5 de Duillier, en offre un exemple. Il s’avi- un qui aux yeux de tout Londres alfèmble fa, avec quelques vifïonnaires, d’imaginer fut fourd à leur voix. Cette feene ri die»’6 que l’Evangile ne demandant qu’un grain fe pafla en DES M AT H É M AT I Q U E S. Part. IV. Liv. VII. 455 mes de maximis & minimis , qui fe réfolvent par les méthodes ordinaires. Il eft d’un genre plus relevé, ôc il exige plus d’a-dreffe. Comme lexpreliion même du temps n’eft pas donnée, puifque la courbe dont elle dépend eft précifément ce qu’on, cherche il faut recourir à un autre moyen , Ôc c’eft ce qu’il n’eft pas aifé de découvrir. M. Bernoulli, l’Auteur du problème , en trouva néanmoins deux folutions, l’une dire&e, lau-tre indirećte, dont nous donnerons une idée. Dans la première de ces folutions, M. Bernoulli confidere , que, puifque la courbe entière eft parcourue dans le moindre temps poffible , il en doit être de même de chacun de fes élémens , c’eft-à-dire 3 que les deux extrémités de chacun d’eux, reftant fixes, leur courbure doit être telle que le mobile les parcoure dans un moindre temps qu’en leur donnant quel-qu’autre forme que ce foit. Autrement, il eft évident qu’en fubftituanc à cette partie de la courbe , celle qui feroit parcourue dans un moindre temps , on en auroit une autre qui le fe^ roit encore plus promptement, ce qui eft contre la fuppofition. M. Bernoulli recherche donc , en confidérant chaque portion infiniment petite de la courbe comme un arc de cercle „ quel devroit en être le rayonafin que le corps y arrivant avec la vîteffe déjà acquife par fa chûte ,, le parcoure dans le temps le plus court ; ôc il trouve, à l’aide d’une ligne de calcul, que ce rayon, qui eft le rayon de la développée à ce point de la courbe, a la propriété connue de celui de la cycloïde. Ainfi il reconnut 6c il démontra enfuite fynthétique-ment que la cycloïde étoit la courbe cherchée : elle jouifloit déj a de la propriété du Tautochronifme c’eft-à-dire de procurer à un corps des chûtes d’égale durée , de quelque point qu’il partît. De forte que voilà deux propriétés des plus remarquables , réunies dans la même courbe , ôc très-propres 4 lui confirmer fon rang parmi les plus curieux objets de la Géométrie. La fécondé folution de M. Bernoulli procede d’une macete indire&e , & qui lui fait du moins autant d’honneur la première ; car il faut être doué d’un génie extrême-heureux , pour arriver à une queftion par une voie aulîi ^tournée que celle qu’il fçut fe frayer. Il fuppofe avec Fer-m Huyghens, et plufieurs autres , qu’un rayon de lumière 456 HISTOIRE qui, partant d’un point, va à un autre fitué dans un milieu de différente denfité , fait toujours ce trajet dans le temps le plus court, ôc que fa vîtelle dans chaque milieu efi: en raifon réciproque de la denfité. Cela étant un rayon de lumière qui traversera un milieu dont la denfité fera différente à chaque couche, fe courbera de maniéré qu’il ira d’un point à i’autre dans le temps le plus court; fi donc cette denfité eft fuppofée diminuer dans le même rapport qu’un corps accéléré fon mouvement, c’eft-à-dire, comme la racine de la hauteur d’oii part le corps, la courbe du rayon de lumière fera la même que celle de la plus courte defeente. M. Bernoulli applique à ce problème optique, fon analyfe, ôc trouve que dans la loi de denfité que nous venons de fuppofer, la traje&oire du rayon de lumière feroit une cycloïde ; d’oii il conclud que cette courbe fera aufii celle du plus court trajet d’un point à l’autre. Cette fécondé folution fut celle qu’il publia. M. Leibnit%, à qui il communiqua l’une &C l’autre, l’engagea par des raiions particulières à tenir la première cachée. Elle n’a vu le jour qu’en 1718 , dans le nouveau Mémoire que M. Bernoulli donna à l’Académie des Sciences , fur le fameux problème des ifopérimetres ; c’eft-là qu’on doit recourir, ou à fes Œuvres, T. II, p. 266. Tant de voies différentes peuvent conduire à la folution d’un même problème , qu’on ne s’étonnera point que celle de M. Jacques Bernoulli foit encore différente. Ce fçavant Geometre fe fert de l’obfervation préliminaire dont nous avons fait ufage ci-deffus, fçavoir que la propriété de la plus courte defeente , doit non feulement convenir à un arc quelconque fini de la courbe , mais encore à chacune de fes parties infiniment petites. Deux élémens quelconques de la courbe pofés de fuite, doivent par conféquent être fitués de maniéré que Ie corps qui les parcourt en continuant d’accélérer fon mouvement , les parcoure dans moins de temps que s’ils euffent eu toute autre pofition. M. Bernoulli réduit ainfi le problème au fuivant. Deux points A & B, étant donnés , il s’agit de trouver fur la parallele D E , qui en eft également diftante, un point C, tel que AC, étant parcouru avec une certaine vi-. telle m s ôc CB avec une autre n, le temps employé à allet de A en B , foit le moindre qu’il eft poffible. Ce problème analogue à celui de la réfraction, eft facile. On trouve par 1c moyen DES MATH É M AT ï QU E S. Part. IV. Liv. VIL 457 moyen du calcul différentiel , de même fans ce fecours, que les finus des angles A C D, B C E , doivent être en raifon réciproque des vîteffes avec lefquelles CA, CB , font parcourues. Mais dans l’hypothefe d’une courbe parcourue d’un mouvement accéléré uniformément, ces vîteffes fuivent le rapport des racines des hauteurs, comme HA, HD, de forte qu’il faut que les finus des angles formés par deux élémens iucceffifs ac^ cb 9 de la courbe cherchée , foient réciproquement comme les racines des hauteurs ha, hc, ou des abfcif-fes. Or cela fe trouve , avec un peu d’attention , convenir à la cycloïde ; d’où il fuit que cette courbe eft celle qui fatisfait au problème. C’eft ainfi que M. Bernoulli l’aîné, procédoit dans fa folution. Nous ne pouvons pas faire connoître de même, les moyens qu’employerent les autres Geometres qui réfolurent auffi ce problème , parce qu’ils n’ont rien laifïe tranfpirer de leur analyfe. Newton , Leibnitq, M. le Marquis de VHôpital, fe contentèrent de répondre que la courbe demandée par M. Bernoulli le jeune, étoit une cycloïde. Mais ceux qui connoiffent la Géométrie, fçavent qu’on n’y devine pas, de que quand on trouve la vérité dans des queftions auffi difficiles, c’eft qu’on a pris un chemin sûr pour y aboutir. Nous fçavons feulement, à l’égard de M. le Marquis de l’Hôpital, qu’il employa dans fon analyfe un moyen aftez femblable à celui dont M. Bernoulli s’étoit fervi pour réfoudre les problèmes de la chaînette, de la voiliere, dec. Sa folution eft auffi fort générale, de il fit fcne remarque particulière , fçavoir que dans l’hypothefe de Baliani, fur l’accélération des graves, le cercle feroit la courbe de la plus courte defeente. Mais cette hypothefe eft impoffible, comme on l’a vu ailleurs. Ainfi loin que Galilée eut bien deviné, il arrive au contraire , par un hazard fingulier, qu’il a Attribué la propriété de la plus courte defeente à la courbe Slffi de toutes elt la feule qui ne fçauroit l’avoir. •^a confidération des mouvemens curvilignes des corps , condii^ à divers autres problèmes du même genre que le precedent > qui furent auffi agités entre MM. Bernoulli. On Pourroit demander , par exemple, laquelle de toutes les cycloides _ d’un point donné fur V horizontale 9 à une ligne verticale, Pr° uiro'Lt ia ch£te fa corpS la plus prompte de ce point à cette ver-Lomç JL Mmm 458 ' HISTOIRE ticale. Cette queftion fut propofée par M. Bernoulli l’aîné , à fon frere , avec qui il étoit depuis quelque temps en méfintel-ligence, ôc ce fut un des premiers actes d’hoftilité, par lefquels commença la guerre un peu trop vive qu’ils fe firent l’un à l’autre. Mais ce que M. Jacques Bernoulli avoit en vue dans ce défi , n’arriva pas ; fon frere y fatisfit avec facilité , ôc en effet cette queftion n’étoit pas de nature à devoir beaucoup l’embarrafler. Il trouva que de toutes ces cycloïdes , celle qui fatisfaifoit au minimum demandé, étoit celle qui rencontroit la verticale à angles droits. Il réfolut même la queftion bien plus généralement que fon frere ne l’avoit propofée, en mon» trant que quelle que fût la pofition de la ligne à laquelle le corps devoit aller, la cycloïde qui l’y conduiloit dans le moindre temps , étoit celle qui la rencontroit perpendiculairement. Cette folution n’eft qu’un corollaire facile de celle d’une autre queftion qu’il s’étoit propofée fur ces chûtes curvilignes dans la cycloïde. En fuppofant une infinité de cycloïdes de même origine , il avoit recherché quelle courbe terminoit les arcs parcourus dans le même temps , ou la courbe à laquelle arriveroient dans des temps égaux, tous les corps roulans dans ces cycloïdes. C’eft ainfi que fi l’on fuppofe une infinité de plans inclinés , qui ayent leur origine au même point , ôc qu’on décrive par ce point un cercle quelconque ayant fon diametre vertical, ce cercle eft la courbe à laquelle un corps roulant par un de ces plans quelconques , arrive dans le même temps, de forte qu’une infinité de corps roulant le long de ces plans inclinés en nombre infinis , formeroient toujours une circonférence circulaire. M. Bernoulli donna à cette courbe le nom de fynchrone nom formé de deux mots Grecs, qui expriment cette propriété ; ôc il trouva qu’elle coupoit à angles droits toutes ces cycloïdes , d’où il eft facile de tirer la folution ci-deffus. Car fi l’on fuppofe une fynchrone quelcon-que toucher la ligne donnée de pofition , ce point de contaél fera évidemment celui par lequel doit paffer la cycloïde cherchée , ôc puifque celle-ci coupe perpendiculairement la fynchrone , elle coupera de même la ligne donnée à ce point. M. Jean Bernoulli ne s’en tint pas là : un problème bi£tl plus difficile que les precedens, eft celui-ci. De toutes les courbes femblables conjlruites fur un même axe horizontal, & ayant DES MATHÉMATIQUES.Part.lV.Liv.VÎT. 459 le même fommetquelle efi celle dont la portion comprife entre ce fommet3 & une ligne donnée de pofition 3 efl parcourue dans le moindre temps / Son frere content de l’avoir indiqué, fembloit n’avoir ofé le tenter. M. Bernoulli le jeune , en donna la folution , ôc pour enchérir lur les difficultés de fon frere, ôc 1’embarraffer à fon tour, il le lui rétorqua avec l’addition d’une nouvelle difficulté. Il n’étoit plus queftion de courbes femblables , mais feulement du même genre. Si Fon fuppofoit> par exemple 3 une infinité de demi-ellipjes confinâtes fur le meme diametre horizontal, & ayant leur axe conjugué dans la verticale 9 quelleferoit celle quiferoit parcourue dans le moindre temps J ean Bernoulli ajoutoit, qu’il en donneroit la folution , fi fon frere ne la donnoit pas. A la vérité , nous remarquerons qu’il y eut dans ce défi , de la part de M. Bernoulli le jeune , un peu de fu-percherie , s’il eft permis de parler ainfi. On trouve en lifant Ion commerce épiftolaire avec Leibnitz (a) , qu’il s’aida des lumières de ce grand homme, ôc qu’il tenoit de lui l’artifice analytique qui eft néceftaire pour la folution de ce problème , fçavoir une forte de différentiation que Leibnitz appelloit, de curva m curvam ; ainfi l’on eût pu reprocher à M. Jean Bernoulli j de fe faire fort des armes d’autrui. Mais nonobftant ce fecours , il ne fut pas plus heureux à embarrafter fon frere que celui-ci l’avoit été dans le même deffein. M. Jacques Bernoulli réfolut ce dernier problème , ôc configna fa folution dans le Journal des Sçavans du 4 Août 1698 , fous un anagramme dont on trouve l’explication dans fes Œuvres. Il fa-tisfit également à divers autres défis de fon frere , comme l’on peut voir dans les Actes de Leipfick de la même année 1698. C’eût été un fpećtacle tout-à-fait agréable , que celui de ce combat littéraire , fi l’on eût pu oublier que les rivaux étoient frçres, ou qu’ils en euftent écarté l’aigreur ôc la vivacité qu’ils y mirent. M. Saurin a donné quelques années après dans les Mémoires de l’Académie (b), l’analyfe du problème des cycloïdes ou des courbes femblables, analyfe que MM. Bernoulli aV(fient fupprimée ; mais je ne fçache pas qu’on trouve aucune part celle du dernier. Dans la fuite , M. Jean Bernoulli a encore réfolu un problème de ce genre, ôc qui eft extrêmement U) Leibn. ac Bern. Comm. Phil• T. i, p. 319, j 30. ib) Ann. 1707. Mmm ij 4.60 HISTOIRE curieux (a). Il fuppofe que la longueur de la courbe d’un point à l’autre, eft déterminée, ôc il demande quelle doit être fa nature, afin qu’elle foit parcourue dans le moindre temps poffible. Il alïîgne , à l’aide de la belle théorie qu’il expofe dans fon Mémoire fur les ifopérimetres, l’équation de la courbe cherchée. On voit ici avec plaifir reparoître la cycloïde quand il le faut. Il n’y a qu’à fuppofer que la longueur donnée entre les points afîignés, foit celle d’un arc de cycloïde , ayant fon origine au point le plus haut, êc l’équation générale fe transforme en celle de la cycloïde ; ce qui confirme la belle propriété de cette courbe d’une maniéré aufîi fînguliere que fatisfaifante. Problème du Voici encore un problème aftez curieux, qui fut propofé P°nt- evis. en prance vers ]e temps. On fuppofe un pont-levis , at- taché par une de fes extrémités à une corde qui paffant par deftus une poulie va aboutir à un contrepoids ; il eft queftion de déterminer le long de quelle courbe devroit rouler ce contre-poids, afin d'être toujours en équilibre avec le pont-levis dans toutes fies fituations. Ce problème, dont l’utilité dans l’archi-tećture militaire, fe préfente facilement , piqua la curiofité de M. le Marquis de l'Hôpital: il en rechercha la folution , ôc il la trouva. On la lit dans les Aćtes de Leipfick de l’année 1695. M. Bernoulli le jeune, fit à ce fujet une remarque cu-rieufe ( qu?en n’ayant aucun égard au choc du fluide contre la partie plane, a recherché quelle inclinaifon doivent avoir les cotés (a) Voyez le Commencement de cet ąrr? DES MATHÉMATIQUES.Fan.VJ.Liv VII. 4S3 d’un tronc conique , de bafe ôc de hauteur donnée , afin qu’en comptant le choc du fluide fur la bafe fupérieure , la réfiftance totale foit la moindre poffible [a). Il a trouvé qu’il falloit pour cet effet divifer C A en 2 également , en O , ôc qu’en faifant O G = OD , le point G étoit celui ou dévoient converger les cotés de ce cône, de maniéré que ce n’eft point le cône Fig. iz? ayant le fommet au point A , qui éprouve la moindre réfiftance , mais le folide que nous venons de décrire. Ceci n’a rien qui doive nous étonner : on doit fentir facilement qu’on peut davantage gagner par l’obliquité ôc le raccourciftement des côtés du cône, qu’on ne perd par l’addition de la petite partie plane B E ; ôc c’eft ce qui arrive dans le cas préfent. Il en arrive, à certains égards, de même au triangle comparé au trapeze. Si la bafe F D eft plus grande que la hauteur C A, le triangle F A D, n’eft plus celui qui éprouveroit la moindre réfiftance : c’eft le trapeze dont les côtés inclinés DB, FE, iroient à Fig, n* leur rencontre former un angle droit, ou qui font inclinés au fluide d’un angle de 45°. A l’imitation du problème du folide de la moindre réfiftance , on pourroit avoir l’idée de rechercher quelle ligne fur une bafe & un axe donné , formeroit la figure plane , qui mue dans la direction de fon axe , éprouveroit par fes côtés la moindre réfiftance. Je ne puis diffimuler que, l’ayant recherché analytiquement, j’ai été fort furpris, ôc comme fâché de trouver que ce n’étoit qu’une ligne droite ; mais j’en ai vu depuis b- raifon. Elle eft renfermée dans ce que nous venons de dire bir le trapeze , ou le triangle de moindre réfiftance. Les côtés cxpofés à l’impulfion du fluide devant toujours faire avec l’axe lin angle de 450 , cette fituation , qui eft confiante , montre que tous les élémens de la ligne cherchée doivent être placés de même, ôc par conféquent former par leur continuité une bgne droite. Nous devons à M. Bouguer de fçavantes recherches fur le problème dont nous venons de nous occuper (b), ôc elles font ^ autant plus eftimables, que ce fçavant Académicien s’eft attaché ^ le confidérer relativement à la navigation. A l’envi-lager de ce côté-là, le folide ci-deflus n’eft qu’une curiofité \h\ SrinciP- i. XI, feft. 7. > J Vraité du navire. L. m, fed. f. 4^4 . HISTOIRE Mathématique : car outre qu’il ne poftede la propriété de h moindre réfiftance qu’en faifant abftraôtion de celle qu’éprouve la portion plane qu’il a au fommet, de bonnes raifons ne permettent pas de former une proue de vaiffeau en conoïde fur une bafe demi-circulaire. Cette bafe, qui eft la principale coupe du navire perpendiculairement à fa longueur , doit avoir une autre forme. Cela a donné lieu à M Bouguer de rechercher la folution de cet autre problème (a) , fçavoir de couvrir une bafe curviligne donnée , d’une furface conoïdale qui éprouve le moindre choc poffible de l’eau qu’elle fend, M. Bouguer réfoud auffi, à cette occafion , plufieurs queftions dont l’objet eft d’allier, autant qu’il fe peut, la moindre réfiftance de la proue , avec diverfes qualités nécefïaires au vaiffeau. Mais la nature de notre plan , ne nous permet pas d’entrer plus avant dans ces confidérations. Il nous fuffira de renvoyer le leéteur à l’excellent ouvrage que nous avons cité. Y I I L Si l’étendue confidérable à laquelle ce Livre s’eft déjà a c» cru, ne nous impofoit pas la loi d’y mettre fin , ce feroit ici le lieu de parler de la fameufe queftion que Leibnit% éleva en 1686 , fur la mefure de la force des corps en mouvement. Mais nous ne pourrions la traiter avec un peu de fatisfa&ion. pour le leébeur Mathématicien , fans pafter bientôt au-delà des bornes que l’abondance de notre matière nous prefcrit. D’ailleurs , quoique l’origine de cette queftion célébré doive être rapportée vers la fin du fiecle pafte , c’eft furtout dans celui-ci quelle a été agitée, ôc quelle a occafionné l’efpece de guerre civile qu’on a vu régner pendant quelque temps parmi les Mé" chaniciens. Ce motif, joint à la confidération précédente * nous a portés à en différer l’hiftoire jufqu’à ce que nous ayons atteint cette derniere époque. C’eft pourquoi nous allons ter~ miner ce Livre en donnant une idée des travaux de divers Méchaniciens célébrés dont nous n’avons eu encore aucune occafion de faire mention. L’Angleterre nous offre plufieurs de ces MéchanicîenS (a) Mem. de l’Acad. 1733. Traité du navire. Ibid. dignes DES MATH É MAT I QU E S. Pan.IV. Liv.YII. 4*5 de trouver place ici. Tels font les Lords Brouncker de Moral, le Chevalier Petty, auteur de quelques vues nouvelles de in-génieufes fur la perfection de la navigation de des voitures à roue (a) ; le Marquis de Worceftre , auteur du Livre intitulé Century oj inventions, parmi lefquelles fe trouve entr’autres l’ébauche de la machine à feu, depuis exécutée par Savery , de dont nous parlerons ailleurs plus au long ; le Dodfceur Robert Hook (b) de le Chevalier ÎHren. Mais nous nous arrêterons uniquement à ces derniers. Il feroit difficile de trouver un homme doué d’un génie plus heureux , de plus fécond dans ce genre que le D. Hook. Le détail de fes inventions de de fes vues nouvelles, feroit d’une prolixité extrême ; les lecteurs doivent recourir à fes écrits nombreux, qui juftifieront l’éloge qu’on vient d’en faire. Nous nous bornerons ici à un trait de fa fagacité. C’eft l’application du reffort à régler le mouvement des montres. Cette invention fi heureufe , de qu’on attribue ordinairement à M. Huyghens 3 me paroît légitimement revendiquée par M. Hook. On trouve effectivement dans l’hif-toire de la Société Royale de Londres , (c) parmi les titres d’écrits préfentés à cette Société avant qu’elle publiât fes TranfaCtionson en trouve, dis-je , quelques-uns qui concernent évidemment cette application. Or cette hiftoire parut en 1668 , plufieurs années avant qu’il fût queftion en France de rien de femblable. M. Hook fit, dit il, (d) cette découverte dès 1 année 166o 3 de il la communiqua à MM. Brouncker Adorai 3 comme un échantillon de quelques inventions («) Tranf. Phil. n°. 161 , & Hift. de la Société Royale. -M. Hook naquit à Freshwater le ï6 Juillet 1638, vieux dyle. Moins favo-*ifé du côté de la fortune que de celui du ^ynie, il fut obligé, pour faire fes études, ®ntrer dans un des Collèges d’Oxford, p^s Qualité d’Ecolier fervant. Il ne tarda g fe faire avanrageufement connoître ^ ' SethWard, alors Profeffeur à Oxford, su* autres fondateurs de la Société Roya-an^ Quelle il fut admis en 1661. Le *fr ^ut^er voulant fonder une Chaire tç 1 (rc lani<3ue, crut ne pouvoir mieux la CeST en engageant M. Hook à l’ac-r. Hela vlent le nom de Letticnes Tome II. Cutleriantz, que porte le Recueil d’excellentes leçons qu’il diéla dans cette Chaire. M. Hook fut aufîi Profeflèur d’Agronomie à Gresham. Il mourut le 3 Mars 1703 , v. ft. Voici fes divers ouvrages par ordre de dattes. Micrographie., 166 f, in-fol. An attempt to prove the motion of the earth. 1674. in-40. Animadv. in Mach. ccd. He-, vdii, 1674, in-4°. LeB. Cutlerianæ, 1679, in-40. M. Waller a publié en 170; , fes Œuvres pofthumes ( en Angl.in-fol. 1 vol. ) avec fa vie, à laquelle nous renvoyons le leéteur. (c) Part, ii, ch. 36. [d] Leéf. on the Spring. Nn# HISTOIRE donc il difoic être en pofléfïion , ôc qui dévoient lui donner la folution du fameux problème des longitudes ; mais ne s’étant pas accordé avec ces Meilleurs fur les articles de l’ef-pece de fociété qu’ils dévoient contracter entr’eux , il n’a jamais voulu dévoiler fon fecret , ôc il l’a emporté avec lui. Nous remarquerons encore que , lorfque M. Huyghens publia en 1674, cet ufage du reffort, M. Hook en fut très-indif-pofé. Il intenta au Secrétaire de la Société Royale, ( M. O/-dçmbourg) un vif procès, l’accufant de prévarication, ôc de faire part à des Sçavans étrangers des découvertes dont les Regiftres de la Société Royale étoient les dépolitaires : mais il n’étoit pas befoin qu' Oidembourg commît cette indifcre-tioti „ pour que l’invention dont nous parlons tranfpirât, puifque le Livre cité plus haut parut en François dès l’année 1669 ; ôc peut-être fut-ce là que M. Huyghens ôc l’Abbé de Hautefeuille, (a) qui lui difputa en juftice réglée cette découverte , en puiferent la première idée. D’ailleurs M. Huyghens avoit déjà été à diverfes reprifes en Angleterre , ôc il eft à préfumer que dans les féjours qu’il y fit, il s’y informa avec foin des inventions des Sçavans du pays. Quant à ce que dit M. iHal-ler qui,, dans la vie de M. Hook lui attribue auffi 1*ufage de la cycloïde, pour rendre le mouvement du pendule parfaitement égal, cela n’eft point fondé. Il n’y a rien dans l’ouvrage dont s’appuye M. JValler, fçavoir les remarques de Hook fur la Machina Celeflis & Hevelius , qui favorife cette prétention : il s’y agit feulement du pendule circulaire , qui femble encore pouvoir être revendiqué à M. Hook. A la vérité, parmi les titres décrits cités plus haut, il en a un qui a trait à cette application de la cycloïde. Mais il eft probable que cet écrit eft de M. Huyghens lui-même, qui étoit membre de la Société Royale, ôc qui fut à Londres en 1665 ; d’ailleurs nous forâmes fondés à penfer que M. Hook n’étoit pas aftez profond Geometre pour faire une découverte de cette nature. ^ Voici encore deux remarques curieufes que nous fournît le Chapitre du Livre cité ci-deffus. Nous y trouvons la première idee de l’o verfe?, le procès fę termina, M, Huyghens •: DES MAT HÉ M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VU. 4^7 marins un peu jaloux de l’exa&itude, pour prendre les hauteurs en mer. On y rencontre auffi celle du foufflct centrifuge du Do&eur Defaguliers : elle y paroît fous ce titre : Inftrument nouveau pour jormer un jet d'eau en tournant en rond une aile mobile dans le creux d'un tuyau cylindrique ferme. Mais nous ignorons quel des membres de la Société Royale en eft l’Auteur. Cette machine fut de nouveau propofée avec diverfes autres inventions ingénieufes, par le D. Papin, Profeffeur a Mar-purg, dans un ouvrage intitulé : Fafciculus Dijfert. Mechan. ( Lipf. 1689), tk. elle Pa été encore depuis à diverfes reprifes, entr’autres en 173 ., par M. Dupui , qui lui donnoit l’avantage fur toutes les autres machines propres à élever de l’eau. Un homme célébré par fon imagination , ( le P, Cafiel) en fit dans le tems les éloges les plus pompeux. Pour les apprécier au jufte il faut lire l’examen que M Defaguliers a fait de cette machine dans fon Cours de Phyfique expérimentale, ou plutôt de Méchanique. Le Chevalier Chriftophe Wren3 (a) ne s’eft pas feulement diftingué parmi les Méchaniciens , par la découverte de loix du choc , à laquelle il a part avec Huyghens & Wallis : l’Hif-torien de la Société Royale fait encore une longue énumération de fes autres inventions ou recherches méchaniques. De ce nombre font une théorie générale des mouvemens; diverfes recherches fur la réfiftance des fluides aux corps qui les tra-verfent, fur la conftrućtion des vaifleaux, fur l’aétion des rames , des voiles, ôcc ; plufieurs machines ingénieufement ima- (a) Le Chevalier Chriftophe Wren na- de beaux édifices, entr’autres Saint Paul de o a celle d’Oxford. Mais fes talens excelfive , mourut en 1713 •> & fut enterre Pour l’Architeéxure le placerent bientôt à Saint Paul. Je ne connois en Mathéma-Ur un théâtre plus brillant. Le Roi Char- tiques qu’un feul ouvrage de lui, imprimé II le nomma adjoint au Chevalier à part, & qui eft une production de fa enhana, Intendant de fes Bâtimens, & jeunelfe. Il eft intitulé, Tra8.atu.lus adpe-k mort de ce Chevalier , M. Wren riodum jul. fpettans, &c. 16/1. Ul biccéda. L’Angleterre lui doit quantité Nnn ij 4« HISTOIRE ginées pour former des verres de figure hyperbolique, etttr’au* très une dont on lit la defcription dans les Tranf. Phil. n°. 59, 6c qui eft fondée fur une propriété remarquable de l’hyperbole ; de curieufes obfervations fur le mouvement des pendules , 6c des idées allez analogues à celles du D. Hook, fur la caufe méchanique du mouvement des corps céleftes ; une multitude d’inftrumens nouveaux, foit optiques , foit aftro-nomiques, comme fa machine pour deftîner un payfage ou une figure quelconque, fans avoir la moindre teinture de deftein , 6c qui eft décrite dans les Tranfaclions, n°. 60. Je ne dis rien d’une foule de vues nouvelles concernant la perfe&ion de diverfes branches de la Phylique, parce que ceci n’entre pas dans notre plan. Le Chevalier Wren , élevé à la place d’intendant général des Bâtimens royaux , tourna fes vues du coté de la partie mathématique de l’Architeébure ; 6t profond comme il l’étoit dans la Géométrie 6c dans la Méchanique , il enrichit cet art de diverfes découvertes utiles. C’eft du moins ce que l’on peut conjećturer d’après la haute réputation qu’il fe fît, pour la folidité 6c la hardiefte de fes édifices. Mais les occupations de fa place ne lui ont pas permis de développer tant de chofes intérefïantes, de forte que tout ce que l’on fçait de fes inventions fe réduit prefque à l’indication générale 6c fté-rile qu’on a vue ci-deftlis. Cela fuffit néanmoins pour nous faire entrevoir combien cet homme célébré eût enrichi la Méchanique , s’il eût eu le loifîr de fe livrer à fon génie, 6c à fon goût pour cette fcience* Pendant que l’Angleterre cultlvoit la Méchanique avec ces fuccès, la France ne montroit pas moins de zele à hâter les progrès de cette partie des Mathématiques ft utile 6c fi importante. On voit figurer dans cette carrière MM. Blondef Roberval> Perrault y Roemer, Mariotte y Varignon y de la Hire y Amontons, &c. Ils nous fourniroient chacun la matière d’un article particulier ; mais pour abréger, nous inviterons le leéfceur à parcourir l’hiftoire de l’Académie des Sciences avant fon renou~ vellement, 6c l’on ne fera ici mention que de ceux qui fe font illuftrés par quelque ouvrage ou quelque invention célébré. On fait honneur d’une invention de ce genre au fameux M. Roemer, Danois de naiftànce , mais alors habitué en France» Elle confifte dans fingémeufe idée de former en épicy- DES M AT H É M AT I QUE S. Pan. IV. Liv. VIL 469 cloïde les dents des roues qui levent ou qui abaiffent des leviers pour mouvoir de grands poids, comme dans les machines hydrauliques, 6c autres. On s’étoit, il eft vrai, déjà avifé de contourner ces dents en lignes courbes ; un certain inftinéb méchanique avoit appris qu’il falloit quelles euffent cette forme pour procurer à la puiffance une aèbion plus égale, 6c par-là plus avantageufe fur le fardeau à enlever : car M. de la Hire nous parle dans fon Traité des épicycloïdes d’une machine exécutée de cette maniéré à quelques lieues de Paris par M. Defargues. Mais on ignore quels principes ce Géo» métré avoit fuivis dans la defcription de la courbure de ces dents : M. Roemer découvrit que ce devoit être celle d’une épi-cycloïde. Il fit, à ce que nous conjecturons, cette utile remarque dans un écrit fur les roues dentées, qu’il lut en 1675 9 Sc dont parle l’Hiftorien de l’Académie. Long-tems après, fçavoir en 1695 , M. de la Hire a revendiqué cette invention. Il dit dans la Préface du Traité cité ci-deffus, qu’il l’avoit trouvée vers l’an 1674, 6c qu’il l’avoit alors communiquée à Mef-fieurs Auront, Mariotte ôc Picard,à qui elle plut beaucoup. Nous ne prononcerons point entre l’un 6c l’autre ; nous remarquerons feulement que, fuivant le témoignage de M. Leibnitp 9 (a) la prétention de M. de la Hire n’eft: pas fondée. M. Leibnit7 affure que durant fon féjour à Paris, M. Roemer paffoit parmi les Sçavans, 6c entr’autres auprès de M. Huyghens 3 pour l’inventeur de cet ufage de l’épicy cloïde , 6c qu’il n’étoit point queftion de M. de la Hire. M. Mariottey (b) déjà recommandable pour avoir été un des premiers qui ayent introduit en France la Phyfique expérimentale , l’eft aufii par divers écrits très-utiles fur la Méchanique. On met dans ce rang fon Traité de la Percuffion, où il établit , 6c par le raifonnement 6c par des expériences heureufemcnt imaginées, les vraies loix du choc des corps, trouvées récem-^ent y & propofées pour la plupart fans démonftration. On doit encore lui fçavoir bien du gré de fon Traité du mauve- jfj f f & Bern. comm.- T. n, p. 178. & H mourut au mois de Mai de 1684. Ses ®u d ^ar*°tte y ( Pierre ) étoit de Dijon- ®uvres ont été recueillies, ei* z in-40.. jpenes environs-, La date de fa naiffance qui parurent à la Haye en 1717 ,. & de çj Aas coHHue. ïl entra dans l’Académie nouveau en 1740,. Pences fort peu après fon inftitution 470 HISTOIRE ment des eaux. Ceft un ouvrage li connu, que cela nous dif» penfe d’en rien dire. Il eft peu de Mathématiciens qui aient autant travaillé qua M. Varignon (a) fur la théorie de la Méchanique, dL celt fur-tout par fes travaux en ce genre qu’il s’eft illuftré. Il porta dans cette fcience cet efprit de généralité qui le cara&érife ; il en fîmplifia divers principes , &: réfolut quantité de queftions qui n’avoient point encore été traitées. Une foule de Mémoires inférés parmi ceux de l’Académie , juftifîent ce que l’on vient de dire. Ils concernent principalement la doćtrine du mouvement, foit uniforme, ou varié fuivant une loi quelconque , foit fe paffant dans le vuide ou dans un milieu réfiftant. Cette matière y eft traitée avec une grande généralité ; mais , qu’on nous permette auffi de le dire, avec une prolixité exceffi-ve dans les détails de les exemples. Il feroit trop long d’indi-quçr les fujets des autres Mémoires : nous nous bornerons à quelques lignes fur l’ouvrage que M. Varignon publia en 168 7, fous le titre de projet d'une nouvelle Méchanique. Ce Livre, avec juftice fort eftimé des Méchaniciens, lui fit beaucoup d’honneur, à caufe de Puniverfalité qui y régné. On y trouve toute la Statique déduite d’un principe unique de très-lumineux. Ce principe, depuis fl connu de fi employé^ fe réduit à ceci. Lorjque les puiffances A , B, C , tirant chacune de leur côté» fe font équilibre autour d'un point D , elles font entr'elles refpecli-Fig. 124. v ement comme les deux côtés GD, DF, & la diagonale ED, du parallélogramme fait dans l'angle des direclions de deux , & ayant fon angle E dans la direction de la troifieme CD, ou bien chacune de ces puifïances eft proportionnelle au finus de l’an^ (a) M. Varignon ( Pierre ) prit naiflance à Caen, en 16 f4- La vue d’un Euclide qu’il rencontra par hazard dans le tems qu’il étudioit en Philofophie , le tourna du côté de la Géométrie. Il palla delà à l’ana-tyfe de Defcartes , q’hi le confirma dans fon goût pour les Mathématiques, & dans le dégoût qu’il avoit conçu pour la Philofo-phie de fon tems. Il vint en 16 8Ś à Paris, avec l’Abbé de Saint-Pierre , qui lui fit une pénlion de trois cens livres. Son projet d’une nouvelle Méchanique , qu’il publia en 1687 , lui valut l’entrée de l’Académie , & une Chaire au Collège Mazarin. M. Vari- gnon fut des premiers qui goûtèrent la nouvelle Géométrie , appellée des Infini-ment Petits, & il la défendit avec gran^ fuccès contre Rolle & fès autres ennen11?* Ce fçavant Mathématicien mourut au niois de Décembre 17zz. Outre les ouvrages fi les écrits dont nous parlons dans cet article , on a de lui une nouvelle explication la pefanteur > ( Paris 169)'.} qui ne me Pa~ roit gugre heureufe , & des notes posthumes fur l’analyfe des Infiniment P fus e AL de l’Hôpital. ( Paris. 1724. in-4^) VoJ^* fon éloge dans l’hiftoire de l’A cademie u l’année 1723. «h DES M ATH É M AT IQ U E S. Pan. IV. Z^V. VII. 471 gîe formé par les direćtions des deux autres. M. Varignon employé avec fuccès ce principe réellement fécond ôc commode, pour réfoudre un grand nombre de queftions méchaniques! a une maniéré nouvelle. Au refte, nous avons déjà obfervd, ôc la juftice l’exigeoit, que ce principe avoit été mieux qu’entrevu par Stevin, Méchanicien digne d’une plus grande célébrité, bc qui écrivoit ,près d’un fiecle auparavant, une Méchanique nouvelle très-eftimable, ôc fort fupérieure à ce qu’on pouvoit attendre de fon tems. Il faut encore remarquer que Ici principe ci-deffus n’eft proprement que celui de la compolition du mouvement connu dèslong-tems,ôc étendu à l’équilibre.Car le mouvement actuel ceff'ant, dégénéré en une fimple prefiion, ÔC il eft évident que ce qui eft vrai du mouvement, doit l’être aufii de la preflion. Quand on confidere ces chofes, il n’y a plus lieu d’être furpris que le Pere Lami ait eu vers le même tems des idées allez femblables ; (a) bc les foupçons de plagiat qu’éleva contre lui un Journaîifte , peuvent n’être pas fondés.. Quoi qu’il en foit, c’eft avec juftice que les Méchaniciens venus après M. Varigno?i, femblent lui avoir déféré la principale part à l’invention de ce principe, en l’appellant par un accord prefque univerfel, le principe de M. Varignon. Quant à la nouvelle Méchanique annoncée par le Livre dont on a parlé ci-deffus, elle n’a vu le jour qu’après fa mort, en 1725 , ( 2. vol. in-4 ). On pourroit feulement y trouver à redire le défaut ordinaire à fon Auteur , fçavoir d’être intariffable fur exemples, ôc d’envier en quelque forte à fes lećteurs le plai-de trouver un feul cas qui lui ait échappé. MM. de la Hire ôc Amontons font aufii du nombre de ceux ffUl ont utilement fervi la Méchanique vers la fin du fiecle paffe. On leur doit à l’un ôc à l’autre des obfervations importâtes fur la force des hommes ôc des chevaux , le tems qu’ils Peuvent travailler , la vîteffe avec laquelle ils peuvent fe mou-^0lr fuivant l’effort qu’ils ont à exercer , (b) ôc diverfes au-£res obfervations femblables , éiémens nécefiaires pour ju-ger de ja p0fiibiiité ôc dé l’effet d’une machine. On a outre Cela de M. de la Hire un Traité de. Méchanique eftimé, (c) bc [ij t'°yel la Lettre du P. Lami à M. Dieulamaat. Journal des Sçavans Mem. de ^Académie 1699 & 170.5-. r j i’aris. i69;r,in.40.. 47i ^ HISTOIRE qui a été inféré dans le Recueil des ouvrages autrefois adoptés par l’Académie. On y remarque une démonftration neuve ôc très-ingénieufe de la proportion fondamentale de la Statique; &; il a fur les antres Livres de Méchanique l’avantage de traiter quantité de queftions de ce genre intéreflantes 6c profondes. Remarquons cependant, en faveur de quelques lećleurs, qu’un peu trop de précipitation a quelquefois induit M. de la Rire en erreur. On en a un exemple dans la démonftration de l’ifochronif-me de la cycloïde qu’on lit dans ce Livre ; elle n’eft qu’un vrai paralogifme , de même que la folution du problème de la courbe d’un rayon de lumière traverfant un milieu inégalement denfe, qu’il a donnée dans les Mémoires de l’Académie de 1702. M. Amontons (a) a le premier jette quelque jour fur une théorie très-importante de la Méchanique fçavoir celle des frottemens ; il nous faut par cette raifon en donner ici une idée abrégée. Le frottement eft une réfiftance occafion née par les afpé-rités des furfaces qui fe meuvent étant preflées les unes contre les autres. Concevons un plan horizontal fur lequel foit applL quée une furface chargée d’un poids. Dans la rigoureufe théorie , la plus légère force devroit être capable de l’entraîner , êt cela arriveroit fans doute, fi ces deux (uriaces étoient telles qu’on les conçoit dans 1’abftraćtion géométrique. Mais comme elles font hériftees d’inégalités, les éminences de l’une entrant dans les cavités de l’autre , la puiftance qui tire ne fçauroit entraîner le poids ou la furface qui le foutient qu’en la foulevant un peu : or pour cela il faut une force proportionnée à la quantité du foulevement. Voilà la réfiftance qui nafc du frottement. On voit par là que fi l’on connoifloit la nature 6c la forme des inégalités dont nous venons de parler , on pourroit cailler le frottement à priori. Mais comme l’on ne fçauroit rai-jfonnablement afpirer à cette connoiftance, il a fallu prends line autre route, 6c confulter l’expérience qui feule peut vir de flambeau dans des cas femblables. C’eft cette méthode qu’employa M, Amontons, 6c par f011 [a] Né à Paris en 166 5, mort en 170 f. Nous renvoyons à l’Hiftoire de l’Academie > le lećteur curieux de plus grands détails fur fa vie & fes inventions. jppyen j» DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv; VH. 475, moyen, il crut pouvoir établir ces deux propofitions fondamentales (a). L’une eft que la réfiftance occafionnée par le frotte* ment, eft à peu près le tiers de la force qui applique les furfaces l’une contre l’autre : la fécondé , qui eft une efpece de paradoxe , eft que le frottement ne fuit pas ,, comme on feroit tenté de le croire, le rapport des furfaces, mais feulement des preflions. D’après ces principes, M. Amontons donna des réglés pour calculer la quantité du frottement, ôc l’augmentation de puiftance néceftaire pour le furmonter. Après M. Amontons , la théorie du frottement a été principalement cultivée par M. Parent, qui y ajouta quelques confi-dérations ingénieufes {b). Il a aufii traité cette théorie dans les Mémoires de l’Académie, fous le titre de nouvelle Statique fans frottement & avec frottement, piece que les lećfeurs peuvent confulter. M. de Camus 3 Gentilhomme Lorrain, a examiné la même matière , dans fon ingénieux Traité des forces mouvantes. Il eft naturel de s’attendre que les fçavans MM. Mufchem~ broeck èc Defaguliers 3 n’ont pas oublié une partie de la Média-nique fi intéreftante, ôc de fa nature fi fubordonnée à l’expérience. Il réfulte de celles qu’ils ont faites, que le rapport du frottement à la preflion eft différent, fuivant les différentes efpeces de matières qui frottent les unes fur les autres , 6c qu’il varie du fixieme au tiers, de forte que le rapport établi par M. Amontons , eft trop grand. Mais il n’y a pas d’inconvénient a cela ; car il vaut toujours beaucoup mieux donner trop d’avantage à la puiftance , que de lui en donner trop peu. M. Mujckembroeck n’adopte point non plus la propofition avancée par M. Amontons ; fçavoir, que le frottement n’augmente pas , quoiqu’on augmente les furfaces , pourvu que Ta pteflîon foit la même. On voit par les expériences de ce fça-vant Profeffeur de Leyde , que le frottement a augmenté quand les furfaces ont été plus grandes, mais à la vérité beau-coup moins que dans le rapport de ces furfaces : cela eft même *}eceffaire, à le confidérer bien attentivement ; car puifque le rottement ufe peu à peu les furfaces qui fe frottent, il y a non seulement un foulevement de l’une fur l’autre , mais il faut que ftuciques-unes de leurs afpérités , dont l’engrainement produit [fj ^moires de l’Académie 16y<). iftoirê de l’Académie, 1700,1704, lome //, Ooo 474 HISTOI'RE le frottement, foient brifées dans le mouvement. Ainfi, comme il y en aura davantage de cette derniere efpece dans une grande furface, il y aura auffi un frottement plus confidérable. Au refie nous ne pouvons diffimuler qu’il y a encore fur tout ceci bien de l’incertitude , & même il efl fort à craindre, vu la nature de la queftion , que cette incertitude ne foit jamais levée, comme il importeroit pour la perfećtion de la Méchanique. Il y a dans les machines une autre réfiftance au mouvement, qui naît de la roideur des cordes. M. Amontons eft encore le premier qui l’ait examinée {a). Il a fait dans cette vue des expériences fort bien imaginées. Mais nous renvoyons à fon Mémoire , ou, ce qui vaut mieux, au cours de Phyfique du Docteur Defaguliers , qui a montré que cet Académicien s’eft trompé en quelques points , Le qui a réformé fon erreur. M. Sauveurs, ajouté à cette théorie une remarque ingénieufe {b). Elle concerne l’effet remarquable du frottement d’une corde qui entoure un cylindre. Il montre qu’en fuppofant cette corde infiniment flexible, la réfiftance qui naît de fon application à la furface du cylindre, croît en proportion géométrique, tandis que la circonférence embraffeepar la corde, croît arithmétiquement ; de forte que fi un quart de tour équivaut à un effort d’une livre , &; un demi-tour à celui de deux, les trois quarts produiront une réfiftance de quatre livres , un tour entier celle de huit, un tour un quart une de feize, enfin deux tours complets produiront une réfiftance de cent vingt-huit. Le ainfi de fuite. Ceci fert à rendre raifon d’une manœuvre familière aux gens de mer pour lever l’ancre. On fe contente de faire faire au cable quelques tours fur l’arbre ou l’aiffieii du cabeftan, Le de faire tenir le bout oppofé à celui auquel tient l’ancre, par quelques hommes tirant avec une force médiocre. Cela fuffit pour appliquer le cable avec tant de force à l’at-brè du cabeftan, qu’il ne fçauroit glifler deffus, Le le cabeftan en tournant entraîne le poids, ou furmonte l’effort de l’an~ cre tout de même que fi le bout du cable étoit fixement attaché. Ce feroit ici le lieu de parler des tentatives que fit vers J* (a) Mémoires de L’Académie3 1699* {b) Ibid. 1703. DES MAT HÉ M AT I QUE S. Pan.IV. Liv.VII. 47J même tems le Chevalier Renau, pour fonder une théorie de la manœuvre des vaijjeaux. Mais les fuccès n’ayant pas répondu à fes efforts, 6c cette théorie n’ayant été élevée fur fes vrais principes que dans ce fiecle, nous remettrons à en parler jufqu’à la partie fuivante de cet ouvrage. C’eft-là que nous rendrons compte de la conteftation qui régna d’abord fur ce fujet entre Huyghens 6c le Chevalier Renau, puis entre le même, Chevalier 6c le célébré Jean Bernoulli. Je n’ai plus à parler que de deux Méchaniciens, qui mettront fin à cet article. Ils font tous les deux Italiens. L’un eft Jean-Alphonfe Borelli (a), fort connu par fes divers ouvrages mathématiques, 6c furtout par celui de motu animalium. Ce Livre eut un grand fuccès, 6c en effet fon Auteur y déployé beaucoup d’art 6c de fagacité dans l’examen qu’il fait du méchanifme du corps humain, 6c dans les conjectures qu’il forme fur les vues différentes du créateur dans l’arrangement 6c le rapport des parties de cette merveilleufe machine. Un précis de quelques endroits choifis de ce Livre feroit extrêmement curieux ; mais, à notre grand regret, nous fommes contraints de le fupprimer. Cet ouvrage au refte n’eft pas parfaitement exempt de fautes : quoique habile homme, Borelli a quelquefois contredit certains principes de méchanique qu’il croyoit ne pouvoir concilier avec les faits (b), 6c cela l’a entraîné dans quelques erreurs. C’eft pourquoi la Méchanique 6C la Phyfiologie même , ayant acquis depuis lui de nouvelles lumières , ce feroit un ouvrage utile, Le digne de quelque Méchanicien verfe dans l’Anatomie, que de reprendre le travail de Borelli. Celui qui en formeroit l’entreprife , trouveroit des vues utiles dans (a) Borelli étoit de Meiïlne, où il naquit nius ( Voyez l’Hiftoire de cette découverte le z8 Janvier 1608. Il profelFa long tems dans l’article d’Appollonius, p. 1 , 1. in ), les Mathématiques, d’abord a Melîine , Voici lès principaux ouvrages: Eucl.reft. Enfuite à Pife , où l’appella le grand Duc Pif. 165-8. Appoll. & Arch. op. compend. Tofcane. Vers la finde fes jours, il le Ibid. 1658. Appoll. conic. lib. v , vi & î^tira à Rome , dans la Maifon des Clercs vu, ex Arab. verfi cum notis. Rom. 166 r» ^eguliers de Saint Pantaléon , dits des Eco- in-fol. Theoria Medie. Syderum ex caufis f, ^*es 3 chez lelquels il mourut le dernier phyjîcis deduttœ. 1666. in-40. De viper-ccembre 167 9.Borelli étoittrès-verfé dans cujjionis. 166y. De mot. nat. à gravit, pen-rou.es les parties des Mathématiques, & dentibus. x66y. Demotu Rom, i£8rj ^rtout dans la Géométrie ancienne. Les j682. eometres luj font redevables des trois (b) Voye^ le projet d’une nouv. Méchani rrilers Livres des Coniques d’AppolIo- de M. Varignon. O00 ij 476 HIST. DES MATHÉM.P^.IV.ZzV. VII. les écrits de M. Parent > (a) qui a redreiTé & perfectionné en quelques points la théorie de Borelli. Il lui faudroit aulîi confulter l’excellente diftertation de M. Jean Bernoulli 3 fur le mouvement mufculaire. M. Dominique Gugllelmlnl [b) s’eft: rendu célébré par des travaux d’un autre genre. L’extrême importance dont eft:, en Italie, la conduite des eaux & la direćtion des fleuves lui fit tourner fes vues de ce coté ; & fes réflexions fur ce fujet ont donné naiftànce à deux ouvrages juftement réputés pour fondamentaux dans ces matières. L’un eft: fon Traité de aquarum fluentium menfurâ s où il traite fçavamment tout ce qui a rapport à f écoulement des eaux. L’habileté dont il fît preuve par cet ouvrage , lui valut, outre l’honneur d’être chargé de plufieurs commilîions importantes, une diftinćtion flateufe de la part de fa patrie. Boulogne créa en fa faveur une nouvelle Chaire , qu’on appella d’Hydrométrie. Ce fut pour lui un nouvel engagement de continuer fes recherches dans ce genre, &: il publia en 1697 la première partie de fon célébré Livre Della natura de fiuml > dont la fécondé parut en 1712, après fa mort. Cet ouvrage, plus original que le premier, eft: rempli d’une multitude de vues nouvelles , non moins ingénieufes qu’utiles; il eft: digne enfin d’être médité par tous ceux qui, foit par goût, ou par l’obligation de leurs places, cultivent cette partie de l’Hydraulique. Nous tâcherons de juftifier cet éloge dans la partie fùivante de cette hiftoire, par un précis de ces vues intéreftantes. (a) Recherch. Mathématiq. Paris. 1708, partagé dans fa jeune/Te, fe le revendiqua 3.vol. entièrement, & il changea fa Chaire de (b) M. Guglielmini naquit à Boulogne Mathématique pour une de Médecine. Il le 2.7 Septembre 16 y y 5 il étudia en même remplit cette derniere jufqu’à fa mort ar" tems les Mathématiques fous Montanari, rivée en 1710. Il fut affocié étranger <*e & la Médecine fous le fameux Malpighi. l’Académie Royale des .Sciences ,& l’on En i6S6 , il fut fait Profeffeur de Mathé- fon éloge dans les Mémoires de 171° » manques dans l’Univerfité de Bologne , auxquels nous renvoyons. Ses (Œuvres hy- Mou* jtpn y Kirch y &c. DES MAT H ÉMATI QUE S. Part. IV. Liv. VIII. 4/9 I. Galilée > qui le premier tourna un T éîefcope vers Saturne,, Découvertes fut bien étonné de l’appercevoir accompagné de deux globes afro^m^y. contigus , de fans mouvement. Mais quelle fut fa furprife glens‘ lorfque ces prétendus Satellites , qu’il avoit poétiquement comparés à des domeftiques donnés au vieux Saturne, pour l’aider dans fa décrépitude , l’abandonnèrent brufquement. Il ofa , à la vérité , prévoir leur retour, 6c en effet ils reparurent quelques mois après ; mais ils fe préfenterent les années fui-vantes, fous tant de formes différentes, qu’ils pouffèrent à bout fes conjectures ÔC celles des Aftronomes qui le fuivi-rent. Près de quarante ans s’écoulèrent, comme dit quelque part M. CaJJln i , dans l’admiration de ce Protée célefte., fans que perfonne réufsît à le fixer. Hevelius lui-même, avec fes grands Télefcopes, ne parvint qu’à le voir un peu mieux que fes pré-déceffeurs , ôc à fixer affez bien le retour périodique des mêmes phafes: (i) au refte il ne fut guere plus éclairé fur leur caufe. Nous laiflons à l’hiftorien à venir de l’Aftronomie en particulier, le foin de faire le récit des diverfes conjeétures qu’on propofa fur ce fujet. Les feules qui méritent quelque mention , font celles de MM Roberval ôc CaJJini. Le premier mupçonnoit que le phénomène dont nous parlons, étoit caufé par un amas de vapeurs qui, s’élevant fous l’équateur de Saturne , nous reflechiffoient ainfi la lumière : idée allez heu-reufe, ôc qUi approche affez de la vérité pour donner lieu de q^Oire qu’elle a pu aider M. Huyghens dans fa découverte. VUant a M. Cajjîni, il avoit eu la penfée que Saturne étoit «mvironné d’un effain de Satellites fort voifins les uns des au-tres> qui tournant autour de lui, produifoient ces bizarres apparences. Mais fi-tôt qu’il connut l’explication de M. Huy-^ eut 6c la bonne foi d’abandonner la fiern * x^fs hommes de génie font ordinairement les premiers, ^ouvrir la vérité, ou à l’embraffer lorfqu’elle eft pré-ee par d’autres. ) De Saturni nativa facie, 16 4?. Ged. in-fo!» 4$o HISTOIRE M. Huyuhens eut enfin l’avantage de découvrir la caufe des bizarres phénomènes dont Saturne fatiguoit depuis fi long-tems les Aftronomes. Aidé de Télefcopes qui étoient fon ouvrage , ôc qui, fans être d’une longueur extrême , furpafToient de beaucoup tous ceux qu’on avoit encore faits , il vit Saturne avec beaucoup plus de diftinćtion que tous les Aftronomes qui Pavoient précédé. Ce qui avoit paru à Galilée deux globes ifolés, lui parut tenir à cette planete par une longue bande de lumière. A mefure que Saturne paffa dans d'autres pofitions à l’égard du Soleil ôc de la Terre , il vit fes longues anfes qui n’étoient que des traits de lumière , s’élargir ôc prendre la forme des extrémités d’une ellipfe fort alongée. Delà Saturne pourfuivant fon chemin, cette ellipfe lui parut continuer à s’élargir, ôc prendre l’apparence qu’auroit l’intervalle entre deux cercles concentriques vus obliquement. Ces phénomènes lui apprirent , ou le confirmèrent dans l’idée qu’ils étoient produits par un corps plat ôc circulaire, femblable à un anneau. Ce fut en 1655 , que M. Huyghens fit cette découverte. Il la publia l’année fuivante fous des lettres tranfpofées, qui fignifioient, fuivant l’interprétation qu’il en donna dans la fuite, Saturnus cingitur annulo tenui,plano> nufquàm coherente3 & ad eclipticam inclinato. En effet, fi l’on fuppofe Saturne environné d’un pareil anneau , incliné au plan de fon orbite, ôc toujours parallele à lui-même, on rend parfaitement raifon de toutes les apparences que préfente fucceflivement cette planete. Lorfque le Soleil ôc la Terre étant du même coté, celle-ci fera élevée le plus qu’il fe peut fur le plan de cet anneau, on aura la phafe où fes anfes paroiffent les plus ouvertes. Cela arrive lorfque Saturn^ eft vers le 20e degré ôc demi des Gémeaux ôc du Sagittaire* Delà Saturne continuant fon cours, le plan de fon ann^u prolongé paffera plus près de la terre : il en fera vu plus obliquement , ôc fes anfes fe rétréciront. Quelque tems après > d Y aura une fituation de Saturne , où le plan de l’anneau rencom trera la Terre ou le Soleil: dans l’un ôc l’autre cas, d difp*" roîtra aux yeux du fpectateur terreftre, parce que fon ép/11 /* feur étant peu confidérable, ôc étant la feule partie qui e préfente , ou qui eft éclairée du Soleil, elle ne renverr^ P^? afTez de lumière pour frapper nos organes d’auiîi loin' Ain 1 r 0 Saturne DES MATHÉMATI QU E S. Part. IV. Liv. VIII. 481 Saturne paroîtra parfaitement rond. C’eft: l’afpeét qu’il pré-fente lorfqu’il eft: vers le vingtième degré ôc demi des Poif-fons ôc de la Vierge. M. Huyghens a obferve qu’alors le difque paroît traverfé d’un trait de lumière moins vive, ce qui donne lieu de conjecturer que l’anneau eft: moins propre dans fon épaiffeur à réfléchir la lumière que dans fon plan , ou que la planete elle-même. Il arrivera encore quelquefois que le plan de l’anneau prolongée paffant entre la Terre ôc le Soleil , cet aftre en éclairera un côté , tandis que ce fera l’autre ejui fe préfentera à l’obfervateur terreftre. Ce fera une nouvelle caufe d’occultation , qui pourra occaflonner quelques irrégularités apparentes, mais qu’il fera toujours facile de prévoir ôc d’expliquer, en faifant attention aux circonflances de la pofttion du Soleil ôc de celle de la terre. Tel efi: le précis de l’explication que M. Huyghens donne des phénomènes de Saturne , ÔC qu’il établit au long dans fon Śyflema Saturnium : l’expérience de près d’un fiecle a montré quelle étoit jufte, même tous les Aftronomes de fon tems , frappés de fa fim-pücité ôc de fa juftefTe , l’adopterent comme par acclamation. Je ne lui connois de contradicteurs qu’Euftache Divini , ou plutôt le P. Fabri, qui fous ce nom publia contre M. Huyghens 3 un écrit affez aigre, ou il lui conteftoit fes obfervations, ^propofoit un autre fyftême d’explications (a) ; Huyghens répli-qpa, ôc montra facilement que ce fyftême étoit, pour ne rien Aire de plus, peu raifonnable (b). Mais ce Pere, d’ailleurs céle-, a mérité fon pardon de la poftérité , en adoptant dans la iuite le fentiment de M. Huyghens. On a feulement vu en 1684, un Aftronome d’Avignon ( M. Gallet ) , homme allez cpnnu, ÔC même avantageusement , par quelques obfervations ôc divers écrits (c), prétendre que toutes les apparences de Saturne, auffi bien que celles de Jupiter n’étoient que es illufions occafionnées par les réfractions des verres. Cette ee fînguliere n’a pas même eu les honneurs d’une réfutation. r ^ ^ aÆiduité de M. Huyghens à obferver Saturne, lui value ne autre découverte, fçavoir celle d’un des Satellites de ce-tte LJ ^fPV'ls annot. infyflema Saturnium C. Hugenii. Rom. \ 6io. le) Jevis aJfsrtl0 fyft' fui- Hag. 1661. [C) Lavenlca, feu tab. Sol. * . - * ' lQmz IL Ppp 4SI HISTOIRE planete. Je dis d’un des Satellites ; car le le&eur n’ignore pas, fans doute, que Saturne en a cinq. Celui de M. Huyghens efi; le quatrième, en commençant à les compter du plus voifin. Il commença à l’appercevoir dans le mois de Mars de l’année 1655 , 6c il publia l’année fuivante fa découverte par un petit écrit particulier. Il s’eft davantage étendu depuis fur ce fujet dans fon Syflema Saturnium, dont la première partie eft occupée à faire l’hiftoire de fes obfervations. Il y fixe la révolution de cette petite planete à 1 j jours, 22 heures, 39 minutes: les obfervations poftérieures ont appris quelle eft de 15 jours, 22 heures, 41 minutes. M. Huyghens comptoit alors que ce Satellite de Saturne étoit unique ; quelques bons que fuffent fes Télefcopes, il n’avoit pu appercevoir que celui-là. Il fe perfuada même qu’il lie devoit pas y en avoir davantage. Car tenant encore un peu aux myftérieufes propriétés des nombres, il difoit que les planetes principales n’étant qu’au nombre de fix, il ne pouvoit pas y avoir plus de fix planetes fecondaires ; de forte que celle qu’il venoit de découvrir étant la 6e, notre fyftême fe trouvoit complet. Il fe trompoit néanmoins , 6c cette découverte qu’il croyoit achevée , n’étoit encore qu’ébauchée. C’eft le célébré M. CaJJlni 3 qui y a mis la derniere main. Il apperçut en 16719 un nouveau Satellite, qui fait fa révolution en 79 jours ,22 heures, 4 minutes ; c’eft le cinquième ou le plus extérieur de tous. Le troifieme fut découvert en 1672 ; celui-ci ne demeure que 4 jours, 13 heures, 47 minutes. On le nomma alors le premier; car on crut qu’il n’y en avoit pas davantage ; mais les excellentes lunettes de Campani3 ont fervi à en découvrir encore deux autres , l’un qui fait fa révolution en 2 jours, i7 heures, 4i minutes, 6c l’autre en 1 jour, 21 heures, 19 ml' nutes. Depuis ce tems, avec quelque inftrument qu’on ait ob~ ferve Saturne, on ne lui a point apperçu de nouveau Satelhte* Mais ç’en eft bien aftez : les Saturniens , s’il eft permis de segayer ici, ne font pas à plaindre avec leur anneau 6c leur5 cinq Lunes. A la vérité , ils font fi éloignés de la fource de & lumière, que nous ferions in juftes de leur envier ce petit dédommagement. Au refte, les Satellites do; r nous venot15 dc raconter la découverte, n’ont probablement rien de cor1111111/1 avec ceux que le P. Rheita, avoit déjà donnés à Saturne des DES MATH É M AT IQUES. Part. IV- Liv, VIII. 483 l’année 1643. Ce bon Pere ^ auteur d’un Livre d’Aftronomie, intitulé : Oculus Enoch & Elice > feu radius Sidereo-myflicus , avoit aufii prétendu augmenter de cinq le nombre des Satellites dc Jupiter. Mais il avoit certainement pris pour des Satellites de Jupiter des fixes voifines. Il en eft probablement de même du Satellite qu’il donna à Mars en 1640. Revenons à Saturne. Depuis qu’on a beaucoup perfectionné les Télefcopes, ou qu’on en a conftruit à réfieCtion, on a remarqué dans Saturne diverfes particularités qui avoient échappé à M. Huyghens ; on a vu fur fon difque diverfes bandes obfcures 6c parallèles à celle que forme ion anneau. On a même vu l’ombre de Saturne fur cet anneau, mais rien n’a pu faire con-noître fi cette planete a un mouvement autour de fon axe. Cela eft cependant probable, du moins à en juger par analogie. On peut aufii conjecturer que fon anneau a un mouvement femblable ; car à moins de le fuppofer tout d’une piece, ôc d’une matière aufii dure que le rocher, il n’y a qu’un mouvement de rotation qui puiffe l’empêcher de retomber par parties fur le globe de Saturne. Ce n’eft pas feulement l’Aftronomie théorique qui a des obligations à M. Huyghens : deux inventions d’Aftronomie pratique , le rendront encore à jamais mémorable dans l’hiftoire de cette fcience. Car c’eft à lui qu’elle doit le moyen exaCt dont nous fommes aujourd’hui en pofTefïion pour mefurer le tems, & la première ébauche du Micromètre. Le premier de ces objets nous a déjà fuffifamment occupés dans le Livre précédent : nous remettons à parler du fécond dans un des articles fuivans , afin d’y réunir tout ce qu’il y a à dire fur le le dernier de ces inftrumens. Eerfonne n’a porté plus loin que M. Huyghens, l’art de travailler les verres de Télefcopes. Perfuadé avec raifon que le progrès des découvertes céleftes fuivroient ceux de cet art, il s attacha dès fa jeuneffe à le perfectionner {a) ; 6c en effet, il parvint à fe procurer des verres bien fupérieurs, foit pour la longueur du foyer, foit pour l’excellence , à tous ceux qui et°ient fortis jufqu’alors des mains des meilleurs Artiftes en Cc genre. Ce fut avec un Télefcope de 23 pieds qu’il vit ce (a) Voyez fbn Comm, de poliendis vitris, Op. Pofth, T. tu Ppp ij 4S4 HISTOIRE que ^ ni Euftache Divini avec fes Télefcopes renommés, nï Hevelius avec le lien de 140 pieds, n’avoient pu appercevoir. affez diftinélement. Dans la fuite, il en fit de plus de ioo pieds de foyer. La Société Royale en poffede un de 123 pieds, & un autre de 120, dont M. Huyghens lui fit préfent lors d’un de fes voyages en Angleterre... Mais ce n’efl pas allez que d’avoir des objectifs d’une portée auffi confidérable. Les Afironomes qui ont eu à manier de. longs Télefcopes, ne fçavent que trop à combien d inconveniens ils font fujets. Leur poids, la flexion des tubes, la difficulté de les diriger , font autant d’obflacles à leur ufage, dès qu’ils pafïent les dimenfions ordinaires. Auffi cette difficulté d’Aflronomie pratique, avoit-clle déjà occupé bien des Afironomes. Rien n’efl plus heureux au premier abord-, que la folution qu’en avoit donné un Aftronome de Touloufe , ( M. Boÿat ) [a) : il propofoit de laiffer le tube du Télefcope , immobile de lui préfenter l’aftre par le moyen d’un miroir mobile. Malheureureufement l’épreuve n’a pas répondu à la théorie ; l’expérience a montré que les moindres défeéluofités du miroir troublent tellement l’image, qu’on ne peut attendre delà aucun fuccès. Quelques autres Aftronomes, comme MM. Comiers {b) Sc Au^out (c), avoient propofé de fupprimer les tuyaux qui ne font pas de l’effence du Télefcope; ôc ils avoient imaginé, des moyens pour diriger l’objectif à l’objet, ôc fe mettre avec l’oculaire dans l’éloignement ô£ 3a fituation convenables. C’eft à ce dernier parti que s’en tint. M. Huyghens ; ôc il s’attacha à le perfectionner dans fon Af-irojcopia compendiaria a tuhi molimineAiherata , qu’il publia en 1684. Cette méthode de M. Huyghens} a été- mife en pratique avec aftez de fuccès, foit par lui-même, foit par divers autres Aftronomes , comme MM. Pound ôc Bradlei , lorfqu’ilS' fe, fervirent dc fon verre de 123 pieds , pour obferver Saturne ;. ce fut auffi de certe maniéré que s’y prit M. Bianchini, lorfqu’il fe mit à obferver Venus avec des objectifs de Campa?ii, de quelques centaines de palmes. Mais nonobftant ces fufFrages^ . on ne peut, difeonvenir }, que c’eft encore quelque chofe de; {a) J onrnal des Sçavans, 1681. {b) Difcours fur les Cometes. Par. <666 3 à la fin. \c) Lett. à l’Abbc Charles, &c, DES MATHÉMATI QU E S. Pan. IV. Liv. VIII. 48 5 Fort embarraftant, 6c le Télefcope à réfleétion eft venu fort •à propos nous affranchir de la nécefîité de recourir à ces moyens. M. Huyghens étoit d’un pays trop intéreffé à la folution du problème des longitudes , pour ne pas tourner auffi de ce côté quelques-unes de fes vues. C’étoit en partie l’objet qu’il fe propofoit en imaginant fon horloge à pendule : car le problème dépend , comme l’on fçait, prefque uniquement de trouver une mefure exacte du tems en mer. Les premiers efiais furent d’abord alfez favorables à l’invention de M. Huyghens on en lit le récit dans les Tranf. Phil. de l’année 1665 ; mais les obfervations poftérieures ont appris , que les moyens qu’il propofé pour mettre le pendule à l’abri des inégalités occafion-nées par les mouvemens du navire (a), ne fuffîfent pas. M. Huyghens en a donc cherché d’autres, 6c il croyoit à la fin de fa vie les avoir découverts. Il dit dans les Actes de Leipfick de l’année 1693, qu’il a trouvé une courbe qui fervira à concilier à fes pendules le mouvement le plus égal , fans qu’il puifte être troublé par ceux du navire, 6c il donne l’équation de cette courbe en lettres tranfpofées. Mais la mort, en l’enlevant, a auffi enlevé fon fecret. Je ne dis qu’un mot de deux ouvrages pofthumes de M. Huyghens : l’un eft fon Authomatum Planétarium , ou la deferip-tion d’une machine propre à repréfenter les mouvemens 6c les périodes des planetes. On y remarque avec plaifir la maniéré ingénieufe dont M. Huyghens parvient, malgré l’incommen-furabilité de ces périodes , à repréfenter leur rapport. Il le fait avec tant d’exaétitude, qu’après trente révolutions de la terre Saturne , . par exemple , n’eft trop avancé dans ion cercle que d’environ deux minutes 6c demie. Il fe fert pour cela de cette cfpece de fractions appellées continues, 6c dont on a parlé à l’occafion de la quadrature du cercle de Milord Brouncker. Les. Anglois qui ont exécuté ces dernieres années plufieurs de ces inftrumens , leur ont donné le nom d’Orreryes, à caufe que le premier qui ait été fait chez eux , étoit deftiné au Comte d’Orrery. On les verra probablement quelque jour s’auto-rifer de ce nom pour en revendiquer l’invention» fa) Horoh Ofcill, Fondation des Académies & des obferva-toires de Pari s & de Londres. 436 histoire L’autre ouvrage pofthume de M. Huyghens, eft fon Cofmo-theoros feu de terris celeflibus earumque ornatu conjécturce, titre qui explique fufïifamment l’objet de ce Livre. Mais M. Huyghens l’eut rendu bien plus agréable , fi moins auftere Philofophe , il y eut fait ufage des reiïources de la fidtion , à l’exemple de Kepler, dans fon Somnium de Aflronomia lunari , ou du Pere Kircher, dans fon lter extaticum. L’idée du célébré Jéfuite , étoit ingénieufe : il eft dommage que fon guide ne foit pas un meilleur Philofophe. On ne fçauroit toucher à cette matière fans fonger aulli-tot à l’ouvrage ingénieux Ôc philofophique de M. de Fontenelle , nous voulons dire fes Dialogues fur la pluralité des Mondes. Cet ouvrage eft fi connu , que ce que nous en dirions ici n’ajouteroit rien à fa célébrité. I L Il eft peu de Sciences qui ait un plus grand befoin de la protection des Souverains, que l’Aftronomie. Les autres parties des Mathématiques, prefque uniquement l’ouvrage de la théorie ôc de la méditation , peuvent être cultivées avec fuccès par des particuliers doués de génie. Mais l’Aftronomie ne prenant d’accroiftèment qu’à proportion qu’on obferve, ôc qu’on obferve avec plus de précifîon , exige des dépenfes confidera-bles en inftrumens , quelquefois des voyages difpendieux , des fecours enfin le plus fouvent au deffus des facultés d’un particulier. Sans la magnificence des Ptoléméesfans celle de quelques Princes Orientaux , amateurs de cette fcience, elle n’eut point fait, ni chez les Grecs , ni chez les Arabes, les progres qu’on lui vit faire. Sans la protection de Frédéric 9 Roi de Dan-nemarck , Tycho-Brahê n’eut jamais raffemblé les matériaux précieux que Kepler mit depuis en œuvre avec tant de fuccès» L’Aftronomie n’a pas de moindres obligations à Louis XIV ôc à Charles IL Ses annales rappelleront toujours avec recoH-noifïance les fecours ôc les encouragemens que ces Princes lui ont donnés, ôc furtout la fondation des deux Obfervatoires fameux de Paris ôc de Londres, élevés fous leurs aufpices& d’où font forties tant de découvertes brillantes. Nous y join" drons auffi l’établiffement des deux Académies célébrés fi”1 fleuriflent dans ces capitales. Car quoique toutes les con^on-fances naturelles foient du reffort de ces Académies, il femble DES MâTHÉMAT I QU E S. Part. IV. Liv. VIII. 487 que c’eft furtout l’Aftronomie qui s’eft reflentie de leur infti-tucion. En effet, ft 1’Aftronomie exige des fecours 6c des dé-penfes royales, elle ne demande pas moins ce concours de vues, cette fucceffion non interrompue de travaux qu’on ne peut attendre que d’un corps toujours fubfîftant, quoique fes membres fe renouvellent, C’eft ce motif qui nous a fait différer jufqu’ici à parler de cette inftitution , fi. digne de figurer dans cet ouvrage. O ^ C’eft l’Angleterre , il faut en convenir, qui montra à la France l’exemple de ce genre d’établiffement. La Société Royale de Londres , aînée de quelques années de l’Académie Royale des Sciences de Paris, date des premiers jours du rappel de Charles 11. A la vérité, il femble que l’idée de ces affem-blées fçavantes, l’Angleterre la tenoit de l’Italie 6c de la France même. Il y avoit depuis plufieurs années à Florence une Société de Sçavans connue fous le nom & Academia del Ci-mento, qui s’addonnoit fpécialement à la Philofophie naturelle. Paris avoit vu aulîi dès le tems du P. Merfenne, divers particuliers liés par le feul amour des Sciences, 6c furtout de la Phylique 6c des Mathématiques, tenir des affemblées dont l’objet étoit de converfer fur ces matières , 6c de fe communiquer mutuellement leurs vues 6c leurs découvertes. Mais comme 1 Angleterre fe défend toujours de rien devoir au continent , encore moins à la France, elle rapporte la naiftànce de la So-^été Royale, à une autre caufe. Suivant fon hiftoire (a), cette Société célébré doit fon origine aux affemblées. fçavantes que tenoient, durant la tyrannie deCromwel, quelques particuliers Retirés a Oxford , 6c dont plufieurs étant attachés à la famille *}u Roi Charles I, cherchoient autant par-là à fe dérober aux {oup^ons de l’ufurpateur , qu’à contribuer aux progrès des Sciences. Les principaux membres de ces affemblées, étoient es Docteurs IVctllis, IVilkins , IVard ; le célébré Boite , Mef-leuis Rook, IVren j Betty. Après le rappel de Charles //, plu* !eurs d entr’eux revinrent à Londres, ou leur nombre s’accrut e quelques autres amateurs des connoilïànces naturelles , P^irni lefquels on diftingue Milord Brouncker, les Cheva- pf' R°yal Society, par M. T. Françoife encore plus pitoyable. L'ignora,-,. '■ B un ouvrage pitoyablement rance d’un traducteur ne fçauroit aller plus fait en e,u. un ouvra£e P“eyablement ■tmglois ? & dont on a unę tradućlion rance d’un traducteur ne fçauroit aller plus loin. 488 HISTOIRE liers Moray y Neil, dcc. Charles Il, qui, malgré fa diffipatioâ de fon penchant au plaifir, aimoit les Sciences, goûta l’idée de cette Société, & lui accorda en 1660, des Lettres Patentes , par lefquelles il l’érigea en Société Royale , la mettant fous fa protection, de fous celle de fes fucceffeurs. Elle commença en 166 5 , à publier fes Mémoires, qui portent le nom dc Tranf actions Philofophiques. On ne fçauroit trop regretter qu’on ait fongé fi tard à nous donner cette précieufe collection dans notre langue, de trop applaudir au delfein de M. de Bre-mond, qui avoit commencé ce travail (a). La mort de cet Académicien n’a pas fait échouer l’entreprife ; elle eft aujourd’hui confiée aux foins de M. Demours , déjà fort connu par divers ouvrages importans ^ de le Public ne tardera pas à voir fatisfaire fon impatience fur la fuite de cette traduction. L’Académie Royale des Sciences de Paris , prit naiflànce en 1666. Lorfqu’après la paix des Pyrénées, M. Colbert forma le projet d’encourager les Arts , le Commerce de les Sciences , il choifit ceux qui s’étoient le plus diftingués par leurs découvertes de leurs talens, pour en former un corps fur lequel le Roi verferoit fes bienfaits d’une façon plus particulière. Ces premiers Académiciens furent Meffieurs de Carcavi, Huyghens, Roberval, Frenicle, Auront, Picard de Buot, tous Mathéma*. ticiens. On leur adjoignit enfuite des Chimiftes , des Anato-miftes, dec , de le Roi leur affiigna une des falles de fa Bibliothèque , pour y tenir leurs affemblées. Chacun fçait qu’ea 16y y , cet illurtrc Corps reçut une nouvelle forme , de , pour :àinfi dire, une nouvelle exiftence, avec des affurances dune protection plus marquée de Sa Majefté. Avant ce tems ^ l’Aca' demie avoit déjà publié à diverfes reprifes quantité de Mémoires de d’écrits qui ont été rédigés en 10 vol. in-40. & cllf i73r>I73^,,I737,a' vn volume de Tables, depuis le commencement de la Société Royale j 11^ x7 ? /* DES MATHÉMATIQUE S. Part. IV. Liv. VIII. 489 leur extraie, de le récit des événemens les plus remarquables arrivés dans Ton fein , fous le titre d’hiftoire. Le fécond établiftement, uniquement dévoué aux progrès de l’Aftronomie , eft celui des Obfervatoires de Paris de de Greenwich. Ici Paris a la primauté ; à peine l’Académie des Sciences étoit raffemblée, que Louis XIV3 qui vouloit aulîi hâter les progrès dc l’Aftronomie de de la Géographie , appel-loit d’Italie le célébré M. CaJJlni, de ordonnoit la conftruc-tien d’un Obfervatoire digne de fa magnificence. Le lieu en fut déligné dès le milieu de l’année i66j, de les fondemens en furent jettes la même année. Ce magnifique monument de l’Aftronomie, l’un des chefs-d’œuvres de Perrault, de dc l’Architecture Françoife , eft trop connu par les gravures , pour nous amufer à le décrire. L’ouvrage fut conduit avec rapidité , malgré fa grandeur de la nature de fa conftruétion , de il fut entièrement achevé en 16^75. Sa Majefté le fournit de nombreux inftrumens , ouvrages des meilleurs Artiftes, de depuis lors il n’a celle de produire d’importantes découvertes en Aftronomie. Cependant, aujourd’hui que les Sçavans ne veulent rien perdre de leurs droits aux agrémens de la fociété, l’éloignement où eft cet édifice du centre de la ville, commence à le rendre moins habité. Les Aftronomes ont trouvé qu’il valoir beaucoup mieux faire des dépenfes en inftrumens , qu’en bâtimens magnifiques de élevés. Une Tour folide, d’ex-cellens inftrumens , de beaucoup d’alîiduité à obferver, font tout ce qu’il faut pour les progrès de l:Aftronomic. Londres, toujours émule de Paris , comme Paris l’eft dc f-ondres , ne tarda pas à avoir dans fes environs un édifice def-tlrié aux mêmes travaux. Voici ce qui donna lieu à fa confection. Vers l’année 1673 , un nommé le Sieur de Saint-Pierre 5 fe préfenta à la Cour de Charles II, annonçant la découverte des longitudes, de il obtint qu’on nommât des Com-^iflaires de l’Amirauté pour examiner fon invention. Ceux-j1. travaillant à cet examen, admirent dans leurs affemblées divers Mathématiciens habiles , entr’autres M. Flamflead. Cec Aftronome, encore jeune alors, mais qui avoit déjà donné preuves d’un talent fupérieur, montra facilement que finition propofée étoit infufHfante, parce que ni les Tables Tome II. Q q q 490 HISTOIRE des lieux des fixes , ni la théorie de la Lune, que le Sieur dc Saint-Pierre employoit, à l’exemple de Morin , n’avoient ac* quis affez de perfection pour pouvoir compter fur elles. Il écrivit fur ce fujet deux lettres, Tune adreffée aux Commiffaires , l’autre à l’Auteur du projet pour étendre ôc confirmer davantage ce qu’il avoit dit. Cette affaire fit du bruit à la Cour, par l’intérêt qu’y prenoit la fameufe Ducheffe de Porft-mouth, dont le Sieur de Saint-Pierre avoit gagné la faveur , ôc les deux Lettres de Flamflead étant tombées entre les mains dc Charles 113 il en fut étonné , ôc il ordonna aufli-tot qu’on perfectionnât ce s parties de l’Aftronomie pour l’utilité de la Marine. On lui repréfenta que ce travail exigeoit un homme entier , ôc des fecours que l’Aftronomie n’avoit point encore eus; fur quoi il ordonna la conftruCtion d’un Obfervatoire, ôc il choifit lui-même pour y obferver, M. Flamflead, le nommant fon Aftronome avec cent guinées d’appointemens. On balança quelque tems fur la fituation du nouvel Obfervatoire. On jetta les yeux fur Chelfea, Hyde-Park, Greenwich ; mais enfin ce dernier fut préféré. C’eft un lieu à deux mille de Londres, en defcendant la Tamife. Là fur une colline charmante , ôc où la vue eft continuellement recréée par le paflage d’une foule de bâtimens, s’élève l’Obfervatoire dont nous parlons , plus régulier ôc commode que magnifique. Les fondemens en furent pofés le i o Août 1675, ôc il fut achevé en 1679. M. Flamf-tead y a obferve depuis ce tems, jufqu’à fa mort qui arriva en 172.0. Nous rendrons compte, quand il en fera tems, de fes travaux. Il a eu pour fuccefleur M. Hallei, fi connu partout où l’Aflronomie eft en honneur. Sa place eft aujourd’hui remplie par M. Bradley , non moins célébré que fes deux iliuftres pré-déceffeurs, par diverfes découvertes mémorables , ôc entr’au" très celle de l’aberration de la lumière. I I I. PeM.CaJfinl L’inftitution de l’Académie Royale des Sciences,, ôc la conf-truétion d’un magnifique Obfervatoire, ne font pas les feuls encouragemens que l’Aftronomie reçut en France, vers Ie mi' lieu du fiecle pafTé. L’Italie poffédoit alors un homme rai^ DES MATHÉMAT IQUE S. Part. IV. Liv.yill. 491 par fes talens aftronomiques , 6c qui s’étoit déjà illuftré par quantité de découvertes, le célébré M. CaJJlni, en un mot (a). Louis XIV forma le deflein de le lui enlever, 6c d’en enrichir fes Etats, pour y faire davantage fleurir l’Aftronomie. 11 le fit demander par fon Ambaftadeur au Pape Clément IX, 6C au Sénat dc Boulogne. L’Italie, qui connoifloit tout le prix de cer homme illuftré, ne confentit pas facilement à s’en voir privée, 6c ne le céda à la France que pour flx ans. Ce fut fous cette condition que M. CaJJlni partit pour Paris, où il arriva au commencement de l’année 1669. Louis XIV le reçut avec les diftinćtions dont il fçavoit honorer le mérite, 6c le décora du titre d’Aftronome royal. Les flx années de fon congé étant fur le point d’expirer, l’Italie impatiente commençoit à revendiquer fon bien ; mais les bienfaits du Roi fixèrent M. CaJJlni en. France, où il a laifle une poftérité qui a dignement foutenu , 6c qui foutient encore ce nom célébré. Pour faire connoître toutes les obligations qu’on a à ce grand Aftronome, il nous faut reprendre les chofes de plus haut, 6c avant fon établifle-ment en France. M. CaJJlni rendit-dès l’année 1653 un fervice fignalé à l’Astronomie. Chacun fçait combien des obfervations faites avec un gnomon d’une hauteur confidérable, font précieufes aux Aftronomes pour la théorie du Soleil. Ces inftrumens font effectivement par leur grandeur prefque les feuls capables de fournir la détermination de plufieurs points délicats de cette théo rie , comme la déclinaifon de l’écliptique, l’entrée du Soleil dans les tropiques, 6cc. Il y en avoit un à Boulogne, dans l’Eglife de S. Petrone ; mais le V .Egnatio Dante > qui l’avoit conftruit en 1375 , n’avoit pu, apparemment à caufe de quelque fu- (a.) M. Cafïini ( Jean Dominique ) naquit à Perinaldo, dans le Comté de Nice , le 8 Juin 161 y- H fe livra dès fa tendre jeunelle a l’Aftronomie , avec cette ardeur 6c ces fuccès qui caraèlérifent le génie , de forte que le Marquis deMalvafia lui procura, 16 yo , la Chaire d’Aftronomie vacante à Boulogne , par la mort de Cavalleri. Il vint en France en 1669 , appelle par Louis XIV, & il continua durant encore plus de 4o ans a enrichir l’Aflronomie d’une mul-titude d’inventions & d’ouvrages curieux, ^ers la fia de fa vie, il eut le même fort que Galilée , nous voulons dire qu'il perdit ces yeux , qui de meme que ceux de Ion célébré compatriote, avoient découvert un nouveau monde , & même un monde bien plus reculé. Il mourut à Paris le 11 Sept. 1711. Le catalogue de tous les écrits qu’il a publiés durant fa vie feroit fi long , que nous nous en tiendrons a ceux que nous citons dans le cours de cet article. Le le&eur curieux de ces détails de Bibliographie , pourra les ralfembler d'après l’Hiftoire de l’Académie, Qqq q 492 HISTOIRE jécion , décrire une méridienne pour y recevoir l’image du Soleil, de forte qu’il s’étoit contenté d’une ligne qui en décli-noit de^quelques degrés. Son objet n’étoit que de montrer par une obfervation à la portée des moins intelligens, combien l’équinoxe du printems s’écartoit du 21 Mars, auquel il étoit cenfé arriver ; ce qui n’exigcoit pas davantage de précifîon qu’il y en mit. M. CaJJlni, qui afpiroit à éclaircir quelques points délicats de la théorie du Soleil, par des obfervations d’une exaélitude particulière, faifît l’occafion heureufe qui fe préfenta en 1653, de changer l’ouvrage de Dante, 6c de conftruire un gnomon parfait. On travailloit alors à reftaurer & à augmenter le Temple de S. Petrone. M. CaJJlni s’adreffa au Sénat de Boulogne, pour avoir la pcrmifîîon qu’il deliroit, 6c il l’obtint. 11 traça dans un autre endroit de l’Eglife une véritable méridienne qui , contre l’attente ôc le jugement de tout le monde, palla entre deux piliers, contre l’un defquels elle paroilToit devoir aller ■échouer. Heureufement, M. CaJJlni en jugea mieux , ôc pour le bien de l’Aftronomie, il eut raifon. Perpendiculairement au delfus de cette ligne , ôc à la hauteur de 1000 pouces , ou 125 palmes Boulonois , qui font environ 83 pieds de Paris , il plaça horizontalement une plaque de bronze , folidement fcellée dans la voûte, ôc percée d’un trou circulaire qui a précifément un pouce dc diametre. C’eft par ce trou qu’entre le rayon folaire, qui forme tous les jours à midi fur la méridienne l’image elliptique du Soleil. Cette élévation confidérable fait qu’à la variation d’une minute en hauteur, répondent près du folftice d’Eté, 4 lignes, 6c près de celui d’Hy ver, 2 pouces 1 ligne; de forte que les moindres inégalités, foit dans la déclinaifon , foit dans le diametre apparent du Soleil, font extrêmement fenfibles. Ce magnifique ouvrage, fut achevé en 1656 , affez à tems pour permettre à M. CaJJlni de faire l’obfervation de l’équinoxe du Printems , (a) à laquelle il avoit invité les Astronomes , en leur faifant part de la conftruélion de fa nouvelle méridienne , 6c des travaux qu’il fe propofoit d’exécuter par fon moyen. Ce que M. CaJJini avoit eu en vue, il l’obtint. Ce grand M Obf ccquin, ver fi. ann. 1666, in-fol. DES MA THÉ MAT IQUE S. Pan. IV. Liv. Vin. 493 inftrument le mit en état de faire à la théorie du Soleil des corrections très importantes, 6c qui, par leur dëlicatefTe, échap-poient à toutes les autres maniérés d’obferver. Il trouva que la déclinaifon de l’écliptique devoit être diminuée dienviron une minute 6e demie, c’eft-à-dire , qu’au lieu de 23°, 30', que lui donnoient la plupart des Aftronomes , elle n’étoit guere que de 23% 28', 3o//. Ces obfervations lui apprirent aufîi que l’excentricité, ou la demi-diftance des foyers de l’orbite fo-laire , étoit moindre que celle de Kepler, qui l’avoit faite dans fes Tables de 1S 00 parties , dont l’axe entier eft ioeooo. M. CaJJini lui en afiigna feulement 1700. Il reconnut encore que Tycho s’étoit trompé en n’étendant les réfractions folai-res que jufqu’au 45e degré d’élévation ; 6c il confirma par l’obfervation , ce qu’une folide théorie lui avoit déjà appris, fçavoir que la réfraction s’étend jufqu’au zénith. Il mit enfin hors de conteftation l’inégalité réelle du mouvement du Soleil , par la comparaifon exacte du diametre apparent dc cet aftre, 6c de l’accélération de fon mouvement dans les divers lieux de fon orbite. C’étoit un point fur lequel il y avoit encore parmi les Aftronomes quelque divifion ; mais lorfque l’oracle de Boulogne , nous voulons dire, la méridienne de Saint Petrone , eut parlé, tous ceux qui balançoient encore , ic rendirent. M. CaJJini drefta, d’après tous ces Elémens corrigés, de nouvelles Tables folaires,qu’il publia en 1662, avec les Ephémerides du Marquis de M.alvajia (a). Elles eurent 1 avantage de s’accorder mieux que toutes les précédentes aVec le mouvement du Soleil. Il l’éprouva à diverfes reprifes Par le moyen de fa méridienne, 8c M. NLontanari a attefté dans *ln écrit public j que le Soleil ne manqua jamais de pafter par le point de la méridienne 6c au moment, marqués par le calcul. M. CaJJini a eu depuis l’agrément de voir toutes ces ccrrec-tlons s’accorder de fort près avec les obfervations des Aftro-p?1Tles de 1 Académie, que le Roi envoya en Amérique ôc vers 1 eftuateur , quelques années après {b). e magnifique monument dont nous venons de parler, 11c AJlron. cum T.ibulis, ad March. nés par M. Cafïïni , & vérifiés par le rap-bus. AluC* ’ inferta ejufdem Ephemeridi- port de lès T ables , avec les obfervations /b) t66z ’ , faites à rifle de Cayenne, &c. Anciens ' ' mens de l’Aflronomie det-Çrnri- Mem, dc ÏAcad. T. vil, 494 HISTOIRE fçauroit manquer d’intéreflér les amateurs de l’Aftronomie^ ôc leur fera fans doute delirer d’en fuivre l’hiftoire jufqu’à nos jours. Lorfqu’après environ 30 ans de féjour en France , M. Cajjini alla revoir fa patrie, il ne manqua pas d’aller reconnoître l’état de fon gnomon. Il fe trouva que le cercle de bronze qui lui fert de fommet, étoit un peu forti de la ligne verticale où il devoit être ; ôc que le pavé fur lequel étoit tracée la méridienne, s’étoit un peu afiaifTé. M. Cajfini rétablit les chofes dans leur ancien état, ôc M. Guglielmini fut chargé pour 1’inftrućlion de la poftérité , de décrire les opérations faites dans cette occafion. C’eft-là le fujet du Livre qu’il publia peu après fous le titre de la meridiana di S. Petronio re-vi fla & reti rata per le ojjervajoni dei S. Dom. Cajjini, &c, ( Bon. in-fol. ) Depuis ce tems, M Euftache Manjredi a de nouveau vérifié ôc rećtifie le gnomon de Saint Petrone. On lit dans les Mémoires de l’Académie de Boulogne, le récit des Opérations qu’il fit dans cette vue, avec d’excellentes réflexions fur ces fortes d’inftrumens. Au refie , dans ces deux vérifications , on ne trouva pas que la pofition de la méridienne eût éprouvé aucun changement ; ce qui détruit la conjeéfure de ceux qui avoient foupçonné que cette ligne étoit fujette à quelque variation. S’il y en a quelqu’une, on peut du moins aftù-rer qu’elle efl fi lente que dans un fiecle entier elle n’efl point perceptible. Boulogne n’efl plus la feule ville qui jouifle de l’avantage d’un inftrument fi parfait ôc fi utile Diverfes villes de l’Europe où fleurit l’Aftronomic, ont depuis imité fon exemple , en-tr’autres Rome ôc Paris. Vers le commencement de ce fiecle* M. Bianchini éleva un gnomon dans la première de ces ville** Il eft placé dans les Thermes de Dioclétien , ôc il a 37 pieds de haut. Il fait le fujet de fon Livre De numo & gnomone Clf~ mentino , qu’il donna en 1703. Il y en a un autre dans l’Eg^fe appelle Delia Maddonna degC angeli, l’une de celles qui decorent la place du Peuple. Paris a le lien dans l’Eglife Sain*-Sulpice, où il a été conftruit en 1742, par les foins de M* Monnier. Sa hauteur efl de 73 pieds, & fa méridienne porre a Tune de fes extrémités , une infcription qui apprendra la hau-’ teur précife du Soleil au folftice, obfervée lors de l’é^dliuf1 de ce gnomon, Ôc qui mettra la poftérité en état de reco& DES MÂTHÉM AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. VIII. 49J noître très-certainement fi la déclinaifon de l’écliptique eft variable. Les autres utilités de ce monument, ôc le détail de fa conftrućtion, fe trouvent dans les Mémoires de l’Académie de l’année 1743. Le gnomon de Saint Petrone feroit cependant encore en pofïeffion d’être le plus haut, ôc par conféquent le plus parfait , comme le plus ancien de l’Europe , li depuis quelques années on n’avoit pas découvert un monument aftronomique de ce genre, qui lui enleve ce premier rang. C’eft le gnomon de l’Eglife Cathédrale, ou Notre-Dame del Flore de Florence. Il eft l’ouvrage de Pierre Tofcanella, Médecin ôc Mathématicien du quinzième iiecle ,qui le conftruilit vers l’an 1460. Il conlifte en une plaque de cuivre percée d’un trou de 22 lignes de diametre, ôc portée horizontalement en faillie par la corniche intérieure de la lanterne du Dôme; fa diftance au pavé eft de 277 pieds de Paris, ôc cinq pouces; hauteur prodi-gieufe , ôc qui furpafte celle de tous les autres gnomons de l’Europe, même pris enfemble. L’objet de Tofcanella, fut fans doute de mettre fes fuccelTeurs en état de déterminer par-là ft l’obliquité de l’éclitique étoit invariable: car on voit l’ima- te du Soleil folfticial à midi, marquée par un cercle de marre blanc , incrufté dans le pavé; ôc cette obfervation, d’abord £dte par Tojcanella, fut réitérée en 1510, comme il paroît par l’infcription à demi-effacée qui fubftfte encore. On s’étonnera fans doute qu’un pareil monument ait refté depuis ce tems comme inconnu ôc négligé dans le pays des Galilee ôc des Viviani. Ce fut M. de la Condamine, qui paf-lant ^ Florence au commencement de 175 5 , le découvrit en quelque forte, ÔC en follicita la reftauration. Ainft autrefois Cicéron fe trouvant à Syracufe , fit la découverte du tombeau d Archimede, que fes ingrats concitoyens avoient oublié, ôc jdfTe couvrir de ronces ôc d’épines. Le P. Leonard Ximenès , e la Compagnie de Jefus, chargé de la reftauration dont j^His venons de parler, l’a exécuté heureufement, ôc avec toute a dextérité Sc les foins qu’exige une pareille opération. Ce sÇvant Aftronome &; Cofmographe de Sa Majefté Impériale, çp f^.rvi la même année de ce gnomon pour obferver la dé-lr^ia‘ ,011 de l’écliptique , &: la comparer à celle qui avoit été uvee en 15 I0. Cette obfervation lui a paru prouver que de- 49 6 HISTOIRE puis ce tems l’écliptique s’eft approchée de l’équateur de i minute & 16 fécondés ; ce qui fait 31 fécondés par fiecle. 11 eft vrai que ceci fuppofe qu’il n’y ait eu depuis 1510 aucun mouvement dans les murs qui portent le fommet de ce gnomon, ou du moins qu’il n’y en a eu aucun qui foit capable d’influer fur les réfultats. Le P. Ximenès le penfe , &c il l’établit par des raifons affez fatisfaifantes. Cela eft d’autant plus probable, qu’on penfe aujourd’hui affez généralement que l’obliquité de l’écliptique diminue continuellement , 6c d’environ une demi-minute par fiecle. On peut voir de plus grands détails fur toutes ces chofes dans un Mémoire de ce fçavant Jéfuite fur la déclinaifon de l’écliptique, &; furtout dans fon curieux Livre de gnomone Florentino. Revenons à M. C affini. M. Cajjini a eu fur l’hypothefe elliptique , adoptée par tous les Aftronomes, une idée dont il eft à propos de parler ici. Il crut appercevoir encore dans l’ellipfe ancienne, employée par Kepler, quelques défeétuofttés, & pour y remédier , il en propofa une autre. Dans cette nouvelle ellipfe il y a, comme dans l’ancienne , deux foyers ; la différence confifte en ce que dans celle-ci les lignes tirées de chaque point aux deux foyers, forment une fomme confiante, au lieu que dans celle deM. Caffini ces deux lignes forment un produit, qui eft partout le même. Mais il y a fur cela diverfes obfervations à faire : la première, qui furprendra fans doute le leéteur, c’eft que, malgré toute fa fugacité, M. Cajjini ne prenoit pas l’hypothefe de Kepler comme il le falloit. Il fuppofoit qu e, Kepler, établiflànt le Soleil dans un des foyers de l’ellipfe, faifoit de l’autre le centre des mouvemens moyens. Or cette fuppofition a efFeéfivement le défaut que lui impute M. Cajjini ; mais la véritable hypothefe àc Kepler, celle où les aires , autour du foyer dans lequel ïè' fide le Soleil , croiffent comme les tems, n’a pas ce défa^* En fécond lieu, Pellipfe deM. CaJJi?ii a elle-même des défauts qui ne permettroient pas de l’employer : on trouve qu’elle trop rellerrée, trop applatie aux environs de l’axe conjugue ; de forte que vers les 90 Sc 270e degrés de diftance de l’apogée? elle repréfenteroit le Soleil beaucoup trop près. En troifieu10 lieu, quand même cette ellipfe feroit propre à repréfenter thématiquement les mouvemens céleftes, il ne paroitpas flue la phyfique pût l’admettre. En effet, la courbe dont nous Par~ DES MATHËM AT IQU E S. Part. W.Liv. VIII. 497 Ions, d’abord reffemblante à l’ellipfe ordinaire, c’eft-à-dire concave de tout coté vers fon axe quand les deux foyers ne font pas trop éloignés l’un de l’autre, devient, lorfque ces foyers font éloignés à un certain point, en partie concave, en partie convexe vers cet axe, comme on voit au nQ 2. Ces foyers s’éloignent-ils encore, la courbe devient femblable à un huit de Fig. chiffre , ainfi qu’on voit au n. 3. Après cela les foyers continuant à s’éloigner, elle fe divifé en deux ovales conjugués (voyez n.4); 6c ces ovales dégénèrent enfin en deux points conjugués, lorfque les foyers atteignent les extrémités de l’axe. On voit par-là que, s’il eft quelque loi phyfique en vertu de laquelle l’ellipfe dont on vient de parler puiffe être décrite, cette loi doit être fort compliquée ; ôc quoiqu’il n’y ait point de planete, dont l’excentricité foit affez grande pour caufer les bizarreries ci-deffus , il n’y a aucune vraifemblance qu’elles eufïènt lieu dans quelque hypothefe d’excentricité que ce foit. Une des principales découvertes fur lefquelles eft fondée la grande célébrité de M. Cajjini , eft celle de la vraie théorie des fatellites de Jupiter. Qui ne s’étonnera effectivement dc voir i’efprit humain ofer entreprendre de calculer les mouvemens de ces petites planetes fl éloignées de notre portée. De quelles exprefïions Pline fe fût-il fervi pour cara&érifer une pareille entreprife ; lui qui eft fi frappé d’admiration à. la vue de celle de dreffer un catalogue des fixes, qu’il ne peut fe refufer au plus véhément enthoufiafme. La théorie des fatellites de Jupiter avoit déjà exercé la fa-gacité des Aftronomes. Galilée, Marius, Hodierna (a), ôc Al-phonfe Borelli (b)} en avoient fait l’objet de leur travaux, fans parler de Reineri, qui en promettoit des Tables, dont fa mort précipitée occafionna la perte. Tous ces Aftronomes cependant, fi nous en exceptons Reineri , dont les fuccès nous font inconnus s avoient échoué. On doit feulement à Borelli , la juftice remarquer qu’il approcha de la vérité en quelques points. Mais la gloire de démêler la plûpart des véritables élémens de cette théorie , étoit réfervée à M. Cajjini. Nouvel Hipparque* fi conftruiht ]e premier des Tables affez exactes des mouvez Mediceorum Syd. Ephaii. Panormi. 1656. in-40. > fgor'uz med. fyderutn ex caujis Phyjlcis deduftee. Rom, 1666, in-40. *ome IL Rrr 45>S HISTOIRE mens des fatellites de Jupiter. Elles parurent en 1666 (a) , SC elles étonnèrent fort les Sçavans , qui, découragés par le peu de fuccès de ceux qui avoient déjà travaillé fur ce fujet, corn-mençoient à défefpérer de voir jamais une théorie exaéte de ces mouvemens. M. Picard, qui compara ces Tables avec les obfervations , trouva entr’elles un accord qui le frappa, ôc fouvent plus grand, que M. Cajjini , qui n’avoit pas encore donné la derniere main à cette théorie, n’ofoit foupçonner. Ce fut principalement ce trait de fagacité qui attira fur lui les regards de Louis XIK> ôc qui fit defirer à ce Prince de poffé-der dans fes Etats un homme fi rare. Arrivé en France ,, M. Cajjini continua à travailler à la perfection de fa théorie* Il y fit quelques légers changemens que lui fuggérerent les obfervations nombreufes qu’il fit, ôc il l’expofa en 1693, dans un écrit (b) qu’on lit parmi les anciens Mémoires de l’Académie , ( T. YII ). Les détails excefilfs où il me faudroit entrer pour en donner une idée, m’obligent de renvoyer le leéteur à cet écrit, auquel on ne fçauroit donner trop d’éloges. Mais, dira quelqu’un, à quoi peut fervir la connoiïlànce des éclipfes de ces aftres qui nous font fi étrangers, 6c qui, par leur petiteffe 6c leur éloignement, femblent fi peu faits pour nous. J ai prefque honte de répondre à une pareille queftion r cependant il eft à propos de le faire en faveur de quelques lecteurs peu inftruits. Oui, leur dirai-je, ces aftres fi éloignés* 6cà peine perceptibles, nous font, à bien des égards, plus utiles que notre Lune ; c’eft à eux que nous devons en grande partie, la reftauration de la Géographie. En effet , comme leurs éclipfes font fi fréquentes, qu’à peine fe paffe-t’il un jour qu’on n’en voye un entrer dans l’ombre de Jupiter, ou en fortir, il eft aifé de voir qu’ils fourniffent incomparablement plus de fèeours que la Lune pour obferver les longitudes des lieu^ de la terre.. Car pour peu qu’on ait de connoifiance de fphere, on fçait que pour déterminer la différence de longitude de deux lieux, il fuffit de connoître la différence du tems compté dans ces deux lieux, au moment d’un phénomène qu* ( que M. de la Hire prit loin de mettre en oidre, & publia en 1693. Ces ouvrages font un excellent Traité de Gnomonique 2 fous le titre de Pratique des grands Cadrans; d’ingénieux fragmens de Diop trique 3 8c fon Traité du Nivellement. On les trouve auffi dans le T. VI des anciens Mémoires de l’Académie. On lit dans le T. VII là Mefure de la terre , fon Voyage à U rani-bourg, qui avoient paru de Ion vivant, avec quantité d’obfervations aftronomiques, ÔC géographiques faites en divers lieux dtf Royaume. $ff ij 5oS HISTOIRE tions à prendre, précautions dont plufieurs ne font fouvent fuggérées que par le tems , de les fautes d’autrui, que nous ne porterons aucune atteinte à fa réputation, en remarquant qu’il ne laifla pas de tomber dans quelques erreurs. Les contefta-tions élevées dans ces derniers tems au fujet de la figure de la terre, ayant obligé de foumettre fes opérations à la plus rigide difeufiion , on a trouvé (a) que ( toute compenfation faite de quelques correébions qu’il ne pouvoit pas connoître , comme de l’aberration de la lumière découverte depuis lui, de de quel ques erreurs en fens contraire dans la détermination de l’amp-titude de l’arc entre Paris de Amiens ), il s’étoit trompé dans cette détermination d’environ fept fécondés par excès. En fup-pofant donc la mefure géodéfique parfaitement exa&e , M. Picard eût dû trouver le degré plus long d’environ 110 toifes; mais par un heureux hazard, il fe trouve que cette erreur eft en grande partie compenfée par quelques autres dans fa me^ dure géodéfique. En premier lieu, en vérifiant les opérations de M. Picard, on a trouvé (h) dans les 19 dernieres mille toifes , une erreur de 26 toifes , erreur qu’il faut imputer à la hâte avec laquelle il fut obligé de prendre quelques-uns de fes derniers triangles, ce qui ne lui permit pas de choifir les plus avantageux, ni d’en vérifier les angles avec allez de foin. En lecond lieu, il eft aujourd’hui reconnu que M. Picard s’eft trompé dans la dimenfion de fa bafe. Cette fécondé erreur, d’abord reconnue par MM. Cajjini, enfuite vérifiée à diverfes reprifes par eux de M. de la Caille (c), vient enfin d’être conf-latée par une nouvelle mefure de cette bafe ordonnée par l’Académie, ou, parce que les termes de la bafe de M. Picard ne font pas connus, par la mefure d’une nouvelle bafe dans la dire&ion de la fienne, de par la détermination trigonométri-que d’un côté du premier triangle de fa fuite. Des deux Compagnies d’Académiciens qui ont féparément travaillé à cette vérification , l’une, fçavoir celle compofée de MM. Bouguer, Camus, Cajjini de Thury , de Pingre, ont trouvé (d) ce côté , qui eft la diftance entre la tour de Montlheri, de le clocher de Brie-Comte-Robert, de 13108 toifes de quelques pouces, à fa) Degré du méridien entre Paris & (c) Ibid. Anuens. \d) Opérations faites par ordre de l’Acà' {b) Méridienne de Paris vérifiée. démie} &ç. 17 > in- 8 °e DES MATHÉMATIQ U E S. Part. IV. Liv. VIII. 509 deux pieds près de même que MM. Caffîni ôc de la Caille, au lieu que M. Picard l’avoit déterminée de 13121 toifes, 1 pied. Voilà donc fur une longueur de 13000 toifes, un erreur de 13 ; Sè comme la bafe de M. Picard en avoit près de 6000, il en réfulte une erreur fur cette bafe d’une toife par,mille. De la mefure de l’autre bande difeutée par M. le Monnier (a), il fuie que cette erreur n’efl; que de quatre pieds ôc demi. Voilà donc, luivant M. Bouguer > Ôc fes collègues , une erreur d’une toife par mille, ce qui fait 57 fur les 57060 toifes de la longueur trouvée par M. Picard, à quoi ajoutant les 26 ci-deflus , cela fait 83 toifes, dont cet ancien Académicien eût dû trouver fon degré plus court. Mais il l’eut dû trouver plus long de 110, par les raifons qu’on a vues plus haut : ainfi il refte qu’en total il doit être plus long de 27 toifes ; ce qui le réduit à J7087. Mais E nous n’admettons avec M. le Monnier qu’une erreur de trois quarts de toife par mille, il fera un peu plus long, fçavoir de 57100 toifes. En prenant donc un milieu, car il n’eft pas poffible de fe déterminer entre des opérations faites de part ôc d’autre avec tant de foin , nous réputerons le degré de M. Picard de 57095 toifes. M. Picard finiftoit à peine fon grand ouvrage de la mefure d’un degré terreftre, qu’il entreprit un voyage pour l’utilité de l’Aftronomie. Afin de fe fervir avec quelque fuccès des obfervations de Tycho-Brahé > toujours eftimées des Aftronomes, ^fin d’en lier la chaîne avec celle des modernes, il falloit avoir une connoiïlànce plus précife de la pofition de fon obfervatoire. Il y avoit, à la vérité, peu de doute fur fa latitude ; * mais fa longitude étoit aftez légitimement fufpeéte , l’art d’obferver les éclipfes n’étoit pas encore porté, du tems de 7y-cko , à la précifion qu’il a atteinte depuis par le moyen des luettes ôi des pendules. M. Picard partit donc en 1671 , pour vérifier la pofition d’Uranibourg. Ce féjour d’Uranie, autre- N fois fi magnifique , étoit dans un état bien capable d’exciter les regrets d’un amateur de l’Aftronomie : à peine en fubfiftoit-ft des veftiges fur le terrein , ôc dans la mémoire des hommes. M. Picard parvint cependant après beaucoup de recherches, a l’aide du plan de Tycho , à en reconnoître quelques en- (a) Obfervations faites par ordre du Roi ,17/7. 5I0 HISTOIRE droits où il fixa fes inftrumens. Il y trouva la latitude, différente feulement d’une minute de celle que Tycho lui avoit afii-gnée. Quant à la longitude , la différence étoit, comme on l’avoit foupçonnée, beaucoup plus confidérable; elle alloit à quelques degrés. M. Picard fit à Uranibourg une autre obfervation qui étonna beaucoup les Aftronomes. En relevant les angles de pofition de divers endroits à l’égard de la méridienne d’Urani-bourg, de les comparant à ceux que Tycho avoit trouvés, il s’apperçut qu’ils étoient differens de 18 minutes ; de forte que ce célébré Aftronome paroiffoit s’être trompé de 18 minutes dans la détermination de fa méridienne. Cependant c’eft un peu trop fe hâter que d’en conclure que Tycho ait commis une erreur fi confidérable dans une détermination aufii importante; M. Picard lui-même, n’ofe le faire , de il aime mieux conjecturer que ces angles ne devant fervir qu’à la Carte des environs de l’Ifle d’Huene , ne furent pas pris par Tycho avec fon exaêlitude ordinaire. Quoi qu’il en foit, cette obfervation de M. Picard fît naître alors dans quelques efprits la penfée que la ligne méridienne pourroit bien être variable. Mais cette conjecture a été détruite par la Habilité de celle de Boulogne , dans laquelle M. Cajjini ne trouva pas la moindre variation, après plus de 30 ans, non plus que M. Manfredi qui l’a de nouveau vérifiée dans ces derniers tems (a). La pofition des Pyramides d’Egypte , qui font encore très-exa£tement orientées , fuivant le rapport de M. de Chamelles, eft un nouveau motif dc croire que cette ligne eft invariable. Car une pofition fi exaête ne pou^ vant être l’effet du hazard , il faut qu’elle ait été autrefois choifie de deffein prémédité , de qu’elle foit l’ouvrage des anciens Egyptiens. Il y a encore d’autres raifons qui rendent cette variation peu probable ; mais nous les fupprimons pour abré-, ger. Y I. Tandis que M. Picard étoit à Uranibourg , l’Académie méditoit un autre voyage, dont PAftronomie de la Phyfîflue (a) Comm. Acad, Bonon. T. u, DES MATHÉMATI QU E S. Pan. IV. Liv. VIII. 5îi ont tiré de grandes lumières. Il s’agiffoit de déterminer par Voyage deM. des obfervations immédiates 6c plus certaines que toutes cel- Richer,&dé-les qu’on avoit encore faites en Europe , divers élémens de la donne théorie du Soleil, comme la déclinaifon de l’écliptique , l’en- lieu. trée de cet aftre dans l’équateur, fa parallaxe, 6cc. Quelque foin qu’y euffent mis jufques-là les Aftronomes , il reftoit encore bien des incertitudes fur ces déterminations délicates, à caufe de l’obliquité fous laquelle le Soleil paroît toujours dans ces contrées. Il falloit donc obferver de quelque endroit de la terre , ou cet aftre paffant très-peu loin du zénith, ne fût fujet à aucune réfraction , ni aucune parallaxe fenfible. C es avantages , on devoit les trouver aux environs de l’équateur , où le Soleil ne s’écartant jamais du zénith que de 20 à 30° , la parallaxe &: la réfraction ne peuvent influer que fort légèrement fur les réfultats. Un pareil voyage préfen-toit encore diverfes utilités , entr’autres celle d’obferver en même tems dans des lieux très-éloignés, les deux planetes Mars 6c Venus, afin de reconnoître quelle diverfité d’afpeèt produifoit cet éloignement, 6c de porter par-là quelque jugement fur leur diftance à la terre, 6c celle du Soleil. On pouvoit enfin obferver ainfi immédiatement la parallaxe de la Lune, élément de fa théorie fi important, 6c qu’on n’avoit pu encore déterminer que par une forte de tâtonnement. Le voyage dont nous parlons fut donc réfolu, 6c l’Ifle de Cayenne, foumifeà la domination Françoife, fut jugée propre à cet objet : on le propofa au Roi, qui l’agréa ; fur quoi M. Rïcher, des Académiciens, fut choifi pour l’exécuter ; 6c muni d’amples inftructions fur tous les points qu’on defiroit d’éclaircir, fl partit vers la fin de 1671 , 6c arriva à Cayenne au mois d’Avril 1672.. Il y obferva d’abord les deux hauteurs folfticiales du Soleil de eette année, 6c il détermina la diftance des tropiques de 46° , 57', 4//g ce qui donne pour l’inclinaifon de l’écliptique à l’équateur 230, 28', 32/7; c’étoit à 10 ou 12^ près CeHequeM. CaJJlni avoit déterminée dans fes Tables. IS/i.Richer obferva aufii à Cayenne les deux équinoxes qui s’y firent durant fon féjour , aufii-bien que les hauteurs méridiennes du ^oleil pendant la plus grande partie de l’année 1672 , 6c le Commencement de 1673. Toutes ces obfervations fervi rent beaucoup à M. Cajjini pour re&ifier fes Tables. Les obferva- 512 HISTOIRE rions correfpondantes de Mars, difcutées 6c comparées avec foin , ne donnèrent pour cette planete , lorfqu’elle eft la plus voifîne de la terre, que i^ de parallaxe horizontale ; d’où l’on conclut que celle du Soleil prefque trois fois aufîi éloigné, eft feulement de 5? à io7/. M. Richer obferva enfin un grand nombre d’étoiles , foit de celles qui ne font point vifibles en France , foit de celles qui s’élevant trop peu fur l’horizon de ces contrées, y font vues trop obliquement, 6c dont l’obfervation eft fujette à de grandes incertitudes , à caufe de l’inégalité des réfractions. On voit toutes ces obfervations dans le voyage de cet Aftronome, qui a été inféré dans le Tome VII des anciens Mémoires de l’Académie. Mais l’obfervation qui rend principalement mémorable le voyage de M. Richer, eft celle du retardement du pendule à fécondés qu’il y remarqua. Arrivé à Cayenne , il vit avec étonnement que fon horloge , quoi qu’il eût donné au pendule la même longueur qu’en France , retardoit tous les jours d’environ deux minutes 6c demie fur le mouvement moyen du Soleil, de forte qu’il fallut pour l’y faire accorder , raccourcir ce pendule d’une ligne 6c un quart. Pour plus de certitude , il rapporta fon pendule ainfi raccourci en France, 6c alors il fe trouva en effet qu’il étoit plus court d’une ligne 6c quelque chofe, que celui qui battoit les fécondés à l’Obfervatoire de Paris. On ne fut pas médiocrement étonné en France du phénomène annoncé par M. Richer, 6c on le regarda d’abord comme fort douteux. On croyoit être d’autant mieux fondé à pen-fer ainfi, que M. Picard étant à Uranibourg, n’avoit trouvé aucun changement à faire dans la longueur de fon pendule? non plus que M. Roemer à Londres. Mais quelques années après , MM. Karin 6c Deshayes ayant été envoyés en divers lieux de la côte d’Afrique 6c de l’Amérique , pour y obferver , ils remarquèrent dans les lieux voifins de l’équateur, la même chofe que M. Richer. Il y a plus, ils furent obligés de raccourcir leur pendule d’une quantité plus confidérable quf cet Aftronome ne l’avoit rapporté. Il n’y a rien en cela q1** doive nous etonner, il eft au contraire tout-à-fait naturel qtie M. Richer> obfervant pour la première fois un phénomène fi inattendu 6c fi fingulier, fit tous fes efforts pour l’éluder en quelque forte. M» DES MATHÉ MAT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIII. 515 Ce retardement du pendule , à mefure qu’on le tranfporte dans des lieux plus voilins de l’équateur * eft une obfervation tellement confirmée par le rapport unanime des Aftrono-mes , qu’il eft inutile de nous arrêter davantage à le prouver. Mais c’eft une mauvaife explication que celle qu’ont prétendu en donner quelques Phyficiens , en difant que c’eft un effet de la chaleur du climat qui alonge la verge du ‘pendule, ôc qui eh rend par-là les vibrations plus lentes. Les expériences qu’on a de la dilatation des métaux opérée par la chaleur, apprennent qu’il en faudroit une bien plus confidérable que celle qu’éprouve la verge d’un pendule, pour caufer un alongement capable de produire un pareil retardement ; ÔC d’ailleurs les Académiciens François, qui ont mefuré la longueur du pendule fur les montagnes du Pérou, ôc au milieu d’un air tempéré , ou exceffivement froid, n’ont pas laiffé d’obferver le même phénomène. Les nouvelles obfervations de Meffieurs Varin ÔC Deshayes 3 ne permettant plus de douter que le pendule à fécondés ne fût de différentes longueurs dans différentes latitudes , M. Huy-ghens qui, lors de la première annonce du phénomène , ne s etoit pas hâté d’en chercher l’explication , fe mit à y réfléchir , ÔC il la découvrit. Il vit d’abord que de ce retardement il fuit que la pefanteur eft moindre fous l’équateur , ÔC aux environs , que dans les autres lieux de la terre. Car puifque le même pendule ofcille plus lentement dans les lieux voifins de 1 equateur , c’eft-à-dire, cjue la même mafte roulant le long du même arc , tombe plus lentement, d’oii cela peut-il venir ? finon de ce que fa pefanteur eft moindre. M. Huyghens apper-çut en même tems une raifon fi naturelle de ce phénomène, qu’elle auroit dû , ce femble, le faire découvrir à priori. La pefanteur, dit-il, étant primitivement la même dans toutes les parties de notre globe, elle feroit partout égale, s’il étoit cn repos. Mais qu’on lui donne le mouvement de circonvolution que tous les Aftronomes s’accordent à reconnoître, dès-lors il en naîtra une force centrifuge oppofée à la pefanteur; qui la diminuera inégalement dans les divers lieux de la terre ; car cetCe force centrifuge eft plus grande fous l’équa- LUr clue partout ailleurs , puifque tous les points de ce cercle parcourant Journellement un plus grand efpace, fe meuvent Ttt j 14 HISTOIRE avec plus de vîteffe. La force centrifuge détruira donc fous l’équateur une plus grande partie de la pefanteur que partout ailleurs ; ôc par conféquent elle en détruira dans chaque lieu une partie d’autant plus grande , qu’il fera plus voifm de ce cercle. Ajoutons à cela , que la force centrifuge tendant à écarter les corps dans le fens perpendiculaire à l’axe de la terre , fous l’équateur elle eft dircćtement oppofée à la pefanteur, au lieu que dans les autres endroits de la terre, elle ne lui eft oppofée qu obliquement. Ainfi, félon les loix de la méchanique, toute cette force eft employée fous l’équateur à diminuer la pefanteur, ôc fous les parallèles à ce cercle , il n’y en a qu’une partie qui contribue à cet effet. Voilà une nouvelle caufe pour laquelle la pefanteur primitive eft moins diminuée dans les lieux hors l’équateur que fous ce cercle. M. Huyghens , guidé par fa théorie des forces centrifuges, trouve que fous l’équateur, les corps doivent pefer d’une 289e moins que fi la terre étoit en repos. Cette conféquence, quoique bien digne de remarque, n’eft cependant pas ce qu’il y a de plus mémorable dans la découverte de M. Huyghens : allant plus loin, il conclud du phénomène dont nous parlons, que la terre n’efl point parfaitement fphérique , comme on l’avoit cru jufqu’alors, mais quelle eft applatie vers les poles, êc renflée fous l’équateur. Cela fuit du raifonnement ci-deffus ; car fuppofons pour un inftant la terre fphérique ôc en repos, les direćtions des graves, telles que celles du pendule , concourront au centre. Mais qu’on donne à notre globe un mouvement de rotation, la force centrifuge qui tend à écarter de l’axe , fera oblique à la direćtion de chaque poids, excepté celui qui fera placé fous l’équateur* Ainfi chacun de ces poids fera écarté de fa direćtion primi^ îive, Ôc d’autant plus que la force centrifuge lui fera mohlS oblique ou fera plus forte. Les direćtions des corps graves, hormis celles des poids placés fous l’équateur ôc au pole, n’iront donc plus aboutir au même point, mais elles feront avec l’axe de rotation des angles plus aigus que fi la terre eût été en repos. Ce raifonnement eft aifé à fentir, à l’aide de la figure 12.6, oh les direćtions primitives font marquées par des lettres pon^' tuées, Ôc les direćtions aćtuelles par des lignes pleines. M. Huyghens trouvoit que cette déviation du fil à plomb, de la dir^c* DES MATHÉMATI QU E S. Part. IV. Liv. VIII. 515 tion centrale, ôc perpendiculaire à la furface de la terre fup-pofée fphérique , étoit vers la latitude de 450, égale à 5 minutes ôc 5 fécondés , erreur confidérable , ôc contraire à l’expérience qui nous apprend que les direćtions des graves font perpendiculaires à la furface de la terre ou des fluides en repos. Cette furface ne fçauroit donc être fphérique ; mais il faut qu’elle foit plus relevée vers l’équateur, ou en forme de fphéroïde engendré par la révolution d’une ellipfe autour de fon petit axe. Il eft jufte de remarquer que cette curieufe découverte n’eft pas moins l’ouvrage de M. Newton , que de M. Huyghens. Le célébré Philofophe Anglois y parvenoit vers le même tems, Far un raifonnement peu différent. Il efl aufîi le premier qui ait dévoilée au public dans fon fameux Livre des Principes. M. Huyghens ne mit au jour fes réflexions fur ce fujet, que quelques années après, fçavoir en 1690 , dans fon Livre De caufâ gravitatis. Ii y fixe la quantité de l’applatiffement de la terre , ou la différence de fes axes,, à une 578e du diametre de l’équateur, ôc il trouve pour la figure génératrice du fphéroïde terreftre, une courbe du quatrième degré. Mais nous réfer vons de plus grands détails fur ce fujet pour l’endroit où nous rendrons compte des travaux des modernes pour détermine*: ta vraie figure de la terre. v 11. Des obfervations continuées long-tems ôc avec foin , ont Découverte ordinairement l’avantage de faire appercevoir des phénome- SFéTÏ nes dont on n'avoit encore aucun foupçon; fouvent même il la vîteffe de U arrive que ces obfervations conduifent à une découverte plus lumière. intereffante que celle dont on cherchoit à s’affurer par leur tftoyen. L’exemple que nous offre cet article, eft un des plus re*narquables. CaJ/tni, ôc les Aftronomes de l’Académie, étoient at-îentifs s depuis plufieurs années , à obferver les éclipfes des fa- n c n.-^e ^uP*ter ’ dans des vues géographiques, foit pour Perfećtionner ]a théorie de ces petites planetes. Ces obferva-l0ns firent reconnoître une nouvelle inégalité dans le mouve-*nent du premier fateilite. On remarqua que depuis l’oppofi- Tct ij I 5iS HISTOIRE tion jnfques vers la conjonction de Jupiter de du Soleil , les émerfions de ce fateilite hors de l’ombre, qui font les feules qu’on puifle obferver , retardoient continuellement fur le calcul , de forte que la différence étoit vers la conjonction d’en-ron 14 minutes. On obfervoit le contraire après la conjonction , c’eft-à-dire, que depuis les premières immerfions qu’on obferve après la conjonCtion j jufqu’aux dernieres obfervations de ce genre qu’on peut faire avant l’oppolîtion, l’entrée du fateilite dans l’ombre anticipoit de plus en plus le calcul, la différence allant enfin jufqu’à environ ^minutes. On attribue ordinairement à M. Roemer (a) , d’avoir trouvé l’explication également vraifemblable &: ingénieufe , qu’on donne de ce phénomène. Mais on fe trompe : on voit par un écrit de M. Cajjini, publié au mois d’Août 1675 , que c’eft cet Aftronome qui en eft le premier auteur, ce Cette fécondé inéga->9 lité , dit-il, paroît venir de ce que la lumière employé quel-93 que tems à venir du fateilite jufqu’à nous; de qu’elle met en-« viron dix à onze minutes à parcourir un efpace égal au demi-diametre de l’orbite terreftre » {b). Cependant quelque tems après, M. Cajjini ébranlé par une difficulté dont on parlera bien-tbt, changea de fentiment. Mais cette explication abandonnée de fon auteur, M. Roemer l’adopta, de la fit valoir d’une maniéré qui, malgré les difficultés de M. Cajjini , réunit prefque tous les fuffrages : En voici le précis. * Si la terre reftoit conftamment au même point A 011 elle Fig. 117> eft, lorfqu’on obferve une des premières émerfions du fateilite après l’oppofition de Jupiter, on verroit toutes ces émerfions (a) M. Roemer ( Olaus ), naquit à Copenhague, leif Septembre 1644 , v. ftyl. Son premier maître fut Erafme Bartholin, avec lequel il travailla jufqu’en \671 , que M. Picard allant à Uranibourg , lui trouva tant de difpolîtions pour les Mathématiques, qu’il l’engagea à le fuivre en France j mais rien n’efl: plus hazardé que ce qu’on lit dans la Préface du Diftionnaire de Mathématiques, fçavoir que M. Picard ne l’employoit qu’à nettoyer fes verres. M. Roemer vint a Paris fur un pied plus diftin-gué , & ne tarda pas a ctre penlionné du Roi, & admis dans l’Académie , dont il enrichit les Mémoires de quantité d’inventions méchaniques & aftronomiques. Il re- tourna en 1681 dans fa patrie , où il fut décoré du titre d’Aftronome du Roi. Il fe mit alors à travailler à déterminer la parallaxe annuelle des fixes : nous avons rendu compte de fes tentatives & de fes prétentions fur ce fujet, dans la Part. III, L. IV, art. VII» U fut fait, en 1705-, premier Magiftratdë Copenhague , & Confeilier d’Etat, places qu’il remplit avec la fatisfaélion publique, jufqu’à fa mort, qui arriva le 19 Septembre 17 ro. On trouve fa vie à la tête du Livre que M. Horrebov fon fuccelfeur, pubüa en 17 z y, fous le titre de Bafes Aferonoini^i &c. qui efl une defcription de l’Obfe^va-toire, & des inftrumens de M. Roemer. [b) Hiftoire çle l’Académie, ann» 167/» / DES MATH É MAT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIH. j 17 arriver au moment indiqué par le calcul. Mais durant l’intervalle de cette émcrfion à la fuivante, la terre paffe en êc s’éloigne de Jupiter de la quantité et A. Si donc la lumière venant du fateilite, employé quelque tems à fe tranfmettre d’un lieu à un autre, elle arrivera plus tard eu a qu’en A. Ainfi l’ob-fervateur terreftre verra plus tard le retour de la lumière du fateilite , que s’il eut refté en A. A la vérité, cette différence de tems fera infenfible d’une émerfion à la fuivante. Mais quand la terre fera parvenue au point B de fon orbite, alors le calcul anticipera le moment de l’obfervation , de tout le tems que la lumière mettra à parcourir la diftance AB, prefque égale au diametre de l’orbite terreftre ; êc c’eft-là précifément le phénomène qu’on obferve. Lors au contraire que la terre arrivée en C, commencera à appercevoir les immerfîons du même fateilite dans l’ombre, la terre allant au devant de la lumière, fobfervation anticipera de plus en plus le calcul, de maniéré que quand le fpe&ateur terreftre fera en D, il verra l’immerfion plutôt que le calcul ne l’indique , de tout le tems que la lumière met à aller de D en C. Cette ingénieufe explication nous fournit la folution d’un des plus curieux problèmes auxquels l’efprit humain femble pouvoir afpirer ; fçavoir de déterminer la vîteffe avec laquelle la lumière fe répand dans les efpaces céleftes. La quantité de tems dont le calcul des émerfions anticipe le moment de l’ob-fervation, eft de 15 à t 6', lorfque la terre eft dans le point B y l’un des derniers d’où l’on puifle appercevoir Jupiter prêt à être caché dans les rayons du Soleil. Delà on conclud ,en comparant la corde AB avec le diametre de l’orbite terreftre, que la lumière met 16 à 1 8', à parcourir cette étendue, d’où il fuit qu’elle vient du Soleil à nos yeux dans l’efpace de 8 à 5/. Mais la diftance de cet aftre à la terre, eft d’environ 20000 demi-diame-tres terreftres. Ainfi la lumière en parcourt environ 40 dans Une fécondé : elle ne met qu’une fécondé êc demie à venir de la Lune jufqu’à nous. Cette vîteffe, quelque prodigieufe qu’elle foit , ne doit pas paroître incroyable à nn Philofophe. Le fyftême de l’Uni vers n’eft qu’un compofé de merveilles non tnoins dignes d’admiration , ôc auffi propres à confondre l’efprit humain. Le mouvement fucceffif de la lumière a été pendant long- 5i$ HISTOIRE tems fujet à deux objećtions, dont une étoit aftez preftante. La première eft de M. Cajjini, 6c c eft celle qui lui fit changer de fentiment, comme on a dit plus haut. Si le mouvement fucceiïif de la lumière eft la caufe de l’inégalité dont on vient de parler j d’oii vient, difoit-il, n’a-t’elle point lieu à l'égard des trois autres fatellites ? Leurs éclipfes devroient être fujettes aux mêmes accélérations èc retardemens périodiques que celles du premier, cependant on n’obferve rien de femblable. M. Maraldi (a) , qui, à l’exemple de fon oncle, rejette ce mouvement de la lumière , fortifie cette objećtion de quelques autres , &: furtout de celle-ci. Si c’étoit ce mouvement qui produisît le phénomène en queftion, on devroit, difoit-il, obferver une troifieme inégalité , dépendante du lieu de Jupiter dans fon orbite , 6c qui feroit retarder les éclipfes de fes fatellites , depuis fon périhélie jufqu’à fon aphélie , 6c au contraire avancer depuis fon aphélie jufqu’à fon périhélie. Car toutes chofes d’ailleurs égales, la diftance de Jupiter à la terre , va en croiftant dans le premier cas , êe en décroiftant dans le fécond. Et cette différence de tems, ajoute-t’on, ne feroit pas infenfible : en effet, la différence d’éloignement de Jupiter à nous, eft dans ces deux cas le double de l’excentricité de fon orbite ; ce qui fait environ une moitié de la diftance du Soleil à la terre. Ainfi le tems employé par la lumière à parcourir cette diftance, étant de huit à neuf minutes, il en faudra environ quatre de plus, Jupiter étant dans fon aphélie , que lorfqu’il fera dans fon périhélie. Mais ces objećbions, qui étoient confidérables du tems de MM. Cajjini 6c Maraldi , font aujourd’hui fuffifamment réfo-lues. De tous les fatellites de Jupiter, le premier eft le feul dans lequel on puifte démêler cette inégalité particulière, par ce que c’eft celui dont le mouvement eft le plus régulier , 6c Ie mieux aftujetti au calcul. Il n’en eft pas, à beaucoup près , de même des autres. On commet encore, à l’égard de ces derniers , èc en ufant même des meilleures tables , des erreurs beaucoup plus grandes que la plus grande équation dépen^ dante du mouvement de la lumière. D’ailleurs leur entr^f dans l’ombre eft fi lente, que jointe aux variations qui (e) Mémoires de l’Académie, 1707. DES MATHÉMATIQUES. Part.TV. Liv. WW, 519 fent de l’inégalité des Télefcopes , des yeux, êc des hauteurs de Jupiter fur l’horizon, elle rend incertaine à plufieurs minutes près, te vrai moment de l’immerfion. Ainfi il neil plus furprenant qu’on ne puifle point y reconnoître d’une manière décifive le retardement ou l’accélération que produit le mouvement fuccefiif de la lumière. A l’égard de la fécondé objection , fçavoir celle de M. Ma-raidi, elle eft entièrement réfolue. Depuis que la théorie du premier fateilite a été rectifiée en plufieurs points , l’inégalité provenante de l’excentricité de Jupiter, a été parfaitement reconnue ; elle entre au nombre des élémens du calcul, dans toutes les tables modernes. On peut voir entr’autres, fur cela, celles que M. Vargendn a publiées il y a peu d’années , êc qui par leur excellence font dans une grande eftime auprès des Aftronomes. Ajoutons que cette heureufe découverte, déjà fi conforme à la faine Phyfique , vient de recevoir un nouveau degré de certitude , de celle de M. Bradlei fur l’aberration des fixes, dont on rendra compte dans le lieu convenable. V I I L Pendant qu’on faifoit les belles découvertes qu’on a expo- Travaux ten* fées dans les articles precedens, l’Académie des Sciences, tou- dans*laPer~ jours attentive à leur principal objet, qui eft de fervir à la fo- ^Géographie!* ciété , n’oublioit rien pour tirer ce fruit de l’Aftronomie , en perfećUonnant par fon moyen la Navigation êc la Géographie. On voit cette fçavante Compagnie raftembler avec foin dès fa naiftànce toutes les obfervations propres à ce grand deftein, entretenir des correfpondances avec les Obfervateurs les plus habiles répandus dans differens pays, dépêcher enfin quelquefois des Obfervateurs pour éclaircir des points importans de Orographie. Les voyages entrepris par MM. Picard êc Richers *fétoient pas feulement relatifs à l’Aftronomie; ils avoient aufii pour objet la Géographie êc la Navigation, êc dc déter-Jîiiner d’une maniéré fure la pofition de divers lieux, ĄH étoit naturel que l’exécution de ce grand projet commem $at par la France ; aufii fût-ce le premier travail que s’impof» Académie avec l’agrément du Miniftere. On voit dès les innées 1671 êc 1672 , divers Géomètres êc Obfervateurs dif~ 520 H I S T O I R E perfés cîans les Provinces , en lever géométriquement le plan , êc fixer ila pofition des points principaux par des obfervations céleftes. Mais ce fut en 1679 qu’on commença à mettre plus d’activité dans cette entreprife. On réputa qu’il falloit d’abord bien établir les extrémités du Royaume dans tous les fens. MM. Picard êc dc la Hire furent chargés de ce travail, auquel ils employèrent environ deux ans. On peut voir le détail de leurs obfervations êc de leurs courfes dans l’Hiftoire particulière de l’Académie; il fuffira ici d’en préfenter le réful-tat, qui eft très-propre à juftifier l’utilité de ces travaux. En effet, on ne fçauroit fe repréfenter combien de grofîie-res erreurs fe trouvoient dans la Carte de la France, avant que l’Académie eût entrepris de la réformer. Toutes les bornes en étoient confidérablement déplacées. Les Géographes met-toient entre Breft êc Paris une différence en longitude, de 8°, êc 9 à 10 minutes : les obfervations réitérées de MM. Picard êc de la Hire, apprirent quelle n’étoit que de 6° , 54' ; de forte que cette pointe de la Bretagne étoit avancée dans la mer de plus de 30 lieues qu’il ne falloit. Il en étoit à peu près de même de toute la cote de l’Océan. Il y a plus ; la latitude de la plupart des villes méridionales du Royaume, étoit marquée moindre qu’elle n’étoit, êc l’erreur qui alloit toujours en croif. fant à mefure qu’on s’éloignoit de la capitale, étoit de plus d’un demi-degré aux frontières ; erreur monftrueufe, fi l’on confidere avec combien de facilité l’on peut mefurer la latitude d’un lieu, M. de la Hire dreffa une Carte corrigée fuivant ces obfervations , êc 011 ces différences étoient marquées. Lorfqu’il la préfenta au Roi, ce Prince qui voyoit fon domaine ref ferré de tout côtés , dit en badinant, que fon Académie lui témoignoit bien peu de reconnoiflance , puifque tandis qu’il la foutenoit par fa protection êc fes dépenfes, elle diminuoic l’étendue de fa domination. L’Académicien répondit apparemment que la puiffance d’un Monarque dépendoit moins de cette étendue que du nombre êc de l’attachement de fe* fujets ; êc qu’en cela Sa Majefté l’emporteroit toujours fur tollS les autres Princes de l’Europe. M. Picard avoit propofé en 1681, à M. Colbert, une entre- prife qu’on commença à exécuter en 1683. Les correction5 que donnoient les obfervations faites fur les côtes di? Royaume dC DES MATHÉ M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. VIII. 521 êc de côté êc d’autre dans l’intérieur, avoient déjà appris qu’il falloit reflerrer toute l’étendue que lui donnoient les anciennes Cartes à peu près proportionnellement à l’éloignement des lieux à la méridienne ou au parallele de Paris. Cependant cela ne fuffifoit pas pour avoir une Carte parfaite ; car l’erreur n’étoit pas toujours proportionnelle à cet éloignement , ni dans le même fens. C’eft par cette raifon qu’on avoit commencé dès l’année 1671, à lever géométriquement la Carte de plufieurs Provinces du Royaume : mais outre que cette méthode étoit exceflivement longue, M. Picard entrevoyoit des difficultés dans la réunion de toutes ces Cartes, les erreurs particulières pouvant s’accumuler , êc rejetter les extrémités fort loin de leur pofition véritable. Pour remédier à cet inconvénient , il propofa de tracer une méridienne, c’efl-à-dire , de déterminer par des opérations géométriques la pofition de la méridienne de l’Obfervatoire dc Paris à travers tout le Royaume. Cette ligne devoit être regardée comme une directrice générale très-commode , pour y rapporter toutes les autres pofitions. Il y avoit dans cette entreprife , un autre avantage relatif à la connoiïlànce parfaite de la grandeur de la terre. Car au moyen de ces opérations, on devoit avoir avec plus de précifîon la longueur de tout l’arc du méridien compris dans le Royaume , êc par conféquent la grandeur du degré avec bien plus d’exactitude. M. Picard vouloit enfin qu’on partageât toute l’étendue du Royaume en triangles appuyés les uns fur les autres , êc ayant leurs fommets dans des endroits remarquables, dont la pofition auroit été auffi pour la plupart déterminée aflronomiquement. Ce travail fait, il n’eût plus fallu que lever géométriquement l’intervalle du ter-rein renfermé dans chacun de ces triangles , êc en les aflem-blant on devoit avoir une Carte auffi parfaite qu’il efl: permis de l’attendre de l’induftrie humaine. Ce plan parut raifonnable êc expéditif à M. Colbert êc il ordonna à l’Académie de l’exécuter. On fe mit à l’ouvrage dès le milieu de l’année 1680. M. CaJJlni, accompagné de MM. Chamelles, Varin , Deshayes , Sedileau êc Pernim , alla du côté du Midi ; êc M. de la Hire, aidé de MM. Potlienot êc le Févre, tourna du côté du Septentrion. M. CaJJlni prolongea cette même année la méridienne de 140000 toifes, eu près Tome //. y u u 521 HISTOIRE de 70 lieues , êc détermina géométriquement, à l’égard de la méridienne de Paris, la pofition de tous les lieux un peu remarquables, qui étoient fitués dans l’étendue de pays quelle traverfoit. M, de la Hire en fit autant du côté du Nord, êc prolongea la méridienne jufqu’à Dunkerque êc Mont-CafTeh Les chofes en étoient à ce point, lorfque M. Colbert mourut. Cette mort fi funeflc aux beaux Arts, que du moment même ou elle arriva, on cefïa dp-cravailler au plus magnifique monument de l’Architecture Françoife, pour n’y fonger de nouveau qu’après plus de foixante-dix ans , interrompit prefque fubitement le travail de la méridienne; M. Cajjini continua néanmoins jufqu’au mois de Novembre les opérations qu’il avoit commencées ; il en préfenta le deflein au Roi, qui les approuva, êc les jugea dignes d’être poulfées jufqu’à l’extrémité du Royaume ; mais diverfes circonflances en fufpen-dirent la continuation : elle ne fut reprife que plufieurs années après, fçavoir au mois d’Août de l’année 1700. M. Cajjini , qui avoit commencé ce travail, le reprit alors , êc le poufla durant le refte de cette année êc la fuivante,, jufqu’aux Pyrénées. On eut par ce moyen une étendue de plus de fix degrés du méridien, mefurée géométriquement ; d’oii l’on conclut la grandeur du degré terreftre de 57097 toifes. Il reftoit encore à mefurer l’arc du méridien intercepté entre Paris, êc l’extrémité feptentrionale du Royaume. Car quoique nous ayons dit que M. de la Hire y avoit travaillé en 1(380, il n’avoit proprement fait que reconnoître les objets, pour revenir enfuite à des opérations plus exactes. On jugea donc qu’il falloit recommencer fa mefure, où celle de M. Picard s’étoit terminée. M. Cajjini, le fils du célébré Dominique Cajjini , en fut chargé , êc l’exécuta en 1718. On trouva l’arc du méridien intercepté entre Dunkerque êc Paris de 20,45 ', 5 o/; ; êc par la mefure trigonométrique, on conclut la grandeur moyenne du degré dans cette partie de la France , de 56960 toifes. On peut voir le détail de toutes ces opérations dans le Livre que M. Cajjini de Thuri , publia peu après fur ce fujet (a). Perfonne n’ignore la divifion que cette mefure occafionna parmi les Aftronomes concernant la figure de (a) De la grandeur & de la figure de la terre. Suite des Mémoires pour l’année DES MAT H ÉMATIQUE S. Part. IV. Liv. VIII. 513 la terre. Mais cela appartient à l’hiftoire de l’Aftronomie durant ce fiecle ; 6c comme ce doit être la matière d’un article confidérable de la partie fuivante de cet ouvrage, nous n’en dirons pas davantage pour le préfent. Le zele avec lequel l’Académie travailloit à corriger la Carte du Royaume , ne l’empêchoit pas de porter en meme tems fes vues plus loin , ôc de jetter les fondemens d une coi-reétion femblable dans la Géographie entière. Ce furent ces vues qui l’engagerent à envoyer en 1681 6c 1682 , trois Obfervateurs , Meilleurs Duglos, Parin 6c Deshayes, obferver la pofition du Cap-Verd , pofition très-importante pour déterminer en général celle de la cote d’Afrique. Comme i on ne pouvoit obferver au Cap-Verd même, on choiiit rifle de Goe-rée, qui en eft à la vue, 6c où la France avoit alors un éta-blilfement. Les obfervations qu’on y fit montrèrent que cette partie de la Géographie n’avoit pas moins befoin que les autres de correćtion. On trouva qu’à l’exception de Blaeu, tous les Géographes avoient placé cette pointe occidentale de l’Afrique , beaucoup plus à l’oueft qu’elle n’eft réellement. Delà Meilleurs Varin 6c Deshayes allèrent à la Guadeloupe 6c à la Martinique ; leurs obfervations confirmèrent l’Académie dans la perfuaiion où elle étoit déjà , que toutes les longitudes marquées dans les Cartes, à l’égard de l’Obfervatoire de Paris , étoient trop grandes , 6c d’autant plus erronées, que les lieux étoient plus éloignés ; remarque déjà faite par Meffieurs de Pereïsk ôc Gaffendi , à l’égard de l’étendue de la Méditerranée , 8e qui fut encore confirmée par le voyage que M. Chamelles fit en 1693 , dans les Echelles du Levant. On conclut de ces obfervations, qu’il falloit rapprocher de 2.5 à 30% les pays extrêmement éloignés, comme les Indes 6c la Chine. On ofa même dès-lors conftruire fur ces principes le grand planifphere de i’Qbfervatoire; 6c lorique M. Hallei vint en France, il fut bien étonné de voir que fur de fimples conjectures on eût placé aufii exactement qu’on i’avoit fait, le Cap de Bonne-Efpérance. Les obfervations qu’il avoit faites en 1677 , dans l’Ifle de Sainte Hélene , lui avoient appris que ce Cap étoit de lept ou huit degrés plus occidental que ne le mar-quoient les Cartes ordinaires, 6c c étoit juftement la correction qu’on y avoit faite dans le planifphere. Vuuij •j 14 HISTOIRE L’Académie devoit naturellement chercher à vérifier par des obfervations immédiates , fes conjećtures fur la Carte de J’Afie. Cela eût certainement valu la peine d’un voyage, s’il n’y avoit pas eu déjà, dans cette contrée de la terre , plufieurs Obfervateurs qu’il ne s’agifToit que de diriger de d’inviter à un commerce d’obfervations. Tout le monde fçait que ce qui a foutenu long-tems , de qui foutient encore à la Chine les Millionnaires Européens, c’efl leur habileté dans les Mathématiques, de furtout dans l’Aflronomie pour laquelle les Chinois ont une vénération finguliere. Aufii depuis le P. Ricci qui s’étoit ouvert l’entrée dans cet Empire , la Compagnie de Jefus n3 ’y envoyoit prefque que des hommes, qui, au zelc évangélique , joignoient de l’habileté dans les Sciences qui y font ef-timées. Si leur zele pour la propagation du Chriflianifme n’a pas eu le fuccès qu’ils defiroient, ils ont eu du moins l’occa-£on de procurer à l’Europe des connoifTances géographiques très-précieufes. En effet, ces fçavans Mifiionnaires n’avoient pas attendu les invitations de l’Académie des Sciences, pour faire une multitude d’obfervations utiles. Malgré leurs travaux apofto-liques, peu de phénomènes avoient échappé à leur vigilance. Dans le catalogue des éclipfes, drelTé par le P. Riccioli, on en voit un grand nombre obfervées à Goa, à Macao, de au Japon ; de ces obfervations comparées avec celles des mêmes phénomènes faites en Europe, avoient déjà montré qu’il falloit beaucoup raccourcir l’étendue donnée jufqu’alors à l’Afîe d’Occi-dent en Orient. C’efl fur ces fondemens que le Pere Martini avoit conftruit fes Cartes de la Chine , qu’il publia en 1654 , fous le titre & Atlas Sinicus ; de le P. Couplet, celles qu’il donna en 1684. Ils s’étoient néanmoins encore trompés de piu-fieurs degrés, furtout à l’égard de l’extrémité orientale de la Chine; erreur qu’on exeufera facilement quand on confidé-rera qu’il n’eft pas aifé de fecouer tout à coup un ancien pré-jugé. D’ailleurs l’art d’obferver n’étoit pas encore porté au point de perfection qu’il a atteint vers la fin du fiecle paffe. L’Académie des Sciences s’adreffa à ces fçavans Mifiionnaires pour fe procurer les lumières qu’elle defiroit fur la defcription de l’Afle, de bien-tbt elle reçut d’eux une ample moiffon d’obfervations de toute efpece, relatives à l’Aflronomie ou a DES M ATHÉM AT I QUE S. Part. IV. Liv. VIII. 325 la Géographie de l’Inde, que le Pere Gouye publia en 1688 , avec des notes , de qui font aulîi partie des anciens Mémoires de l’Académie. Elle eut le plaifir de voir confirmer ce quelle avoit foupçonné , fçavoir qu’il falloit rapprocher l’ex-trêmité orientale de l’Afie de 25 à 30% de proportionnellement les lieux moyens, afin de repréfenter fidellement cette partie du monde. En effet, quelques obfervations d’éclipfes faites à Goa , diminuerent la différence de longitude de cette ville avec Paris, de 2y. Il en fut de même de la ville de Siam. Une autre obfervation faite à Macao , nous rendit plus voifins de ce port, de 17 . Pekin fut rapproché par la même voie de Paris , de plus de 25 degrés. Toutes cćs correćtions fi confidérables de fi néceffaires , ont depuis été confirmées par une multitude d’obfervations, ouvrage des Aftronomes de la même Société , établis dans l’Inde ou à la Chine. Toujours attentifs à l’avancement de la Géographie de de l’Aftro-nomie , ils ne ceffent d’envoyer des obfervations propres à cet objet; de c’eft à eux feuls que nous devons les connoiflances exactes que nous avons aujourd’hui de ce vafte Empire , de la Tartarie occidentale, de des pays adjacens. Les Cartes détaillées qu’ils en ont données, de qu’on voit dans la grande Hiftoire de la Chine du Pere Duhalde 3 font un vrai tréfor en Géographie. Je m’étendrois avec complaifance fur les n ombre u fes obligations qu’on a à ces fçavans Millionnaires , fans les raifons que j’ai fi fouvent alléguées pour exeufer ma brièveté fur certains points. Quelque démonftrative que foit la méthode employée par l’Académie des Sciences dans cette réformation de la Géographie, elle n’a pas 1 aille de trouver des contradicteurs. On vit entr’autres , en 1690, le célébré Ifaac VoJJius, s’élever contre la maniéré de.déterminer les longitudes des lieux par des obfervations aftronomiques (a). Mais, foit dit fans prétendre déroger au mérite de ce fçavant, ç’en étoit allez de fon Livre De natura lucis, pour prouver qu’il avoit beaucoup plus d’érudition que de lumières philofophiques ; ÔC il pouvoit fe dilpenfer d’en donner une nouvelle preuve par les vagues déclamations qu’il fait contre l’ouvrage de l’Académie. Que (a) De longitudin. i6yo, Lond. in-40. 5 2 (? H I S T O I R E penfer en effet d’un homme qui dit, quil ne peut fe perfuader que des planetes fi éloignées ( il porte des fatellites de Jupiter ) puijfentêtre une mefure des longitudes s à quoi il ajoute, que juj-qu à ce quon f cache faire des calculs plus exacts des éclipfes , il vaut beaucoup mieux prendre les longitudes de la terre même ou des Caps , que de les aller chercher dans le ciel. Ces derniers mots tout-à-fait remarquables, montrent que M. Hofiius n’avoit pas une idée claire de ce qu’on appelle longitude en Géographie. Car de quelle utilité font les Caps ou la terre même pour déterminer la différence de longitude d’un lieu à un autre. J’ai trop bonne opinion de mes lećteurs pour les amufer d’une réfutation qui ne fuppofe que quelques légères connoiffances de îa fphere. Au furplus, on peut confulter là-deflus l’écrit folide que M. Cajjini oppofa à HoJJius, On le trouve parmi les anciens Mémoires, T. VU. r ■ '■ I X. De divers Aftronomes An«lois. Robert HooK L’Angleterre ff féconde en Géomètres du premier rang, vers le milieu du fiecle paffe , ne l’eft pas moins en Aftrono-mes célébrés. On y voit fucceffivement fleurir Seth JVard 3 Evêque de Salisbury, Street, Wing, Jean Newton, Robert Hook j le Chevalier IVren 3 les célébrés Flamfieed Ôc Hallei , ôcc. On voit aufîi la Société Royale former dès fa naiffance diverfes entreprifes utiles à l’avancement de l’Aftronomie , établir ôc rechercher des correfpondances, faire des amas d’oîr fervations, ôc perfećtionner en divers points l’art d’obfervet' Que ne lui doit-on pas furtout, pour avoir donné naiffance au véritable fyftême du monde ? Cette brillante découverte, l’oU-vrage de l’immortel Ifaac Newton, fuffiroit feule pour rendre mémorable dans l’Hiftoire des Sciences , la nation qui Ta vu naître, ôc. le Corps dont il fut un des membres. Le fil naturel de notre fujet nous a déjà conduit à parRr de quelques-uns des Aftronomes que nous venons de nomrn^1* comme Seth JHard , Street, JVing&c {a). Nous n’y ajotlte> rons rien , ôc nous pafferons à faire connoître les fervices les autres ont rendus à f Aflronomie. Le Doćteur Robert Hook eft recommandable à plufie«i?rS (a) Voye^ Liv» m , ai*. ?» DES MATHÉM AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIII. j x7 titres dans cette fcience. Nous avons déjà remarqué qu’il s’eft: rencontré avec M. Picard en ce qui concerne l’application de la lunette au quart de cercle. Ses tentatives pour déterminer la parallaxe de l’orbite terreftre (a), mériteroient encore ici une place, fi elles ne nous avoient pas déjà fuffifamment occupés (b). Nous ne nous arrêterons pour le préfent qu’à quelques idées qu’on trouve à la fin du Livre que nous venons de citer, Ôc qui font extrêmement honneur à cet Aftronome. En effet, on ne voit nulle part le principe de la gravitation univerfelle , aufii clairement énoncé, ôc plus développé avant M. Newton, que dans le Livre dont nous parlons. Voici les paroles de M. Hook. J’expliquerai, dit-il, un fyftême du monde différent à bien des égards de tous les autres , Ôc qui eft fondé fur les trois fup-pofitions fuivantes. i°. Que tous les corps céleftes ont non feulement une at-tra&ion ou une gravitation fur leur propre centre, mais qu’ils s’attirent mutuellement les uns les autres dans leur fphere d’activité. 2°. Que tous les corps qui ont un mouvement fimple ôc di-rećt, continueroient à fe mouvoir en ligne droite , fi quelque force ne les en détournoit fans celle, ôc ne les contraignoit à décrire un cercle, une ellipfe, ou quelque autre courbe plus compofée. 3°. Que l’attra&ion eft d’autant plus puiffante que le corps attirant eft plus voifin. Il ajoutoit qu’à l’égard de la loi fuivant laquelle décroît Cette force , il ne l’avoit pas encore examiné , mais que c’étoit line idée qui méritoit d’être fuivie, ôc qui pouvoit être très-utile aux Aftronomes ; conjedure heureufe , ôc qui s’eft vérifiée d’une maniéré ft brillante entre les mains de M. Newton. M. Hook fit aufii quelques expériences dans la vue de fortifier les conjeétures précédentes (c). Il fufpendit d’abord une boule à un fil très-long > ôc. après l’avoir mife en ofcillation , il lui imprima un petit mouvement latéral ; il remarqua que cette boule décrivoit une ellipfe, ou une courbe en forme d’el-lipfe autour de la ligne verticale. Il attacha enfuite au fil de {a) An attempt to prove the motion of the carth. (£) Voyei T. i, p. 5-48. (c) Voye{ fa vie à la tête de Tes Œuvres pofthumes* 5iS HISTOIRE cette première boule, un autre qui en portoit une pins petite, ôc après avoir donné à cette derniere un mouvement circulaire autour de la verticale, il mit la première en mouvement, comme dans l’expérience précédente. On vit alors que ni l’une ni l’autre ne décrivoit une ellipfe, mais que c’étoit un point moyen entr’elles, Ôc qui femhloit être leur centre de gravité. D où il conclut que dans un fyftême de planetes, tel que celui de la Terre ôc de la Lune , c’eft: leur centre de gravité commun qui décrit une ellipfe autour de la planete centrale. Tout cela eft fort ingénieux ; néanmoins M. Hook ne faifoit pas attention que les planetes ne décrivent point des ellipfes dont le centre foit occupé par la force attirante : c’eft au foyer que réfide cette force. On lui en lit l’obfervation , ôc même on l’excita par la promefle d’une récompenfe confidérable à déterminer quelle loi d’attraction feroit décrire à un corps une ellipfe autour d’un autre immobile, ôc. placé à l’un des foyers. Mais cela tenoit à une Géométrie trop délicate, ôc cette belle découverte , l’une des plus propres à honorer i’efprit humain , étoit réfervée à Newton. Wren. Le Chevalier Wren, dont on a déjà parlé comme Mécha-nicien , mérite encore ici quelques lignes, à titre d’Aftrono-me. On lit dans l’Hiftoire de la Société Royale, rémunération de fes inventions aftronomiques. On met dans ce rang divers inftrumens nouveaux plus fubtilement divifés, ou plus commodément fufpendus que les autres ; diverfes additions faites au Micromètre; des obfervations fuivies fur Saturne ÔC fon A nneau, avec une théorie des apparences de cette planete , écrite, dit-on , avant que celle d'Huyghens eut vu le jour, ce qui femble dire que M. Wren fe rencontra avec Huy* g/iens dans l’heureufe explication que celui-ci a donnée de ce* apparences. On ajoute à cela une Sélénographie complete , & lin globe lunaire repréfentant avec tant de vérité les caviteS ôc les éminences de la Lune, que lorfqu’il étoit éclairé fc re“ gardé de la maniéré convenable, on croyoit voir cette planete telle que la montre le Télefcope; une théorie de la libration de la Lune ; des eiïais pour déterminer la parallaxe annuel^ des fixes ; la méthode de calculer les éclipfes de Soleil pa^ y projeétion de l’ombre de la Lune fur le difque de la terre? thode , dit l’Auteur de fa vie, qu’il avoit imaginée dès l'année i ééo; DES MATHÉMATIQUES. Part.IV-Liv. VIII. 529 1660; une hypothefe enfin fur le mouvement des Cometes, dont nous parlerons dans un des articles fuivans. Mais les mêmes raifons qui nous ont privés de la connoiflance détaillée de fes inventions en méchanique, nous privent aufîi de celle de fes diverfes inventions aftronomiques. X. On peut contribuer de deux maniérés aux progrès de l’Af-tronomie. L’une confifte à obferver affidûment les phénomènes céleftes, pour les tranfmettre à la poftérité ; l’autre à combiner ces obfervations, 8c à reconnoître par leurs fecours les hypothefes les plus propres pour repréfenter les mouvemens des aftres , 8c les prédire à l’avenir. Les progrès de cette derniere partie de l'Aflronomie, font tellement liés à ceux de la premierę , que fans leur fecours elle ne fçauroit faire un feul pas afïîiré ; enforte qu’on ne doit guere moins de reconnoiiïance à ceux qui ont laborieufement raftemblé ces matériaux précieux, qu’à ceux qui les ont mis en œuvre. C’eft principalement par des travaux du premier genre, que M. Flamflead (a) s’eft rendu recommandable. Je dis principalement ; car on lui doit quelque chofe de plus que des obfervations , entr’autres deux excellens Ecrits qu’il publia en 1672, fur l’équation du tems , 8c fur la théorie lunaire aHoroccius (b), écrits qui montrent qu’il n’étoit pas moins propre à la théorie de l’Aftronomie, qu’à la partie pratique. On a aufîi de lui une Doctrine de la Sphere , ouvrage plus fublime que ce qu’annonce ce titre 8c dont l’objet principal eft une nouvelle méthode pour calculer les éclipfes de Soleil par la projection de l’ombre de la Lune fur le difque de la terre : il fe trouve dans le (a) M. Jean Tlamftead ou Flamfteed, ( car on trouve fon nom écrit par lui-même de ces deux maniérés qui, fuivant la prononciation Angloife , font également Flemftid ), naquit a Denby 5 dans le Comté de Derby , le 19 Août 1646 , vieux ftyle. La Sphere de Sacro-Bofeo, qui iui tomba hazard entre les mains, lui infpira le goût de l’Aftronomie. Il s’y adonna (ans ^utre maître que quelques Livres, jufqu’en , qu’il adrefTa à la Société Royale des Lphémérides pour l’année 1670 ; ce qui le Tome II mit en relation avec quantité d’habiles gens. Il continua d’obferver à Denby, jufqu’à la fin de 167 3. Il vint alors réfuter à Londres, où il entra dans l’état Eccléfiafti-que, & fut pourvu d’un bénéfice. Peu apres il fut nommé , à l’occafion qu’on a dit dans l’article 11, Aftronome du Roi , Sc Directeur de l’Obfèrvatoire de Greenvdch, où il ne celfa prefque de vaquer aux obfervations jufqu’à fa mort. Elle arriva le 30 Décembre 17x9, vieux ftyle. [b) De equat. temp. diatriba. L. 167 2,, in-4. Xxx De M.Flampi tead. 530 H I S T O I R E Syfi. Math, de Jonas Moore : mais un goûc particulier de une forte de devoir le tournèrent principalement du côté de Tob-fervation. Choifl par Charles II, pour remplir la place d’Aftronome Royal au nouvel Obfervatoire de Greenwich, il n’y fut pas plutôt inftallé , qu’il fongea à remplir les vues de cette inftitution, qui étoient qu’on s’addonnât en particulier à rectifier les lieux des fixes, êê à obferver la Lune pour fonder une théorie exacte de cette planete à l’ufage de la navigation. Occupé principalement de ces deux objets, M. Flamflead ne laifîà pas de ramaffer une foule d’obfervations de toute efpece. Ce tréfor commença à être dans la pofTefïion du public en 1712, fous le titre d'Hifloria celeflis Britannica , en un vol. in-fol. qui vit le jour par les foins de M. Hallei, à qui le travail de cette édition fut confié. Mais comme elle avoit été faite un peu contre le gré de M. Flamflead, cet Aftronome, d’un caractère un peu difficile de bizarre, furtout vers la fin de fes jours, y trouva diverfes chofes à redire, de en entreprit lui-même une fécondé qui parut en 1725 , après fa mort. Celle-ci eft beaucoup plus ample, de eft en 3 volumes in-fol. Outre les obfervations nombreufes de de toute efpece que contient cet ouvrage , on trouve dans le troifieme volume de curieux prolégomènes fur THiftoire de l’Aftronomie, de un nouveau catalogue des fixes plus complet qu’aucun des précédens. Car il contient les lieux de 3000 étoiles, prefque toutes obfervées par M. Flamflead, de parmi lefquelles il y en a un affez grand nombre, qui ne font vifibles qu’à l’aide du T éîefcope. On y remarque aufîi un catalogue particulier de 67 étoiles du Zodiaque , obfervées avec des foins particuliers, à caufe qu’elles peuvent être occultées par la Lune de par les planetes. M. Flamflead fe propofoit de publier fur ces obfervations nouvel Atlas célefte , ou de nouvelles Cartes de conftellations femblables à celles que Bayer avoit données en 1603. Mais fa mort interrompit ce projet. Il a depuis été mis en exécu£101) par M. James Hodgfon , Aftronome de la Société Royale » qui publia cet Atlas en 1729 , ( grand in-fol ). C’eft un préfen^ dont les Aftronomes doivent lui fçavoir un gré extrême. O& a aufîi publié à Londres , en une grande planche, les confteH^ rions du Zodiaque, dans Pobfervation defquelles M. FlamJ' tead avoit redoublé de foins de d’attention. L’importance DES MATHÉM AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIH. 53 * ce morceau a porté M. le Monnier à le faire graver de nouveau à Paris, en y faifant les changemens convenables à raifon de la progreffion des fixes. Cette nouvelle édition du Zodiaque de M. Flamflead, a paru en 1755 M* X I. Ce n’efl: pas feulement en France que nous voyons le zelzDeMJKdUU pour l’Aftronomie faire entreprendre de longs de de périlleux voyages dans la vue de hâter fes progrès. L’Angleterre nous offre aufîi des traits de ce zele fi digne d’éloges. 11 faut même en convenir , c’eft elle qui femble en avoir donné le premier exemple. On avoit déjà vu en 1651 un Aftronome Anglois, nommé Shakerley , aller aux Indes orientales, dans le deffein d’y obferver le paffage de Mercure fous le Soleil, qu’il avoit trouvé par fes calculs ne . devoir être vifible que dans cette partie du monde : il l’y obferva effectivement, de fon obfervation eft la feule qu’on ait de cette conjonCtion vifible du Soleil de de Mercure. Ce furent des motifs femblables qui infpirerent en 1676' à M. Hallei (b) le deffein d’aller à l’Ifle de Sainte-Helene. Perfonne n’ignore quels foins les Aftronomes fe font toujours donnés pour faire l’énumération des étoiles , de en («) Chez Dheuland. [b) M. Hallei ( Edmond ) naquit à Londres le 8 Novembre i6 , vieux ftyle. Il étudia fous Thomas Gale, & dès fa jéuneflè il donna diverfes preuves de fon fçavoir en tout genre. Il fit, comme on le raconte dans cet article, en 1677 , le voyage de Sainte-Hélene pour y obferver, & a fon retour il fut recu dans la Société Royale de Londres. Peu après il partit pour Dantzick, afin d’y vifiter Hevelius j après qnoi il parcourut la France & l’Italie, pour y voir les Sçavans. De retour dans fa patrie, il y fut fédentaire pendant une quinzaine d’années, apres quoi il commença de nouvelles courts pour la perfeffton de la Géographie & de la navigation. Telle eft entr’autres la l°ngue & pénible navigation qu’il entreprit «n 1698 , pour vérifier fa théorie des variations de la Boulfole, & dont il ne revint *3U 611 1702, après avoir pafl'é quatre fois la Ligne. En 1703 , il fut nommé à la Chaire de Géométrie', vacante à Oxford , par la mort de "Wallis 3 & en 17x0, Flamf-tead étant mort, il fut nommé à fa place d’Aftronome Royal à Greenwich. L’Aftronomie reprit alors tous fes droits fur M. Hallei, qui palfa le refte de fa vie uniquement occupé d’enrichir cette fcience de fes obfervations, ôc de fes inventions. Il mourut le z6 Janvier 1741- Outre une multitude de Mémoires fer toutes les branches des Mathématiques & de la Phyfique, qui font répandus dans les Tranf. Phil. on a de M. Hallei, les ouvrages fuivans. Catal. Stell. Anflr. &c. in-40. 1678. Apoll. de fetf. rationis & [patii. 1706. in-8°. Appoll. Conic. I. 8 , & Serem. I. 2. gr. lat. in-fol. 1708 (édition magnifique), & enfin fes Tables célébrés. Voyez l’Hiftoire de l’Académie de l’année 1742. Xxx ij 53 i HISTOIRE déterminer la pofition avec exaétitude. Mais le fiege de l’Afi-tronomie ayant toujours été dans des contrées , d’où une grande partie de l’hémifphere auftral ne peut être apperçue, on n’avoit fur cette partie du ciel que des connoiflànces fort incertaines, 6c les catalogues des étoiles qui y font répandues, étoient, ou incomplets, ou défigurés par des erreurs fans nombre. M. Hallei conçut le deffein d’aller faire une énumération exaébe de ces étoiles. L’Ifie de Sainte-Helene , fituée vers le 15e degré de latitude auftrale , 6c où la compagnie Angloife des Indes venoit de former un établiffement, lui parut propre à ce deffein , 6c il demanda à y être envoyé. II étoit encore fort jeune alors , mais il avoit déjà commencé à jetter les fondemens de la haute réputation qu’il a depuis acquife , par divers traits de fagacité , entr’autres par la folution direéhe 6c géométrique d’un problème qui avoit jufque-là fort occupé les Aftronomes , fçavoir, de déterminer dans l’hypothefe de Kepler les aphélies 6c l’excentricité des planetes «d’après trois obfervations données. Cette réputation naiffante lui avoit valu la connoiffance de M. Williamfon, Secrétaire d’Etat, qui affeélionnoit les Mathématiques, 6c de M. Jonas Moore, Intendant de l’Artillerie 6c lui-même habile Mathématicien. Iis appuyèrent fa demande auprès de Charles II3 qui l’agréa, 6c qui donna fes ordres pour qu’il eût toutes les commodités convenables à fon entreprife. M. Hallei partit donc pour Ste Helene au commencement de 1676, 6c y arriva peu de mois après. Il s’attendoit à y trouver la température d’air la plus favorable aux obfervations ; mais on l’avoit trompé , 6c ce ne fut qu’avec bien de la peine, 6c en faififlant tous les momens favorables avec une afîiduité extrême , qu’il vint à bout de fon deffein. Il releva, avec un fextant de cinq pieds 6c derm de rayon , les diftances refpeébives d’environ 350 étoiles, méthode qui lui parut la plus expéditive, 6c la feule qu’il put employer dans la circonstance où il fe trouvoit. De plufieurs de ces étoiles s qui étoient fans noms , il forma une conftella~ tion nouvelle, qu’il nomma le chêne de Charles II ( Robur Carolinum ) en mémoire de celui fous l’écorce duquel ce Prince» après la déroute à&Worceflre, échappa à la pourfuite de Cromwell-M, Hallei ne pouvoit effeétivement témoigner fa reconnoif* DES MATHÉM AT I QUE S. Pan. IV. Liv. VIII- 553 fance d’une maniéré plus noble 6c plus durable qu’en en gravant les marques dans ce ciel même, que les bienfaits de ce Prince lui donnoient le moyen de mieux connoître, M. Hallei fit à Sainte-Helene une autre obfervation impor-tante , fçavoir celle du paffage de Mercure fous le Soleil, arrivé le 28 Octobre ( vieux ftyle ) de l’année 1677.- II eut l’avantage d’en voir l’entrée 6c la fortie, ce que 11e purent point faire quelques autres obfervateurs Européens, qui virent aufii ce paffage , le Soleil n’étant point encore levé pour eux , lorf-que Mercure entra dans le difque de cet aftre. M. Hallei publia toutes ces chofes intéreffantes en 1679 , dans fon Livre intitulé : Catalogusflellarum Aujlralium3 feu fupplernentum catalogi Tychonici, &c. Cet ouvrage contient encore d’excellentes réflexions fur le mouvement de la Lune, dont nous aurons occafion d’entretenir le lecteur. Le paffage de Vénus fous le Soleil, que nous attendons le 5 Juin de l’année 1761 , a été le fujet d’une des plus in-génieufes idées de M. Hallei. L’utilité de ces paffages des planetes inférieures au devant du Soleil, en ce qui concerne la perfećtion de leur théorie, étoit connue depuis long-tems , 5c nous en avons donné une idée en rendant compte de la première obfervation de ce genre faite en 1631. M. Hallei fçut en tirer un autre ufage, que perfonne n’avoit apperçu avant lui. Il concerne la parallaxe du Soleil, chofe fi néceftaire pour connoître la diftance où nous fommes de cet aftre , 6c la grandeur précife de notre fyftême. M. Hallei a montré que le paffage de Venus fous le Soleil, qui doit arriver en 1761 , peut donner cette parallaxe, 6c par conféquent la vraie diftance du Soleil, à un 500e près, 6c cela par une obfervation fort Ample 3 fçavoir celle de la durée de ce paffage vu de certains endroits de la terre. Cette idée, qu’il avoit déjà annoncée en 1691 , il l’a davantage développée en 1716, par un écrit particulier. Qu’il eût été agréable pour un Aftronome aufîi zélé que M. Hallei, de pouvoir être témoin d’un fpeélacle fi rare 5c ft précieux pour l’Aftronomie ? Mais ne pouvant raifonna-blement s’en flatter, car il eût fallu afpirer à une vie plus que féculaire, il ne laifle pas de prendre part à ce fpeétacle, 6c d’en affurer, autant qu’il eft en lui, le fuccès. On le voit exhorter, 5c meme en termes pathétiques, les Aftronomes qui vivront: 534 HISTOIRE alors , à réunir toute leur fagacité &: leurs efforts pour tirer de cette obfervation les fruits qu’on peut en attendre. Nous avons tout lieu de croire que fes fouhaits feront remplis. L’Aftronomie eft trop en honneur aujourd’hui, il y a lur la furface de la terre un trop grand nombre d’obfervateurs répandus de toutes parts, pour croire qu’on manque l’occafion d’une obfervation ft rare. Nous nous contentons de parcourir ici les traits principaux de la fagacité de M. Hallei en Aflronomie. C’eft pourquoi, nous ne difons rien de divers écrits fur des matières aflronomia ques qu’on trouve répandus dans les TranfaCtions. Nous paf-ferons même ici fur fa Théorie de la variation de la Boujfole de même que fur fon Aflronomie Cométique, développement précieux de la fublime théorie de M. Newton fur les Cometes, parce que ces derniers objets feront mieux placés ailleurs. Nous nous arrêterons feulement encore à fes travaux fur la théorie de la Lune. La perfection de la théorie de la Lune fut un des premiers objets des méditations dc M. Hallei, lorfqu’il entra dans la carrière de l’Aftronomie. Dès le tems où il publia fon catalogue des étoiles auftrales , il avoit fait diverfes découvertes importantes fur ce point aftronomique. Une de ces découvertes eft que, toutes chofes d’ailleurs égales, la Lune va plus vîte lorfque la terre eft le plus éloignée du Soleilj que lorfqu’elle eft périhélie ; c’eft pourquoi il introduifit dans le calcul du lieu de la Lune une nouvelle équation dépendante de la diftance de la terre au Soleil. Il remarqua aufîi l’applatiffement de l’orbite lunaire , qui fe fait dans les fyfigies, ou les conjonctions ÔC oppofitions , aufïi-bien que quelques autres particularités d»* mouvement de la Lune. Toutes ces remarques fe font tro^" vées depuis conformes à la théorie phyfique de cette planete , démontrée par M. Newton. M. Hallei fentit néanmoins , quoiqu’il eut beaucoup ajoute à cette théorie , qu’il reftoit encore bien des chofes à faire pour l’amener à la perfedion défirée des Aftronomes. Il toit aufîi que cette perfeCtion n’étoit l’ouvrage, ni d’un feu* homme , ni d’un fiecle. Ce motif lui infpira l’idée d’un a^tre moyen de foumettre au calcul les inégalités de la Lune* ftue nous allons expliquer. ♦ DES MATHÉMATIQUE S. Pan. IV. Liv. VIII. 535 Les principales ôc les plus fenfibles des inégalités de la Lune , foit en longitude, foit en latitude, dépendent, comme fçavent les Aftronomes, de fa pofition , (oit à l’égard de fon apogée ôc de fon nœud, foit à l’égard du Soleil. Car ce font fes configurations , ôc celles de fes nœuds êé de fon apogée avec cet aftre, qui font les caufes de toutes les bizarreries qui occupent depuis fi long-tems les Aftronomes : d’où il fuit que fi l’on trouvoit une période qui, en finiflant, ramenât toutes ces chofes comme elles étoient au commencement, les inégalités de la Lune fe renouvellcroient enfuite dans le même ordre ; ôc l’on auroit un moyen facile de les prédire, pourvu qu’on les eût obfervées durant le cours de la période précédente. L’antiquité, ôc même l’antiquité la plus reculée , a le mérite de fournir à l’Aftronomie moderne une période qui , li fl elle ne remplit pas entièrement toutes ces conditions, du moins en approche de fort près. On a obferve , dk Pline, que dans l’intervalle de 223 lunaifons , les éclipfes de Soleil ôc de Lune fe renouvellent dans le même ordre, ôc fuivant Suidas, cette période fut connue des Caldéens fous le nom ûe Saros. M. Hallei qui avoit beaucoup d’érudition mathématique, avoit remarqué ce trait, Ôc peut-être fut-ce la première occafion de fonger à ce moyen de reétifier la théorie de la Lune, Quoi qu’il en foie, il examina cette période , ÔC par la comparaifon de diverfes obfervations, il trouva qu’ef-fe&ivement après l’intervalle de tems ci-defifus , les phénomènes lunifolaires fe renouvellent dans le même ordre à moins d’une demi-heure près. Cette erreur vient de ce qu’à la fin de la période , les chofes ne font pas rétablies précifément comme elles étoient au commencement ; car 223 Incitons forment 18 ans Juliens , 11 jours, 7 heures 43', 45//, Pendant lequel tems l’apogée de la Lune a fait 130 de plus qu’une révolution entière , ôc les nœuds , deux révolutions moins 11 degrés. Mais cette différence qui influe un peu fur le lieu réel de la Lune, ôc furie tems, ne le fait pas fenfiblement fur la grandeur des équations ; ôc de-Ià vient qu’après 1 intervalle d’une période entière, les différences des lieux calcules avec les lieux réels, font fenfiblement les mêmes. M. Hallei avoit déjà conçu dès l’année x68o ledeilèin de 53^ HISTOIRE rectifier la théorie de la Lune à l’aide de cette méthode : il obferva dans cette vue la Lune pendant 16 mois confécutifs des années 1682, 83 2c 84, ôc il fît l’efîai de fa nouvelle invention fur l’éclipfe de Soleil du mois de Juillet de 1684, dont il déduifît toutes les circonflances de celle qu’on avoit obfervée en 1666; ôc fon calcul approcha bien davantage de la vérité, qu’aucun autre déduit des meilleures Tables. 11 eut bien defiré pouvoir continuer fes obfervations durant une période complete de dix-huit ans ; mais traverfé par diverfes affaires , il ne put commencer à fe fatisfaire là-deffus, que lorfqu’il fut nommé Aftronome Royal, ôc Dire&eur de l’Ob-fervatoire de Greenwich, à la place de M. Flamflead; ce qui arriva au commencement de 1720. Il reprit le travail dont nous parlons en 1722 , ôc depuis le 3 de Janvier de cette année, jufques fort peu avant la mort, arrivée en 1742 , Ü ne difeontinua prefque d’obferver la Lune toutes les fois qu’il lui fut poffible. Il n’attendit cependant pas l’expiration d’une période entière pour informer le public de fes travaux. Il lui en rendit compte en 1731 , c’eft-à-dire, après une demi-période expirée , par un écrit qu’on lit parmi les Tranfactions Philofo-phiques de cette année. Outre le témoignage extrêmement favorable qu’il rendoit à la théorie phylique de M. Newton, il y affuroit que par la méthode dont nous parlons, il pouvoit prédire, à une erreur près de deux minutes , le lieu de la Lune , pour un inftant quelconque des neuf années fuivantes. Il annonça en même tems une chofe très-intéreiïante pour la navi' gation , fçavoir que cette exa&itude étoit fuffifante pour dé" terminer la longitude en mer , fans s’y tromper de plus d’une vingtaine de lieues, aux environs de l’équateur ôc de moi115 dans des latitudes plus grandes. L’importance de femblables obfervations pour calculet 1£S lieux de la Lune , a excité divers Aftronomes célébrés à entreprendre le même genre de travail. Sur l’annonce que M. H al' lei donna en 1731 , de fes fuccès , ôc de ceux qu’il attendent d’une plus longue fuite d’obfervations., M. Delifle, alors à Pe-tersbourg, fe mit à obferver la Lune ce qu’il a continue ï? ans de fuite, fçavoir depuis le mois de Septembre *734 5 lLl, / qu’en 1746 , pendant lequel intervalle de tems, Ü a raftèmb e plus de 1100 obfervations de cette efpece. Mais M. le M°nnlC^ DES MATH É M AT î QUE S. Part. IV. Liv. VIII. 537 feft celui qui s’eft livré à ce travail avec le plus de perfévé-rance. Il a achevé la période de M. Hallei ^ de il en a commencé une fécondé qui doit être finie, ou approcher de fa fin. Lorfque ces obfervations précieufes auront été communiquées au public, on pourra fe flatter d’avoir déjà un moyen aftez jufte de calculer le lieu de la Lune, en attendant qu’on ait fuffifamment réufli à foumettre au calcul les caufes phyfiques des irrégularités de cette planete ; de c’eft ce qu’on peut, fans trop de confiance , efpérer dans peu des travaux réunis de tant de Géomètres profonds qui travaillent fur ce fujet. Mais je reviens à M. Hallei. Parmi les obligations nombreufes de PAftronomie envers cet homme célébré , obligations qu’une hiftoire particulière de cette fcience peut feule développer avec l’étendue convenable j nous citerons enfin fes Tables aJlronomiqu.es. Ces tables, le rélultat des vues les plus fines, ôc d’une multitude d’obfervations combinées avec fagacité, étoient en partie imprimées dès l’année 1725 ; mais M. Hallei travaillant fans celle à les perfectionner, furtout en ce qui concerne la théorie de la Lutte , en difFéroit de jour à autre la publication lorfqu’il mourut. Elles ont paru depuis , fçavoir en 1749 , de elles font juf-tement regardées comme les plus parfaites que l’Aftronomie ait encore produites. Il feroit trop long d’en développer tous les avantages , de d’expofer les principes fur lefquels elles font conftruites. M. Delifle en a informé le public par deux curieufes de fçavantes Lettres (a), auxquelles il nous fuffira de renvoyer le lecteur. X I I. f ÏLen ne feroit plus fatisfaifant pour l’efprit, que la Phyfique Découvertes celefte deM. Defcartes , fi elle eût pu foutenir l’épreuve de Ptyfico- Af, 1 examen de de l’obfervation. Ces tourbillons , c’eft-à-dire, ces deMJVwton, torrens de matière éthérée, qui, fuivant l’idée de ce Philofo- 5 entraînent les planetes autour du Soleil, préfentent à eiprit un méchanifme intelligible , de qui enchante par fa implicite : mais cette idée , fi féduifante au premier coup Q- œil, eft fujette a tant de difficultés ; elle fe trouve malheu- Lertres.de M. Delifle fur les Tables de M. Hallei, 1749 8c 17/0 ■> in-n, Tome //. y y y 53S HISTOIRE reufement fi peu d’accord avec les phénomènes, ou les loix dc la Phylique, malgré les efforts de plufieurs hommes célébrés pour les concilier enfemble (a), qu’on efi: forcé de convenir que le fyftême de Defcartes n’eft pas celui de la nature. M. Newton a pris une autre route, êc fur les débris de ce fyftême , il en a élevé un nouveau , félon nos conjectures, plus folide êc plus durable. En effet, fi l’accord toujours foutenu d’un fyftême avec les phénomènes , non feulement confidérés en gros , mais dans les détails , forme un préjugé avantageux en fa faveur ,, on ne peut qu’augurer ainfi de celui de M. Newton. En vain ceux qui fe refufent aux vérités établies par ce génie immortel, affectent de regarder le changement qu’il a fait dans l’empire philofophique , comme une révolution paf-fagere : nous croyons pouvoir avec confiance efpérer le contraire. Une théorie établie, comme celle de M. Newton3 fur les phénomènes êc la Géométrie, n’a rien à craindre des vi* ciflitudes du tems êc des opinions des hommes. La Phyfique célefte de M. Newton eft fondée fur le principe de la gravitation univerfelle : toutes les parties de la matière, quelque foit le méchanifme ou la caufe de cet effet., tendent, fuivant le Philofophe Anglois, les unes vers les autres, avec une force qui varie en radon inverfe du quarré de la diftance. C’eft-là la pefanteur que nous éprouvons fur la furface de notre terre, êc le reffort de tous les mouvemens céleftes, les plus compliqués. Nous expoferons les preuves qui conduifent néceffairement à admettre ce principe, lorfque , fuivant la nature de notre plan, nous aurons dit quelques mots fur les traces qu’on en trouve avant M. Newton. Il eft peu de vérités brillantes, en Phyfique, qui n’ayent etc entrevues par les anciens. Cette remarque fe vérifie en particulis à l’égard du principe de la gravitation univerfelle. Sans fouilla avec M. Grégori dans les recoins les plus obfcurs de l’antiquité , nous y trouvons des traces marquées de ce principe. u4naxa' gore donnoit, comme on l’a déjà remarqué, aux corps cèle*' tes , une pefanteur vers la terre qu’il regardoit comme le ce*1' tre de leurs mouvemens. Ce fut furtout un des principes de . Philofophie de Démocrite êc & Epicure ; car on le trouve Gai- (a) Voye{ art. yiii , du Livre iy.q DES MATHÊMATIQ U E S. Part. IV. Liv. VIII. 539, rement énoncé dans leur élégant Interprête, le Poëte Lucrèce. C’eft de ce principe qu’il tire la hardie conféquence, que l’Univers eft fans bornes. Ecoutons-le lui-même. Pr&terea fpatium fommai totius omne Undique Ji inclufum certis confifieret oris 3 Finitumque foret 3 jam copia materiaï Undique ponderibus f olidis confluxet ad imum A Nec foret omnino cœlum j neque lumina Jolis j; Quippe ubi materies omnis cumulata jaceret Ex infinito jam tempore fubfidendo. Lorfque le véritable fyftême du monde, rejfTufcité par Co~ pernic, fortit de fes cendres, celui de la gravitation univerfelle jetta aulîi quelques traits de lumière. Cet Aftronome cé-* lebre n’attribuoit la rondeur des corps céleftes qu’à la tendance de leurs parties à fe réunir [a). Il n’alla pas, à la vérité, jufqu’à étendre la gravitation d’une planete à l’autre ; mais Kepler j plus hardi êc plus fyftématique, alla jufque-là dans fon Commentaire fur les mouvemeiis de Mars. Dans la Préface de ce Livre fameux, il fait peler la Lune vers la terre, êc vice verfâ ; de forte, dit-il, que li elles n’étoient retenues loin l’une de l’autre par leur rotation, elles s’approcheroient êc fe réu-niroient à leur centre de gravité commun. Ce même endroit nous offre plufieurs autres traits frappans de ce fyftême (b), êç il eft furprenant que Kepler , après avoir fi bien vu ce prin-C1pe, n’en ait pas fait plus d’ufage , êc qu’il ait employé dans fon explication du mouvement des planetes, des raifons aulîi peu phyfiques que celles qu’il propofé. L attra&ion ou la gravitation univerfelle de la matière , fut srulli reconnue par quelques Philofophes François. Suivant "L de Fermât a c’étoit-là la caufe de la pefanteur. Un corps ne tomboit vers le centre de la terre , que parce qu’il fe prêtoit jutant qu’il etoit poffible à la tendance qu’il avoit vers toutes ies Parties. Il ajoutoit qu’il étoit moins attiré lorfqu’il étoit entre centre & la furface, parce que les parties les pluą (a) De Revol. r -Vo7.L.iv>art;i# Yyy ij 540 H I STOI R E éloignées de ce centre l’attiroient en fens contraire , des plus" proches ; d’où il conclut ce que M. Newton a depuis démontré plus rigoureufement , que dans ce cas la pefanteur décroît, comme la diftance au centre (a). C’étoit encore là le principe fondamental du fyftême Phyfico - Aftronomique que Ro: berval mit au jour en 1644, fous le nom d'Ariftarque (b) de Samos, Dans ce Livre Roberval attribue à toutes les parties de matière dont l’Univers eft compofé , la propriété de tendre les unes vers les autres. C’eft-là , dit-il, la raifon pour laquelle elles s’arrangent en figure fphérique , non par la vertu d’un centre , mais par leur attraction mutuelle , & pour fe mettre en équilibre les unes avec les autres. Remarquons encore qu’Alphonfe Borelli , dans fa théorie des fatellites de Jupiter (c), employoit 1’attraćtion y je le dis d’après M. IVzidlera [d) car il ne m’a pas été poffible de me procurer ce Livre de Borelli , pour vérifier cette remarque. Je ferois même porté à penfer le contraire, d’après un autre de fes ouvrages,qui parut peu d’années après (e). En effet, il n’y eft rien moins que par-tifàn de 1’attraćtion ; il la rejette même comme un principe peu conforme à la faine Phylique. Borelli auroit changé bien promptement d’opinion & de fyftême. JVjais perfonne, avant M. Newton, n’a mieux apperçu le principe de la gravitation univerfelle, ni plus approché d’en faire l’application convenable au fyftême de l’Univers, que M. Hook’ Les Philofophes que nous venons de pafter en revue , en avoient faifî, les uns une branche, les autres une autre. Hook l’embrafîà dans prefque toute fa généralité. On le voit clairement par le paffage qu’on a cité dans l’article VIII de ce Livre» Au refte, il ne put démontrer quelle loi devoit fuivre cet t6 gravitation dans les différentes diftances du centre, pour faife décrire aux corps céleftes des ellipfes ayant la force centrale dans un de leurs foyers. Et c’eft tout-à-fait fans raifon qu près la découverte qu’en fît M. Newton , il prétendit s’en 3e" tribuer la gloire ou la partager. Il y a encore bien loin dc conjećture de Hook y &; des preuves dont il l’étayoit, aux ffibh* (a) Merli Harm. univ. L 113 Prop. ix. (d) Hifl. Aflr. I. xv , art. *ir* (b) Arift. Samii*, de mundi fyflem. lib. (e) De mot. nat, à gravit, pendentl * fing. Parif. 1644, in-40. 1670. (c) Theor. Jyîediç, Planet. 1666. in-40» DES MÀTHÉMATI QU E S. Part. IV. ZzV. VIII. 541 mes démonllrations par lefquelles M. Newton a depuis établi cette loi de l’Univers. Tels étoient les progrès du fyftême de la gravitation uni-Verfelle, lorfque parut le célébré Philofophe Anglois. Pem-berton , qui avoit vécu & converfé avec lui, raconte (a) que ee fut en 1666, qu’il commença à foupçonner l’exiftence de ce principe , ôc à tenter de l’appliquer au mouvement des corp9 céleftes. Retiré à la campagne , par l’appréhenlion de la pc-fte qui régna cette année à Londres êc aux environs ^ fes méditations fe tournèrent un jour fur la pefanteur. Sa première ré-ftexion fut que cette caufe qui produit la chute des corps terreftres, agilîànt toujours fur eux à quelque hauteur qu’on les porte, il pouvoit bien fe faire qu’elle s’étendît beaucoup plus loin qu’on ne penfoit, & même jufqu’à la Lune, & au delà» D’ ou il tira cette conjecture, que ce pouvoit être cette force qui retenoit la Lune dans fon orbite, en contrebalançant'la force centrifuge qui naît de fa révolution autour de la terre. Il confldéra en même tems que quoique la pefanteur ne parût pas diminuée dans les différentes hauteurs auxquelles nous pouvons atteindre , ces hauteurs étoient trop petites pour pouvoir en conclure que fon action fût partout la même ; il lui parut au contraire beaucoup plus probable , qu’elle décroiffoit à différentes diftances du centre. Il reftoit à découvrir la loi fuivant laquelle fe fait cette va-* Eation ; pour cela il fit cette autre réflexion , fçavoir que fi c’étoit la pefanteur de la Lune vers notre globe qui la retînt dans fon orbite , il en devoit être de même des planetes principales à l’égard du Soleil, des fatellites de Jupiter à l’égard de Cette planete , ôcc. Or en comparant les tems périodiques des planetes autour du Soleil avec leurs diftances, on trouve que les forces centrifuges qui naiffent de leurs révolutions, par conféquent les forces centripètes qui les contrebalancent , & qui leur font égales , font en raifon inverfe des quarrés des diftances. Il en eft de même des fatellites de Jupiter ; d’oû il conclut que la force qui retient la Lune dans 011 orbite , devoit être la pefanteur diminuée dans le rap" port inverfe du quarré de fa diftance à la terre» A Fiew Sir Ifaac Newtm pfiilcf&phy.- 54ł HISTOIRE M. Newton ne s’en tint pas là ; il fie encore le raifonnement que voici. Si la Lune eft forcée de circuler autour de la terre , parce qu’elle tend vers elle avec une pefanteur diminuée dans le rapport ci-deftus, ( c’eft-à-dire, 3600 fois moindre qu’à la furface , puifque la Lune eft éloignée du centre de la terre de 60 demi-diametre terreftres ), la chiite qu’elle feroit étant uniquement livrée à cette force, pendant un tems déterminé, celui d’une minute, par exemple, devra être la 3 600® partie de l’efpace que décrivent les corps pefans vers la furface de la terre pendant le même tems. Or cette chûte, nous voulons dire , ce dont la Lune s’approcheroit de la terre durant une minute , fi elle obéilïoit uniquement à la pefanteur , c’eft le finus verfe de l’arc qu’elle décrit durant ce tems. M. Newton compara donc ce finus verfe , pour voir s’il fe trou-veroit exactement la 3600e partie de l’efpace parcouru par les corps graves à la furface de la terre durant une minute. Ceci faillit à ruiner de fond en comble l’édifice qu’il commençoit à élever. Comme la mefure allez exaéte de la terre , prife par Norwood en 1635 , lui étoit inconnue, il fuppofa avec les Géographes êc les Navigateurs de fa nation , que le degré con-tenoit 60 milles Anglois. Mais comme au lieu de 60, il en contient environ 697, il ne trouvoit plus le rapport qu’il falloit pour vérifier fa conjećture. Bien des Philofophes fe fufteiit peu embarralfé de cette difficulté , êc fe la déguifant, eu fient continué d’élever leur édifice. Mais cet homme incomparable cherchant la vérité de bonne foi, n’avoit pas pour objet de faire un fyftême. Quand il vit qu’un fait renverfoit toutes fes conjectures , jufqu’alors fi bien liées, il les abandonna, ou il remit à un autre tems à les examiner. Ce fut feulement en 1676, que M. Newton reprit le fil fes idées fur ce fujet. Il y a apparence que l’ouvrage de Hook) dont nous avons parlé plus haut, en fut l’occafion. Le Idvr^ de la mefure de la terre, par M. Picard, voyoit le jour depuis quelques années. M. Newton s’en fervit pour réfoudre ou con" firmer la difficulté qui l’avoit d’abord arrêté. Mais quand moyen de cette mefure, il eut déterminé exaétement Us Q1-menfions de l’orbite lunaire, le calcul lui donna préciCémenc ce qu’il cherchoit. Car en fuppofant, d’après les meilius N" tronomes, la diftance moyenne de la Lune à la terre de 0 DES MATHÉMATI QUE S. Part, IV. Liv. VIII. 543 demi-diametres , de le degré terreftre de 57100 toifes , on trouve que le ftnus verfe de l’arc décrit par la Lune dans une minute , eft de 15 pieds ®.r les corps voiftns de la furface de la terre, tombent dans une fécondé, de cette même hauteur de 1 5 pieds fr , de par conféquent dans une minute ou 60 fécondés , cette chûte feroit 3600 fois plus grande. D’où il eft évident que la chûte de la Lune pendant cet intervalle de tems , eft 3600 fois moindre que celle des corps terreftres , de par conféquent la force qui la produit 3600 fois moindre qu’à la furface de la terre. Après cette démonftration, M. Newton n’héftta plus de conclure que la même force qu’éprouvent les corps voiftns de la furface de la terre, la Lune l’éprouve dans fon orbite , de que c’eft cette force qui l’y retient , de qui l’empêche de s’échapper en ligne droite. Lorfqu’une fois M. Newton fe fut aiïiiré de cette vérité * il rechercha quelle courbe devoit décrire un corps projette 3 dans i’hypothefe rigoureufe que les direćtions convergent à un centre, de que la force qui y pouffe ou attire ce corps, fuit le rapport inverfe des quarrés des diftances à ce centre. Il trouva d’abord qu’en général, c’eft-à-dire quelle que foit la loi de la gravitation, les aires décrites par les lignes tirées continuellement du corps au centre de force , font proportionnelles au tems. De-là paffant à l’hypothefe de la gravitation en raifon inverfe du quarré de la diftance , il découvrit que la courbe décrite dans ce cas, eft toujours une fećtion conique : ainfi lorfqu’elle rentre en elle-même , ce ne peut être qu’un cercle s ou une ellipfe ayant le centre de forces à l’un de fes foyers. font là, ainfi que tout le monde fçait, deux propriétés du mouvement des planetes autour du Soleil. Il faut donc conclure, avec M. Newton, que les planetes font retenues dans leurs orbites autour de cet aftre par une force femblable u celle que nous éprouvons fur la terre, de qui décroît en raifon réciproque du quarré de la diftance. M. Newton en étoit là lorfqu’il fit connoiflànce avec M. HalUi. Cet ami illuftré fentit aufft-tbt tout le prix de ces belles découvertes , de il l’engagea à les publier dans les ranJ. Philof. Mais bien-tot il alla plus loin, de conjointement avec la Société Royale, il l’exhorta puiffamment à dé-'Ve opper davantage, ôe à mettre en ordre toutes ces fublimes 544 HISTOIRE théories qu’il avoir dès-lors ébauchées fur la méchanique^ de fur divers points du fyftême de l’Univers. Il s’offrit enfin à prendre fur lui les peines êc les foins de l’édition. Ce furent ces inftances , de pour ainfi dire, cette violence qu’il fit au peu de goût qu’a voit Newton pour fe produire , qui hâtèrent la publication de fes principes. Newton n’employa , dit-on, que 18 mois à trouver une grande partie de ce que contient ce Livre immortel, de à le rédiger. Enfin après quelques difficultés élevées par M. Ilooke qui difputoit à Newton d’avoir le premier démontré les loix de Kepler, l’ouvrage parut en 1687 fous le titre de Philojophicc naturalis principia Mathematica, in-40. On remarque que ce Livre , fi digne d’admiration , ne fut pas d’abord reçu , du moins dans le continent,, avec les applaudiffemens que lui ont donné depuis tous les Philofophes de l’Europe, de ceux-là même qui n’admettant pas toute fa doébrine, pouvoient être fenfibles aux nom-breufes découvertes de tout genre qu’il contient d’ailleurs. On ne doit pas trop s’en étonner : à peine commençoit-on à convenir de toutes parts , que la maniéré, du moins intelligible, de méchanique , dont Defcartes tentoit d’expliquer les phénomènes de la nature , valût mieux que les mots vuides de fens qu’on donnoit dans les Ecoles pour des raifons ; à peine enfin commençoit-on à fe loger dans l’édifice élevé par le Philofophe François ; il étoit dur d’être obligé de l’abandonner fi-tôt. A l’égard de l’Angleterre, ne lui faifons pas entièrement honneur de la juftice qu’elle rendit d’abord à Newton. Sa qualité d’Anglois , de l’efpece de haine qu’elle porte à tout mérite qu’elle ne peut pas revendiquer, lui firent Faire fans doute la moitié du chemin. On voit par l’expofé que nous avons fait plus haut du progrès des idées de M. Newton , que la gravitation univerfelle n’eft point une pure hypothefe. C’eft une vérité de fait, une conféquence à laquelle le conduit l’analogie de l’examen approfondi des phénomènes. Mais pour établir ceci avec plus d’évidence , il eft befoin de faire encore quelques réflexions' L’hypothefe des tourbillons une fois ruinée, de elle parc^ l’être fans reffource après ce qu’on a dit dans le Livre M de cette partie , les corps céleftes ne font point portés par des epurans de matière éthérée , circulans autour du Soleil 9 ou DES MATHÉMATIQUES.Part.TV .Liv.Vlll. u$t ou d’une planete principale. D’un autre côté , la continuité des mouvemens des aftres , qui font toujours les mêmes dans les endroits femblables de leurs orbites, eft pour nous une puiftante raifon d’aflùrer que les efpaces céleftes ne font remplis d’aucune matière fenfiblement réfiftante. Car M. Newton a montré qu’un fluide femblable à celui dont Defcartes remplif-foit ces efpaces, détruiroit dans peu le mouvement des corps qui le traverferoient. Cependant les Cometes parcourent les efpaces céleftes dans toutes les directions imaginables, de avec la même liberté que fi c’étoit un vuide parfait ; d’où il fuit qu’un pareil fluide n’exifte point. Et il ne ferviroit à rien d’imaginer ce fluide atténué à un point exceflif : un célébré partisan des tourbillons (a) a fait l’aveu que quelle que foit fa ténuité de la divifion de fes parties , dès qu’on fuppofera la même mafte , il y aura la même réaCtion , la même réfiftance ; vérité d’ailleurs fi conforme aux loix du mouvement, reconnues de avouées de tous les Méchaniciens, qu’à moins de s’en former de nouvelles, on ne fçauroit la contefter. Le mouvement des corps céleftes eft donc la fuite d’un mouvement une fois imprimé. Mais les loix de la méchanique nous apprennent qu’un corps une fois mu, ne s’écarte jamais de la ligne droite , qui eft la direction primitive qu’il a reçue, à moins que quelque caufe ne l’en détourne. C’eft pourquoi, puifque nous voyons les planetes parcourir autour du Soleil une ligne courbe, il faut néceftairement qu’à chaque inftant, elles foient détournées par quelque force, de la direćtion rectiligne. Ajoutons que la direction de cette force tend vers le Soleil. Car l’obfervation a montré que les planetes principales décrivent autour de cet aftre des aires proportionnelles aux tems ; de c’eft un théorème de Méchanique auffi inconteftable que les démonftrations de la Géométrie, que lorfqu’un corps, en vertu d’une impulfion primitive , décrit autour d’un point des aires proportionnelles au tems , la force qui le détourne de la ligne droite eft dirigée vers ce point. Ainfi il eft folidement établi que les planetes ne circulent autour du Soleil que par l’aétion combinée d’une impulfion primitive de latérale, de d’une force fans celle agiffànte, qui tend à les rapprocher dc D M. Saurin. Voye{ Mémoires de l’Académie 5 1707. Tome IL Zzz 546 HISTOIRE cec aftre. Il en eft de même des planetes fecondaires, qui cir* culent autour des principales,, 6c enfin par degrés de toutes les parties dont chacun de ces corps eft compofé. Chacune d’elles tend à fe réunir aux autres, avec une force proportionnelle à fa mafte, 6c vice versa ^ comme l’aimant 6c le fer s’attirent mutuellement. Cette force, c’eft 1’attraćtion Newtonienne, ou la gravitation univerfelle. Peu nous importe, du moins ici, quelle en eft la nature. Eft-ce une impulfion réitérée fur le corps, ou bien une nouvelle propriété de la matière ? c’eft ce dont nous ne nous embarrafferons point. Il nous fuffira qu’il foit démontré qu’il y a dans l’Univers une force qui tend à rapprocher les planetes principales du Soleil, 6c nous pouvons à cet égard ne pas aller plus loin que M. Newton (a). Il proteftc en plusieurs endroits de fes principes , qu’il n’entend par le mot d’at-traćtion , que cette force dont nous venons de parler, quelle qu’en foit la nature. « Je me fers, dit-il, du terme d’attrac-« tion , pour exprimer d’une maniéré générale l’effort que font les corps pour s’approcher les uns des autres , foit que >3 cet effort foit l’effet de 1’aćtion des corps qui fe cherchent >3 mutuellement, ou foit produit par des émanations de l’un 33 à l’autre , ou par l’aélion de l’éther, ou de tel autre milieu 33 corporel ou incorporel. Je vais, dit-il encore dans le même ?3 ouvrage, expliquer les effets de ces forces que je nomme 33 attractions, quoique peut être , pour parler physiquement, il 33 fût plus exaét de les nommer impuljions. » Mais c’eft furtout dans fon Optique (b) qu’il donne un témoignage authentique ôc frappant de fa maniéré de penfer à cet égard. On l’y voit tâcher de déduire la caufe de cette gravitation de l’action d’un milieu fubtil ôc élaftique, qui pénétré tous les corps. Voici cet endroit remarquable, u Ce milieu, 33 dit M. Newton, n’eft-il pas plus rare dans les corps denfes 33 du Soleil, des Etoiles, des Planetes 6c des Cometes, que >3 dans les efpaces céleftes vuides qui font entre ces corps-la : 33 ÔC en paffant dans des efpaces fort éloignés , ne devient-il 33 pas continuellement plus denfe 6c par-là n’eft-il pas la >3 caufe de la gravitation réciproque de ces vaftes corps, 6c de >3 celles de leurs parties vers ces corps mêmes ; chacun d’eu# (a) Liv. i, Sećt. xi, à la fin. Ibid. Sećh xi „ au commencement* (b) Optique. Quefi,2i & 22+ DES M ATHÉ M AT I QUE S. IV. VIII. 547 » tâchant daller des parties les plus denfes vers les plus ra- « res ?... Et quoique l’accroiftement de denlité puifte être ex- « ceftivement lent à de grandes diftances, cependant fi la for-39 ce élaftique de ce milieu eft exceflivement grande, elle peut 39 fuffire à pouffer les corps des parties les plus denfes de ce 39 milieu vers les plus rares avec toute cette force que nous 33 nommons gravité. Or que la force de ce milieu foit excefli*» 33 vement grande, c’eft ce qu’on peut inférer de la vîtefte de 39 fes vibrations. Le fon parcourt environ 1140 pieds dans 39 une fécondé, ôc environ cent milles d’Angleterre en fept à 39 huit minutes. La lumière eft tranfmife du Soleil jufqu’à 39 nous dans environ fept à huit minutes , c’eft-à-dire, qu’elle 33 parcourt une diftance de près de 70000000 milles d’Angle-33 terre, fuppofe que la parallaxe horizontale du Soleil foit 39 d’environ 12/. Et afin que les vibrations de ce milieu puif-39 fent produire les alternatives de facile tranfmiflion ÔC de fa~ 39 cile réélection ( c’eft un phénomène optique dont nous par-39 lerons dans le Livre fuivant )elles doivent être plus promp-39 tes que la lumière, ôc par conféquent plus de 700000 plus 39 promptes que le fon. Donc la force élaftique de ce milieu, 39 doit être à proportion de fa denfité plus de 700000 x 700000, 39 ou 490000000000 fois plus grande que la force élaftique 39 de l’air, à raifon de fa denfité. Car les vîteftes des vibra-39 tions des milieux élaftiques font en raifon foudoublée des 33 élafticités 6c des raretés des milieux, prifes enfemble. 39 Les Planetes , les Cometesôc tons les corps denfes, ->5 ajoute M. Newton ne peuvent-ils pas fe mouvoir plus libre-33 ment, ôc trouver moins de réfiftance dans ce milieu éthé-39 rée, que dans aucun fluide qui remplit exactement tout ’3 l’efpace fans laiftèr aucun pore, ôc qui par conféquent eft 33 beaucoup plus denfe que l’or ou le vif argent. Et la réfiftan-33 ce de ce milieu ne peut-elle pas être fi petite qu’elle ne foit 33 d’aucune confidération ? Par exemple, fi cet éther étoit fup-39 pofé 700000 fois plus élaftique que notre air, ôc plus de ’3 700000 fois plus rare, fa réfiftance feroit plus de 600000000 '3 fois moindre que celle de l’eau. Et une telle réfiftance eau-33 feroit à peine aucune altération fenfible dans le mouvement 39 des planetes en dix mille ans. Si quelqu’un s’avifoit de me 33 demander comment un milieu peut être fi rare, qu’il me Zzz ij 54S H r S T O I R E >3 dife comment dans les parties fupérieures de Pathmofphere 33 Pair peut être plus de mille fois, cent mille fois plus rare 33 que l’or. Qu’il me dife auffi comment la friétion peut faire 33 évaporer d’un corps éleétrique une exhalaifon li rare ôc li 33 fubtile ( quoique fi puiftante ), qu’elle ne caufe aucune dimi-33 nution fenfible dans le poids du corps électrique, ôc que ré-33 pandue dans une fphere de plus de deux pieds de diametre, 33 elle foit pourtant capable d’agiter ôc d’élever une feuille de 33 cuivre ou d’or à plus d’un pied du corps éleCtrifé. Qu’il 33 me dife encore comment la matière magnétique peut être li >3 rare ôc fi fubtile , que fortant d’un aimant, elle paiïe au tra-sa vers d’une plaque de verre fans aucune réfiftance ou dimi-3> nution de les forces , ôc pourtant fi puiftante, qu’elle faffe 33 tourner une aiguille aimantée au delà du verre. 35 Ce long paftage doit mettre fuffifamment M. Newton à l’abri de l’accufation que lui ont intentée quelques-uns de fes anta-goniftes, fçavoir de ramener dans la Philofophie les caufes occultes fi juftement proferites parles modernes. Rien n’eft plus injufte que cette imputation, M. Newton n’eût-il même pas protefté auffi louvent qu’il l’a fait fur le fens qu’il donne au mot d’attraCbion. Les Anciens étoient répréhenfibles en ce que à chaque phénomène ils employoient une nouvelle propriété. Mais le procédé de Newton eft bien différent : il employé la gravité ou la gravitation univerfelle à expliquer tous les phénomènes céleftes , ôc même à en déduire certains qui n’étoient point encore apperçus de fon tems, ôc quel’obfervation a depuis vérifiés, comme la nutation de Taxe de la terre. Le Mé-chanicien qui examine l’aétion que les corps exercent les uns fur les autres , en conféquence de leur gravité, ou de leur mouvement, eft-il tenu de commencer par connoître ce que c’eft que la gravité , le mouvement, Timpulfion, ôcc ? Sa vie fe pafferoit infru&ueufement dans ces difcuffîons obfcures , $C la Méchanique feroit encore à naître. A la vérité, il femble que M. Newton n’a pas toujours été auffi ferme dans cette maniéré d’envifager Tattraéïion ; foie, comme l’ont foupçonné quelques-uns , qu’il Taffeéïât feulement pour ménager fes leéïeurs, foit qu’il ait réellement chan^ gé d’avis. Le célèbre Roger Cotes, dans la Préface qu’il a rr»ffc à la tête de la nouvelle édition des Principes de 17^3 ? êdi- DES MATHÉM AT IQ U E S. Pan.IV. Liv.VIII. 549 tion faite fous les yeux de Newton, a tranché le mot, 6c donné la gravitation univerfelle pour une propriété inhérente à la matière. Quantité d’autres partifans de la doćtrine du Philofophe Anglois , ont imité Cotes, 6c c’eft même aujourd’hui l’opinion de la plupart. Cependant, malgré cette efpece de dére&ion générale, quelques Newtoniens ont refté conftam-ment attachés à la première façon de penfer de leur maître* Je cite entr’autres M. Maclaurin. Ce Mathématicien célèbre traite fort cavalièrement , 6c va même jufqu’à qualifier d’ignorans , ceux qui peuvent regarder 1’attraćlion comme une propriété de la matière [a). Voilà une autorité preffante : mais outre qu’elle eft contrebalancée par d’autres qui ont auffi leur poids, ceux qui font de l’attraction une propriété de la matière, fçavent défendre leur fentiment avec des raifons affez preiïantes. Ils prétendent avec affez de juftice , que ceux qui regardent l’attra&on comme un monftre métaphyfique , ne reffemblent pas mal au vulgaire, qui traite d’impoffible tout ce dont il n’a eu précédemment aucune idée , tandis qu’il ne fait pas attention à des phénomènes qui ne lui paroîtroient pas moins furprenans , s’il ne les avoit tous les jours fous les yeux. En effet, connoiffons-nous mieux la nature de l’impulfion ? Tout ce que nous fça-vons fur ce fujet , c’eft que la matière étant impénétrable , lorfqu’un corps en choque un autre, il falloit, pour ne pas violer cette loi, ou que le corps choquant s’arrêtât tout court, ou qu’il rebroufsât chemin , ou que l’un 6c l’autre fe diftri-buaffent, fuivant un certain rapport, le mouvement qui étoit dans le premier. Mais, difent-ils, conçoit-on mieux comment fe fait cette communication du mouvement ? Leurs adverfaires font contraints de dire que c’eft l’Auteur même dc l’Uni-vers, qui, en vertu des loix qu’il a établies pour fa conferva-tion, meut le corps choqué, & modifie d’une certaine maniéré le mouvement du corps choquant. Or en faifant une pareille réponfe , on fournit aux partifans de 1’attraćfion une arme pour ladéfenfe de leur opinion. Car ils font également en droit de dire que Dieu , en vertu des loix qu’il s’eft impofées pour la confervation de l’Univers , produit dans les corps cette (a) ExpofTtion des découvertes Philofophiques de M. Newton , liv. n * c. i*. 55o HISTOIRE tendance , ce mouvement commencé, en quoi confifte Pat-traction, Il n’y a donc dans l’attraCfcion , même confidérée comme propriété de la madere, aucune impoffibilité méta-phyfique ; 6c c’eft tout ce que prétendent les Philofophes dont nous parlons. On peut voir dans le Livre de la figure des Aftres , par M. de Maupertuis 3 ce raifonnement, 6c divers autres développés avec plus d’étendue , 8c avec cette précifion lumineufe qui caraCtérife tous les écrits de cet homme célébré. M. Bernoulli a fait contre l’attraddon une difficulté fpécieu-fe, 6c qui mérite d’être difcutée. Il prétend que l’attraCtion. ne fçauroit être en même tems proportionnelle à la mafte du corps attiré , 6c fuivre le rapport inverfe du quarré de la diftance. « Car, dit-il, (a) une particule élémentaire, à un éloi-33 gnement double du corps attirant, en recevroit une force , 53 non fous-quadruple, mais fous-oCtiiple de celle qu’elle re-33 çoit à une diftance fimple ; puifque la denfité ou la multi-33 tude des rayons partant du corps attirant, 6c qui faififtènt 33 la particule , doit être eftimée par la quantité de la malle , 3*3 6c non par celle de la furface. D’où il fuivroit que la force 33 de cette attraction diminueroit comme les cubes, 8c noii 33 comme les quarrés des diftances. Cette difficulté, depuis renouvellée par un habile antago-nifte de l’attraCtion (b) , feroit effectivement très-preftante, peut-être même fans réponfe , fî les chofes fe paftoient comme ces Auteurs le fuppofent. Il faut, pour lui conferver fa force, que l’attraCtion foit l’effet d’une émanation partant d’un centre , 6c fe répandant à l’entour par des lignes en forme de rayons. On le voit fuffifamment par l’expofé même de l’objection, Mais cette maniéré de concevoir i’attraCtion n’eft fondée que fur l’analogie de la loi qu’elle fuit, avec celle fuivant laquelle décroît la lumière, à différentes diftances du point lumineux : 6c rien n’oblige ceux qui font de l’attraCtion une propriété inhérente à la matière ; rien , dis-je , ne les oblige à lui affigner une pareille caufe. Au contraire, puifque cett^ tendance au mouvement, eft un effet immédiat de la volonté du Créateur , rien n’empêche que dans chaque particule éle- (a) Nouvelle Phyfique célefte. §, 41. {b ) Diftertation fur l’incom avec les phénomènes, & fur les tuyau* patibilité pillaires , par le P. Gerdil , BarnaNce * de Pattra&ion & de Tes différentes loix l’inftitut de Boulogne. DES MATHÉMATI QUE S. Part. IV. Liv. VIII. 551 itientaire, elle ne foie en raifon de la malle, 6c qu’elle ne décroifle en raifon réciproque du quarré de la diftance à chaque autre particule ; 6c des amas de ces particules élémentaires, fe formeront des corps qui graviteront les uns vers les autres en raifon des maftes, 6c en raifon inverfe des quarrés des diftances* Nous pourrions difeuter de la même maniéré diverfes autres objećtions qu’on a élevées contre Pattraćtion ; mais cett examen feroit trop long. Il fuffira de remarquer que les plus predantes 6c les mieux fondées, ont été raffemblées par le Pere Gerdil, dans l’ouvrage cité ci-deftiis , ouvrage qui par la nature des objećtions , 6c par le ton d’égards que l’Auteur obferve pour les grands hommes dont il combat les fentimens , méri-teroit d’être analyfe par quelque habile Newtonien. Ce n’eft: pas que ce fçavant Ecrivain révoque en doute Pexiftence de cette loi, dont M. Newton a fait le reiïort de l’Univers: il combat feulement le fentiment de ceux qui font de l’attraction une propriété effentielle , ou métaphyfique de la matière , ou qui, pour expliquer certains phénomènes, prennent la liberté de la faire croître ou décroître , fuivant d’autres puiflan* ces que l’inverfe du quarré de la diftance. Ainfi quand même quelques-unes de ces objections feroient fans réponfe, elles ne porteroient aucune atteinte à la théorie de Newton ; elles ne feroient que montrer la nécefîité de recourir à quelque explication méchanique de 1’attraćtion , femblable à celle qu’il a lui-même foupçonnée. Après s’être alluré par les preuves ci-deflus de l’exiftence de cette force, que nous nommons la gravitation univerfelle de la matière , nous allons développer les principaux phénomènes qui en dérivent. Mais avant que de nous élever dans les efpaces céleftes, arrêtons-nous un peu,avec M. Newton [a)y à confidérer les effets qu elle produit entre les corps, à raifon de leur mafte 6c de leur figurę. La gravitation univerfelle étant admife , il eft évident que chaque particule de matière fera attirée par toutes les autres. LJn corps voifin d’un amas de matière fera donc attiré par toutes les particules dont cet amas eft compofé, 6c il rendra vers lui avec une force 6c une direćtion , compofée de toutes £*) Princip. Sećt. xix. 5 5 2 HISTOIRE les forces Sc les direćtions particulières avec lefquelles il tend vers ces particules. Si la gravitation fuivoit le rapport des diftances , M. Newton démontre que cette direćtion compofée feroit celle qui paiïe par le centre de gravité dc la maiïe, bc la force elle-même feroit auffi proportionnelle à la diftance de ce centre. Il en eft de même , à certains égards, lorfque l’attraction fuit le rapport inverfe des quarrés des diftances ; mais il faut pour cela que le corps foit formé en fphere , ôc que cette fphere (oit homogène , ou du moins que la denfité foit la même à égales diftances du centre. Dans ces deux cas , un corpufcule de matière, placé hors de cette fphere, tendra vers elle , tout comme iï toute fa matière étoit réunie à fon centre, êc la force avec laquelle il tendra vers cette même fphere, fuivra le rapport inverfe du quarré de la diftance au centre. J’ai dit un corpufcule de matière , placé hors de la fphere : il y a en eftet ici une diftinćtion à faire ; car lî ce corpufcule étoit placé au- dedans d’une fphere homogène , il graviteroit vers fon centre avec une force qui fuivroit le rapport des diftances au centre. La raifon de ceci eft la fuivante. Le même corpufcule, placé fur la furface de deux fpheres inégales , tend vers elles avec des forces qui font directemens comme les quantités de leur matière, & inverfement comme les quarrés des diftances au centre. Mais les quantités dc matière font comme les cubes des rayons de ces deux fpheres: ainiï les forces feront direćtement comme les cubes des rayons, bc inverfement comme les quarrés de ces rayons , c’eft-à-dire comme les cubes divifés par les quarrés ; ce qui n’eft que la raifon direćte des rayons. D’un autre coté M. Newton démontre qu’un corpufcule placé au dedans d’une fphere creufe, n’en éprouve aucune aćtion , parce que toutes les attractions particulières fe détruifent mutuellement. Un corps placé dans l’intérieur d’une fphere, n’éprouvera donc que Faćtion delà fphere dont le rayon eft fa diftance au centre; bc par ce que l’on a dit ci-deflus , la force avec laquelle il fera attiré, de-* croîtra comme la diftance à ce centre, Après avoir fait connoître de quelle maniéré une fphere a*" tire un corpufcule placé hors d’elle, il fera facile de reconnoîcre comment deux fpheres s’attirent mutuellement. Il fuit claire- jnent de ce qu’on yient de dire, que Faćtion quelles exerceronc ' fune DES MATHÉ MAT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIII. 553 l’une fur l’autre fera la même que lî toute la malle de chacune étoit réduite à Ton centre. Mais, encore une fois, tout ceci n’a lieu que dans le cas où 1’attraćbion eft comme la diftance, ou en raifon inverfe du quarré de cette diftance ; 6c même dans ce dernier cas, il n’y a que les fpheres de l’at-tra&ion totale defquelles il réfulte dans leurs differens éloignemens , une attraction qui fuit la même loi que celle des particules élémentaires dont elles font compofées. Voilà un privilège affez remarquable dont jouiflènt les deux loix de fattraćtion en raifon de la diftance , ou de l’inverfe du quarré de cette diftance; 6c s’il nous étoit permis, à nous, foibles mortels, d’entrer dans les vues de la Divinité, ne pourrions nous pas foupçonner avee M. de Maupertuis (a) , que ce privilège particulier eft le motif qui l’a déterminée en faveur de la fécondé de ces loix plutôt que pour toute autre. Car quoique la première en jouilfe également, 6c même dans une plus grande étendue , elle a d’ailleurs un inconvénient, fçavoir qu’un corps en attireroit un autre , d’autant plus qu’ils feroient éloignés , ce qui ne paroît pas compatible avec nos idées. M. Newton ne s’eft pas borné à ces deux feules loix d’at-traCtion ; il a aulîi porté fon attention fur les diverfes loix qu’on peut fuppofer dans l’abftraCbion mathématique (b). Voici entr’autres un théorème curieux qu’il démontre fur ce fujet. Si une particule de matière gravite fuivant la raifon réciproque du cube de la diftance, la force avec laquelle elle fera attirée dans le contaCfc avec la malfe attirante, fera infiniment plus grande qu’à quelque diftance finie que ce foit (c). Au refte cette pro-pofttion, M. Newton ne la donne avec plufieurs autres qu’il démontre dans les fećtions fuivantes, que comme des vérités purement mathématiques. Mais elle a fuggéré à quelques-uns de fes fećtateurs l’idée de s’en fervir, pour rendre raifon de la dureté des corps. Ils fuppofent que les particules de matière dont les corps font compofés , s’attirent fuivant la raifon réciproque des cubes des diftances , 6c par-là ils expliquent d’où vient que ces particules étant contiguës, adhérent fi fortement entr’elles, 6c exigent une grande force pour être féparées. Cependant cette explication eft fujette à bien des difficultés. En premier (a) Mémoires de l’Académie. 1757. fi) Princip. Liv. 1, SećL xm. Tome IL Aaaa 554 HISTOIRE lieu , fi l’on admettait une pareille loi, deux particules de matière ne feroient plus féparables par aucune force linie, dès qu’une fois elles auroient été dans un contact immédiat ; ce qui eft contre l’expérience. A la vérité , on pourroir fuppofer que l’attraction diminuât davantage qu’en raifon inverfe du quarré de la diftance , ôc moins que dans celle du cube, de forte qu’au contaéfc, elle fût feulement beaucoup plus grande qu’à la plus petite diftance finie ; mais quoique la Géométrie puifTe trouver fon compte dans cette fuppofition , la faine Phyfique pourra-t’elle s’en accommoder ? En fécond lieu , admettre dans le fyftême folaire , une attraction fuivant le rapport réciproque des quarrés des diftances , ôc enfuite admettre entre les parties des corps folides , ou deftinés à s’unir, une loi d’attraction réciproque au cube , cela n’eft guère philofophique. Si la gravitation univerfelle n’eft pas une chimère , il eft extrêmement probable que la même loi régné partout. Il faudroit donc en imaginer une qui fût exprimée par une fonction telle que, dans les grandes diftances, la feule raifon inverfe du quarré de la diftance eût lieu, ôc dans les petites celle du cube. La poffibiiité d’une pareille loi a été vivement agitée entre deux Académiciens célébrés (a). Nous fommes fort éloignés de vouloir prononcer fur cette queftion : elle tient à une métaphyfique trop délicate, ôc d’ailleurs, non noflrum efl tantas componere lites. Si cependant il nous eft permis de dire notre avis, il nous femble que c’eft un peu trop fe hâter que de faire ainfi de la gravitation univerfelle l’unique principe de tous les phénomènes que nous voyons s’exécuter fous nos yeux. Si ces phénomènes s’en déduifoient avec cette facilité qu’on remarque dans d’autres parties de cette théorie, à la bonne heure. Mais faire, avec M. Keil, toutes 1 e* fuppofitions qu’on croit propres à expliquer les phénomène^ c’eft s’écarter de la route tracée par M. Newton, qui défaproüVC entièrement cette maniéré de procéder en Phyfique. Il ne fufïit pas, fuivant ce grand homme , qu’un fait fuppofe pujfle fervir à expliquer un phénomène. Il faut avoir été conduit y1 ce fait par d’autres phénomènes qui en foient une preuve d1' re&e. On a, il efl vrai, des preuves très-fortes que certains (a) Voyeç Mémoires de l’Académie, années 1737 & ^x 7 3 8.: ^ DES MATHÉ MAT I QU E S. Part. IV. Liv. VIII. 555 corps font cloués d’une force qui à une diftance très-petite, eft incomparablement plus puiiïante, qu’à une diftance fenfible ; mais gardons-nous de prononcer fur la loi de cette force , ou de la confondre avec le principe que l’on a ft bien prouvé être le reffort êc le modérateur du mouvement des planetes. Ce feroit même une précipitation trop peu philofophique, que de prétendre que cette force ne fçauroit être l’effet de quelque méchanifme particulier. Le magnétifme, qui eft une de ces fortes d’attraAions qui s’opèrent à l’aide d’un fluide invifi-ble (a), les attra&ions 5C répulfions éleêtriques, dans lefquelles ce fluide fe décele aux yeux de au tact, doivent nous infpirer une grande défiance de nos lumières fur ce fujet, êc nous porter à n’aller en avant qu’avec une extrême circonfpećtion. Ces réflexions que j’avois faites avant que de lire l’article attraction de l’Encyclopédie , j’ai eu le plaifir de les voir confirmées par le fuflfage de l’illuftre Auteur de cet article, à la lecture duquel nous invitons. Mais il eft tems de revenir à notre fujet principal. Dans tout ce qu’on a dit jufqu’icifur le fyftême de l’Univers , on a fuppofe tacitement, comme on le fait d’ordinaire, que le Soleil feul attire à lui les planetes, êc d’après ce principe on a fait voir, avec M. Newton , que celles-ci décrivent autour de cet aftre des ellipfes, à l’un des foyers def-quelles il eft placé. Mais, fuivant cette théorie , la gravitation eft réciproque : c’eft pourquoi, fi le Soleil attire les planetes , chacune d’elles l’attire à fon tour, êc delà naiffent quelques aberrations, peu fenfibles à la vérité, mais defquelles il eft cependant à propos de tenir compte (b). Premièrement, le Soleil n’eft point parfaitement immobile. En ne fuppofant, par exemple , qu’une feule planete tournant autour de lui , ils décriroient l’un de l’autre dans le même rems, êc autour de leur centre de gravité commun, des ellipfes femblables. Ajoutons-y maintenant une fécondé planete , celle-ci fera attirée, de par la première, de par le Soleil ; c’eft pourquoi elle tendra à un point moyen entre deux. Ce point (a) Il nie femble qu’on ne peutendou- acquiert la vertu magnétique. D’ailleurs ter 5 fi l’on confidere qu’un morceau de fer le feu interrompt ou arrête i’adion du ma-nais dans le feul voifinage de l’aimant, & gnétifme. 'anc ainfi durant un tems convenable , (b) Foyei Princip. Liv. i, Se<5L xi. Aaaa ij 5îf HISTOIRE feroit le centre de gravité de ces deux corps, fi l’attra&ion étoit précifément proportionnelle à la diftance. Il n’en eft pas tout-à-fait de même dans la loi d’attraélion réciproque aux quarrés des diftances , parce que dans ce cas un corps qui tend à deux autres à la fois, ne tend pas, comme dans le précédent , à leur centre de gravité. Cependant s’il y a entre ces deux premiers corps une extrême diïproportion , alors le troifieme tendra fenfiblement à leur centre de gravité commun, & avec une force réciproquement proportionnelle au quarré de la diftance à ce centre. Or c’eft-là le cas du Soleil comparé à toutes les autres planetes prifes enfemble : fa mafte furpafte tellement la leur, comme on le fera voir bien-tc>t, que lors même qu’elles fe trouvent toutes du même coté, le centre de gravité du Soleil 8c de tous ces corps eft à peine éloigné de la furface de cet aftre d’un de fes demi diamètres. D un autre coté , l’attraébion étant réciproque, le Soleil 8c la première planete font attirés par la fécondé , êc delà naît encore un mouvement du centre de gravité des deux premiers corps autour de celui des trois. Ce que nous venons de dire de trois corps , dont deux circulent autour d’un troifieme qui eft incomparablement plus gros, fe doit entendre de tant d’autres qu’on voudra. Ainfi dans notre fyftême planétaire, ce n’eft point autour du centre du Soleil que les planetes font proprement leurs révolutions: c’eft autour du centre dc gravité commun de tout le fyftême , 8c ce centre de gravité eft le feul point immobile ; le Soleil lui-même tourne à l’entour de ce point, êc s’en éloigne ou s’en approche , fuivant la fituation des autres planetes. Mais, comme nous l’avons dit plus haut, la grande fupério' rite de la mafte du Soleil fur celles de toutes les planetes réu" nies enfemble, rend ce mouvement infenfible. Ainfi , quoi" que mathématiquement parlant, cette complication d’aétions altéré un peu la proportionnalité des aires avec les tems dans les orbites planétaires , êc la loi réciproque des quarrés des diftances , elle le fait fi peu fenfiblement, que 1 effet n’en eft: perceptible qu’après un grand nombre de révolutions. Delà peut venir le mouvement des apfides êc des nœuds des plan2' tes, ainfi que M. Newton l’a reconnu dans le Sch. de fa pr°' pofition XIV, de fon troifieme Livre. Nous remarquons ceci DES MATHÉMATI QU E S. Part. IV. Liv. VIII. 557 expreffément , parce que quelques Ecrivains ont donné le mouvement des apfides des planetes principales , comme un phénomène inexplicable dans le fyftême de la gravitation univerfelle, & qu’ils ont prétendu tirer delà une objećtion puif-fante & fans réplique contre cette théorie. Ils ne l’euflent jamais faite cette objećtion , s’ils euftent un peu mieux connu l’ouvrage de M. Newton, êc tous les détails de fon fyftême. Il faut encore remarquer, à l’égard des fyftêmes particuliers, par exemple de celui de la terre ôc de la Lune, un effet de la gravitation réciproque. Ce n’eft point la terre qui décrit autour du Soleil fuppofe immobile, une orbite elliptique : c’eft le centre commun de gravité, de la Lune êc de la terre ; êc tandis que la Lune fait une révolution autour de la terre , ou de ce centre , la terre en fait auffi une autour du même centre. Delà naît une équation à laquelle les Aftronomes doivent avoir lieu dans le calcul du lieu de la terre ; car la maffe de notre globe étant environ quarante fois plus grande que celle de la Lune , la diftance du centre de la terre au centre de gravité commun , fera d’environ un rayon terreftre êc demi ; lors donc que la Lune fera en quadrature avec le Soleil, le lieu véritable de la terre précédera ou fuivra le lieu du centre de gravité d’environ un rayon êc demi de la terre , êc il y aura de l’un à l’autre une différence d’une fois êc demi la quantité qui répond à la parallaxe horizontale du Soleil. Et il eft aifé de voir que dans les autres pofitions du Soleil, cette correćtion fera à la quantité ci-deffus , comme le ftnus de la diftance de la Lune aux fyfigies, eft au finus total. Nous venons maintenant à une des déterminations les plus !ngénieufes que nous fourniffe le fyftême phyfique de M. New-ton , fçavoir la comparaifon des maffes du Soleil ÔC des planetes. Mefurer la quantité de matière contenue dans ces corps fi éloignés de nous , c’eft fans doute un problème qui paroîtra à plufieurs de nos lećfceurs, infoluble, pour ne pas dire ridicule. Nous les prions cependant de fufpendre leur jugement : ils verront que M. Newton eft parvenu à fa folution d’une maniéré qui n’eft pas une conjećture , mais un raifonnement convaincant (a). Eftayons de la rendre fenfible. m, p. s. (a) Princip. Lfy> 55s HISTOIRE Nous avons déjà remarqué qu’un corps qui gravite vers une fphere, dont toutes les parties attirent en raifon réciproque des quarrés des diftances, en éprouve la même adbion que ft toute la matière dont cette fphere eft compofée étoit réduite à fon centre. Si cette quantité de matière eft double , le corps , à même diftance, éprouvera un effort double, êc s’il en éprouve un effort double , on devra en conclure qu’il y a deux fois autant de matière dans la fphere attirante. Il feroit donc facile de connoître la maffe du Soleil, fi nous avions des expériences de la pefanteur des corps fur la furface de cet aftre, comme nous en avons fur la furface de la terre ; mais fi l’on n’a pas de pareilles expériences, on a précifément l’équivalent, dès qu’on connoît en demi-diametres folaires la diftance d’une planete tournant autour du Soleil, de Mercure , par exemple, 6c le tems de fa révolution. Car la force avec laquelle elle gravite vers le Soleil, eft donnée par-là , puifqu’elle eft proportionnelle au finus verfe de l’arc parcouru par Mercure dans un tems déterminé , par exemple , celui d’une fécondé. Ainfi on connoîtra par un calcul fort fimple, de combien Mercure toni' beroit vers le Soleil dans une fécondé, s’il étoit livré à l’im-prefîion unique de la gravitation ; 6c cette force étant connue à la diftance du rayon de l’orbite de Mercure, on déterminera facilement ce qu’elle à la furface du Soleil, puifqu’on fçait que ces forces font entr’elles réciproquement comme les quarrés des diftances. Mais d’un autre côté on connoît l’efpace qu’un corps parcourt durant une fécondé en tombant fur la furface de la terre, c’eft-à-dire, à la diftance d’un demi-dia-metre terreftre : on peut donc trouver par le rapport du demi-diametre de la terre , à celui du Soleil, de combien tomberoit un corps tranfporté à un demi-diametre folaire, loin du ceir tre de notre globe. Ainfi nous aurons deux poids également diftans des centres des deux globes refpedbifs, avec les efpa~ ces qu’ils parcourroient en même tems, en vertu de l’attraction qu’ils en éprouvent. Il n’y aura donc qu’à comparer ces efpaces , & leur rapport fera celui des malles attirantes. Il eft facile de voir qu’on parviendra par une femblable méthode à déterminer le rapport de la malle du Soleil 9 avec celles de Jupiter ou de Saturne. Car ces planetes ont auffi ^eS fatellites qui font leurs révolutions à des diftances connues de DES MATHÉMATIQUES.Part.IV. Z/v. VIII. 559 leurs centres, 6c dans des tems périodiques connus. Or il ne nous en faut pas davantage pour déterminer quel efpace les corps parcourent en tombant à la furface de Jupiter 6c de Saturne dans un tems donné. Feignons dans une planete quelconque un Aftronome connoiffant le fyftême de la gravitation univerfelle, 6c ayant obferve la diftance de notre Lune à la terre en demi-diametres terreftres, il détermineroit de même de combien les corps pefans tombent ici dans un tems déterminé , 6c par-là le rapport de la mafte de la terre à celle du Soleil , ou de la planete qu’il habite. Il y a un autre moyen équivalent, 6c un peu plus court, de parvenir à la même détermination. C’eft celui qu’employe M. Newton : il eft également aifé à concevoir. Plus une planete a de mafte, plus , à égale diftance, il faut que la vî-teffe de projection d’un corps foit grande , 6c par conféquent que fon tems périodique foit court, pour le foutenir dans une orbite circulaire, telle que font fenfiblement celles des planetes 6c de leurs fatellites. Or on démontre facilement qu’à diftances égales, les forces, ou la quantité de matière attifante , font réciproquement comme les quarrés des tems périodiques; 6c qu’à diftances inégales, ces mêmes maffes font en raifon compofée de la direCte des cubes des diftances, 6c de l’inverfe des quarrés des tems périodiques. Il n’y a donc qu’à connoître les diftances des fatellites à leurs planetes principales , 6C la diftance de celles-ci au Soleil, aulli-bien que leurs tems périodiques , 6c l’on aura par la regle qu’on vient de donner 3 les rapports des maffes du Soleil 6c de ces planetes. C’eft ainfi que M. Newton trouve que les quantités de matières contenues dans le Soleil, Jupiter, Saturne 6c la Terre , font refpe&ivement comme 1. —Il compare auffi leurs denfités, par le rapport connu de leurs volumes, il trouve qu’elles lont dans les rapports de too. 94b 600. 6c 4°i. Il recherche enfin les forces avec lefquelles le même poids tranfporté à la furface de ces diftérens corps, peferoit Lu eux , 6c il trouve qu’elles font en raiion de iooog. 943. 5 2-9* & 435. A l’égard des autres planetes, comme elles n’ont P0lnc de fatellites, le premier chaînon du raifonnement qui nous a conduits jufqu’ici, nous manque; 6c l’on ne fçauroit 56o histoire déterminer par une démonftration mathématique la mafte quelles contiennent. Mais au défaut de cette démonftration , M. Newton recourt à une conje&ure aftez plaufible. Ayant remarqué que les planetes les plus éloignées, dont nous venons de calculer les maffes , font les moins denfes, il en conclud à l’égard des autres, que leur denfité augmente en approchant du Soleil, ôc à peu près en raifon des chaleurs qu’elles éprouvent. Ainfi il fait Mercure fept fois aufii denfe que la terre, ÔC il raifonne de même à l’égard de Vénus 8C de Mars. Il ne refte plus que la Lune qui, quoique planete fecondaire, nous intéreffe particuliérement, à caufe de fa proximité, Ôc des effets qu’elle produit fur notre globe. Elle n’a aucun fa-tellite ; nous n’avons aucune expérience de chutes des corps fur fa furface. Comment faire pour déterminer fa maffe ? M. Newton y parvient, ou du moins enfeigne le moyen d’y parvenir, à l’aide d’une confidération tout-à-fait ingénieufe. Il remarque que les marées dans les fyfigies font caufées par les forces réunies de la Lune ôc du Soleil, ôc au contraire dans les quadratures par la différence de ces forces. Il prend donc quelques obfervations de marées faites dans ces deux circonftances , ôc il en conclut le rapport de la force de la lune à celle du foleil, comme de 9 à 2. Mais il eft aifé de voir que la force de la lune eft la maffe de la lune divifée par Je quarré de fa diftance à la terre , ôc la force du foleil celle de la maffe de cet aftre pareillement divifée par le quarré de fa diftance à notre globe. D’oii il fut facile à M. Newton d’inférer que la mafte de la lune eft à celle de la terre , comme 1 à 40 bien près; ôc enfuite ayant égard à fon volume donné pat fon diametre apparent, que fa denfité eft à celle de la terre coi*1" me 11 à 9 environ. MaisM. Daniel Bernoulli (a) remarqua^ que les marées employées par M. Newton, ne font pas ad~e^ affranchies des circonftances étrangères à 1’aćbion pure des deux luminaires, fait quelque changement à cette détermination , ôc prend pour le rapport des forces moyennes de la LuiJ^ ôc du Soleil celui de 5 à 2. D’oii il fuivroit, en fuppofant parallaxe du Soleil de 10 fécondés, que la Lune auroit urie ma (Te (a) Traité fur le flux & le reflux de la mer. Chap. y x , art. 10, DES MATHÉMATIQUES. Part. IV. Lir. VIII. {61 ïnafle 72 fois moindre que celle de la terre, ôc une denfité qui feroit à celle de notre globe comme 6 ~ à p. Ces rapports fondés fur une confidération approfondie de certaines cir~ confiances des marées, méritent detre adoptés en attendant qu’on connoiffe, par des obfervations plus précifes Ôc plus certaines , la diftance du Soleil à la terre, ôc le rapport des marées des fyfigies à celles des quadratures. On pourroit attendre ce dernier point d’un obfervateur placé à fille Sainte-Hélene, ou dans celle de Saint-Thomé , qui étant au milieu du vafte Océan, font dans la pofition la plus favorable pour de pareilles obfervations. Outre les phénomènes généraux que nous venons d’expofer, il y en a plufieurs autres particuliers qui dépendent du même principe. C’eft, par exemple, de l’adion du foleil que naif-îènt les bizarreries du mouvement de la lune, qui font depuis fi long-temps le tourment des Aftronomes. M. Newton. a la gloire d’avoir le premier découvert ôc porté bien loin la théorie phyfique des mouvemens de cette planete. C’eft cette même caufe qui produit dans le globe ou le fphéroïde de la terre, deux mouvemens : l’un par lequel finterfeêlionéquino-xàale de fon équateur avec l’écliptique anticipe à chaque fois le lieu de la précédente ; ce qui fait paroître les étoiles fixes s avancer dans la fuite des fignes , phénomène appellé la pré-cefTion des équinoxes : l’autre par lequel l’angle de l écliptique & de f équateur augmente ôc diminue alternativement, cequ on nomme la Nutation de l’axe de la terre. .Le flux & reflux de la nier, phénomène fi connu, fe déduit aufii delà maniéré la plus fetisfaifante de f aêlion du foleil ôc de la lune fur les eaux de 1 Océan- Ce font là autant de branches de la théorie de la gravitation univerfelle , qui doivent leur naiffance à M. Newton* Chacune d’elles nous fourniroit la matière d’un article particulier ; mais comme ce font des Geometres de ce fiecle qui, Sldés des îumieres de ce grand homme, ont donné à ces di-^rfes theories leur principal accroiflement, nous différons _ enParler jufqu’à la partie fuivante de cet ouvrage, dans la Ïàif 1 Pr^enter tout ^ la f°*is & d’une maniéré plus fatisfai-nte tableau de leurs progrès. Nous terminerons ce que în*US ayons encore a dire ^ur les découvertes phyfico-aftrono-lc[ues de Newton • pa* l’expofition de fa théorie des Cometes. To”icfl *Bbbb $6% HISTOIRE Nous la ferons feulement précéder de quelques mots concernant divers ouvrages auxquels celui deM. Newton adonné lieu. Les Principes mathématiques de la philosophie naturelle, font un ouvrage fi plein de géométrie fublime, ôc fi peu à la portée du commun des LeCteurs, qu’il étoit à propos que quelqu’un entreprît d'en faciliter l’intelligence.David Gregory le propofa cet objet, ôc publia dans cette vue en 1702 fon livre intitulé, Aflronomice p hyfie æ ac geometrie ce elementa. C’eft un ouvrage eftimable, mais qui n’a pas répondu à l’attente qu’on en avoit conçue : car, en général, ce ne font que les principes mis dans un ordre un peu différent, ôc ce qui eft obfcur ôc difficile dans ces derniers, ne l’eft guere moins chez Gregory \ de forte qu’on ne peut pas dire qu’il ait jetté un grand jour fur cette matière. Il falloit quelque chofe de mieux pour applanir tous les endroits difficiles des principes ; ôc c’eft ce que les PP. Jacquier Ôc le Seur, fçavans Minimes, ont exécuté très-heureufement par le Commentaire latin qu’ils ont donné en 1740. Je plain-drois, à la vérité, le LeCteur qui auroit toujours befoin de ces Guides ; mais il eft fort agréable de les trouver prêts au befoin. On a auffi un Commentaire fur les principaux points de la phyfique célefte de M. Newton, à la fuite de la traduction françoife des principes , de Madame la Marquife du Châtelet. Le célébré M. Maclaurin n’a pas dédaigné d’entreprendre une expofition des mêmes vérités, propre à en procurer l’intelligence aux LeCteurs qui craignent un grand appareil de géométrie. Cet ouvrage, d’ailleurs original ôc profond en bien des points, parut en 1748 fous le titre d’ Expofition des découvertes philofophiques de jM. le Chevalier Newton, ôc nous en avons une très-bonne traduction. Les LeCteurs qui veulent être conduits avec encore plus de facilité depuis les premiers principes de la méchanique , jufqu’aux découvertes les plus difficiles de M. Newton , doivent lire l’ouvrage de M. Pe/n~^ berton, d’abord publié à Londres fous le titre de A view of fir Ifaac Newtonphilqfophy, ôc traduit en françois fous celui de Elémens de la philofophie Newtonienne. Nous citerons en Cin avec éloge les Infitutions Newtoniennes de M. Sigorgne ? qui a d’ailleurs vigoureufement combattu les tourbillons Carté-fiens, dans divers écrits publiés vers l’année 1740. DES MATHÉMAT1 QUE S. Part. IV.Liv.VIII. 563 X I IL De toutes les parties de l’aftronomie, celle qui a commencé le plus tard à prendre quelque accroiffement folide , eft la théorie des Cometes. Ces aftres ne furent regardés par les Anciens que comme des météores peu differens des feux 6c des exhalaifons que nous voyons quelquefois s’enflammer dans l’athmofphere. Si quelques Philofophes , comme Appollonius de Mynde, 6c les Pythagoriciens eurent fur ce fujet des idées plus juftes, ces femences delà vérité furent étouffées fous le poids du préjugé, 6e furtout de l’autorité de la phyfique péripatéticienne : de-là vient que l’antiquité a été fi peu foigneufe à nous tranfmcttre des obfervations de ces phénomènes , ÔC nous ne fçaurions trop regretter qu’elle ait été fi peu éclairée fur ce fujet, lorfque nous confidérons que ce défaut de matériaux anciens renvoyé à plufieurs fiecles d’ici la décifion d’un des points les plus curieux de l’aftro nomie phyfique. On ne trouve jufqu’à l’époque de Tycho-Brallé , qu’erreurs parmi les Philofophes fur ce qui concerne les Cometes. Cet homme célébré commença à defîiller les yeux de fes Contemporains fur ce point, par une découverte importante. Il démontra par la petiteffe de la parallaxe de ces aftres , qu’ils étoient fort fupérieurs à la Lune. Il tenta même de repréfenter leur cours en les faifant mouvoir dans une orbite autour du Soleil, en quoi néanmoins il faut remarquer que ce n’étoit entre fes mains qu’une hypothefe purement aftronomique , 6c qu’il ne foupçonnoit en aucune maniéré que ce fuirent des planetes circum-folaires d’une efpece particulière. La découj verte de Tycho fut confirmée par les obfervations, êc le fuffrage de divers Aftronomes de fon temps , tels que Mceftlin , Rothman , le Landgrave de Hejje , êec. êc au commencement du XVIIe fiecle; elle reçut un nouveau jour des obfervations de Galilée, de Snellius # de Kepler, êc de divers autres. Ce fut bientôt une doctrine admife 6c enfeignée par tous les Aftronomes de quelque poids êC de quelque capacité; 6C les oppositions qu’y mirent de ferviles Péripatéticiens, tels qu’un Clara-monti y un Btrigard 3 êcc. ne firent que mettre dans un grand jour leur ignorance, ou leur peu d’amour pour la vérité. Bbbb ij De la théorie des Cometes. 5^4 HISTOIRE Les Aftronomes étant une fois détrompés fur la place qu’ils dévoient affigner aux Cometes, il étoit tout-à-fait naturel qu’ils eflàyaflènt de foumettre leurs mouvemens au calcul. Tycho 6e Mœfllin en avoient donné l’exemple ; il fut fuivi par Kepler,. Cet Aftronome fameux crut pouvoir repréfenter ces mouvemens , en fuppofant qu’ils fe fifTent dans des lignes droites ; il ne put cependant fe diffîmuler que fi les Cometes déenvoient des lignes droites, ce n’étoit pas d’un mouvement égal 6c uniforme. Cela eut du lui infpirer l’idée que cette trajectoire étoit curviligne ; mais ne voulant pas renoncer à la ligne droite, il fut contraint d’admettre dans les Cometes xme accélération 6c une retardation réelle. Kepler enfin, cet homme fi clairvoyant., 6c doué d’un génie fi propre à faifir du premier coup tout ce qui donnoit à l’univers plus de magnificence, d’ordre 6c d’harmonie, ne fut pas plus éclairé que le vulgaire fur la nature de ces aftres. Au lieu de foupçonner ce que nous avons aujourd’hui,tant de raifon de tenir pour alluré , il fe borna à les regarder comme de nouvelles productions qui, femblables aux poifTons de l’Océan , ne fervoienc qu’à remplir Timmenfité de l’æther {à). L’hypothefe qui fait- mouvoir les Çometes dans des lignes droites, a été pendant long-temps l’hypothefe favorite de bien des Afironomes. Le JÇ). Hooke [b] 6c Grégori (c) nous la donnent comme du Chevalier Wren. Les éphémérides que M, Auront donna au commencement de 1665 , pour la Comete qui paroifïoit alors, étoient calculées fur ce même principe ; 6c comme elles s’accordèrent d’affez près avec les obfervations, elles étonnèrent beaucoup les Aftronomes ; mais c’eft furtout de M- Cajjini que cette hypothefe tire fa célébrité. Il en fit le premier efïài fur la Comete qui parut en 1652 , 6c il continua à l’appliquer à toutes les autres avec affez de fuccès pour perfuader à bien des gens qu’il avoir faifi la véritable hypothefe. On lit dans les Mémoires de l’Académie de l’année 1706, quelques détails fur la maniéré dont il calcuîoit le mouvement d’une Comete. Il fuppofoit qu’elle faifoit fon cours, non précifément dans une ligne droite, mais dans un cerclç (a) De Cornet, lib. 5. {b) Lib. de Cometâ , inter lett. cutlerianas. {cj AJlr. Geom.. & Phyf. elementa. Lib. v. DES MATHÉMATI QUE S. Pan. IV. Liv. VIII. 5Ć5 extrêmement excentrique à la terre , ôc fi grand que la partie vifible au fpe&ateur terreftre put pafter fenfiblement pour une ligne droite. Il déterminoit enfuite facilement la pofition dc fa traje&oire après trois obfervations diftantes entr’elles de quelques jours. Car le problème fe réduit à ceci : trois lignes Fig. n8. comme TA,TB,TC, faifant entr’elles des angles donnés y tirer une ligne comme AE dont les parties AB , BC, foient entr’elles comme les tems écoulés entre les obfervations. Alors la perpendiculaire TP, défignoit en P, le point du périgée. Quand il en étoit befoin, M. Cajjini donnoit à ce point un mouvement par lequel il rećtifioit les lieux de la Comete conformément aux obfervations. Mais il y a plufieurs remarques importantes à faire fur cette hypothefe. Il nous femble , malgré le refpećt que nous avons, 6c que tout amateur des Mathématiques doit avoir pour M. CaJ Jini j qu’elle eft défeétueufe en bien des points , 6c qu’elle ne méritoit pas la mention réitérée qu’en fait l’ingénieux Secrétaire de l’Académie (a). En premier lieu , la maniéré dont M. Cajjini déterminoit les élémens de fon calcul, montre qu’il établiftoit la terre comme immobile à l’égard de la trajećloire de la Comete. Or cela ne fçauroit s’accorder avec le véritable fyftême de l’Univers, fuivant lequel la terre a un mouvement journalier fur fon orbite. Si Ton fuppofe que le chemin des Cometes foit en lui - même re&iligne , leur mouvement devra être regardé comme compofé de leur mouvement réel fur cette ligne droite , 6c du mouvement apparent qui réfulte du tranfpore de la terre d’un lieu à un autre. C’eft de cette maniéré , bien plus ingénieufe 6c plus conforme aux phénomènes, que le Chevalier Wren déterminoit la trajectoire d’une Comete (b).- Il fuppofoit quatre obfervations un peu diftantes les unes des autres ; enfuite il concevoir dans le plan de l’écliptique, les quatre lignes tirées des quatre lieux de la terre, aux quatre lieux correipondans de la Comete , réduits à l’écliptique. Il ne s’agiftoit plus que de placer entre ces quatre lignes, une droite qui fût coupée par elles en fegmens proportionnels aux intervalles entre les obfervations , problème àc Géométrie qu’il réfblvoit. La pofition de cette ligne M Voye^ Hift.de l’Acad. 1699 , 1701, 1707,8cc y>yei Grégori dans l'endroit cité cj-deijus, 566 HISTOIRE étoit, fuivant lui, la trajećtoire de la Comete réduite au plan de l’écliptique. Il falloit enfuite déterminer fon inclin'aifon par d’autres obfervations ; après quoi en calculant le mouvement de la Comete fur cette orbite , 6c celui de la terre fur la lîenne , on en concluoit , 6c la longitude6c la latitude de la Comete , comme l’on fait à l’égard des planetes elles-mêmes. En fécond lieu , la trajećtoire rećtiligne déterminée par la méthode de M. Cajjini, ne répond point aulîi pleinement aux obfervations, qu’on l’a publié. Il eft obligé de convenir lui-même, que,quoiqu’il fuppofe le mouvement desCometes fe faire dans un grand cercle, cependant elles s’en écartent fenfiblement au bout d’un tems ; ce qui eft un phénomène qu’on ne fçauroit repréfenter dans cette hypothefe. Car le plan paffant par une ligne quelconque , 6c par la terre fuppofée immobile , coupera toujours la fphere des fixes fenfiblement dans un grand cercle. Ajoutons à cela qu’on a fouvent vu des Cometes qui de di-rećtes font devenues retrogrades ou au contraire ; telles furent entr’autres la première Comete de 1665,6c celles de 1707 6c 1737, qui changèrent de direćtion vers la fin de leurs cours. La trace apparente de la Comete de 1744 , à travers les fixes, forme differentes finuofités, 6c eft par conféquent bien différente de celle d’un grand ou d’un petit cercle de la fphere. Or ces phénomènes ne fçauroient encore être expliqués dans l’hypothefe de M. Cajjini. Celle de JVren ou de Kepler, peut mieux les repréfenter ; car il eft aifé de voir que la pofition de la trajeéioire , le mouvement réel de la Comete fur cette trajećtoire , & celui de la terre fur fon orbite , peuvent être tels qu’en quelque endroit le mouvement de la Comete paroifle changer de direćtion, 6c même que ce mouvement paroiflè affez irrégulièrement courbe. Mais il y a d’autres raifons qui portent aufîi à rejetter l’hypothefe àzWren. Les obfervations que nous venons de faire fur Phypothefe de M. Cajjini, montrent fuffifamment combien peu Ton devoit compter fur les retours des Cometes, conjećtures par ce grand Aftronome. Aufîi de je ne fçais combien de Cometes, dont on lui voit déterminer les révolutions périodiques (<2), aucune ne s’eft montrée de nouveau. Son hypothefe lur le mou- (a) Hi/h & Mém. de l’Acad. 1707 , 1708, DES MATHÉMATIQUES. Pan. IV. Liv. VIII. 567 vement de ces corps étoit vicieux par les fondemens. J’en dirai de même de celle que M. Jacques Bernoulli imagina en 168 1 , ôc fur laquelle il ofa prédire le retour de la fameufe Comete de cette année, pour le mois de Mai de 1719 (a). Beaucoup d’Aftronomes, dit un Hiftorien célébré , veilierent durant ce mois pour guéter la Comete , ôc ne virent rien. Je ne fçais fi beaucoup dAftronomes veilierent effectivement ; mais il me femble que fi j’euffe été de ce temps, la prédiction de M. Bernoulu n’auroit pas troublé mon repos. Je doute même que fi fon Auteur eût véçu alors, il eut été du nombre de ceux qui veilierent. En effet cette prédiction, ôc le fyftême fur lequel elle eft fondée, ne font que l’ouvrage d’une jeuneffe, ingénieufe à la vérité, mais un peu précipitée. Je reviens à l’hypothefe de M. Cajjini, pour répondre à une queftion qui fe préfente naturellement. Comment fe peut-il faire, dira quelqu’un, que cette hypothefe étant faufte, ait néanmoins affez bien fatisfait aux obfervations pour pouvoir €tre réputée pendant un tems pour la véritable ? La réponfe à cette queftion me paroît facile. Les Cometes, fuivant le fyftême reçu aujourd’hui, fe meuvent dans des orbites elliptiques ft alongées , qu’elles approchent beaucoup de la parabole. Or une parabole eft compofée de deux branches qui, à une affez petite diftance du fommet, ne different guere de la ligne droite » ôc ce fommet eft allez fouvent fort voifin du Soleil. D’un autre cc>té l’apparition d’une Comete dépendant en partie dc la pofition de la terre, il arrive le plus fouvent qu’on ne l’ap-perçoit que dans une des deux branches de fon orbite. Pour rendre ceci fenfible, fuppofons que la parabole B AD repré- Fîg. fente la trajećtoire d’une Cornete , Ôc que tandis qu’elle défend vers le Soleil le long de la branche B A , la terre aille de T en/, cette Comete fera cachée dans les rayons du Soleil ; elle ne frappera les yeux du fpećtateur terreftre que lorfqu’elle ailra depaffe les environs de cet aftre , ôc qu’elle décrira h partie E D de fon orbite. Elle paroîtra donc alors fe mouvoir prefque fur une ligne droite, puifque cette partie de parabole ne s en écarté pas beaucoup, ôc qu’elle en approche de plus en plus, a mefure qu’on s’éloigne du fommet. Que s’il arrive qu’on voie ('*) Conamen novi fyj Comet. i6 3i. HISTOIRE Ia Comete dans Pune dc dans 1’autre branche de Ton orbite fçavoir d’abord sallant plonger dans les rayons du Soleil , enfuite s’en éloignant, comme alors on la perd de vue pendant quelque temps, on ne manque pas de la prendre lorfqu’elle reparoît pour une nouvelle. On en a un exemple remarquable dans celle de 1680 de 1681. M. Cajjlni3 de ceux qui fe fervi-rent de l’hypothefc de la trajectoire redtiligne, en firent deux ( (4) Mémoires de l’Académie, 1708. DES MATHÉMATI QUE S. Part. IV. Liv. VIII. 5Ć9 ôc de tant de recherches ôc d’admiration pour les Sçavans. Elle fut apperçue ôc obfervée pour la première fois avec exactitude le 4 Novembre V. S. à Cobourg en Saxe , par M. Gott-fried Kirch. Elle alloit alors en fe plongeant prefque direćte-ment vers le Soleil. Elle accéléra fon mouvement jufqu’au 30 Novembre, qu’elle fit environ 50 en un jour : elle le retarda enfuite jufqu’à ce qu’on la perdît de vue ; ce qui arriva dans les premiers jours de Décembre. Elle recommença à fe montrer vers le 22 de Décembre revenant du Soleil, ôc quelques jours après, elle décrivit environ 50 en un jour. Son mouvement alla depuis toujours en retardant jufqu’au milieu de Mars de l’année 1681, qu’on cefla de la voir. Elle coupa l’écliptique en deux points, non diamétralement oppofés, mais éloignés l’un de l’autre feulement de 98°, fçavoir vers la fin du figne de la Vierge ôc le commencement de celui du Capricorne ; ôc elle parcourut depuis fon apparition jufqu’à fon occultation près de neuf Signes, traînant après elle, à fon retour du Soleil, une queue qui alla jufqu’à 70° degrés de longueur. On prouve que ce fut la même Comete, par la refTemblance du noyau ou du corps qui parut le même avant ôc après fon pafîàge près du Soleil, par celle de fon cours dont la direćtion fut la même , ôc furtout par l’accord des obfervations avec les calculs faits par M. Newton, d’après cette hypothefe. Ce fut une forte de bonheur pour l’Aftronomie que la terre fe trouvât dans une pofition affez avantageufe pour voir l’approche de cette Comete vers le Soleil, & fon retour du voifî-nage de cet aftre. Sans cette heureufe circonftance , le véritable fyftême du mouvement des Cometes, eût peut-être encore tardé long-tems à paroître. La fingularité de celle dont nous parlons en hâta la naiflànce. C’eft d’une petite ville d’Allemagne qu’on vit fortir les premières étincelles de ce fyftême, comme autrefois l’on avoit va celui de Copernic fortir d’une petite ville de Pruffe ( Varmie ), féjour ordinaire de cet homme célébré. Celui à qui l’on eft redevable de cette belle découverte, eft G. S. Doerfell, Mi-niftre à Plaven dans le Voigtland, pays dépendant de la Saxe. ^et Aftronome trop peu connu , ôc injuftement paffé fous f lence par la plupart des Ecrivains fur cette partie de l’Aftro-nomie , qrd ne font mention que de M. Newton , fut un des Tome IJ. Cccc 570 HISTOIRE premiers qui remarquèrent la nouvelle Comete. Il l’obferva avec Toin depuis le 22 de Novembre jufqu’à la fin de Janvier: il reconnut ôc il prouva que c’étoit la même qui après s’être approchée du Soleil , ôc plongée dans fes rayons, reparut de nouveau en s’en éloignant ; ÔC aidé des lumières d'Hevelius , il montra que fon cours s’étoit fait fur une parabole ayant le Soleil à fon foyer. Il fixa la diftance à laquelle elle palla du Soleil, à 7000 parties environ , dont le diametre de l’orbite terreftre contient cent mille ; ce qui différé à la vérité de la détermination de M. Newton , qui ne la fait que de 612 de ces parties. Mais cette différence ne doit pas nous étonner, ni faire tort à l’Aftronome Allemand ; car il n’étoit pas naturel d’en attendre quelque chofe d’auili exaét que de M. Newton. DoerfelL publia en 1681 , un Traité (a) où il établit au long toutes çes chofes. Mais la langue dans laquelle il étoit écrit, le peu de réputation de fon Auteur , empêchèrent qu’il ne fît dans le monde fçavant la fortune qu’il méritoit. On n’a commencé à le connoître que long-tems après que M. Newton a eu établi les mêmes vérités. En rapportant ce qu’on vient de lire, nous n’avons pas eu le deffein de déroger en rien à la gloire de M. Newton. Quoique ce grand homme ait été prévenu dans la publication de cette belle découverte, le droit qu’il a fur elle ne fçauroit être contcfté. En effet, ce qui n’étoit chez DoerfelL qu’une hypothefe purement aftronomique, eft chez M. Newton une vérité phyfique, une branche de fon fyftême général. Il étoit impofiîble que le Philofophe Anglois ayant établi la gravitation de routes les planetes vers le Soleil, Ôc reconnoiffànt, avec tous les Aftronomes habiles de fon tems, les Cometes pour des aftres éternels, ne les fournît pas à la même aétion que les autres corps de l’Univers. Il étoit donc néceftaire qu’il en fît de véritables planetes circonfolaires ; ôc puifque tantôt elles paroiffent, tantôt elles fe fouftraifent à notre vue par leur éloignement, il ne pouvoit que leur donner des orbites extrêmement excentriques, ou en forme d’ellipfe très-alongée : ôc comme une pareille ellipfe diffère peu d’une parabole dans (a) AJlronomîfche bettruElung des gr offer C’eft-à-dire, Aflronomie a tratiatio Com(tx Cometen Velcher A. \68o und 1681 , erf- magni qui A. 1680 & 1681 apparuit , &c' chienen j &c, Zu Piaven von G. S. D. A Plaven, par G. S. DoerfelL J DES MATHÉMATIQUES. Part.IV. Liv.NWl. 571 les environs de fon fommet, qui font les feuls endroits où une Comete fe montre à nous * il étoit tout naturel que M. Newton, pour Amplifier le calcul, donnât à ces aftres des orbites paraboliques. Mais M. Newton ne s’en tient pas à ces preuves, quoique déjà puiftantes, de fon fyftême. A l’aide d’une fubtile 5c fublime Géométrie , il enfeigne de quelle maniéré on peut, d’après trois obfervations , 5c dans l’hypothefe parabolique , déterminer l’orbite d’une Comete. Il applique enfuite cette méthode à celle de 1680; 5c après avoir déterminé fon orbite, 5c l’avoir rectifiée par quelques obfervations , il calcule jour par jour les lieux quelle a dû occuper dans le Ciel. On eft étonné de voir avec combien de précifîon , ce calcul s’accorde avec les obfervations de M. Flamflead. Malgré l’irrégularité extraordinaire du cours de cette Comete, la plus grande différence, foit en longitude, foit en latitude, n’exccde pas deux minutes 5c demi ; ce qui eft à peine ce qu’on peut faire à l’égard des planetes, 5c qui excede de beaucoup l’exa&itude avec laquelle on a jamais calculé les lieux de la Lune. M. Newton en fit de même à l’égard des Cometes des années 1664, 1665 5c 1682, 5c dans l’édition des Principes, donnée en 1724, on en trouve cinq calculées de cette maniéré, 5c avec le même fuccès. Tant de précifîon ne fçauroit être l’effet du hazard , 5c il en réfulte en faveur de M. Newton , une preuve à laquelle on ne peut fe refufer. Lorfque nous parlons d’une fi grande exactitude dans les calculs que M. Newton donna pour la Comete de 1680 , nous avons entendu parler de ceux qu’on lit dans la derniere édition de fes principes, & qui ont été rectifiés par M. Hallei. Dans la première édition , il y avoit des différences du calcul avec l’obfervation qui alloient à un demi-degré : mais ces différences ne regardoient que diverfes obfervations qu’on lui avoit envoyées d’Italie , d’Amérique, ôcc. obfervations dont le peu d’exactitude s’apperçoit aftez facilement. L’accord du calcul avec les obfervations faites en Angleterre, 5c que lui fournit Flamflead 3 étoit incomparablement plus grand. Dans la fuite M. Newton vint à connoître celles qu’avoit faites à Cobourg en Saxe, M. Gotfried Kirck, Obfervateur habile, durant le mois de Novembre, ÔC il s’en fervit pour rectifier davantage 57* HISTOIRE les élémens de fa théorie. Enfin M. Hallei poufïant la précifîon encore plus loin , a calculé le mouvement de cette Comete dans une orbite elliptique , telle qu’il la faudroit pour que la Comete ne la parcourut que dans 575 ans, ôc c’eft ce calcul qui ne différé au plus que de deux minutes ôc demie de l’obfer-vation. Une particularité remarquable, à l’égard de la Comete de 1680 , c’eft qu’elle palïa dans fon périgée à une très-petite diftance du Soleil. Suivant M. Newton, elle ne fut alors éloignée de cet aftre que de 6 1 2 parties , dont le rayon de l’orbite terreftre en contient 100000. Ainfi elle approcha du Soleil 163 fois plus que la terre , ôc elle reffentit une chaleur qui furpafle environ 26000 fois la plus grande que nous éprouvions ici : ôc comme la chaleur d’un fer rouge n’eft guere qu’une douzaine de fois plus grande que la chaleur dircéte d’un Soleil d’été , il s’enfuit que la Comete dont nous parlons éprouva une chaleur au moins deux mille fois plus grande que celle d’un fer rouge. Ceci montre que cette Comète devoit être un corps bien com-paćt, pour n’avoir pas été difiipée par une chaleur aufii prodi-gieufe ; ce qui ajoute un nouveau degré de force au fentiment qui en fait des corps éternels. Ajoutons encore que M. Newton conjecture que cetteComete ôc toutes les autres, s’approchant de plus en plus du Soleil à chaque révolution, elles tomberont dans cet aftre comme pour lui fervir d’aliment, ôc rétablir la perte qu’il fait continuellement par la lumière qu’il nous envoyé. Mais ce font là des conjectures purement phyfiques, qu’il ne faut point mettre en parallele avec les découvertes aftronomiques que nous venons d’expofer , ôc qui n’en feront pas moins des vérités folidement établies, quel que foit le fort de ces conjectures. A l’égard de cet ornement fingulier qui accompagne or-dinairement les Cometes , nous voulons dire de leurs queues ? voici en peu de mots ce qu’il y a de plus probable furce fujet- Nous ne nous arrêterons pas à réfuter l’opinion des Ancien ôc de quelques Modernes qui ont fait venir les queues des Cometes , de la réfraCtion des rayons folaires au travers du corps ou du noyau de ces aftres. Outre que ce noyau eft vifiblemeut opaque, on ne voit pas comment ces rayons pourroient erre réfléchis à nos yeux par une matière aufii fubtile que l’éther. Aiifi1 Kepler qui avoit d’abord été de ce fentiment, ôc qui avoi£ a DES MATHÉMATIQUE S. Part.IV.Liv.VIII. 573 même traire de monftrueux celui qui faifoit venir ces queues d’une matière appartenante au corps de la Comete, fe retraéta dans la fuite. Il attribua alors les queues des Cometes à leur athmofphcre ôc aux parties les plus volatiles de leurs corps, entraînées par les rayons du Soleil. C’eft à peu de chofe près l’opinion qu’a embrafte M. Newton, fi ce n’eft qu’il compare ces queues à la fumée d’un corps brûlant qui fe dirige toujours en haut ôc perpendiculairement s’il eft en repos, ou obliquement ôc de coté, s’il eft en mouvement. De même , dit M. Newton, les vapeurs exhalées d’une Comete à fon approche du périhélie , ôc après l’avoir paffe , fe dirigent du côté oppofé au Soleil ; mais avec un peu de défieétion de coté, à caufe du mouvement du corps de la Comete. C’étoit-là tout ce qui s’étoit dit de plus probable fur l’article des queues des Cometes avant M. de Mairan. Cet illuftré Phyficien, à qui nous devons une explication fi fatisfaifante de l’aurore boréale [a) , conjecture, avec beaucoup de vraifem-blance, que les queues des Cometes font produites par la matière de l’athmofphere folaire dont ces corps fe chargent, lorfi-qu’ils arrivent à leur périhélie , ôc qui eft pouffée dans une direction oppofée à celle du Soleil, foit par le choc des rayons folaires, foit par une caufe femblable à celle que M. Newton donne de l’afcenfîon des vapeurs dont il compole ces queues. En effet, on a remarqué que les Cometes ne commencent à avoir de queue fenfible, que lorfqu’elles font parvenues à une diftance du Soleil moindre que celle de la terre, ce qui eft à peu près le demi-diametre de l’athmofphere folaire. Au contraire , celles qui ont pafte dans leur périhélie à une plus grande diftance du Soleil, comme celles de 1 585 , 1718 , 1729 , I747 , ont été vues fans queue : mais il faut voir dans l’ex-cellent ouvrage que nous avons cité plus haut , les preuves qui établirent cette conjecture. Revenons à la théorie des Coaetes. Après M- Newton, il n’eft perfonne à qui cette partie de 1 Aflronomie ait d’auftj grandes obligations qu’à Pilluftre M. Hallei. Ce fçavant Aftronome donna en 1705 , à la Société Hoyale de Londres, un écrit intitulé Corneto graphia , feu Aflro- Traite phyfique Sc hiftorique de l’Aurore Boréale. Paris 3 1731,17 f4 > in-40* 574 HISTOIRE nornice Cometicæ Synopfis. Là, en fuppofant les méthodes en-feignées par M. Newton , pour déterminer la pofition de l’orbite d’une Comete après quelques obfervations, il propofé des Tables pour en calculer les lieux, pareilles à celles dont les Aftronomes étoient déjà en poflèffion pour calculer ceux des planetes. Il a plus fait dans la fuite, & il en a données d’autres propres à calculer ces lieux dans l’hypothefe plus exadte d’une orbite elliptique (a). Mais voici l’article le plus inté-reffant de le plus curieux du travail de M. Hallei. C’eft le calcul qu’il fit des orbices de 24 Cometes fur lefquelles il trouva des obfervations de quelque exaébitude, de qu’il rédigea en table pour pouvoir en faire la comparaifon. Il eut le plaifir de voir vérifier par ce moyen , le fentiment de ceux qui font des Cometes des aftres fujets à des retours périodiques. En effet, l’infpecbion de la table dont nous parlons , montre que les Cometes de 1531, 1607, 1682, ont eu à très-peu de différence la même orbite, de des apparitions diftantes d’environ 75 ans. Elles ont eu leur nœud afeendant vers le vingtième degré du Taureau ; leur périhélie ou le point où elles furent les plus voifines du Soleil, vers le premier degré du Verfeau ; l’inclinaifon de leur orbite à l’écliptique de 17 à 180: enfin la diftance périhélie de celle de 1531 , fut de 56700 parties, dont la diftance moyenne de la terre au Soleil en contient cent mille; celle de la Comete de 1607, fut de 58618 , de celle de la derniere, de 58328. La différence qu’on apperçoit entre la première de ces diftances de les deux dernières , ne doit pas former une difficulté, parce que les obfervations & Appianus , fur lefquelles l’orbite de cette Comete a été calculée, fe refïentent du peu de progrès qu’avoit encore fait alors l’Aftronomie pratique , de du peu de foin qu’on met" toit à obferver les Cometes. Ainfi il y a de très-fortes raifi?nS de penfer que cette Comete a déjà paru à diverfes reprifes? l’on peut avec fondement efpérer fon retour cette année 175 ^' Cette identité de la Comete de 1531, avec celles de 1607 # 1682, paroît d’autant plus vraifemblable, qu’en remonf‘/int encore plus haut de 75 en 75 ou 76 ans, on trouve des Cometes. Il en parut une en 1456 , une en 1380 , une autre efl (a) Voye^ fes Tables astronomiques. DES MATHÉ M AT I QUE S. Fan. IV. Liv. VIII. 575 1305. A la vérité aucun Aftronome ne nous en a tranfmis d’obfervations capables de nous aftlirer que c’eft la même ; mais en comparant les circonftances de leur mouvement remarquées par les Hiftoriens, avec celles de la Comete que nous attendons, refpectivement aux différentes faifons de l’année , on trouve qu’elles s’accordent affez bien. Comme il eft important de fçavoir la route que doit tenir cette Comete, fuivant les différentes politions de notre globe fur fon orbite, lorfqu’elle defcendra dans le voifinage du Soleil, un Aftronome a pris foin de nous en inftruire (a). M. Delifle a auffi entrepris fur ce fujet un travail fort étendu , qu’il n’a pas encore communiqué, mais qui aura probablement vu le jour avant que cet ouvrage foit public. La Comete dont nous venons de parler eft celle dont le retour périodique paroît jufqu’ici le mieux établi. Il y en a cependant encore quelques autres dont les mouvemens ont affez de reflemblance pour conjecturer que c’eft la même. Telle font celle de 1661 obfervée par Hévélius > ôc celle de 1531 vue par Appianus. Quoiqu’il y ait quelques différences affez confidérables entre les lieux des périhélies ôc les moindres diftances de ces Cometes au Soleil, on peut les rejetter fur la groffiéreté des obfervations à'Appianus. C’eft pourquoi, fi la conjecture de M. Hallei eft fondée , cette Comete reparoîtra vers l’année 1780. M. Hallei conjecture encore que celle de 1680 a reparu à diverfes fois, à la diftance de 575 ans. Il fe fonde fur ce qu’en 1106 , on trouve une Comete dont les apparences font affez reffemblantes à celles de 1680. On en avoit auffi vue une femblable l’année 531 , ôc l’an 46 avant Jefus-Chriftj avoit paru cette prodigieufe Comete, fi célébrée par les Hiftoriens, ôc qui fuivit de près la mort de Jules-Céfar. Mais M. Hallei va bien plus loin 3 en continuant de rétrograder de 575 en 575 ans , il trouve que la même Comete a dû paroître vers le tems du Déluge univerfel, ôc il conjecture que c eft le moyen dont la divinité s’eft fervi pour produire cette horrible cataftrophe. Car cet aftre étant accompagné d’une <]ueue immenfe, qui, fuivant l’idée de M. Newton, n’eft qu’une trainée de vapeurs, il a pu arriver que la terre l’ait rencontrée. (<*) Mem. fur la Comete , qui a paru en i $■ 31 , 1607 , i£8z,& qu on attend en 17 5-7 17 i j &c. p^j. [e •j’t J amari, Chanoine Régulier de Sainte Génévieve. 57 {a) Mémoires de l’Académie, année 175 t. Foye^ aujjl 172/ } 1727. DES MATHÈ M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. VIII. 579 lî l’on ne fçavoit que Defcartes fembloit triompher vers ce tems. L’ingénieux Secrétaire de l’Académie écrivoit dans l’extrait d’un des Mémoires cités, que le fyftême des tourbillons, après tant de difficultés qu’il avoit effuyées, paroiftoit enfin avoir fatisfait à tout, 6c n’avoir plus rien à craindre des efforts de fes antagoniftes. Mais jamais cri de triomphe ne fut plus voifin de la déroute entière. L’applatifTement de la terre démontré peu d’années après , 6c l’expofttion lumineufe que M. de Maupertuis fit vers le même tems de la théorie de l’attraction , dans fon Livre de la figure des Aftres, produifirent une révolution prefque fubite êc générale dans la maniéré de penfer. Depuis ce tems enfin la théorie des Cometes de M. New-ton a tellement prévalu, que ceux-là même qui depuis plu-lleurs années la rejettoient, font devenus fes partifans. il eft fi rare dans l’empire philofophique de changer d’avis, qu’il y a peut-être en cela plus de gloire pour eux que s’ils euftenc d’abord adopté le fentiment de Newton. Il y a auffi cet avantage pour la théorie dont nous parlons, qu’on ne peut pas dire qu’elle ait été admife avec trop de précipitation , 6c fans examen. Au contraire, il femble qu’on peut affurer qu’une vérité ne fut jamais plus folidement établie que lorfqu’elle s’eft enfin attiré le fuffrage des habiles gens qui l’avoient d’abord méconnue 6c conteftée. La théorie de M. Newton fur les Cometes a acquis autant de preuves nouvelles qu’il a paru depuis lors de Cometes. En effet, de toutes celles qu’on a vues dans ce fiecle, 6c le nombre en eft déjà affez grand, il n’y en a aucune qui n’ait confirmé la vérité de cette théorie. On en a aujourd’hui, outre celles de M. Hallei 9 une quinzaine dont le chemin a été déterminé fuivant les principes de Newtonêc le calcul ne s’eft jamais écarté de l’obfervation , que d’un petit nombre de minuas, rarement au delà de deux ou trois. Il fuffira de faire ici une brieve hiftoire de quelques-unes de ces Cometes , fçavoir de celles qui préfentent quelque chofe de plus remarquable. Je pafferai donc légèrement fur les Cometes qu’on vit en *702 , l'joG , 1718, 6cc. 6c dont les élémens ont été détermines fuivant la théorie de Newton , par divers Aftronomes , P°ur m’arrêter à celle qui parut en 1719. Celle-ci eft affez fi n-guliere, fi ce n’eft par fon éclat, du moins par d’autres cir-» Dddd ij 5So HISTOIRE confiances. Elle fut apperçue pour la première fois à Nifmes 3 par le Pere Sarrabat, Jéfuite, le 3 i Juillet, entre le petit Cheval ôc le Dauphin. Elle étoit fi petite ôc fi peu lumineufe, qu’on la perdoit de vue, durant le clair de la Lune. Ce Pere en informa M. Cajjini s ôc les Aftronomes de l’Académie , qui l’ob-ferverent depuis la fin d’Août jufqu’au 21 du mois de Janvier de 1730, qu’on cefta de l’appercevoir. On lit ces obfervations dans le volume des Mémoires de l’année 1730, ôc d’après elles M. Maraldi a calculé en 1742. , la trajećtoire parabolique qu’elle décrivit. Plufieurs autres Aftronomes l’ont fait aufii, comme M. l’Abbé de la Caille , M. Delifle, M. Kies, Aftro-nome à Berlin, M. Struick, &c. Suivant le calcul de M. Maraldiy dont les autres différent peu , elle avoit pafte à fon périhélie , le 22 Juin , à 23 heures , 54 minutes , tems apparent à Paris ; elle fut alors éloignée du Soleil de 416927 parties, dont le rayon de l’orbite terreftre contient 100000, de forte qu’elle paffa entre l’orbe de Mars ôc celui de Jupiter , mais beaucoup plus près de ce dernier. Voilà d’où vient qu’elle fut toujours fi petite ôc fi lente; car elle parcourut à peine, pendant fix mois que dura fon apparition, une huitaine de degrés, d’abord d’un mouvement direćt, enfuite rétrograde à la maniéré des planetes fùpérieures. Le calcul s’accorde fi bien avec les obfervations , que quoiqu’il y en ait une cinquantaine la différence n’excede pas en longitude trois minutes, ôc quelques fécondés en latitude. Nous paffons encore fur plufieurs autres Cometes, comme celle de 1737, calculée dans les Tranf. Phil. n°. 446 ; celle de 1739, dont divers Aftronomes ont aufii donné les élémens ; celle de 1742., ôc les deux dc 1743 , pour arriver à celle de 1744, la plus remarquable qui ait paru depuis celle de i68c-Elle fut vue pour la première fois à Harlem, par M. Did^ Klinckenberg, le 9 Décembre 1742., entre le Bélier ôc le gra^d triangle. Peu de jours après, elle fut apperçue à Lauzanne, par M. de Chenaux (a) , qui donna en 1745 un Traité fur (a) . M. de Chezeaux ( Jean-Philippe l’âge de 17 ans , & qui furent itr>pnrn<-'s Loys ) petit-fils de M. de Crouzas , né en en 1743 , ( Paris in-iz. ) donneient f 1718, dans le pays de Vaux , & mort à grandes elpérances de ce jeune Sçavant, Paris, vers la finde 175-1. Ses EJJ’ais de même que fon Traité de la Comete ^ Phyfique , efpece de Commentaire de quél- 1744. Mais peu après un excès r ^ tjues endroits de Newton , qu’il coûipofa à piété le fit donner dans le travers de p *• v DES MATHÉM AT I QUE S. Part. IV. Liv. VUE 5 81 cette Comete. Enfin divers autres Aftronomes Papperçurent les jours fuivans , êc l’obferverent jufqu’à fon occultation dans les rayons du Soleil, qui arriva vers la fin de Février. Au commencement de fon apparition , elle n’avoit aucune queue du moins perceptible à la vue, mais en approchant du Soleil, elle en prit une qui alla toujours en augmentant pendant fon approche du périhélie, de forte que le 17 Février elle avoit près de 40° de longueur. Elle augmenta encore confidérable-ment après le périhélie ; car quoiqu’alors on ne put plus voir le corps de la Comete, on appercevoit le matin , deux heures avant le lever du Soleil, fa queue débordant l’horizon de 20 à 30% tandis que le corps étoit encore plongé fous l’horizon d’autant. Suivant l’obfervation de M. de Chef eaux , elle étoit alors partagée en cinq larges bandes , d’où il eft facile de juger quel étrange lpectacle elle eut préfenté, fi la terre eut été dans une fituation propre à l’appercevoir alors. Quant à la pofition êc aux dimenfions de l’orbe de cette Comete, les voici d’après les Tranf. Phil. n°. 474* S°n périhélie eft placé dans le 17e degré un quart de la Balance : elle y palla le premier Mars , à huit heures, fe mouvant fuivant l’ordre des fignes, êc alors elle ne fut éloignée du Soleil que des 11106 parties, dont le rayon de l’orbite terreftre en contient iocooo. Le plan de fon orbite faifoit avec celui de l’écliptique, un angle de 470, 8', 56'f êc fon nœud afeendant vu du Soleil, étoit au 15°^ du Taureau. Le calcul fait en Angleterre , d’après ces élémens , s’accorde dans la minute avec les lieux obfervés. Les Cometes dont on vient de parler, ont donné lieu à divers ouvrages. Celle de 1742 eût été peu intéreffante pour d’autres que les Aftronomes; mais l’ingénieufe Lettre de M. de Maupertuis, lui donna du luftre dans le monde. Peu de tems après, M. le Monnier publia fon Livre intitulé la théorie des Cometes ( in-8°.),- on y trouve ( outre la traduélion de Y Afro nomie Cométique de M. Hallei , ouvrage qui méritoit fî bien de pafter dans notre langue ), une Introduction êc un Supplément hif- ter>dre trouver dans l’Ecriture Sainte le dé- res poflhumes de M. de Chenaux fur divers noue ment de divers points d’Aflronomie- fujets d’Aflronomie & de Phyfique y &c. Phyfique très-délicats. C’eft ce qui fait en Lauzanne, 175-4, in-40. Voye^ fur ce Sça-partie, l’objet de l’ouvrage publié après fa yanr, un article du Mercure de Mars 17 5-4«, mort à Lauzanne, fous le titre de M-émoi- 58i HIS T O I R E toriques, concernant les progrès de cette théorie avant ôc depuis M. Newton , avec diverfes chofes intéreflantes touchant la perfećtion du catalogue des fixes, ôc la théorie du Soleil. A l’occafion de la Comete de 1744, parurent aufîi divers écrits , entr’autres le Livre de M. de Chenaux, dont nous avons parlé ; les OJferva^ioni intorno la Cometa delC anno IJ44, de M. Za-nottiy Profeffeur de Boulogne; ôc l’excellent Traité du célébré M. Euler y intitulé, Theoria motûs P lanetarum & Cometarum, où ce fçavant Géomètre traite cette matière avec cette profondeur ôc ce fuccès qui lui font ordinaires. Nous ne pouvons mieux faire que de le confeiller aux le&eurs. Je ne dis rien d’une foule d’autres écrits inférés parmi les Mémoires des Académies ; ôc dans les Journaux périodiques du tems où on peut les chercher. Les dernieres Cometes dont les Aftronomes ayent eu le fpectacle , ôc des obfervations fuffifantes pour calculer la pofition de leurs orbites, font i°. une en 1746, découverte pour la première fois par M. de Che^eaux, à Laufanne, le 13 Août, ôc enfuite vue de divers autres : elle alloit alors vers fon périhélie , auquel elle n’a dû arriver que le 28 Février 1747, à iz heures ; ôc alors elle fut éloignée du Soleil de 229388 parties, dont il y en a 100000 dans le rayon de l’orbite terreftre. 2°. Les deux qu’on vit à la fois fur l’horizon au mois de Mai 1748 , fpe&acle curieux qu’on n’avoit pas eu depuis long-tems. Leurs orbites ont été calculées par divers Aftronomes. 30. Celle enfin qu’on a vue l’année derniere au mois de Septembre. Il y avoit déjà près de dix ans qu’aucune Comete ne s’étoit montrée, chofe rare , à en juger par l’hiftoire de ces apparitions, ôc qui eût pu faire dire poétiquement, que fatigués des regards curieux des Aftronomes, ces aftres fe déroboient à leur vue* La Comete dont nous parlons eft en quelque forte venue fo lager leur impatience. Elle fut vue ôc obfervée pour la pre’' miere fois à la Haye, par M. Dirck Klïnckenberg, le matin du 16 Septembre ; ôc fur l’avis qu’il en donna, divers autres Aftronomes fe mirent à fuivre fon cours, entr’autres M. Pifl~ gré, de l’Académie Royale des Sciences, à Paris ; le PerePc' ęenas, Jéfuite, a Marfeille; M. de Patte y Secrétaire de la çiété Royale de Montpellier , qui eft le dernier qui l’aie perdu de vue le 16 Oćtobre. Il réfulte de leurs obfervations ? que la- DES MATHÉ MAT I QUE S. Part. IV. Liv. VIII. 58} route de cette Comete vue de la terre, a été directe, ôc s’eft faite dans l’écliptique depuis le dixième degré de l’Ecrevifle, jufqu’au commencement de la Balance où elle a difparu, fe plongeant dans les rayons du Soleil. M. Pingré a calculé , d’après ces obfervations, les élémens de fon orbite, fuivant les principes de Newton , ôc a trouvé que fon nœud afcendant étoit au 4°, i ' du Scorpion, fon périhélie au z°, 49' du Lion , ôc qu’elle a dû y pafter le 21 Oébobre, vers les dix heures du foir , à une diftance du Soleil égale à 3 3787 parties, dont celle de cet aftre à la terre en contient 100000; que l’inclinaifon de fon orbite étoit de 1 20,48' ; enfin que fon mouvement fur cette orbite étoit direćt. Ces déterminations ont fait le fujet d’un Mémoire que ce fçavant Aftronome a lu à l’aftemblée publique de l’Académie du mois de Novembre de la même année. On fçait auffi que M. Bradley a fuivi les mouvemens de cette Comete avec fon aflîduité ordinaire. Mais la circonf-tance de la guerre préfente , eft caufe qu’on n’a encore en France aucune connoiftance de fes obfervations ôc de fes calculs. Depuis que les Aftronomes ont adopté la théorie de Newton , la table de M. Hallei s’eft beaucoup accrue. Au lieu de 24 Cometes que contenoit cette table, ôc dont les élémens font calculés , on a aujourd’hui près du double. M. l’Abbé de la Caille en a donné 3 6 dans fes Elémens d'Aflronomie ; mais M. Struick , qui a fait des recherches particulières fur l’hiftoire ôc la théorie des Cometes, dans un Livre dont on parlera à la fin de cet article, y en a ajouté plufieurs. Sa table en contient 45 , auxquelles ajoutant la derniere, nous en aurons 46 de calculées. 11 ne faut cependant pas penfer que toutes ces déterminations foient de la même exactitude : il n’y en a guere qu’une trentaine fur lefquelles on puifte compter ; mais comme la difculfion des unes ôc des autres nous meneroit trop loin , nous nous bornerons à quelques obfervations générales qui naiftent de l’infpection de ces tables. En premier lieu , on voit qu’il n’y a pas moins de Cometes Retrogrades que de directes , ôc que leurs orbites coupent 1 écliptique fous toute forte d’angles, de forte qu’il en réfulte Une preuve puiftànte contre les tourbillons qu’on ne fçauroit concilier avec des directions aufii contraires ôc aufii confiantes3 584 HISTOIRE mais on s’eft fuffifamment étendu ailleurs fur ce fujet : c’efl pourquoi il eft inutile dy rien ajouter de nouveau. En fécond lieu, on obferve que la plupart des Cometes def-cendent dans la fphere de l’orbe de la terre , les unes plus, les autres moins ; des 36 Cometes dont on a l’orbite calculée, il n’y en a que fix dont la moindre diftance du Soleil, excede celle de la terre à cet aftre. En troifieme lieu , les Cometes n’ont point de Zodiaque fixe, comme l’avoit penfé un homme célébré, qui leur avoit attribué celui qui eft défigne par les deux vers fui vans. Antinous , Pegafufque , Andromeda , Taurus , Orion 3 Procyon , atque Hydrus , Centaurus Scorpius Arcus. L’infpeétion des tables dont nous parlons, Sc les obfervations , montrent qu’il n’y a prefque aucune conftellation dans laquelle , au rapport des Aftronomes Sc des Hiftoriens , on n’ait vu pafter des Cometes. En quatrième lieu , les portions Sc les inclinaifons fi différentes avec lefquelles les orbites des Cometes coupent l’écliptique , femblent n’être pas l’effet du hazard , Sc nous donnent lieu d’admirer êc de reconnoître la fagefle de l’être fuprê-me. Si les plans de ces orbites euffent été dans celui de l’éclip> tique , ou fort voifins, toutes les fois qu’une Comete defcen-droit vers le Soleil , ou en reviendroit, nous ferions expofés au danger d’en être choqués, fi malheureufementnotre globe fe trouvoit arriver en même tems au point d’interfe&ion ; ou du moins, fuivant Whiflon , nous courrions rifque d’être inondés de la queue qu’elle traîne après elle. Mais au moyen de l’inclinaifon des plans de ces orbites à celui de l’éclip" tique , il n’y en a aucune qui rencontre celle de la terre* Ce feroit à la vérité un fpeétacle bien curieux que celui d’une Comete paffant à un ou deux diamètres de notre globe ; il pourroit même en réfulter dans notre petit fyftême des changemens phyfiques qui nous feroient avantageux : nous pourrions, fuivant l’idée ingénieufe d’un homme célébré , acquérir une nouvelle Lime, ft quelque Comete paffoit affeZ près de notre globe pour en reffentir une attraćtion fupérieure à celle du Soleil. Mais à le bien confidérer il vaut encore jpieux DES MATHÉMAT ï QU E S. Part. IV. ZzV. VIIL 5 S5 mieux être privés de ces avantages, 6e être à l’abri d’un danger auffi grand que le feroit celui qui nous menaceroit, fi un pareil corps pouvoit nous choquer. De toutes les Cometes, celle qui paroît jufqu’ici pouvoir nous approcher de plus près , c’eft ceile de 1680. M. Hallei a trouvé par le calcul que le 11 Novembre 1680,à une heure après-midi,elle fut fi près de l’orbite terreftre , qu’elle n’en étoit éloignée que d’environ un de-mi-diametre folaire, ou un peu moins que la diftance de la Lune à la terre. Mais il n’y avoit encore là aucun danger pour nous : il y eût eu feulement matière à une curieufe obfervation , Ci la terre fe fût trouvée dans le point convenable de fon orbite. Nous pouvonsil eft vrai, n’en pas être toujours quittes à auffi bon marché. Suivant le hardi M. Whifon 9 cette Comete, qui a déjà été l’inftrument de vengeance dont Dieu fe fervit pour noyer le genre humain ^ lorfqu’allant vers fon périhélie, elle nous atteignit de fa queue, peut auffi quelque jour revenant de fon périhélie „ nous inonder de la vapeur ardente de cette même queue, 6c produire par-là l’incendie univerfel qui doit précéder l’arrivée du fouverain Juge des hommes. Mais , je le remarquerai encore, on ne doit point juger de la théorie de M. Newton par ces idées hardies. Divers Ecrivains ont travaillé à nous faire l’hiftoire des Cometes. C’eft l’objet d’une des divifions de la Cométographie d’Hevelius. On a auffi du Chevalier Lubienet7xiki 3 un ouvrage intitulé Theatrum Cometicum, en trois volumes in-folio ; mais il eft difficile de ne pas rire de la (implicite de ce bon Chevalier , qui nous a plutôt donné une hiftoire univerfelle à l’occa-fion des Cometes, que l’hiftoire de ces aftres. Pour remplir le titre d’un pareil ouvrage, il eût fallu rapprocher 6c combiner les paftages des divers Hiftoriens qui ont parlé des Cometes , afin de déterminer par-là, autant qu’il eft poffible , les diverfes circonftances de leur mouvement 6t c’eft ce que n’a point fait le bon Chevalier, qui tire enfin de tout fon fatras hiftorique la ridicule conféquence, que les Cometes font d’un heureux préfage pour les bons, ôc d’un mauvais pour les mé* chans. M. Struick. a beaucoup mieux traité ce fujet dans fa Defcription des Çometes [a), que j’ai déjà citée quelquefois. (a) Elle fait partie d’un ouvrage intitulé 1740,111-4°. ou Introduction à la. Géogr. Inleed'mg tôt Algcmeent Geography, Amft. unïv. Sc elle a eu une fuite fous le titre de Tome IL Eeee T)c Divers Afironomes. M< Hevelius. 5Sfi histoire C’eft un ouvrage que les Aftronomes enflent fans doute vu avec plaifir & avec reconnoiflance, s’il n’étoit pas écrit dans une langue aufii peu connue des étrangers que la Hollandoifc. Avant que de finir cet article , il eft important de dire un mot fur un point intéreflant de cette théorie. C’eft la manière de calculer la pofition de l’orbite d’une Comete d’après les obfervations. M. Newton en a donnée une dans fes principes, comme nous l’avons déjà dit; mais elle eft embarraflee 6c fu.*' jette à un tâtonnement qu’il feroit utile de pouvoir éviter. C’eft pourquoi divers Géomètres fe font attachés à la perfectionner. M. Bouguer a donné dans cette vue en 1733,1m Mémoire qu’on lit parmi ceux de l’Académie de cette année, Sc où l’on trouve une méthode direćte pour déterminer l’orbite d’une Comete par quelques obfervations de longitude &c de latitude. M. Euler a beaucoup contribué au même objet, dans fon Livre que nous avons cité plus haut, aufii bien que M. Struick , dans l’ouvrage dont nous venons de parler. On doit enfin lire d’excellentes réflexions que M. de la Caille a données fur cette matière dans les Mémoires de l’Académie de 174C X I V. Il eft tems de terminer ce Livre, 6C nous allons le faire fuivant notre coutume , en raflemblant ici divers Aftronomes de mérite , dont le fil de notre matière ne nous a pas permis de parler, ou de rappeller les travaux avec allez d’étendue. Nous commençons avec juftice cette énumération par M. Hevelius [a). Cet homme célébré, l’un de ceux qui, par fes travaux 6c fes écrits , ont le plus fervi l’Aftronomie dans le fiecle Vervolg van de befehryving der Staart-Ste-rren. Ibid. 17 j-o in-40. c’eft-à-dire > Suite de la defcription des Cometes. (a) M. Hevelius ( Jean ) ou Hevel, naquit à Dantzick, en i6n , le u Janvier, vieux ftyle. Après avoir voyagé quelques années dans les diverfes contrées de l’Europe , & avoir donné quelque tems aux affaires , il fè livra avec ardeur à l’Aftronomie par les exhortations de Cruger. Ses travaux en ce genre ne l’occuperent cependant pas tellement qu’il n’eût le tems de remplir les places auxquelles fa uajffance l’appelloit. Il fut fait Echevin de Dantzick en 1641 , &• en 16y 1 il fut élevé au grade de Sénateur» place qu’il occupa avec diftinéfion jufqüa fa mort arrivée en 16 87. Qu’on joigne cec exemple à ceux de MM. de Witt Sc ^oe~ mer , d’abord Mathématiciens , enfuite Magiftrats & hommes d’état recommandables , & l’on aura une preuve qL1 ^ tiy 3 d’incompatibilité entre l’efprit des afraûq5 Sc celui des Sciences , que celle qu y ® peu d’ambition de ceux qui font pro*e 10Q de ces dernieres. DES MATHÉMATI QU E S. Part, IV. Liv. VIII. 5S7 paiïe j commença à s’adonner avec ardeur à cette fcience vers l’an 1640. Le premier ouvrage par lequel il fe montra dans le monde fçavant, eft fa defcription de la Lune, fous le titre de. Selenographia, qui parut en 1647 , ( Gedani , in-fol. ) ouvrage tout-à-fait remarquable par l’exa&itude des repréfentations qu’il nous y a données de cet aftre , Sc de fes taches , fuivant les différentes phafes. Aufîi font-elles gravées par M. Hevelius même; Sc en effet, il n’y avoit qu’un Aftronome, joignant comme lui le talent de la gravure à fes autres connoif-fances , qui fût capable de la patience néceftaire pour amener un pareil travail à fa perfection. Cependant malgré ces peines, M. Hévélius n’a pas eu le plaifir de voir pafter en ufage la dénomination qu’il donna aux taches de la Lune. Cet avantage lui a été ravi par le Pere Grimaldi , ainfi qu’on l’a lu à la fin du Livre IV. M. Hévélius publia les années fuivantes divers ouvrages. Dans le premier, intitulé De motu Lunœ librato rio(G edani, 16 51. in-fol. ) Sc adreiïe en forme de Lettre à Riccioli , il explique le mouvement de libration de la Lune, d’une maniéré fatisfai-fante, Sc qui eft, je crois, adoptée aujourd’hui par tous les Aftronomes. Viennent enfuite, une Lettre Latine, fur les deux Eclipfes de l’année 1654; fon Livre De nativa Saturni facie ejufque phafbus en 1656 ; fon obfervation du paffage de Mercure fous le Soleil, arrivé en 1661 , à laquelle il joignit l’écrit ÜHorroxes fur le paffage de Vénus fous cet aftre vu en 1639 , écrit qui n’avoit encore point vu le jour, avec l’hiftoire de la nouvelle étoile périodique découverte peu d’années auparavant dans le col de la Baleine , dont il fut un des principaux obfervateurs. On lui doit auffi divers Traités fur les Cometes , comme fon Prodromus Cometicus, qui concerne la Comete de 1664; fa defcription de la Comete de 166b, &c. deux Lettres fur celles de 1672. Sc 1677; fa Cométographie enfin , ( Ged. in-fol. ) ouvrage fort étendu fur ce fujet, Sc ou , quoiqu’il n’ait pas. entièrement atteint le but en ce qui concerne la nature de ces aftres , on ne laiiïe pas de trouver des remarques très-bonnes 6c très-importantes. Nous en avons dit quelque chofe de plus dans l’article précédent. Perfonne, après Tycho-Rrahé, n’eut un obfervatoire mieux fourni en inftrumens excellens, que M. Hévélius : on peut Eeee ij 5SS HISTOIRE ajouter que perfonne n’eut plus de dextérité à s’en fervir ; cfeft la juftice que lui rendit M. Hallei, au retour de fon voyage de Dantzick, voyage qu’il avoit fait dans l’unique vue de con-verfer ôc de travailler avec cet Aftronome fameux. M. Hallei attefte qu’ayant obferve plufieurs fois avec lui , ôc à l'aide* d’inftrumens garnis de Télefcopes, fuivant la pratique alors prefque récente, tandis que M. Hévélius le faifoit de fon coté avec les liens garnis de fimples pinnules , il n’y eut jamais une minute entière de différence entre leurs obfervations. Cependant on ne fçauroit s’empêcher de taxer un peu M. Hévélius d’opiniâtreté, en ce qu’il refufa toujours d’adopter l’ufage des pinnules télefcopiques. Mais que ne peut pas la prévention fur les meilleurs efprits! M. Hévélius étoit déjà fort avancé dans fa carrière, lorfque parut la nouvelle invention : pour l’adopter , il eût fallu réformer tout fon obfervatoire, ôc c’eût été porter une forte d’atteinte à fes obfervations antérieures ; c ’eft pourquoi, malgré la querelle un peu vive que lui fit Hooke (a) , êc le fuffrage des meilleurs Aftronomes en faveur de cette nouvelle pratique, Hévélius tint ferme, ôc continua d’obfer-ver à fa maniéré. Il nous a donné la defcription de fon obfervatoire ôc de fes inftrumens , dans fon ouvrage intitulé Machina celeflis pars prior , ( Ged. 1673. in-fol.). Cette première partie fut fuivie en 1679, de la fécondé, où il communiqua au public fes obfervations de toute efpece. Mais celle-ci eft devenue exceffivement rare, par le fatal incendie qui détruifit au mois de Septembre 1680, fa maifon, fon obfervatoire, fon Imprimerie, ôcc y ôc qui lui caufa une perte de plus 30 mille écus. Cependant peu après , il rétablit fon obfervatoire , quoique fur un pied moins brillant qu’auparavant, ôc s’étant remis à obferver, il eut en 1685 la matière d’un nouveau volume d’obfervations. Il y avoit alors 49 ans qu’il travailloit à obferver, c’eft pour cela qu’il intitula ce Livre, Annus climactericus feu rerum uranicarum annus quadragefimus nonus. Cet ouvrage fut le dernier qu’il publia ; fa mort qui arriva deux ans après, l’empêcha d’en mettre au jour deux aurres qu’il méditoit, ôc qu’il avoit fort avancés. Ils furent publiés en 1Ù90 (in-fol. ), par les foins de fes héritiers. L’un eft fon ta) Animad, in Mach> cclcjl. Hevelïi, 1674. in-40. DES MATHÉMATIQU E S. Part. IV. Liv. VIII. 589 TJranographie , intitulée Firmamentum Sobiefcianum ( in-fol. ) parce que fon deffein étoit de le dédier au Roi Sobieski. On y trouve 1888 étoiles rédigées en conftellations, dont plufieurs font de l’invention de M. Hévélius, comme la GirafFe, la Renne , l’Ecu de Sobieski, &c. ôc ont été adoptées par la plupart des Aftronomes. L’autre porte le titre de Prodromus Afirono-mia^feu tabula folares & catalogus fixarum. In-fol. M. Hévélius entretint durant tout le cours de fa vie une cor-refpondance très-fuivie avec la plupart des Sçavans de fEuro-pe. On peut juger facilement quelle ample ôc précieufe moifi-fon de faits ôc d’obfervations contenoit ce commerce épifto* laire. Il s’étoit accru à fa mort jufqu’à dix-fept volumes in-fol. que M. Delifle, paffant par Dantzick en 1725 , acheta de fes héritiers, avec quatre volumes d’obfervations. Nous croyons pouvoir apprendre au lecteur curieux de fuivre la trace de cette précieufe collection , qu’elle a depuis pafte entre les mains de M. Godin , l’un des Académiciens François qui ont mefuré la terre fous l’équateur, ôc dont les talens lui ont mérité d’être appelle en Efpagne , pour y diriger la nouvelle Ecole de Marine fondée à Cadix en 175©. On me permettra de faire ici honneur à ma patrie, d’un M.Mouron Aftronome qui, quoique peu connu , ne laiftoit pas d’être un des plus adroits obfervateurs de fon tems ; il fe nommoit Gabriel Mouton (a). On a de cet Aftronome Lyonnois, un ouvrage fur les diamètres apparens du Soleil ôc de la Lune (b) , qu’il s’attacha à déterminer par une longue fuite d’obfervations, On y trouve les preuves de ce que je viens de dire fur cet ©b-fervateur : car on l’y voit déployer beaucoup de dextérité dans l’emploi qu’il fait du Télefcope , ôc du pendule fimple alors le feul connu , pour parvenir à la détermination ci-deftus. Il femble aulîi avoir montré le premier aux Aftronomes l’ufage des interpolations , pour remplir dans les tables les lieux moyens entre ceux qu’on a calculés immédiatement, ou pour fuppléer dans une fuite d’obfervations à celles qui manquent. C’eft ce qu’on exécute par le moyen des interpolations avec bien plus d’exaftitude que par les parties proportionnelles. ia) Né à Lyon ou aux environs, vers l’an 1618 : il étoit Eccléliaftique 3 & Prêtre d’une des Collégiales de cette ville , où il mourut en 1694. [b) Obf, diam. Salis 6* Luna apparentium., &ç, Lugd. 1670. in*4°» 590 HISTOIRE Ce Livre contient encore quelques pièces eftimables, concernant la hauteur du pole de Lyon , l’équation du tems , la maniéré de tranfmettre à la poftérité'toute forte de mefures,, &c. Cet Aftronome enfin à qui il ne manqua guere , à notre avis, que d’être placé fur un théâtre plus brillant , excelloit aufii dans la Méchanique. Il laifla quantité d’écrits qui n’ont pas vu le jour , êc que l’ouvrage cité ci-deftiis donne quelque lieu de regretter. Voici encore quelques Aftronomes François defquels il eft à propos de dire quelques mots. Ce font M. Comiers, Auteur d’un Difcours fur les Cometes , êc de divers autres écrits êc obfervations inférés dans les Journaux du tems; M. Gallet, dont on a diverfes obfervations, êc de nouvelles Tables du Soleil êc de la Lune , qu’il publia en 1670, fous le titre à'Aurora Lave-nica ; les PP. Grandami êc de Billi, l’un êc l’autre Jéfuite, celui-ci habile Analifte {a), êc Auteur de nouvelles Tables ap-pellées Lodoiceœ, êc de quelques autres ouvrages aftronomi-ques ; celui-là Auteur de divers écrits fur les Cometes de 1664 8c 1605 , êc d’une prétendue démonftration du repos de la terre , dont on a parlé dans la troifieme Partie, Livre IV ; M. Petit enfin , Intendant des Fortifications, êc homme doué de connoiftances très-variées, foit dans la Phyfique , foit dans les Mathématiques. On a de lui des obfervations de la plupart des phénomènes principaux arrivés de fon tems , êc plufieurs écrits, entr’autres une diftertation fur les Cometes, faite à l’occafion de celle de 1664, 1665 , où il approche, en certains points, aftez de la vérité : M. Petit eut une opinion femblable à celle de Dominique Maria , le Maître de Copernic, qui pen-foit que la hauteur du pôle avoit diminué dans divers lieux depuis le tems de Ptolomée, êc il s’efforça de le prouver à l’égard de celle de Paris. Mais c’eft une opinion précipitée, qui n’eft fondée que fur l’inexaéfitude des obfervations anciennes. Il me fuffira pareillement de faire une légère mention des Aftronomes qui fuivent, comme le Pere Gottignie\, qui dif~ puta à M. CaJJlni quelques-unes de fes découvertes fur Jupiter êc Mars, êc dont on a des obfervations fur les Cometes de {a) T. DES MATHÉ MAT IQ U E S. Pan. IV. Liv. VUE 55)1 1664, 166 j ôc 166S ; Campani, qui fe rendit célébré par la longueur ôc l’excellence de fes Télefcopes , à l’aide defquels il fit dans le Ciel quelques obfervations remarquables (<2), ôcc; Jean-François de Laurentiis, Aftronome de Pife, Auteur de quelques obfervations de Saturne ôc de Mars , fous le titre de obf Saturni & Martis Pifaurienfes} &c. 1672. Nous abandonnons de plus grands détails fur ces Aftronomes à une hiftoire particulière de l’Aftroncmic. Il ne nous refte plus que quelques Aftronomes Allemands à faire connoître. MM. Eimmart ôc Uurpelbaur, fe préfentent les premiers. Ils tirent l’un ôc l’autre de Nuremberg le ftege de leur travaux. Lorfque cette ville voulant favorifer les progrès de l’Aftronomie, fit conftruire un obfervatoire, M. Eimmart qui obfervoit déjà depuis quelques années dans fa mai-fon , fut choifi pour habiter ce nouveau monument élevé à Uranie. Il continua d’y obferver depuis 1678 jufqu’en 1705 , qui eft l’année de fa mort. Il a communiqué au public quelques-unes de fes obfervations, foit en particulier, foit par la voie des Journaux de Leipfick, en quoi il a rendu plus de fer-vice à l’Aftronomie, que par fon Ichnographia nova contemplationum de Sole 3 &c. inutile fatras d’érudition ôc de mauvaife Phyfique fur la nature du Soleil. Les autres obfervations de M. Eimmart, ont refté manufcrites. M. Vur^elbaurobfervoit aufii à Nuremberg, dont il étoit citoyen. On a de lui quelques ouvrages, entr’autres deux, l’un intitulé Uranies Norica bafis Afironomica,feu rationes Solis motus annui ex obf. fecul. XV & XVIL habitis ; l’autre concernant la latitude de Nuremberg, fous le titre de Uranies Norica bafis Geog. La plupart de fes obfervations n’ont pas vu le jour. Au refte M. Vufielbaur s’eft fait quelque tort par fon opiniâtreté à rejetter l’ufage du Télefcope adapté au quart de cercle. Il eft bon de le fçavoir pour apprécier fes obfervations. Il mourut en 172.5. M. Godefroi Kirch a fervi utilement l’Aftronomie, par plufieurs obfervations inférées dans les Aétes de Leipfick, ou dans les Mifcellanea Berolinenfia , T. I. Parmi ce s obfervations , celles qu’il fit fur la Comete de 1680, font les plus re- {b) Voyez Ragguaglio di due nuove ojfcrv. f.in-4.0? M. Eimmart» M. Vur^el-laur. M. Kirch, x 59* H î ST. DES M AT H É M. Pan. IV. Liv. VUE marquables; car il eft le premier, & prefque le feul qui l’aie obfervée avec une exaélitude fuffifante avant fon occultation dans les rayons du Soleil [a). M. Kirch fut appelle à Berlin, lors de la fondation de l’Académie Royale de Prude , 6c décoré du titre d’Aftronome Royal, qu’il porta jufqu’à fa mort arrivée en 1710. Le goût qu’avoit M. Kirch pour l’Aftrono-mie, il l’infpira à fon époufe ( MUe Winkelmann ), 8c elle y fit d’affez grands progrès pour aider fon mari dans plufieurs de fes travaux aftronomiques. On voit cependant par un ouvrage Allemand quelle publia en 1712 , qu’elle n’étoit pas entièrement exempte des rêveries aftrologiques. M. Kirch a eu dans fon fils ( M. Chriftfrid Kirch ) , un héritier de fes talens ; ce qui lui mérita en 1720 la place de fon pere. Il mourut en 1740 , laifiant, foit dans les Mémoires de Berlin , foit dans les Tranfaclions s des preuves de fon habileté en Aflronomie, 6C de fon afiiduité à obferver. (a) Foye{ l'article précédent. Fin du Livre VIIIe de la IVe Partie. HISTOIRE HISTOIRE DES MATHÉMATIQ UES. XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX QUATRIEME PARTIE, Qui comprend l'hiftoire de ces Sciences durant le dix-feptieme fiecle. LIVRE NEUVIEME, Progrès de l’Optique durant la derniere moitié de ce fiecle* SOMMAIRE. X. Jacques Grégori écrit fur ! Optique , & entre dans diverfes confidérations nouvelles fur ce fujet. Il tente J exécuter le Té-le flop e à réflexion * & d échoue. IL Du D odeur Barrow , & de fes leçons optiques. D'une queftion intêreffante quily dift CUte. III. Découverte de I inflexion de la lumière 3 faite par le P. Grimaldi. IV. Des écrits & des inventions de divers Opticiens de ce temps. V» AL Newton découvre la differente réfrangibilité de la lumière ; phénomènes & expériences qui établi f Tome IL ' * Ffff «55>4 HISTOIRE fent cette decouverte. Contradictions quelle effuye. VI* Théorie de L’inflexion 3 de la réfraction & de la réfection 3 fuivant M. Newton. Obfervations fngulieres qu il fait fur les couleurs. VII* Autre découverte de M. Newton 5 fçavoir celle de fon Télefcope catadioptrique. Quelle forme il lui donne. VIII* L'explication de L Arc -en - Ciel perfectionnée. Ingénieufes recherches de M. Hallei fur ce fujet. I. On a vu dans le Livre III de cette partie, les nombrenfes Sc curieufes découvertes dont l’Optique s’accrut par les foins des Galilée 3 des Kepler, des Dejcartes 3 &c. Celui-ci n’eft pas moins fécond en objets intéreflans , mais avant que d’en étaler le fpećbacle, il nous fąut revenir un peu fur nos pas, & reprendre les chofes à M. Defcartes, au temps duquel nous avons conduit l’hiftoire de cette fcience. L’Optique ne prit guère d’accroiftement marqués depuis Defcartes, jufqu’au-delà du milieu du dix-feptieme fiecle. L’invention la plus remarquable qui fignale cet intervalle de temps aftez long , eft celle du Télefcope terreftre , qui naquit entre les mains du P. Kheita3 comme on l’a déjà dit. Le fur-plus fe réduit prefque aux recherches de Cavalleri qui, dans une de fes Exercitationes publiées en 1647, poufta un peu plus loin que Kepler la détermination des foyers des verres , en confidérant ceux à fphéricités inégales ; & à quelques inventions que le P. Kircher (a) étala dans fon Ars magna lu~ cis & umbrce 3 inventions pour la plupart plus curieufes qu’utiles ou que relevées, comme fa Lanterne magique , fes Horloges à refleétion, 8tc. Ce fut Jacques Grégori qui renoua, pour ainfi dire , le fil des découvertes interrompues depuis M. Defcartes 3 dans fon Optica promota. Ce Géomètre célébré y ouvrit efFeétivemenc (a) Le Pere Kircher ( Athanafë ) né en £6ol , à Geiflèn près de Fulde, enfeigna pendant un grand nombre d’années les Mathématiques dans le College des Jéfui-îes à Rome , où il mourut en 1680. Son fçavoir extrêmement étendu , lui fit un grand nom i quoiqu’en général on jmilfe dire qu’on trouve dans lès écrits plus d’én1" dition & de curiofité que de profond^11,1 * Les ouvrages dûs à ce Sçavant, en c" matiques , font les fuivans : Ars lucis & timbrez. Rom. in-fol. 16+1* * rimi~ ticz Gnomonica catoptrica i lter eXtdticil^ Mufurgia univerfalis. DES MAT HÉ MAT I QU E S. Part. IV. Liv.IX. 59? aux Opticiens une nouvelle carrière, par diverfes confidéra-tions dans lefquelles il entra le premier , 6c par diverfes vues fur la perfedtion des inftrumens optiques. Il examina les caufes de la diftindion , de la clarté êc de l’augmentation refpec-tives de ces inftrumens , 6c il démontra fur ces fujets plufieurs proposions qui ne font pas, à la vérité, d’une difficulté confidérable , mais dont on doit cependant lui fçavoir gré, puif-qu’elles avoient échappé jufque-là aux Opticiens. L’endroit par lequel on connoît principalement l’ouvrage de Grégori , eft la découverte du Télefcope à réfledlion. Mais il y a peu de perfonne qui fçachent, 6c les motifs qui engagèrent cet Auteur à tenter cette conftrudtion , 6c celle qu’il avoit imaginée , 6c qui eft en grande partie caufe de fon peu de réuffite. Une des chofes que Grégori examinoit dans fon Optique, étoit la forme des images des objets, produites par les miroirs ou les verres. Il remarquoit que les verres ou les miroirs fphériques, ne peignent pas dans un même plan les images des objets plans 6c perpendiculaires à l’axe du Télefcope , mais que ces images font courbes 6c concaves du coté de l’ob-jedtif. Cela lui donna l’idée de chercher à corriger ce défaut, êc il trouva que des verres ou des miroirs qui auroient des courbures de fećtions coniques, rendroient exactement planes les images des objets plans qui n’auroient pas une trop grande étendue. Dans cette idée, il eut bien voulu fubftituer aux verres fphériques des verres elliptiques ou paraboliques : mais connoiftànt les vains efforts qu’on avoit faits pour en travailler de femblables , il fe tourna du côté des miroirs à réfledtion qu’il jugea, fur de fauffes apparences, plus aifés à former, êc il imagina fon Télefcope à réfledtion. Il le compofoit conformément à fes principes, de deux miroirs concaves. L’un parabolique placé au fond du tube, devoit former à fon foyer l’image des objets fitués à une grande diftance, 6c aux environs de fon axe prolongé. Ce foyer devoit coincider avec celui d’un miroir elliptique plus petit, qui, recevant les rayons fortans de cette image, en auroit formée une nouvelle égale 6c femblable à la première, à peu de diftance du fond du miroir parabolique , qui étoit percé à fon fommet d’un trou propre à recevoir une oculaire, avec laquelle on auroit confidéré cette image , Ffffij 5 HISTOIRE comme cela fe fait dans les Télefcopes ordinaires. Il y a apparence , 6c M. Newton l’indique quelque part, que ce fut cette prédilection mal-à-propos donnée à des miroirs elliptiques ou paraboliques, qui fit échouer M. Grégori. Sa théorie fur l’incurvation des images eft vraie, à la rigueur; mais les miroirs ou les verres qu’on prend pour objectifs dans les Télefcopes, font de trop petites portions de fphere, pour que cette incurvation foit fenfible. D’ailleurs Grégori étoit dans l’erreur lorfqu’il penfoit qu’il fût plus facile de former un miroir parabolique ou elliptique propre à peindre diftinćte-ment une image, qu’à former de bons verres d’une forme femblable. Aulfi s’épuifa-t’il en efforts inutiles pour fe procurer les miroirs qu’il defiroit, 6c il ne put parvenir à voir aucun objet diftinCtement. Newton conduit par des motifs différons, 6c fe bornant à des miroirs fphériques, eut au contraire le fuccès que tout le monde fçait, 6c dont nous rendrons compte dans un article de ce Livre, I L Du D. Barrow. Voici encore un compatriote de Grégori, qui cultiva avec beaucoup de fuccès la théorie de l’Optique. C’eft le célébré Ifaac Barrow , dont nous avons déjà fait mention plufieurs fois, comme d’un des premiers Géomètres de fon tems. Ses Leçons Optiques (a) font dignes de figurer à côté de fes Leçons Géométriques, avec lefquelles elles virent le jour en 1674. Dans cet ouvrage, M. Barrow quittant la route frayée par les autres Opticiens, s’attacha principalement à difeuter des queftions qui n’avoient point encore été traitées, ou qui n’étoient pas encore fuffifamment éclaircies. De ce nombre eft entr’autres la théorie des foyers des verres formés de différentes convexités ou concavités combinées d’une maniéré quelconque. Hors un petit nombre de caSj comme ceux où les convexités étoient égales, 6c les rayons parallèles à l’axe, on ne déterminoit les foyers de ces fortes de verres que par l’expérience. Barrot donne la folution complete du problème , 6c enfeigne par une formule fort élégante, à déterminer ces concours dan5 tous fa) Js Barrowü Lett. Op, Cant. 1674, in-40. Iteriim 1719, Lond. in-40* DES MAT H É M AT I QU E S. Pan. IV. Liv. IX. 597 les cas, de rayons incidens parallèles, convergens ou divergens. Je ne dis rien d’une multitude d’autres déterminations curieufes d’Optique 6e de Géométrie mixte, pour m’arrêter à une queftion célébré en Optique, 6c fur laquelle Barrow me paroît avoir jette aftez heureufement quelque jour. Cette queftion concerne la détermination du lieu apparent des objets vus par réfleétion , ou par réfraction. La plupart des Opticiens avoient pris jufque-là pour principe de cette détermination , que chaque point paroît dans le concours du rayon réfléchi ou rompu avec la perpendiculaire tirée de ce point fur la furface réfringente ou réfléchiflante. On fe l’étoit perfuadé , en partie par une efpece d’analogie tirée de ce que dans les miroirs plans on apperçoit l’objet dans ce concours , en partie par une expérience qui paroiftoit concluante. Lorfqu’on éleve perpendiculairement fur une furface convexe ou concave une ligne droite, on croit voir fon image former avec elle une feule ligne : il en eft de même lorfqu’on plonge en partie, 6c perpendiculairement dans l’eau une ligne droite; la partie plongée paroît, à la vérité , rétrécie en longueur, mais fon image du moins confidérée avec une attention médiocre , 6c dans certaines circonftances, paroît encore former une ligne droite avec la partie hors du fluide ; ce qui femble prouver que chaque point de l’objet eft vu dans le concours que nous avons dit plus haut. Ce principe, qui eft la bafe de toute la catoptrique 6c la dioptrique anciennes , parut , malgré ces preuves , fufpećt à M. Barrow ; & d’abord à le confidérer du côté métaphyfique, il y a de grandes raifons de le foupçonner d’erreur. Par quelle caufe effectivement la perpendiculaire d’incidence auroit-elle la propriété de contenir l’image de l’objet? Ce qui n’a aucune réalité phyfique ne fçauroit engendrer aucun effet ; & c’eft là le cas de cette perpendiculaire, qui n’eft qu’un être imaginaire , femblable au centre de la terre, vers lequel, fi les corps tendent, ce n’eft pas par l’énergie de ce centre , comme le penferent ridiculement les Anciens, mais parce que l’action réunie de toutes les parties de la terre imprime au corps une direction moyenne paflant par ce point. Ainfi voilà déjà une grande raifon de fe défier de ce principe. Quant aux expérien» 59s H I S T O I R E ces fur lefquelles on tâche de l’appuyer, M. Barrow les regarde avec raifon cfomme peu décifives, à caufe de la difficulté d’appercevoir la courbure de cette ligne. Il prétend même que la derniere expérience ci-deflus étant faite avec l’attention convenable , n’efl: rien moins que favorable au principe ci-deflus* Si l’on plonge, dit-il, perpendiculairement dans l’eau, un filet éclatant, dont partie foit au-deflus de la furface , & partie au-deflous , 8c qu’on regarde obliquement, on verra l’image de la partie plongée dans l’eau , fe détacher fenfiblement de celle de la partie extante , qui efl:, fuivant les réglés de la Catoptri-que, dans la perpendiculaire. Ainfi il n’efl: point vrai que dans la réfra&ion , l’image de l’objet paroifle dans le concours du -rayon rompu prolongé, 8c de la perpendiculaire ; 8c il faut en juger de même dans le cas de la réfieétion. M. Barrow a donc cherché un autre principe plus folide que le précédent, 8c, il a cru l’avoir trouvé. Il prétend que chaque point de l’objet paroît dans le concours ou la pointe du faifceau des rayons , qui entrent dans l’ouverture de la prunelle. Ce fentiment, s’il n’efl: pas le véritable, efl: du moins très-raifonnable. En effet, nous ne jugeons du lieu d’un objet que par la fenfation que produit fur notre œil l’inclinaifon plus ou moins grande avec laquelle arrivent les rayons defl tinés à peindre l’image fur la rétine. Car, fuivant cette in-clinaifon plus ou moins grande , l’œil, par un mouvement naturel, doit s’alonger ou s’applatir pour appercevoir l’objet dif-tinélement. Il paroît donc qu’on doit regarder le fommet de chacun de ces pinceaux, comme le lieu apparent de chaque point de l’objet, 8c toutes les fois que ces rayons contraints par une réfieétion ou une réfraélion , tomberont fur un œil avec une divergence particulière , l’œil jugera le point d’où ils viennent, au fommet du cône formé par ces rayons pr°~ longés. Conféquemment à ce principe, M. Barrow recherche dans quel point concourent les rayons infiniment voifins fortis de chaque point de l’objet, 8c qui après une réfraction ou une re“ fle&ion, vont tomber dans l’œil. Et il trouva que fi la furface réfringente efl une furface plane, 8c que la réfraction f£ tafle d’un milieu plus denfe dans un plus rare, ce concours efl DES MAT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. IX. 599 toujours, à l’égard de l’œil, en deçà de la perpendiculaire d’incidence (a). Dans un miroir convexe, il en efl de même; c’eft-à-dire , que le concours des rayons infiniment proches , efi; en deçà de cette perpendiculaire : fi le miroir efi: plan , ce concours efi dans la perpendiculaire ; enfin , il eft au-delà, fi le miroir eft concave.Barrow détermine aufii, d’après ces principes, quelle forme prend l’image d’une ligne droite préfentée de différentes maniérés à un miroir fphérique, ou vue au travers d’un milieu réfringent ; fur quoi il donne diverfes déterminations géométriques , curieufes Sc élégantes. On voit par tout ce que nous venons de dire, que le Docteur Barrow toucha de fort près , à la découverte des cauftiques ; car ces courbes ne font autre chofe que la fuite de toutes les images du même point, vu par reflećtion ou par réfraction de toutes les places differentes que l’œil peut occuper. Il eft même furprenant que ce Géomètre, porté comme il étoit d’un goût décidé vers tout ce qui fe rapprochoit de la Géométrie pure Sc fublime, n’ait pas recherché le Heu ou la courbe de tous ces points. Et il fe pourroit bien faire que ce fût 1’infpećbion de cet endroit des Leçons de Barrow, qui eût donné lieu à M. Tchirnhaufen d’entrer dans cette confidération. Quelque vraifemblable que foit le principe ci-deffus, la candeur du D. Barrow ne lui permet cependant pas de taire une expérience , d’oü naît une objećtion à laquelle il convient lui-mê-me ne fçavoir que répondre. La voici : qu’on place un objet au-delà du foyer d’un verre, & qu’on applique d’abord l’œil tout contre ce verre : on verra l’objet confufément , mais il paroîtra à peu près dans fa place. Qu’on éloigne enfuite l’œil du verre, la confufion augmentera, êc l’objet femblera approcher; enfin lorfque l’œil fera fort près du point de concours, la confufion fera extrême, ôc l’objet paroîtra tout contre l’œil. Or dans cette expérience l’œil ne reçoit que des rayons convergens, êc par conféquent dont le concours, loin d’être au devant, eft derrière lui. Cependant il apperçoit l’objet au devant, il juge, finon diftinctement, du moins confufément de fa diftance ; ce qui ne paroît rien moins que facile à concilier avec le principe dont nous parlons. (a) Ce problème fe réfoud aujourd’hui facilement par le calcul différentiel. C’eff pourquoi nous lailfons au Ieéteur le plaifir d’en chercher la folution. 6oo HISTOIRE Après avoir beaucoup réfléchi fur cette difficulté, j’avois imaginé une réponfe que j’ai depuis appris , en lifant l’Optique du D. Smith y avoir été faite par le D. Berckley , Evêque de Cloyne , dans fon Ejfai fur une nouvelle théorie de la vif on. Lors, difois-je, que l’œil reçoit des rayons convergens, alors, comme l’on fçait, les pinceaux des rayons rompus par les humeurs de l’œil, qui devroient être rencontrés par la rétine pré-cifément à leur fommet , le font après ce point de réunion : de c’cft-là ce qui produit la confuflon , chaque point de 1’ objet ayant alors pour image , non un point, mais un petit cercle. Or cet effet efl: le même que fl ces rayons venus de l’objet étant trop divergens, les pinceaux formés dans l’œil, euffent été rencontrés par la rétine avant leur fommet : cependant dans ce dernier cas, on ne laiffe pas de juger de la diftance. On doit donc pouvoir le faire de même dans le premier , quoique les rayons, loin de diverger d’un point placé au devant de l’œil, convergent vers un point au-delà. Car là ou l’impreflion fur l’organe eft la même, le jugement doit être le même. Voilà en fubftance le raifonnement du Dodteur Berckley'. Mais je ne puis diflimuler une difficulté que fait le Dodteur Smith (a). C’eft que fl cette réponfe étoit fufîifante, dans l’expérience de Barrow l’objet devoit toujours paroître à une diftance moindre de l’œil, que celle à laquelle on commence à voir les objets diftindtement. Cependant cela n’arrive pas : l’objet paroît confus, de femble paffer fucceffivement par toutes les diftances moindres que celle où l’œil nu le jugeroit. Ainfi dit M. Smith, il faut chercher une autre folution , ou un autre principe fur la diftance apparente des objets. M. Smith a pris ce dernier parti, de voici le principe qu’ü propofé, de qu’il tâche d’établir. Il penfe qu’un objet vu pat rpfraćHon ou par réfledtion , paroît toujours à une diftance d’autant moindre, qu’il eft plus augmenté (h), ou, ce qui eft la même chofe, qu’on le juge à la même diftance à laquelle on le jugeroit s’il paroiffoit à l’œil nu de la même grand^ur qu’à travers le verre ou dans le miroir. Ainfi, pour rendre ceci fenfible par un exemple, lorfqu’à l’aide d’un inftrumenC {a) Syjl. of opticks. art. i j 9 , T. il, (b) Ibid, 8c Rernarcks. art. 178, optique DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IX. Ś01 optique, on voit l’objet double, il paroîtra rapproché de la moitié. Lors donc que dans l’expérience du Doćteur Barrow, on regarde au travers d’un verre convexe, un objet fitué au delà de fon foyer, l’œil étant tout près du verre , on voit cet objet confufément, par les raifons connues de tout le monde ; mais on le voit fenfiblement de la même grandeur , 6c conféquemment on le juge à la même diftance. Eloigne-t’on l’œil du verre , l’apparence de l’objet, quoique de plus en plus con-fufe , augmente : il femble approcher, jufqu’à ce qu’il paroiffè tout proche de l’œil. Voilà l’expérience du D. Barrow affez heureufement expliquée, 6c M. Smith prétend que fon principe fatisfait de même à toutes les expériences que l’on peut propofer, mais c’eft un point fur lequel je ne fçaurois être entièrement de fon avis. Je conviens qu’un objet vu au travers d’un Télefcope, paroît d’autant plus rapproché , qu’il eft davantage augmenté , 6c au contraire ; mais lorfque je confidere un objet au travers d’une fimple lentille convexe , ou dans un miroir convexe ou concave , je crois appercevoir tout le contraire de ce que prétend M. Smith. Tous les Opticiens ont, je penfe, regardé jufqu’ici comme certain que l’image des objets vus dans un miroir convexe , paroiffent moins éloignés de fa furface que les objets même , 6c au contraire dans les miroirs concaves. Et la chofq me paroît ainfi , quelqu’effort que je faffe pour me la repréfenter autrement. Je crois aufii pouvoir démontrer que lorfqu’on voit un objet au travers d’un verre convexe, on le juge plus éloigné qu’à la vue fimple. Car qu’on pofc une lentille convexe fur un papier écrit, ou tel autre objet qu’on voudra , qu’on la retire vers l’œil en regardant au travers :, on verra l’objet s’éloigner d’une maniéré très-fenfible, à mefure qu’il fera davantage grofli. Que fi l’on doute encore qu’un objet vu au travers d’une lentille convexe , paroiffè plus éloigné que vu à l’œil nu , voici une autre expérience qui en convaincra, 6c qui m’a fervi à convaincre quelques perfonnes qui s’étoient d’abord décidées pour le contraire. Je les invitai à regarder de haut en bas, au travers d’une pareille lentille, le bord d’une table , Sc de tâcher enfuite avec le doigt de le toucher. Il n’y en eut aucune qui ne portât le doigt plus bas qu’il ne falloit, loin de le porter plus haut, comme elles auroient dû faire, fi Tome IL Gggg Coi HISTOIRE elles euffent jugé l’objet plus proche. Je crois donc , fondé fur cette expérience qui me paroît décifive , pouvoir prétendre qu’un verre convexe éloigne plutôt qu’il ne rapproche l’apparence des objets vus au travers. Je crois enfin trouver dans l’expérience rapportée par le D. Barrow 3 pour prouver la faufi-feté de l’opinion qui place le lieu apparent de l’image dans le concours du rayon rompu , ôc de la perpendiculaire fur le milieu réfringent; je crois, dis-je, trouver dans cette expérience une nouvelle difficulté qui renverfe le fyftême de M. Smith. Car, fuivant ce fyftême, lorfqu’on voit obliquement de dehors une eau tranquille, une perpendiculaire à la furface de cette eau plongée au dedans, chacune de fes parties paroît d’autant plus diminuée qu’elle eft plus profondément placée. Ainfi, fi chaque partie devoit paroitre d’autant plus éloignée qu’elle eft plus diminuée , les parties les plus balles devroient paroître au delà de la perpendiculaire, ôc l’apparence de la ligne entière feroit une courbe placée au delà de cette perpendiculaire ; cependant , fuivant le Doćteur Barrow3 c’eft une courbe qui tombe en deçà. C’eft pourquoi le principe imaginé par M» Smith 3 ne me paroît pas fatisfaire encore fuffifamment aux phénomènes. A la vérité l’objeétion faite contre celui du JX Barrow , refte encore prefque en entier ; mais malgré cette difficulté , nous croyons , à l’exemple de ce Sçavant, devoir nous en tenir à fon principe, jufqu’à ce qu’on ait trouvé quelque chofe de plus fatisfaifant. Je me fonde de même que lui fur ce que cette difficulté tient à quelque fecret de la nature, qui n’a pas encore été pénétré, ôc qui ne le fera peut-être que lorfqu’on aura fait de nouvelles découvertes fur la nature de la vifion. Nimirùm y dit-il, in præfenti cafu peculiare quiddam 3 natura fuhtilitati involutum dditejcit , aegre fortajjls ni(i perfectius explorato videndi modo detegendum. Nous finirons auffi cette difcuffion par ces paroles, ôc en invitant les Opticiens*a approfondir davantage une queftion fi intérefîante. I I I. UOptique ne connoifloit encore jufqu’au delà du milieu du fiecle pafte , que deux caufes de changement de direction pour la lumière ; la rencontre des corps opaques qui la fait DES M AT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. IX. 603 fléchir, 6c le paflage oblique d’un milieu dans un autre de dif- Découverte Je férente denfité , qui produit fa réfraction. Si jufqu’à cette ^ époque on eut demandé aux Opticiens ce qui devoit arriver a un rayon de lumière qui eifleureroit un corps Tans le toucher, la réponfe eût paru facile. Aucun n’eut héfité à répondre que ce rayon de lumière continueroit fon chemin en ligne droite. Qui eût pu foupçonner , fans le fecours de l’expérience , que le fimple voifinage des corps foit pour la lumière une caufe de changement de direction. C’eft-là cependant le phénomène que découvrit le Pere Gri-maldi 6c qu’il annonça aux Sçavans en 1666 , dans fon Livre De lumine, coloribus & Iride. Ce compagnon des travaux af-tronomiques du Pere Riccioli} ayant introduit dans la chambre obfcure par un trou exceflivement petit, un rayon de lumière, lui expofa, nous ignorons dans quelles vues, un cheveu 6c d’autres corps déliés de cette efpece. Il fut fort furpris à l’afpeCt de l’ombre large qu’il leur vit jetter. Il la mefura, au fil-bien que la diftance du trou d’oi-i divergeoit la lumière jufqu’à l’objet, 6c il s’aflura par-là que cette ombre étoit beaucoup plus grande qu’elle n’eut dû être , fi les rayons qui avoient efPeuré ces corps, euffent continué leur route en ligne droite. Il obferva aufii que le cercle de lumière formé par un très-petit trou percé dans une lame déliée de métal, étoit plus grande quelle ne devoit être , eu égard à la divergence des rayons Polaires , 6c delà il conclut , malgré fes répugnances, que les rayons de lumière dans le voifinage de certains corps, y éprouvent un certain fléchiflement ; c’eft-là ce qu’il appella du nom de dijffraclion , 6c que depuis M. Newton, qui a répété ces expériences, 6c qui les a beaucoup plus variées 6c approfondies, a appelle inflexion. Le Pere Grimaldi fit encore l’importante remarque de la dilatation du faifceau des rayons fo-laires, eaufée par le prifme. Mais il ne faut pas en conclure avec un Ecrivain du même corps, qu’il connut la différente réfrangibilité de ces rayons. Il n’en foupçonna rien, 6c cet effet il l’attribua feulement à un certain éparpillement irrégulier caufé par les parties du prifme. L’ouvrage de Grimaldi ś eft enfin rempli de quantité d’expériences curieufes fur la lumière 6c les couleurs. C’en eft le principal mérite ; car fa Phyfique eft d’ailleurs du goût de la patrie de cet Auteur, pays, Gggg 'j Des écrits & des inventions de divers Opticiens» 604 HISTOIRE qui, quoiqu’il ait donné au monde les Galilée, les Torricelli, &c. n’a rien moins été que des premiers à fecouer le joug ôlArif-tote. I v. Quoique nous touchions de fort près aux découvertes fu-blimes dont M.. Newton a enrichi l’Optique, qu’il nous foit permis d’en différer encore pour quelques momens le récit, afin dc rendre compte des écrits 6c des travaux de divers Opticiens fes contemporains , qui revendiquent ici une place. Cette énumération nous la commençons avec juftice par M. Huyghens. L’Optique, de même que les autres parties des Mathématiques, a des obligations à cet homme célébré. Il s’y étoit beaucoup addonné dans fa jeunefTe, 6c les éditeurs de fes (Eu v res nous apprennent que la plus grande partie de ce que contient fa Dioptrique, eft l’ouvrage de ce tems de fa vie. Dans la fuite, M. Newton ayant découvert la différente réfrangibilité de la lumière, 6c ouvert par-là aux Opticiens une nouvelle carrière, M. Huyghens y entra aufîi le premier, 6c ajouta à ce Traité diverfes chofes concernant la diftinèbion des images dans les inftrumens optiques. M. Huyghens négligea néanmoins toute fa vie de mettre au jour cet ouvrage. Il n’a paru qu’après fa mort parmi fes (Euvres pofthumes. M. Newton en faifoit beaucoup de cas , à caufe de la méthode purement géométrique, 6c dans le goût des Anciens , qui régné dans ce Livre. Nous ne pouvons cependant diflimuler qu’il faudroit avoir du courage pour entreprendre de s’y inftruire de cette fcience. M. Huyghens ne fe borna pas à la théorie de l’Optique. Per-fuadé de l’importance de la partie pratique, pour porter pluS loin les découvertes céleftes, il mit lui-même la main à l’œuvre ; 6c aidé de fon frere aîné, à qui il avoit infpiré du gouc pour les mêmes travaux, il parvint à fe fabriquer, comme on l’a dit ailleurs , des Télefcopes fort fupérieurs à ceux qtU étoient fortis jufque-là des mains des Artiftes les plus ren°n> mes en ce genre. Il fe fît des obje&ifs qui avoient jufqu’à 210 pieds du foyer. Sa maniéré de travailler ces verres, d la expliquée dans fon Comment, de vitris poliendis, qu’on Jit parnlt fes (Euvres pofthumes. M. Huyghens s’eft encore fait un nom DES MATHÉMATIQUES. P art.TV .Liv.IX. 60 5 parmi les Opticiens , par un fyftême fort ingénieux fur la nature de la lumière, ôc la caufe de la réfraction (a). Comme nous l’avons fait connoître, ôc même développé dans le Livre III, nous nous bornons ici à cette indication ; nous ajouterons feulement qu’on trouve dans cet écrit, un eflai ingénieux d’explication, des réfractions fingulieres que la lumière éprouve dans le cryftal d’Iflande. On a enfin dans le Recueil de fes (Euvres pofthumes, un Traitée Couronnes & des P arhé-lies, phénomènes que perfonne n’avoit encore réufti à expliquer. M. Huyghens le fait avec allez de fuccès ; il en trouve la caufe dans des gouttes de neige fphériques ou cylindriques 3 environnées d’une couche d’eau ou de glace tranfparente , qui flottent dans l’air ; ôc la maniéré allez fatisfaifante dont il déduit delà les phénomènes finguliers de divers parhé-lies extraordinaires , donne à fon explication une grande vraifemblance. Après les écrits de M. Huyghens fur la Dioptrique , un des meilleurs ouvrages fur le même fujet, eft la nouvelle Dioptri-que ( new Dioptrick) de M. Molyneux (h) , qui vit le jour en 1693 , in-40. R Y régné beaucoup de (implicite, & de fçavoir. Les Fragmens de Dioptrique de M. Picard, publiés la même année parmi les Mémoires de divers Académiciens , méritent aulîi attention. On a fait cas des Elémens Latins de Dioptrique ôc de Catoptrique que David Grégory donna en 1695. Us ont été réimprimés en 1735 , augmentés d’un curieux Appendix , contenant diverfes Lettres de Jacques Grégory fon oncle 5 ôc de Newton , fur le Télefcope à réfleélion. La Synop-Jis Optica, du Pere Fabri, feroit un ouvrage utile par fa clarté ôc fa précifion , fi fon Auteur, à fon ordinaire trop précipité , n’avoit pas donné dans plufieurs lourdes erreurs. La Dioptrique oculaire & la vifion parfaite, du Pere Chérubin d'Orléans 5 Capucin , font les deux Tomes d’un ouvrage curieux pour les Artiftes opticiens. Dans le dernier, ce Pere tâche de mettre en honneur fon Télefcope binocle, invention déjà propofée (a) V07. Tract, de lumine. in-40.), & quelques Mémoires dans les (b) M. Guillaume Molyneux , membre Tranfadions. Son fils, M. Samuel Moly-de la Société Royale , naquit à Dublin en neux , marchoit fur fes traces, lorlqu’il fut 16 f 6 , & y mourut en 1698. Outre fa nou- fait un des Commiflaires de l’Amirauté 3 ce velle Dioptrique , on a de lui un ouvrage qui a fufpendu lès travaux aftronomiques intitulé, Sciotherkum TdeJcoplcum (1687. & optiques. 6o6 HISTOIRE par fon confrère le Pere de Rheita : on peut voir ce que nous en avons dit à la fin de l’Article V du Livre III. Je me borne à citer les titres de quelques autres livres d’Optique , comme le Nervus Opticus du Pere Traber ; 1’ O culus artificialis de Zahn, &c. Ces Livres j de même que divers autres que j’omets, n’ont rien de remarquable que quelques curiofirés optiques. Je paiïe à des chofes plus intéreiïantes qu’une pareille énumération. Vers ce tems, nous voulons dire peu après le milieu du dix-feptieme fiecle, on travailloit de toutes parts avec ardeur à perfectionner les moyens que l’Optique nous fournit, foit pour pénétrer dans les Cieux, foit pour reconnoître les plus petits objets de la nature. Euiïache Divini en Italie fe fit une grande réputation dans ce genre , Campani néanmoins le furpaiïa par l’excellence Le la longueur de fes Télefeopes. Ce furent ces inftrumens qui montrèrent pour la première fois à M. Cajjini les deux Lunes les plus voifines de Saturne. Ils furent faits par ordre de Louis XIV , Le il y en avoit un de 130, un de 150, Le un troifieme de 205 palmes de foyer; ce qui revient à environ 86, 100, êc 136 de nos pieds. Campani en fit peu, à la vérité de cette longueur, mais les Aftronomes employait tous les jours de moindres objectifs de ce célébré Arcifte, qui font dans une très-grande eftime. Quelques longs que foient les objeClifs d'Huyghens Le de Campani, ils le cedent à quelques-uns qu’on fit en France vers le même tems. M. Au^out étoit venu à bout de faire un objectif de 600 pieds de foyer (a). Mais il ne put avoir le plaifir de l’eiïayer , par la difficulté de trouver un emplacement convenable. Pierre Borel, de l’Académie Royale des Sciences, qu’il ne faut point confondre , comme je l’ai vu faire fouvent, avec Borelli , annonçoit dans les Journaux des années 1676 Le 1678 , qu’il étoit en poiïeffion d’une méthode fure Le ai fée, pour faire des objectifs de Télefcopes de toutes fortes de longueurs , même de plufieurs centaines de pieds de foyer, dont il oiïroit quelques-uns aux obfervateurs qui voudroient en faire l’acquifition. M. Hook a auffi propofé dans fa Micrographie, une invention propre à travailler des verres d’un foyer fi long qu’on voudra. Elle feroit bonne, fi tout ce que l’on propofé [a) Lettre à l'Abbé Charles > &c. Ane. Mém, T. 1* DES M AT H É M AT I QUE S. Pan. IV. Liv. IX. 607 dans la théorie étoit également bon dans la pratique ; mais M. Au^out fit à ce fujet des obfervations auxquelles M. Hook n’auroit bien répondu que par quelque verre de 300 ou 400 pieds de foyer forti de fa machine. Nicolas Hart^oecker tnfin , efl parvenu à fe procurer des objectifs de 600 pieds de foyer, Le même , à ce que j’ai lu quelque part, au delà. Il nous a appris la maniéré dont il les travailloit (a) > Le c’eft, je crois, la feule dont on puiiïè former des verres d’une convexité fi peu fenfible. Il ne fe fervoit point de baffins ou de formes de métal , comme avoient fait jufque-là les Opticiens. Il prenoit une plaque de verre plus large d’environ un tiers que le verre qu’il vouloit travailler ; Le il lą creufoit un peu par le moyen du fable Le d’un verre beaucoup moins large ; enfuite il commen-çoit à travailler dans cette efpece de baffin le verre qu’il vouloit faire. On fent aifément que ce verre Le fon baffin dévoient bien-tot prendre une forme exactement fphérique ; car il n’y a que deux furfaces fphériques, ou exactement planes, qui puif-fent s’appliquer continuellement dans tous leurs points , en gliiïant ou frottant l’une fur l’autre. Il continuoit ainfi à travailler ce verre jufqu’à ce qu’il fût fuffifamment préparé au poli, après quoi il le polifFoit groffiérement, Le en le combinant avec un verre d’un foyer exactement connu , Le les expo^ fant au Soleil, il déterminoit la diftance de fon foyer. Cet efTai lui faifoit connoître fi fon baffin étoit fuffifamment creux, ou s’il l’étoit trop ou trop peu. Dans le premier cas , il n’y avoit plus qu’à remettre le verre dans le baffin, & à l’adoucir au point néceftaire pour être fufceptible du poix parfait. Dans le fécond, il redreftoit le baffin, ou il le creufoit davantage, jufqu’à ce que l’clTai lui montrât que le verre avoit à peu près les dimenfions requifes. Je dis à peu près; car il eft aifé de voir qu’on ne fçauroit par ce moyen faire un verre d’un foyer d’une longueur précifément donnée ; mais comme cela eft très-peu important , ce n’eft point une objection contre la méthode que nous venons de décrire. Au refte, le mérite de toutes ce s inventions a beaucoup diminué depuis la découverte du Télefcope à réfleèbion. Un Télefcope de cette derniere forme, Le d’un petit nombre de pieds, équivaut facilement à un in- (a) Eilais de Dioptrique. 6o8 HISTOIRE comparablement plus long de l’ancienne conftruétion. Il eft même facile de prouver qu’un Télefcope à réfraétion de 1000 pieds de longueur , en fuppofant qu’il fût facile de s’en fervir, égaleroit à peine l’effet de certains Télefcopes à réfleétion que l’on conftruit aujourd’hui. En effets la moindre oculaire qu’on pût donner à un verre de 1000 pieds, en le fuppofant même excellent, feroit au moins d’un pied de foyer. Le Télefcope formé de ces verres ne groffiroit donc que mille fois en diametre. Or l’on a des Télefcopes à réfleétion qui n’ont pas plus de neuf à dix pieds , &. qui groïïiffent jufqu’à i 200 fois, avec une grande diftinéfion. Nous ne nous arrêterons donc pas davantage fur ces tentatives pour fe procurer des verres de très-longs foyers , êc nous omettrons même à deffein plufieurs chofes que nous pourrions encore dire fur ce fujet pour paffer au Microfcope. 11 y en a, comme on l’a déjà dit, de deux efpeces, les fimples êc les com-pofés. Ces derniers ne nous offrent rien de nouveau ; mais on a fait fur les premiers quelques obfervations curieufes qui méritent de trouver place ici. Les Microfcopes fimples, font, comme l’on fçait, ceux qui font formés d’un leul verre d’un foyer très-court , par exemple 5 dc quelques lignes , êc au deffous. Mais comme des lentilles d’un fover auffi court , font très - difficiles à travailler , divers Opticiens ont pris le parti de leur fubf-tituer de petits globules de verre fondus à la flamme de la lampe d’un émailleur. Il eft facile de s’en procurer de femblables. Un très-petit fragment de verre pur étant préfenté à la flamme bleue d’une bougie, par le moyen d’une aiguille mouillée à laquelle il fe tient attaché, il fe fond, êc il fe forme en globule. J’ai remarqué que ce font des fragmens de filets d’aigrette qui fe fondent avec le plus de facilité , êc qu’il eft au contraire quelquefois affez difficile de mettre en fufîon des fragmens de glace ordinaire. Lorfqu’on a plufieurs de ces globules , on choifit les plus parfaits, foit pour la forme , foie pour la tranfparence : on en renferme un entre deux minces plaques de cuivre, percées chacune d’un trou un peu moindre que fon diametre, êc voilà un Microfcope fimple conftruit' M. Huyghens montre dans fa Dioptrique, qu’un globule d’une dixième partie de pouce de diametre, groffit cent fois en largeur DES MAT H É M AT IQ U E S. Pan. IV. Liv. IX. 609 geur le petit objet qu’on regarde à travers; de comme il eft aifé de faire de pareils globules qui aient moins d’une demi-ligne de diametre , on peut avoir, fans beaucoup de frais , un Microfcope qui groffifle deux à trois cent fois en largeur. Sans l’incommodité d’appliquer certains objets à de pareils Microscopes, l’Optique n’auroit plus rien à defirer en ce genre , de l’invention la plus fimple feroit en même tems le comble de la perfection où l’art peut atteindre. Ces difficultés n’ont cependant pas arrêté quelques obfervateurs, Harrqoecker , par exemple. C’eft au moyen de ces verres qu’il vit dans la Semence des animaux , ces animalcules qui donnèrent lieu à un nouveau fyftême fur la génération, qui a été pendant quelque tems en crédit. Quant à Leewenhoeck , S célébré par fes obfervations microfeopiques , il n’employoit point de pareils globules dans fes Microfcopes, comme on l’a dit dans divers Livres. Il fe fervoit de lentilles d’un foyer fort court, préférant beaucoup de clarté à un aggrandiffement extrême. Ce fait nous eft appris par M. Folkes 3 dans les Tranfaclions Philofo-■phiques de 172.3. M. Gray (a) nous a appris à conftruire encore à moins de frais d’excellens Microfcopes fimples ; une très-petite goutte d’eau mife avec le bec d’une plume dans le trou d’une plaque de cuivre très-mince, s’y arrondira en fphere , de tiendra lieu d’une de verre. A la vérité , elle groffira moins, mais il fera facile de regagner par la petiteffe ce que l’on perd à caufe de la différence des maderes. M. Gray a fait encore une remarque tout-à-fait curieufe fur ce fujet. Ayant obferve dans des globules de verre, que les petits corps hétérogènes qu’ils renfer- moient, paroiffoient dans certains cas extraordinairement grof- fis de comme s’ils euffent été dehors , il conjećtura qu’une goutte ronde d’eau remplie des petits animaux qu’elle contient quelquefois , les lui feroit appercevoir , de même que le globule de verre lui montroit les corps renfermés dans fon intérieur. Il le tenta, de cela lui réufîît au delà de fes efpérances. Un petit globule d’eau qui devoit contenir dc ces animaux , ayant été placé comme on a dit plus haut, de étant regardé a la lumière , les lui fit appercevoir fi prodigieufement groffis, (a) Tratf, Phil. n°. zz i} 2 z 3. Op't. de Smith. L. in, c. 18. Tome II, Hhhh Cio HISTOIRE qu’il lui fallut chercher pourquoi ils l’étoient tant. Nous en donnerons ici une raifon fenfible pour les lećteurs les moins verfés dans la théorie de l’Optique. Il fuffit de remarquer qu’un femblable Microfcope eft un Microfcope à réfleétion SC à réfra&ion. La partie antérieure tient lieu d’un miroir concave, qui groflît les objets placés entre fa furface Sc le foyer. Ce miroir réfléchit donc vers la partie antérieure de la goutte, les rayons de ces petits objets , comme s’ils venoient de leur image qui eft beaucoup plus grande qu’eux. On trouve enfin par le calcul que ces objets doivent paroître 3 j aufîi gros que s’ils euffent été appliqués à la maniéré ordinaire au foyer du globule. On s’étonneroit avec juftice que parmi les inventions optiques, que nous parcourons dans cet article, nous nedonnafîions aucune place aux miroirs ardens , dont plufieurs firent tant de bruit vers le même tems. L’hiftoire de ces inftrumens fingu-liers ne peut que bien figurer dans un ouvrage tel que celui-ci. Dans cette vue nous allons rafïèmbler, d’après différens Auteurs , ce qu’ils nous rapportent de plus mémorable fur ce fujet. Le plus grand miroir ardent qui eût été exécuté avant le milieu du dix-feptieme fiecle, étoit, je crois, celui de Ma» gin y qui avoit 20 pouces de diametre. C’étoit déjà quelque chofe ; mais peu après cette époque , divers Artiftes Sc Opticiens allèrent beaucoup plus loin. Septala, Chanoine de Milan , en fit un dont parle le Pere Schot dans fa Magie naturelle , qui brûloit à quinze pas ; Sc nous lifons dans les Tran-factions Philofophiques n°. 6, qu’il avoit cinq palmes ou près de trois pieds Sc demi de diametre. Un autre article des Tran* factions, ( voyez n°. 40. ) nous apprend que Septala avoit formé le projet d’en faire un autre de fept pieds de diametre * peut-être doit-on lire fept palmes. Quoi qu’il en foit, on ne fçait point, ou du moins je ne trouve nulle part quel a été le fuccès de cette entreprife. Vers le même tems, il fortit des mains d’un Artificier d® Lyon nommé Villete, un miroir qui l’emporte, à certains égardf? fur celui de Septala. Il n’avoit que 30 pouces de largeur, mais comme il étoit portion d’une fphere plus petite , fçavoir feu" lement de 12 pieds de diametreil brûloit à trois pieds, & DES M AT H É M AT I QU E S. Pan. IV. Liv. IX. Cit foyer , qui n’étoit que de la largeur d’un demi-louis de ce tems, étoit beaucoup moindre à proportion de fa furface , que dans celui du fçavant Milanois, de forte que la chaleur y étoit confidérablement plus grande. Aulîi produifoit-il des effets finguliers, tels que de fondre ou percer en peu de fécondés les métaux que la Chymie met le plus difficilement en fufion ; de vitrifier en aufîi peu de tems les pierres ou les terres fur lefquelles le feu a le moins de pouvoir, comme les creufets, Scc (a). Vittate en fit dans la fuite un autre de 44j)ouces de diametre , qui fut acheté par le Landgrave de Hefle ; Sc j’ai oui parler d5 un troifieme porté par Tavernier aux Indes, Sc donné à l’Empereur des Mogols. Le premier que Louis XIV avoit acquis , eft aujourd’hui dans le Cabinet du Roi au Jardin Royal des Plantes. Mais quelque remarquable que foit ce miroir , il eft encore au deffous de celui que fit M. de Tfchirnhaufen, vers 1687. Celui-ci avoit près de trois aunes deLéipfîck, c’eft-à-dire, 4 pieds Sc ~ de diametre, Sc il brûloit à la diftance de 11 pieds. Il n’étoit point fait comme les autres, d’une mixtion de métaux fondus, mais d’une lame de cuivre de l’épaifleur de deux fois le dos d’un couteau , ce qui le rendoit léger, eu égard à fa grandeur. Ses effets étoient prodigieux ; il mettoit fur le champ le feu au bois , il fondoit les métaux en peu de fécondés , Sc il n’y avoit pas jufqu’à l’amiante qu’on réputé comme inaltérable au feu , qu’il ne changeât en verre {b). Cependant l’incommodité qu’on éprouve à fe fervir d’un, miroir cauftique à réfledtion, fit tenter à M. de Tfchirnhaufen de fe procurer des lentilles de verre de la même grandeur. Il y réuf-fît, ÔC il fortit enfin de la Verrerie qu’il avoit établie en Saxe, Une lentille de verre, de trois pieds de diametre , convexe des deux côtés, SC dont le foyer étoit à 12 pieds de diftance. Il eft aifé de fentir que M. de Tfchirnhaufen avoit employé une machine à la travailler. Car elle pefoit, même achevée, 160 livres. Son foyer étoit d’un pouce Sc demi de largeur, mais pour augmenter la chaleur, on le rétreciffoit par le moyen d’une fimple lentille ÿ alors elle produifoit des effets de la même nature que les precedens, mais avec beaucoup plus de 6*) Tranf. Phil. ann. 166 $ n°. 6* Jour, des Scav. Décembre 1679. (h) Att. Lipf. 1687, Hhhh ij ćn HISTOIRE vîtefTe Sc d’intenfité. Monfeigneur le Duc d’Orléans l’acheta de M. de Tfchirnhaufen, Sc après s’en être fervi quelque tems à des opérations chymiques auxquelles il s’amufoit , comme l’on fçait, il en fit préfent à l’Académie Royale des Sciences qui le poiïede encore aujourd’hui. Il y a eu des Artiftes qui ont imaginé de faire des miroirs ardens à moins de frais. Je lis dans JFolf (a), qu’un Artifte habile de Drefde, nommé Gartner, à l’imitation des miroirs de M. de Tfchirnhaufen, en fit de bois, qui produisirent des effets linguliers. La concavité de ce bois étoit apparemment en* duite de quelque vernis très-uni, ou couverte de feuilles d’or battu , comme Traher dit l’avoir vu faire (b). Mais je ne laide pas d’avoir beaucoup de peine à concevoir qu’un vernis, ou des feuilles d’or, puiffent réfléchir la lumière avec la force Sc la régularité fufîifante pour produire de tels effets. Ce que dit néanmoins Zahn (c), eft bien plus étonnant. Il raconte qu’un Ingénieur de Vienne nommé Neuman, fit avec du carton Sc de la paille collée, un miroir qui fondit les métaux. On peut, malgré ce témoignage, être un peu Py rrhonien fur un pareil fait. Nous concevons plus facilement, ou plutôt nous n’avons aucune peine à concevoir, que de petits fragmens de miroirs plans arrangés dans la concavité d’un fegment fphérique de bois , puiffent former un excellent miroir concave. C’eft-là , fans doute, la maniéré la plus expéditive Sc la moins coûteufe qu’on puiffe imaginer pour fe faire un grand miroir ardent; Sc nous ne doutons point, vu la grande vivacité de la réfieéfion qui fe fait fur le verre , qu’un miroir femblable ne produifît des effets prodigieux. M. de Buffbn vient de renouveller les merveilles des miroirs de M. de Tfchirnhaufen. I! a eu l’idée de prendre des glaces de miroir j de les couper circulairement, Sc enfuite les aftreignant par les bords, de les rendre concaves, par une preflion appliquée au centre ; cette idée lui a en effet réuffi , Sc il s’eft pro* curé par-là plufieurs glaces concaves, qui étant étamées, lui ont donné des miroirs excellens (d). 11 vient d’en préfenter un au Roi, qui a trois pieds de diametre, Sc qui produit les mêmes effets que ceux de Fillette Sc de M. de Tfchirnhaufen. Je ne (a) Elem. Catopt. c. m (c) Oculus Art. Fund. 3 , Synt, 3, c. lb) Nervus Opt, L. n, c. i z» (d) Mém. de l’Acad. 17 Î4> DES MATHÉMATIQUE S.Part.IV. IX. tfij dis rien ici de l’invention des miroirs d'Archimede 3 qu’il nous a rendue. Afin d’éviter les répétitions, je me borne à renvoyer à l’article d'Archimede, où ce qui concerne ces miroirs fameux eft amplement difcuté , ôc où l’invention de cet Académicien eft fuffifamment décrite. V. Il eft peu de fujets qui aient plus long-tems occupé les Phyficiens, ôc occafionné plus de conjectures infrućtueufes que les couleurs des corps, ÔC celles dont le prifme paroît teindre les objets ou les rayons de la lumière. Cette énigme fi difficile à deviner, étoit réfervé à la fagacité de M. Newton. Le génie de cet homme immortel, n’éclate pas moins dans cette découverte que dans celles dont il a enrichi le fyftême phyfique de l’Univers. Il femble même, à le confidérer d’un certain coté, que Newton décompofant la lumière, ôc établiflant des conjectures très-probables fur les caufes des couleurs des corps 9 eft encore plus merveilleux que calculant les forces qui gouvernent les mouvemens céleftes. C’eut été, fans doute, le jugement de Platon, lui, qui regardoit comme un attentat fur les droits de la Divinité que d’entreprendre de fonder ce myftere de la nature (a). Nous ne nous arrêterons pas à rallèmblerici les traits qui nous apprennent que les Anciens connurent les phénomènes du prifme. Encore moins en tirerons-nous avec un Auteur moderne {b) , une forte d’induétion pour mettre en parallele la Phyfique ancienne avec la nouvelle. Connoître un phénomène y c’eft être encore bien loin de l’expliquer ; ôc c’eft dans la découverte de la caufe que confifte feulement le mérite du Phy-ficien. Or il eft certain que jufqu’à M. Newton , les Phyficiens ne rendirent aucune raifon fatisfaifante du phénomène dont nous parlons. Les uns avoient cru la trouver dans l’inégalité de l’épaifteur du prifme , ou dans la différente fituation des rayons; ce qui,fuivant eux, occafionnoit une altération dans leur mouvement. C’eft à quoi fe réduit l’explication de Def~ cartes 3 qui faifoit, comme l’on fçait, confifter les couleurs (a) Timæus. {b} V:ye^ l’origine ancienne de la Phyfique nouvelle. Découvertes de M.Newton fur les couleurs. tfi4 HISTOIRE dans une certaine rotation des globules de la lumière : il pré* tendoit afligner des raifons pour lefquelles ce mouvement devoit être accéléré dans les rayons qui paffoient d’un coté du prifme , êc retardé dans les autres ; l’accélération de ce mouvement devoit produire le rouge, êc le retardement le bleu ou le violet. Mais ces raifons font li arbitraires, qu’il lui eût été également facile d’expliquer le phénomène , s’il eût été tout-à-fait contraire. D’autres Philofophes trouvoient dans ce paffage la caufe d’un certain mélange d’ombre avec la lumière , mélangé dont, fuivant eux, la quantité feule compofoit les couleurs. Tous enfin s’étoient bornés à quelque raifon vague de cette nature , fans entrer dans aucun détail. Craignans, ce femble, de rencontrer des effets incompatibles avec leur explication , ils s’étoient arrêtés à l’écorce du phénomène , loin de varier leurs expériences, feul moyen de forcer, pour ainfi dire, la nature à dévoiler fon fecret. M. Newton , dont le talent pour la Phyfique expérimentale, alloit, comme on le verra, de pair avec la fagacité géométrique, fut fans doute le premier qui fçut ainfi queftionner la nature , êc ce fut ce qui le conduifit à fa découverte. Il nous raconte lui-même de quelle maniéré il foupçonna la première fois , que les rayons de la lumière n’étoient pas également ré-frangibles. Ayant introduit, par une petite ouverture, un rayon du Soleil dans une chambre obfcure, il le fit paffer au travers d’un prifme , ôc il le reçut fur la muraille oppofée. Après avoir contemplé avec admiration la vivacité des couleurs de cette image il s’étonna, dit-il, de la voir extrêmement dilatée , êc environ cinq fois plus longue que large. Car il s’attendoit à la voir circulaire, êc c’étoit ce qui devoit arriver, fuivant les loix ordinaires de la réfraction. Frappé de ce phénomène, il en rechercha la caufe : il en foupçonna d’abord plufieurs 9 comme les confins de l’ombre êc de la lumière, qui pouvoient agir fur le rayon, les irrégularités du prifme , êcc. Mais il s’af-fura bien-tôt par divers moyens que ces premières conjeCtu^ res étoient fans fondement, êc que cette dilatation étoit l1^ effet néceffàire, êc la fuite dequelquepropriétéinvariable. F*1 r^“ fiéchiffant enfin plus profondément fur cette expérience , il vint à foupçonner que toutes les parties dont ce rayon étn*c compofé, ne fouffroient pas une égale réfraCtion. Ce premia DES MAT HÉMATIQUES. Pan. IV. IX. pas fait, il ne lui fut pas difficile de reconnoître qu’elles étoient celles qui éprouvoient la plus grande réfradtion , Si celles qui foufFroient la moindre. Il vit bien-tot que la partie du rayon colorée en rouge, Si qui occupoit le bas de l’image, étoit celle qui fe rompoit le moins, Si que celle qui fe rompoit le plus étoit la partie colorée de violet, Si les autres à proportion de leur proximité de l’une ou de l’autre. Mais afin de mettre cette vérité dans un plus grand jour, il faut examiner cette expérience avec plus de détail. Pour cet effet, que ABC repréfente un prifme à peu près équilatéral un angle en bas , Si que D G foit un faifceau de lumière dont les rayons extrêmes DF, EG, font fenfiblement parallèles. Si tous les rayons étoient également réfrangibles , ils fe rom-proient tous également en entrant dans le prifme, Si ils fe- Fig, 129* roient tous contenus dans l’efpace que comprennent les parallèles FI, GH. La même chofe arriveroit au fortir du prifme ; ils feroient renfermés entre les lignes fenfiblement parallèles IK , HL. Mais on remarque au contraire que ces lignes font confidérablement divergentes, Sc forment entr’elles un angle de plufieurs degrés ; les rayons extrêmes HL, ik, ont donc foufFert des réfradtions inégales, Sc il efi: aifé de voir dans cette difpofition du prifme, que c’efl: le rayon i k, qui donne toujours le violet, qui a été le plus rompu ; Sc le rayon H L , qui l’a été le moins. Or comme ce phénomène efl: conftant , il faut que le violet, fous même incidence, foufFre une plus grande réfradtion que le rouge. Voici donc ce qui arrive à un faifceau de lumière , comme D G pénétrant dans le prifme. Chaque filet dont il efl: compofé, tel que D F, fe partage, dès fon entrée, en plufieurs, comme Fl 9 F i, qui font ceux qui ont les degrés extrêmes de réfrangibilité , Si une multitude d’autres de réfrangibilité moyenne qui occupent l’efpace intermédiaire. Il en arrive de même à tous les autres dont le faifceau de lumière D G eft: compofé ; E G, par exemple, fe partage en G H, G h, Si tous les autres qui ont des degrés moyens de réfrangibilité. Us tombent dans cet état, &■ déjà féparés fur la fécondé face du prifme ; là ceux qui les plus réfrangibles éprouvent de nouveau une plus grande réfraction que ceux qui le font le moins ; ce qui augmente leur divergence, Sc hâte la féparation. Tous 6i6 HISTOIRE les rayons qui font le moins réfrangibles, Sc qui le font ëga-lemenc entr’eux , comme IK, HL, forment une efpece de bande fenfiblement égale dans fa largeur ; tous ceux qui le font le plus en forment une autre ; ceux enfin qui ont des degrés intermédiaires de réfrangibilité en forment une infinité d’autres renfermées entre les précédentes. Il eft aifé de voir par là pourquoi à peu de diftance du prifme j la lumière qui le traverfe, eft feulement colorée vers les bords, en bas de rouge , en haut de violet. C’eft que la fépa-tion des bandes colorées n’y eft que commencée. 11 n’y a encore que les extrêmes qui foient un peu féparées ; mais qu’on éloigne davantage le carton où l’on reçoit l’image , on verra bien-tôt toutes ces bandes fe féparer les unes des autres, & à 26 pieds environ du prifme, l’image colorée fera compofée de fept couleurs: le rouge y l'orangé, ley aune , le verd, le bleu , Y indigo , le violet, toutes inégalement réfrangibles, le rouge moins que l’orangé, celui-ci moins que le jaune, &cc. En vain s’attendroit-on à en appercevoir un plus grand nombre en s’éloignant davantage , elles ne font que fe dilater de plus en plus fans qu’il en naiffe aucune nouvelle. Après cette première expérience , qui apprit à Newton que la lumière du Soleil étoit compofée de fept couleurs primitives inégalement réfrangibles , il en fit une autre encore plus propre à convaincre de cette inégale réfrangibilité. Il introduifit dans la chambre obfcure un rayon de lumière par un trou d’un tiers de pouce de diametre ; éc le recevant fur un prifme , il intercepta tout près, par un carton percé d’un trou en G, Fig.130, une partie de la lumière qui en fortoit. Le furplus paffant par l’ouverture G , alloit peindre à 12 pieds de diftance une image colorée fur un autre carton auffi percé d’un trou g, & derrière ce trou étoit fixé un prifme d’une maniéré invariable. Lorfqu on mettoit le prifme A de maniéré que la partie fupe-ricure de l’image colorée, ou le violet paffoit par les trous rayon rompu paffant par le fécond prifme,alloit donner du violet en N , par exemple; enfuite, à mefure que l’on tournait le prifme de maniéré que l’indigo , le bleu, le verd 9 ment par les ouvertures ci-deffus.» plus bas , &C le rouge étoit celui qul baffç. Il eft facile de voir ici que fin" çidcxico &c. paffoient lucceffive Limage alloit fe peindre occupoit la place la plus DES MAT H É M AT I QUE S. P art.IV. Liv.IX. 617 cidence de ces differens rayons étoit la même fur le fécond prifme, puifque leur direćtion étoit fixée par la pofition invariable des deux trous G, g; ce ne pouvoit donc être que la différente réfrangibilité de ces rayons qui caufoit ce phénomène. Mais M. Newton ne s’en tient pas encore là. Son Traité 6c fes Leçons L Optique nous fourniffent une foule d’autres expériences non moins convaincantes , dont nous allons rapporter quelques-unes. i°. Si l’on peint une bande en travers de deux couleurs, de rouge par exemple * êc d’un bleu foncé ; qu’on la place fur un fond noir, 6e qu’on la regarde enfuite par un prifme pofé parallèlement à fa longueur, 6c l’angle tourné en haut, on verra le bleu le plus haut, 6c le rouge en bas , comme fi les deux portions colorées avoient été coupées êC placées à différentes hauteurs. Ce fera le contraire, fi l’on regarde à travers le prifme tourné l’angle en bas. Au lieu d’une bande , on peut placer horizontalement fur un fond noir, un fil compofé de deux morceaux de différentes couleurs, 6c on verra de même au travers du prifme les deux portions féparées, quoiqu’encore parallèles. 2°. Qu’on enveloppe cette bande peinte de rouge 6c de bleu foncé, de plufieurs tours d’un fil de foye noire très-déliée, êc qu’on l’expofe à la lumière d’un flambeau placé vis-à-vis la réparation des couleurs. Qu’on ait une large lentille de verre d’environ trois pieds de foyer, 6c qu’on la place immobile à la même hauteur, 6c vis-à-vis ce papier coloré , à la diftance d’environ fix pieds. Elle peindra, comme fçavent les Opticiens, à une diftance d’environ fix pieds derrière elle, une image qu’on recevra fur un carton. Or l’on remarquera que tandis que la moitié i'OUge eft peinte diftinćbement ( ce que l’on connoît aux fils de foie OU traits noirs, qui paroifïent bien marqués 6c bien terminés), la moitié bleue eft tellement confufe,qu’à peine peut-on y diftinguer ces traits; c’eft-à-dire, que les différentes portions dans lefquelles ils divifent cette moitié, ne font point diftinćtement terminées. Il faudra pour cela approcher le carton d’environ un pouce &: demi, 6c alors tandis que les portions bleues paroîtront diftinćtement, on ne verra plus les rouges que confufément. Le foyer des rayons bleus eft donc plus voifin que celui des rouges, 6c par conféquent ils ont effuyé Tome 11\ liii 618 HISTOIRE une plus grande réfradtion. M. Newton a déterminé ainfi leurs différens degrés de réfrangibilité par des expériences ÔC des calculs qui portent avec eux leur démonftration (a). Le finus d’inclinaifon des rayons paffant du verre dans l’air , étant 50, le finus de réfradtion des moins réfrangibles des rayons rouges eft 77 , tandis que le plus réfrangible des rayons violets a pour finus de réfradtion 78. A l’égard des couleurs moyennes , ce font les rapports fuivans. Les finus des rayons rouges font depuis 77 julqu’à 778L, ceux des rayons orangés depuis ll\ jufqu’à 77J , ceux des jaunes entre 77^, Sc 77^ , ceux des verds entre 77', &; 77I ; ceux des bleus entre 77^, & 77j, des indigos entre 77J 77 ■ ; enfin ceux des violets entre 77^ ôc 78. Jufques ici il ne s’eft agi que de l’inégale réfrangibilité des rayons de differentes couleurs. Delà naît une autre propriété qui eft une inégale réfléxibilité. Je m’explique, ôc je commence à remarquer qu’on n’entend point par-là une inégalité entre les angles d’incidence ôc de réfection , comme l’ont cru quelques ignorans qui attaquant Newton fans l’avoir lu, lui ont imputé cette penfée. Cette inégale réfléxibilité confifte en ceci : lorfqu’un rayon de lumière paffe d’un milieu dans un autre moins denfe, il y a une certaine inclinaifon au-delà de laquelle il ne peut plus pénétrer dans ce fécond milieu ; car fi le finus d’inclinaifon eft tel que le finus de réfraction , qui eft toujours avec lui dans un rapport déterminé, par exemple, comme 3 à 2 en paffant du verre dans l’air; s’il arrive , dis-je, que ce finus d’inclinaifon foit tel que celui de réfradtion devienne plus grand que le finus total, il eft évident qu’alors la réfradtion ne fçauroit fe faire, ôc le rayon au lieu de pénétrer dans le fécond milieu, fut-ce du vuide, fe réfléchira. Ainfi l’on voit que le rayon le plus réfrangible fera aufii le plus ré* flexible, c’eft- à-dire , que fous une moindre obliquité il ne pourra pénétrer dans le milieu plus rare, tandis que celui qui eft moins réfrangible, y pénétrera encore. On le démontre aufîi par une expérience facile. On tourne le prifme de maniéré que les rayons qui en fortent effleurent la fécondé face* Alors en le tournant un peu davantage, on voit d’abord les rayons violets fe réfléchir contre cette fécondé face, tandis ia) Optique, liv. i, p. 1, Prop. vu, DES M AT ïî Ê M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IX. tif que les autres la pénétrent encore, ôc paffent au-delà. Tourne-t’on encore un peu le prifme, on voit le bleu fe réfléchir , en-fuite le verd, le jaune , ôcc. le rouge efl: enfin le dernier qui le traverfe entièrement, ôc celui qui a befoin de la plus grande obliquité pour fe réfléchir. Mais nous renverrons pour cette expérience à l’ouvrage de M. Newton , afin de nous permettre plus d’étendue fur d’autres plus elTentielles dans fa théorie. Ces expériences font celles qui regardent l’inaltérabilité des couleurs produites par le prifme. Lorfqu’une couleur efl: fuflx-famment leparée des autres, ( on verra bien-tôt comment cela, s’exécute, ) fon paffage par un nouveau prifme ne la dilate plus: il n’efl: plus de réfledtion ni de réfradtion qui la puiffe changer, ôc qui en puiffe tirer d’autres ; ce qui détruit entièrement la con-jedture de ceux qui faifoient confifter les couleurs dans une modification de la lumière acquife par la réfradtion ôc la ré-* fledtion , ou par fon paffage à travers un milieu diaphane. Newton introduifît (a) dans une chambre bien obfcurcie un rayon de lumière par un trou d’une ou deux lignes de diametre , ôc à la diftance d’environ i z pieds, il reçut cette lumière, au travers d’une lentille qui peignoit à une dixaine de pieds , une image blanche ôc très-diftindtement terminée. Il intercepta ces rayons avec un prifme placé au delà de la lentille, ÔC au lieu de cette image circulaire , il eut à une certaine diftance une image diftinctement terminée de tous les cotés, ôc qui étoit environ 70 fois plus longue que large. On verra la nécefîité de ce procédé en confidérant que l’image alongée eft: formée d’une infinité de cercles différemment colorés, dont les centres font à côté les uns des autres ( voy. fig. i 3 i. ) , ôc que moindres ils font, moins ils empiètent les uns fur les autres, ÔC plus chaque efpece de lumière eft exempte de mélangé. M. Newton préfenta enfuite un papier noir percé d’un trou , ayant un fixieme de pouce de diametre , Ôc fit pafter au travers, une des couleurs qu’il reçut fur un fécond prifme. Elle n’éprouva aucune altération , le bleu refta toujours bleu , le verd, verd, ôCc. fans autre différence que celle qui doit fe trouver dans chacune des couleurs dont les extrémités approchent toujours de la teinte de leurs voiftnes. Newton remarque [a) Optique, Ł. î, Exp. 11» liii ij 6 io HISTOIRE encore que l’image du trou formée par ce fécond prifme, étoit parfaitement circulaire. Il ajoute que lorfqu’on plongeoit dans cette lumière de petits objets, on les voyoit diffnćtcment au travers du prifme , tandis que les mêmes objets plongés dans la lumière non décompofée , ne paroifloient que confufément. Mais pour réuffir dans cette expérience, il y a des précautions à prendre. Il faut que la chambre foit bien obfcurcie, afin qu'aucune lumière latérale Sc étrangère ne vienne fe mêler avec celle du rayon qu’on décompofe. Il faut que le prifme ait fon angle réfringent au moins de 6o°, qu’il foit bien exempt de bulles Sc de veines, Sc que fes faces, de même que la lentille , foient polies, non à la maniéré ordinaire qui ne fait que déguifer les trous Sc les filions en arrondifTant leurs bords , mais comme le pratiquent les excellens Artiftes de Télefcopes Avec ces foins qui ne tendent vifiblement qu’à écarter toutes les circonftances étrangères, Sc toute réfradtion irrégulière , on ne manque pas de réuffir dans cette expérience délicate , Sc c’eft faute de les avoir pris que d’habiles Phyficiens n’ont pu en venir à bout. Nous reviendrons fur cela avant la fin de cet article. Continuons à développer les différentes parties de la théorie de Newton. Les expériences ci-deffus nous conduifent naturellement à reconnoîrre la nature Sc la caufe des couleurs des objets. Elles font dans la iumiere qui éclaire ces objets , Sc ils ne font d’une couleur ou d’une autre que parce qu’ils font d’une nature à réfléchir plus de rayons de l’une que de l’autre. Le blanc enfin n’eft que le mélange intime de toutes les couleurs primitives dans les mêmes proportions que celles qui compolent la lumière blanche du Soleil. Des expériences fort curieufes éta-bliffent ces faits, i . Après avoir formé par le moyen d’un prifme l’image colorée, fi on la regarde à travers un prifme tourné en fens contraire, on la voit réduite à la forme circulaire , Sc de couleur blanche. 2°. Si on reçoit cette image colorée fur un grand verre lenticulaire , de forte que toutes les couleurs aillent fe confondre en un foyer commun , voilà le blanc éclatant qui renaît ; mais fi l’on intercepte une des couleurs , ce n’eft plus du blanc , c’eft un gris qui varie fuivant la couleur interceptée. 3 . Si l’on préfente à une couleur homogène un corps quelconque, il la prend. A la vérité , fi & D E S M AT H É M AT I QUE S. Pan. IV. Liv. IX. 611 couleur naturelle eft différente, la nouvelle dont il paroît teint eft moins éclatante. Cela vient de ce que ce corps eft peu propre à réfléchir une quantité confidérable des rayons de la nouvelle couleur. Je dis une quantité confidérable ; en effet, il en réfléchit toujours quelques-uns de toutes les efpeces parmi x ceux de fa couleur propre, mais en petite quantité , ce qu’on prouve en le regardant au travers du prifme qui la décompofe. Et c’eft-là la raifon pour laquelle il eft vifible, plongé dans une lumière qui n’eft pas de fa couleur naturelle; car s’il ne réT ftéchiffoit abfolument que des rayons de cette couleur , plongé dans un rayon homogène d’un autre, il n’en réfléchiroit aucun , ôc il paroîtroit abfolument noir. Que fi l’on ne parvient point à compofer du blanc , de plufieurs couleurs matérielles mêlées dans les proportions de celles de l’image colorée , il ne faut pas s’en étonner. Ces couleurs ne font jamais ni affez intimement mêlées, ni affez éclatantes pour qu’on puiffe comparer ce mélange avec celui des rayons de la lumière même.. Mais ceci appartient plutôt à la Phyfique qu’aux Mathématiques ; cette raifon de celle d’abréger, me portent à renvoyer à M. Newton , qui dit fur cela des chofes fatisfaifantes. Quelque bien prouvée que paroiffè, à ce que j’efpere, à tout lećleur fenfé , la théorie précédente , du moins en ce qui concerne la décompofition des rayons de la lumière, leur différente réfrangibilité, ôc l’inaltérabilité des couleurs produites par le prifme , ce ne fut pas fans diverfes oppofitions qu’elle s’établit. Lorfque l’écrit de M. Newton vit le jour, le PercPar-dies fît des objećtions (ci). A la vérité, fur la réponfe de M. Newton , ce Pere eut la candeur rare de fe rendre , ôc de témoigner qu’il étoit fatisfait. Mais les autres adverfaires de Newton ne fe rendirent pas aulîi aifément. Celui qui le fatigua le plus, fut un certain François Line, du College Anglois à Liège. Ses difficultés font dignes de celui qui plutôt que de reconnoître la pefanreur de l’air, avoit imaginé de petits cordons invihbles pour foutenir le Mercure dans le tube de Torricelli. Nous remarquerons même comme une Angularité , qu’il ne fçut jamais répéter la première de la plus fimple des expériences du prilme , celle de former l’image colorée ÔC obloa- {a) TranJ. Phil. n®. 81, &C. Cu HISTOIRE gue que Newton examine. Cette remarque me difpenfera d’en dire rien de plus. C’eft avec regret que je trouve ici M. Mariotte parmi ceux qui ont contribué pendant quelque tems à rendre incertaine ôc douteule la théorie de M. Newton. Il ne nia pas, il eft vrai, la différente réfrangibilité des rayons , mais il re-jetta l’inaltérabilité des couleurs, qui forme une partie confidérable ôc effentielle de cette théorie. Ce qui l’engagea dans ce fentiment fut qu’il ne put réuffir dans l’expérience dont nous avons parlé plus haut. Il lui arriva toujours, dit-il, de trouver dans chaque couleur, quoique reçue à une très-grande diftance du prifme, diverfes autres couleurs, comme dans le rouge , non feulement du rouge, mais du jaune ôc du violet; d’où il conclut que cette inaltérabilité n’étoit pas fuffifamment prouvée, ou, pour me fervir dc fes propres termes, que Yingénieufe hypothefe de M. Newton ne devoit point être reçue. Je remarque en paffant ce terme & hypothefe qui paroîtra fans doute bien fingulier ôc bien mal appliqué à des vérités telles que celles qu’enfeignoit M. Newton. Mais telle étoit alors la maniéré de philofopher : on croyoit n’être Phyficien qu’à pro-portion qu’on imaginoit des hypothefes mieux liées , ôc à l’aide defquelles on expliquoit un plus grand nombre de faits. Je fuis fort éloigné de blâmer ôC de rejetter entièrement cette maniéré de procéder en Phylique ; elle a eu peut-être quelquefois fes utilités ; mais M. Newton n’avoit rien moins prétendu que faire une hypothefe ; il avoit propofé la différente réfrangibilité de la lumière, ôc l’inaltérabilité des couleurs, comme des faits , des vérités démontrées par l’expérience. Auffi avoit-il failli fe fâcher contre le Pere Pardies 3 qui dans fa première Lettre s’étoit fervi du terme d’hypothefe en parlant de cette théorie. Je me perfuaderois volontiers que M. Mariotte n’avoit point lu l’écrit de M. Newton. Car outre qu’il n’auroit pas traité fa théorie d’hypothefe, il auroit été plus circonfpećt à prononcer, fur le peu de fuccès de fon expérience , le contraire de ce que Newton avoit aflùré. En effet, Newton avoit dit expreffé-ment que, pour réuffir dans l’expérience de l’inaltérabilité des couleurs, il falloit les féparer d’une maniéré plus parfaite que celles qu’il avoit jufque-là indiquées. Il fe propofoit alors de DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. ÏX. 613 publier au premier jour fon Optique , dans laquelle il devoit détailler la maniéré de faire l’expérience délicate dont nous parlons. Mais dès que parut fon écrit dans les Tranfac-lions Philofophiques , il vit s’élever de toutes parts tant de chicanes , 6c de mauvaifes difficultés, que craignant de commettre fon repos , il changea de deffein , 6c fupprima cet ouvrage. Il refia donc du moins fort douteux pendant long-tems, que les couleurs produites par le prifme fuffent inaltérables , comme le difoit M. Newton. Enfin parut fon Optique, ce Livre admirable, 6c fi digne d’être confeillé à tous ceux qui cultivent la Phyfique , comme le plus parfait modele de l’art de faire des expériences. M. Newton y dévoila la maniéré de dé-compofer fuffifamment la lumière pour trouver les couleurs inaltérables. Nous l’avons rapportée plus haut, 6c il n’y a plus aujourd’hui le moindre doute que lorfqu’on s’y prend de cette maniéré , on ne réuffiffe. La Société Royale de Londres en a rendu un témoignage authentique, en publiant dans fon Recueil de l’année 1716* le récit des expériences faites devant elle par M. Defaguliers, 6c qui réuffirent auffi-bien qu’on le pouvoit defirer. Ce témoignage étoit bien capable d’enlever tous les fufFra-ges; néanmoins on ne laiffa pas de voir, peu d’années après, un Auteur Italien s’élever contre la théorie de M. Newton. M. Riqqeti , dans une Lettre adreffée à M. Martinelli , 6c publiée dans le Journal d’Italie (a), déclara qu’il avoit répété foigneu-fement toutes les expériences de M. Newton, 6c qu’il les avoit trouvé en partie fauffes, en partie fans force, par l’omiffion de quelque circonflance effentielle ; enfin qu’il en avoit fait quelques autres qui renverfoient entièrement la théorie du Philofophe Anglois. Il éludoit,par exemple, l’expérience de la lentille qui peint l’image du papier bleu plus proche que celle du rouge, en imputant cette différence à la différente inclinaifon des rayons venant de la partie rouge 6c de la partie bleue ; il ajoutoit qu’ayant d’abord fait l’expérience avec le même fuccès que M. Newton, lorfqu’il avoit changé de place le bleu 6c le ronge, l’un 6c l’autre s’étoient peints avec les traits noirs, à la même diftance. De même, après avoir placé fa) T* *, %p. voy.AÜ. Lipf. Supp. T. vin, 6i4 HISTOIRE à même hauteur, 6c parallèlement à l’horizon , un parallélogramme peint, moitié en rouge, moitié en bleu , il convenoit que fi le fond étoit noir , le bleu 6c le rouge paroifioient à différentes hauteurs : mais il ajoutoit que fi le rond étoit blanc, ils paroifioient également élevés ; ce qui ruinoit, difoit-il, la conféquence que M. Newton droit. Parmi les objedtions qu’il oppofoit à Newton, étoient encore celles-ci. Lorfqu’on regarde un cheveu ou un fil de foie noire 6c déliée, 6c placée en partie fur un fond rouge, en partie fur un fond bleu, on le voit diftindtemenr ; il en efi: de même lorfque l’on regarde deux fils , l’un rouge, l’autre bleu, placés fur un fond noir, ou de quelque autre couleur. Il femble cependant qu’en admettant la différente réfrangibilité , cela ne pourroit être. Je paffe plufieurs autres raifons, parmi lefquelles je n’en vois aucune ou il foit queftion de l’expérience où Newton fait pafter fuccefii-vcment par les deux mêmes petites ouvertures, des rayons de différentes couleurs, qui, tombant fur un prifme immobile, après la réfradtion qu’ils y éprouvent, vont fe peindre à différentes hauteurs. Celle-ci eft en effet trop peu fufceptible de difficulté , 6c M. Ri^eti prend le parti de n’en rien dire. Mais la théorie de M. Newton eut un défenfeur habile dans M. Richter. Ses réponfes me paroiftent folides &; vidto-rieufes ; il réitéra l’expérience du carton mi-parti, en divifant chacune des parties colorées de bleu 6c de rouge , en plufieurs Îjortions : or il trouva toujours que les parties bleues avoient eur point de diftindfcion plus près que les rouges. Il rendit aufii une raifon fatisfaifante pourquoi l’expérience de la bande rouge 6c bleue, vue au travers du prifme, réufiit différemment lorfque le fond eft blanc , que lorfqu’il eft noir. Il montra enfin que les objedtions tirées de l’égale diftindtion avec laquelle on voit un fil rouge 6c bleu fur un fond noir, ou un fil noir fur un fond en partie rouge, en partie bleu, ne font d’aucun poids. En effet, quelle maniéré de procéder en Phy^ fique , que celle de M. Ri^eti ! Qui vit jamais, pour conftater un effet naturel , à l’expérience la plus fimple en fubftituer une plus compofée. Or e’eft ce que faifoit cet antagonifte de Newton , en fubftituant à la lentille dont l’effet fur les rayons eft parfaitement connu, l’œil dont la ftrudture eft fi coi^P0' fée, 6c à travers les humeurs duquel nous ne connoiflons DES M ATH É M ATI QUE S. Part. IV. Liv. IX. 625 qu’en gros le chemin des rayons. Car avons-nous allez de connoiïlànce de la figure de toutes les parties de cet organe merveilleux , pour être allurés qu’elles ne font pas précifément conformées de maniéré à corriger l’aberration provenante de la différente réfrangibilité ; 6c une fois que nous fommes alfurés par d’autres voies fimples, de cette différente réfrangibilité , n’eft-il pas plus raifonnable de foupçonner que l’œil eft conformé comme nous venons de dire , que de la contefter fur ce que l’œil en eft exempt. Rien ne ref-femble mieux au procédé de M. Ri^eti, que celui d’un homme qui, dans une machine , dont la conftruCtion lui feroit à peine connue, ne voyant pas diftinctement les forces en raifon inverfe des vîteffes, prétendroit que cette loi de la Méchanique eft une chimère, 6c rejetteroit les preuves qu’en four-niffent toutes les machines fimples. Ce fut à peu près là ce que répondit M. Richter, 6c M. Ri\\eti devoit être content de cette réponfe. Mais loin delà : il répliqua ; le défenfeur de Newton, répondit de nouveau, ôec (a). Enfin M. Ri^eti revenant à la charge en 1727, publia un Ecrit intitulé, De luminis affectionibus , où il réitéra toutes fes affertions précédentes fur la théorie Newtonienne des couleurs. On l’y voit de plus affećter beaucoup de confiance, 6c s’écarter affez confidéra-blement des égards dûs à Newton. Ce fut ce qui engagea M. Defaguliers à réitérer en 1728, devant la Société Royale de Londres , les expériences conteftées. Elles eurent de nouveau le fuccès defiré , de même que diverfes autres qu’il imagina dans la vue de confirmer les premières, ou de répondre aux exceptions de M. Ri^eti. En voici une de ces dernières. M. Defaguliers fit faire une boîte quadrangulaire, percée au devant d’un trou rond, 6c dans laquelle deux lumières cachées pouvoient illuminer fortement le fond oppofé, fans qu’il fe répandît aucune lumière dans la chambre. Sur ce fond, éc directement au devant de ce trou , étoit une ouverture quarrée divifée en bandes 6c en cellules, par des fils de foie noire très-déliée. Au devant du trou rond , étoit placée une lentille de quelques pieds de foyer, à la diftance d’environ le double de ce foyer. Lorfqu’on plaçoit à l’ouverture quarrée t (a) Voyez AEt. Lipf ubï fuprà. Tome II, Kkkk «iS HISTOIRE ime furface teinte de rouge, Sc qu’on avoit trouvé fon image diftinćle fur le carton placé au-delà de la lentille, fi l’on chan-geoit cette furface en une bleue, l’image n’étoit plus diftinćle, & il falloit approcher le carton. Ici tout eft femblable , Sc il n’y a aucun lieu à l’objeétion de M. Ri^eti, qui probablement commettoit lui-même la faute qu’il reprochoit à M. Newton , fçavoir de faire tomber les rayons bleus Sc rouges fur la lentille, fous différentes inclinaifons. D’ailleurs il n’y a absolument que les rayons venant de l’objet tantôt bleu , tantôt rouge , qui arrivent à la lentille. Quoi de plus concluant, de plus propre à diffiper tous les doutes fur la differente réfrangibilité de ces rayons. M. Defaguliers répéta de la même maniéré , Sc avec le même fuccès , l’expérience du carton mi-parti de rouge Sc de bleu ; il en fit enfin diverfes autres également convaincantes, que je paffe pour abréger. Je ne fçais fi M. Ri^eti s’eft enfin rendu à des preuves répétées avec tant de foin Sc tant d’authenticité : je le fouhaite, mais je ne puis difîimuler que le ton qui régné dans fes écrits me fait craindre le contraire. Les expériences de M. Newton ont eu auffi en France le fuccès convenable , depuis que l’art de faire des expériences s’y eft perfe&iaané. On doit à la mémoire du Cardinal de Poli-gnac, la juftice de remarquer que c’eft fous fes aufpices Sc par fes foins que l’expériehce de l’inaltérabilité des couleurs fépa-rées par le prifme , a réuffi pour la première fois dans ces contrées. Quoiqu’attaché en général à la doćlrine de Defcartes , dont il avoit été autrefois un des premiers défenfeurs, il n’avoit pas laiffe de goûter la théorie de Newton fur les couleurs. Il n’épargna rien pour vérifier l’expérience ci-deflus. Il fe procura à grands frais les prifmes les plus parfaits, moyennant quoi, Sc en fuivant le procédé de M. Newton> l’expérience réuffit très-bien entre les mains deM. Gauger, l’Auteur, je penfe, du Livre ingénieux de la Méchanique du feu. M. de Po-lignac reçut à ce fujet une lettre de remerciment de New» ton. Il devoit donner place à cette théorie dans fon Anti-Lucrece ; mais fa mort, qui ne lui laiffà pas le tems de mettre la derniere main à ce Poème, nous a auffi privés de ce morceau. Depuis ce tems, nous voulons dire celui de l’expérience répétée fous les aufpices decet illuftré Prélat, divers Phvfi-ciens François l’ont faite, ôc la font avec le même fuccès- Ü y DES MATHÉMATIQUES.Part.IV.Liv.IX. 6i7 a plus de 20 ans, que ceux qui veulent conflatcr par leurs propres yeux la vérité de cette expérience & des autres, le peuvent faire chez M. l’Abbé Nollet, dont le talent expérimental efl fi connu. C’eft M. l’Abbé Nollet qui nous l’apprend lui-même , dans fes Leçons de Phyfique , ( T. V , p. 375 ) , Sc qui dans la note de cette page, remarque que quelques Auteurs l’ont cité mal-à propos, comme ayant trouvé lur cela Newton o, n défaut. C’efl, dit-il, un honneur qu’il ne prétend point du tout partager avec le Pere Caflel Si l’Auteur de la Chroa-généfie. Ainfi il ne peut plus y avoir d’incredules fur cette partie des vérités enfeignées par M. Newton, que des gens inattentifs , ou prévenus, Sc incapables d’apprécier les preuves qu’on en donne. On les eût vus dans le fiecle pafTé nier de même la pefanteur de l’air, ôc la circulation du fang. Quand je réfléchis à l’authenticité du fuccès des expériences de M. Newton , j’ai peine à concevoir d’où vient que quelques perfonnes de mérite , M. du Fai, par exemple , ayent pu penfer qu’on pouvoit n’admettre que cinq , ou même trois couleurs primitives (a). Sans doute cet Académicien écrivoit cela dans un moment de diflraćtion où il ne fe rappelloit pas ces expériences, ou bien ce qu’il difoit, il ne l’entendoit que des couleurs matérielles. En effet, avec du bleu Si du jaune, par exemple, on compofé du verd ; mais, malgré cela, le vrai verd de la iumiere du Soleil, celui de l’image colorée fuffifamment féparé des autres couleurs , ne fe décompofe point, comme le verd formé du jaune Si du bleu. Il en efl de même de chacune des fix autres couleurs de cette image. Ainfi il y a dans la lumière du Soleil, fept couleurs primitives , quoique des couleurs reflemblantes à quelques-unes d’entr’elles puiffent être formées par d’autres mélangées. Je ne fçais encore comment l’Auteur de l'origine ancienne de la Phyfique moderne, Si des Entretiens Phyfiques, a pu dans des Livres auffi récens, fe prévaloir du peu de réuffite de M. Mariotte dans l’expérience de Newton, pour prétendre que les couleurs varient par la réfraction. Pouvoit-il ignorer que cette expérience avoit réuffi en France, par les foins de M. de Polignac, Ôc qu’à différentes ffeprifes elle avoit été réitérée d’une maniéré authentique ca la) Mémoires de l’Académie, année 17 37. Kkkk ij / 6i8 HISTOIRE Angleterre. Quant au P. CafieL , l’infe&ateur perpétuel de Newton , on fçait affez que dans cet homme célébré , l’imagination dominoit routes Jes aurrcs facultés; mais ce n’eft pas avec de l’imagination qu’on combat des vérités établies par des expériences réitérées. Aulîi le P. CafieL n’a-t’il rien moins que porté atteinte à aucune partie de l’édifice Newtonien , ôc fon Optique des couleurs ne léduira, je penfe, aucun de ceux qui ont connoiffance des faits que nous venons de raconter. S’il eft encore aujourd’hui quelques contradicteurs de Newton en ce point, ce lont des hommes qui montrent fi peu de connoiffance en Phylique ôc en Mathématique, qu’on peut leur dire ce que dit Xénocrate à un perfonnage femblable, Apage, apage , anfas Philofophiœ non habes. Nous ne pouvons, à l’occafion du Pere Cajlel, nous empêcher de dire un mot d’une idée à laquelle il a donné de la célébrité. C’eft l’analogie des couleurs 6c des tons de la Mufi-que. Il y a dans l’image colorée que forme le prifme , fept couleurs, de même qu’il y a fept tons dans l’oétave. Il y a plus : M. Newton a remarqué en mefurant avec foin les efpaces occupés par chacune de ces couleurs , qu’ils font dans les rapports fuivans, en commençant par le rouge, \, P, f, f , t-,^. Or ces nombres font ceux qui répondent continuellement aux différences de longueurs des cordes qui donne-roient les accords ré mi, mi fa 3fa fol, fol la , la fi, fl ut, ut ré ; le rouge répondant à ré mi, l’orangé à mi fa 3 ôcc ; de forte qu’il femble y avoir une game optique, comme il y en a une muficale. M. Newton fe fert très-ingénieufement de ces rapports pour déterminer quelle couleur doit réfulter d’un mélange quelconque de tant d’autres primitives qu’on voudra en dofes données. Mais le Pere CafieL allant bien plus loin, a trouvé dans cette analogie des couleurs 6c des tons , le fondement d’une mulique optique; ôc ce fyftême expofé fous le titre de Claveffin oculaire, ôt avec l’efprit ôc le feu d’imagination dont fon Auteur étoit fi bien pourvu , a fait beaucoup de bruic dans fon tems. Que ne fe promettoit pas le Pere CafieL de f°n Clavelfin: rien moins qu’un nouveau fpećtacle auffi délicieux pour la vue, que la plus harmonieufe mulique, ôc la rni^uX exécutée, l’eft pour les oreilles. Mais malheureufemcnt p^r nos plailirSj car nous ne fçaurions trop les multiplie^ Cette idee DES M AT H É MAT IQ U E S. Part. IV. Liv. IX. 619 eft plus féduifante que jufte, ôc examinée d’un peu près, elle manque dans tous fes points. C’eft ce qu’il me feroit facile d’établir, fans les longueurs où cela m’entraîneroit. Ceux qui en douteront, n’ont qu’à lire un curieux Mémoire de M. de JMairan , inféré dans le Recueil de l’année 1737. feronc certainement convaincus par les difparirés nombreufes que ce fçavant Académicien montre entre l’analogie des fons ôc celle des couleurs, que l’entreprife du Pere Caflel, eft plus l’ouvrage de l’imagination , que de cette autre faculté de l’entendement qui pefe ôc qui réfléchit. Y I. Nous avons maintenant à expliquer les raifons que M. New- Théorie de la ton donne de la réflecftion ôc de la réfra&ion. C’eft-là un point fur lequel il ne s’écarte pas moins de la doctrine jufqu’alors fuivant New-reçue des Philofophes , que dans fon analyfe des couleurs. ton% Nous ferons ici fans peine un aveu, fçavoir que cette partie de fa théorie n’a pas tout-à-fait la même évidence que celle que nous venons de développer. Elle eft néanmoins fondée fur des expériences très-ingénieufes. Ce fera par elles que nous com* mencerons, afin de préparer par degrés aux conjectures un peu hardies que forme M. Newton. La première de ces expériences eft celle dont Grimaldi fe fervoit pour prouver ce qu’il appelloit la diffraction de la lumière. Newton fit un trou d’une 42e de ligne à une plaque de métal, ôc introduifit par-là un filet de lumière dans la chambre obfcure. Il expofa à ce rayon un cheveu , ôc il remarqua que fon ombre étoit beaucoup plus grande que celle que pouvoit produire la fimple divergence des rayons qui l’effleuroienr. Mefurée à dix pieds de diftance, elle lui parut 3 5 fois plus grande qu’elle ne devoit être en n’ayant égard qu’à cette raifon. On pourroit dire, ÔC lans doute quelque Phyficien l’a dit, que cet effet eft produit par une certaine atmofphere des corps , qui rompt les rayons qui la traverfent en les écartant de la perpendicula re Ma s M. Newton détruit cette conjecture en remarquant que la même chofe arrive dans les cas où il ne femble pas y avoir lieu à une pareille atmofphere , comme lorique le cheveu ^ft plonge dans l’eau ôc placé entre deux ć30 HISTOIRE glaces. M. Newton fe contente d’en conclure que les rayons qui paffent à une certaine diftance du cheveu en font repouf-lés, quels qu’en foit la caufe ôc le méchanifme, ôc qu’ils le font d’autant plus qu’ils en paffent plus près. Voilà une expérience qui indique une répulfion de la lumière exercée par certains corps. En voici une autre qui femble dénoter un effet contraire. Newton reçoit un rayon de lumière entre deux lames tranchantes ôc parallèles. 11 les approche l’une de l’autre jufqu’à la diftance d’un 400e de pouce, ÔC voilà que cette lumière fe divifé en deux parties qui fe jettant de côté &; d’autre dans l’ombre des couteaux , laiffent entr’elles mêmes une ombre noire ôc épaifte. 11 eft vifible ici que ces rayons ont été dérangés de leurs cours reôtiligne à leur approche du tranchant des couteaux, Ôc qu’ils ont été pliés en dedans par une forte d’attra&ion. Delà Newton conclut, ôc il femble qu’on ne peut guere en conclure que cela, fçavoir que les corps font doués d’une propriété qui les fait agir fur la lumière qui pafte dans leur voifinage, tantôt en l’attirant à eux , tantôt en la repouftànt ; ôc comme l’on voit que cette force ne s’exerce qu’à une très-grande proximité, ôc que fon aèfion ne fe fait point appercevoir à une diftance fenfible, il eft encore naturel d’en inférer que fa nature eft de croître fort rapidement tandis que la diftance diminue, c’eft-à-dire, dans un rapport plus grand que l’in verfe de la diftance ou de fon quarré. Car puifque cette forte d’attraôtion , qu’on nous permette ce terme dans le fens que lui donne Newton , courbe fl fenfiblement, ôc dans un trajet fi petit, le chemin d’un corpufcule de lumière dont la rapidité eft fi grande , il eft aifé de juger que cette force doit être d’une grande intenfité aux environs du contaôfc. M. Newton trouve qu’elle furpaffe plufieurs milliers de fois celle de la pefanteur, c’eft-à-dire, la force avec laquelle le même corpufcule tend vers la terre ; ôc delà il fuit que cette force doit être de telle nature qu’elle croifte avec une grande rapidité tandis que la diftance diminue, c’eft-à-dire, dans un rapport beaucoup plus grand que l'inverf2 du quarré de la diftance. En effet, M. Newton démontre qu’un corpufcule qui feroit pouffé ou attiré vers un corps, fuivant le rapport inverfe du cube , ou d’une plus haute puiffance de M diftance à chacune de ces particules, feroit attiré au con^ct DES MAT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. IX. 631 avec une force infinie, tandis qu’à la plus petite diftance fenfible, cette force ne feroit pas perceptible ; ainfi il faut, fi nous mefurons cette force qu’exercent les corps fur la lumière , par une puiflance de la diftance, il faut, dis-je, qu’elle croifte dans un rapport beaucoup plus approchant de l’inverfe du cube que du quarré. Par-là elle fera au contaćt, ôc à une très-grande proximité , plufieurs milliers de fois plus grande qu’à une diftance tant foit peu perceptible , fans être néanmoins jamais infinie. C’eft de cette aćtion des corps fur la lumière, (quel qu’en foit le méchanifme , que M. Newton n’exclut point), c’eft, dis-je, de cette aćtion qu’il déduit les caufes de la refraćtion, & de la loi confiante qu’elle obferve. Concevons un rayon de lumière qui tombe obliquement fur un milieu plus denfe, êc par conféquent plus attraćtif que celui dans lequel il fe meut. Dès qu’il eft arrivé à la diftance où commence l’a&ioïï du corps vers lequel il s’approche, il commence par les loix du mouvement à changer de direćtion , ôc à décrire une courbe concave vers le milieu attirant , à peu près comme nous voyons un corps lancé obliquement vers la terre, fuivre un chemin concave vers elle, ôc la rencontrer avec moins d’obliquité que s’il eût fuivi fa première direction imprimée. Arrivé à la furface même du corps, le corpufcule de lumière continue encore à décrire un chemin curviligne ôc concave dans le même fens ; car il eft encore plus attiré vers l’intérieur que vers l’extérieur, jufqu’à ce qu’il fe foit plongé d’une profondeur égale à l’éloignement où cefte 1’aćtion du milieu qu’il quitte. Alors toutes les attraćtions des particules environnantes étant égales, le corpufcule de lumière continue à fe mouvoir par une tangente à la trajećtoire ECI, qu’il a décrite ffg- x%u en entrant, ôc cette droite eft évidemment moins oblique à la furface réfringente. On vient de voir un rayon qui en fe rompant s’eft approché de la perpendiculaire. Suppofons pour donner un exemple d’une refraćtion qui en éloigne, que ce corpufcule de lumière tra-verfe le corps, ôc en forte pour ré titrer dans le premier milieu D. Voici la route qu’il tiendra. Lorfqu’il fera arrivé à une diftance de ce milieu , à laquelle l’attradion vers l’intérieur commence à excéder celle qu’il éprouve vers l’extérieur , U ligne qu’il décrira commencera à s’infléchir, ÔC à tourner HISTOIRE fa convexité vers la furface dont il approche. Arrivé à cette furface , il continuera à être plus attiré vers l’intérieur que vers l’extérieur, 6c cela aura lieu jufqu’à ce qu’il ait pénétré dans le milieu D, à la diftance où celle l’attra&ion du milieu F. C’eft pourquoi durant tout ce trajet , fon chemin fera encore convexe du côté du milieu qu’il quitte, 6c enfin il s’échappera par une tangente à cette courbe, tangente qu’on voit facilement être plus inclinée à la furface réfringente. Ainfi le tàyon s’écartera de la perpendiculaire; 6c fi cette furface eft parallele à celle qu’il a traverfée en entrant, fes directions à l’entrée 6c à là fortie, feront parallèles. Cela eft évident, puifque ce corpufcule pafte en entrant 6c en foxtant, par les mêmes degrés de courbure , mais feulement en fens contraire. Ajoutons que fa vîtefte fera la même en rentrant dans le même milieu. On le voit aufii évidemment dans le cas des deux furfaces réfringentes parallèles A B, a A II eft vrai que Jorf-qu’elles ne font pas parallèles , la chofe n’eft pas aufii évidente, parce qu’alors les- inclinaifons à l’entrée 6c à la fortie étant différentes, les courbes E CI, eci, ne font pas égales 6c femblables. On le démontre néanmoins aufii dans ce cas d’une maniéré qui ne laifte aucun doute. En admettant l’explication que nous venons de donner de la réfraCtion , on montre facilement pourquoi le finus de l’angle d’incidence, 6c celui de l’angle de réfraCtion, font conf-tamment dans un même rapport. Newton en donne deux dé-monftrations, l’une purement fynthétique, à la fin du premier Livre de les Principes, l’autre dans fon Optique. M. Clairault dans un excellent Mémoire qu’il a donné fur ce fujet en 1738, 6c dont on trouve aufii la fubftance dans le Commentaire de Madame la Marquife du Châtelet fur Newton y. a donné à fa maniéré la démonftration de cette loi. 11 a.recherché l’expref-fion de la trajeCtoire décrite par un corpufcule de lumière à j’approche d’une furface vers laquelle il eft attiré perpendiculairement , 6c fuivant une puiftance quelconque de la diftance. Il a enfuite déterminé le rapport des finus d’inclinaifons du premier ÔC du dernier élément de cette courbe, qui font les directions du rayon avant 6c après la réfraCtion , 6c il a trouvé que rinclinaifon primitive ne changeoit en rien ce rapport, qui ne dépend que de la vîteffe du rayon incident, de la loi de f 7 l’accraCtion, DES MAT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IX. 633 l’attradtion , & de la denfité des milieux. Ainfi ces chofes étant toujours les mêmes, quoiqu’inconnues, tant que la réfradtion fe fait entre les mêmes milieux, il eft évident que le rapport des finus ci-deffus fera conftant. Paffons maintenant à la ré-fledtion. La réfledtion de la lumière ne feroit pas un fujet de difficultés, fi elle étoit de la même nature que celle qu’éprouve un corps élaftique êc fphérique qui frappe une furface impénétrable. Les principes ordinaires de la Méchanique feroient fuffi-fans pour en expliquer toutes les circonftances. Mais lorfqu’on examine avec attention toutes les particularités du phénomène , on eft conduit avec M. Newton, à ne plus regarder cette réfledtion , comme occafionnée par le choc des particules de la lumière contre celles des corps. Plufieurs raifons établiffent cette forte de paradoxe. D’abord nous avons des exemples d’une réfledtion qui fe fait fans que la lumière ait à rencontrer davantage de parties folides que dans le milieu qu’elle tra-verfe , ou même aucunes. Qu’on fafte tomber un rayon fur un prifme, de maniéré qu’au fortir de fa furface poftérieure , il ne faffe que l’effleurer ; en tournant encore tant foit peu ce prifme , on verra une partie des rayons , comme les bleus, les violets, fe réfléchir, tandis que les rouges, les orangés, le tra-verferont encore. Peut-on dire que les rayons bleus 6c violets rencontrent fous la même inclinaifon tant de parties folides , qu’ils fe réfléchiftent tous, tandis que les rouges, ôcc , n’en rencontrent aucunes ? Il y a plus : fi l’on fait cette expérience dans le vuide , c’efb-à-dire , de forte qu’il n’y ait aucun air groffier contre la fécondé furface réfringente du prifme, la réfledtion contre cette furface fe fera plus facilement; le rayon qui foUS une certaine obliquité pafloit encore dans l’air, ne paffera plus dans le vuide. Mais voici un nouveau phénomène. Si cette furface du prifme eft contigue à de l’eau , ou à une lame de verre, le rayon ne fe réfléchira plus fous cette obliquité ; il pénétrera dans l’eau ou dans le verre. Le vuide oppoferoit il au paftage de la lumière, plus de parties folides que fair , que l’eau, que le verre même ? Cette derniere expérience montre en même tems, combien peu l’on feroit fondé à dire que ce font les dernieres parties folides du verre qui réflé-chiffent la lumière ; car les corps contigus ne changeroient pas Tome IL LUI ( <$34. HISTOIRE la difpofition de cette derniere furface. Ajoutons à cela , que la furface des miroirs polis avec le plus de foin , n’eft point affez égale pour réfléchir la lumière avec la régularité 6c la vivacité que nous remarquons. Outre que le Microfcope nous fait appercevoir dans les miroirs les plus brillans des afpérités très'irrégulieres, la raifon nous apprend qu’il n’y a que les plus groïfieres qui puiflènt être enlevées par les moyens qu’on employé en les poliftant. Si nous avions les yeux du ciron, ou de ces animaux encore plus petits que le Microfcope fait découvrir , quel fpedtacle nous préfenteroit la furface la mieux polie ; elle nous paroîtroit fans doute telle qu’une vafte plaine lillonée 6c hériflée de rochers prefque contigus, êc de toutes les formes imaginables ; comment peut-on donc concevoir qu’ une furface fl raboteufe eu égard à la ténuité extrême des particules de la lumière, pût les réfléchir avec régularité ? Mais luppofons encore que cette furface fût parfaitement régulière; il faudroit que tous les corpufcules de lumière cuflent une forme fphérique, 6c fuflent doués d’élafticité. On conçoit avec facilité comment une fphere élaftique fe réfléchira contre un plan , en faifant l’angle de réfledtion égal à celui d’incidence. Mais fl ce corps eft irrégulier, elliptique, cylindrique, tel enfin que la ligne tirée de fon centre de gravité au point de contact, ne foit point perpendiculaire à la furface réfléchif-fante , il n’y aura plus d’égalité entre les angles d’incidence ôc de réfledtion. Or qui fe perfuadera que toutes les particules de la lumière foient élaftiques 6c de forme fphérique ? Je n’ignore pas que l’on pourra dire avec Malebranche, que ce font de petits tourbillons dès-lors fphériques 6c élaftiques ; mais c’eft-là une pure hypothefe, une fuppofition tout-à-fait précaire, 6c pour laquelle aucun phénomène ne dépofe. Il n’en eft pas ainfi des aftèrtions de M. Newton. Il n’en avance aucune que plufieurs expériences ou obfervations ne lui en fournilTent un motif légitime. La réfledtion ne fe fait donc point par le choc des parties de la lumière contre celles des corps. C’eft une vérité reconnue aujourd’hui, de ceux-là même qui rejettent le furplus du fy^" tême Newtonien fur la réfradtion 6c la réfledtion. Quelle eft donc la caufe qui nous renvoyé la lumière ? La voici, fuivanc M. Newton. Pour y arriver par degrés , imaginons un rayon DES MATHÉMATIQUES. Part. IV. Liv. IX. 63 j tombant obliquement fur la furface d’un corps denfe, ôc tendant à en fortir pour entrer dans un milieu plus rare qui le rompt en leloignant de la perpendiculaire. Il y a une certaine obliquité fous laquelle la petite courbe E CI, que nous avons Fig. 151« vu décrite par le corpufcule de lumière , fera telle que fon fom-inet touchera la ligne LK, qui eft le terme jufqu’où s’étend l’aêlion du corps fur la lumière. Ainfi tout rayon moins oblique pénétrera dans le fécond milieu ; tout autre doit être réfléchi ne pouvant y pénétrer. Car dès que la courbe E CI, touchera la ligne L K , alors, fuivant les loix de la Méchanique, le corpufcule qui l’a décrite , fera obligé d’en décrire une femblable ôc égale Ice, par faction du corps qui l’attirera à lui; tout comme on voit un corps projette obliquement à l’horizon en montant, décrire après être parvenu au plus haut, une demi-parabole égale ôc femblable à la première. Enfin tous les autres rayons plus obliques , ou ayant moins de vîtefie décriront de femblables courbes, mais en pénétrant moins dans le fécond ' milieu , ou même fans l’atteindre. Car le corpufcule qui dé- crit la ligne R 772 fort inclinée, n’eft pas plutôt arrivé à une certaine proximité de la furface qui fépare les deux milieux, que fon chemin commence à fe courber par les raifons expliquées ci-deffus, ôc lorfque la direction de ce chemin eft devenue parallele à cette furface comme en /z, alors le corpufcule retiré en arriéré, décrit une courbe no égale ôc femblable à la. première m n, ôc arrivé en o où ceffe fon attra&ion vers le dehors, il s’échappe par la tangente en 0, ôc continue fa route en ligne droite.C’eft la fimilitude de ces courbes de côtéôc d’autre, qui fait que l’angle de réfie&ion eft égal à celui d’incidence. Au refte,tout cela occupe fi peu d’étendue qu’on peut regarder la réfleétion ôc la réfraêlion, comme fe faifant dans un feul point. Nous venons d’expliquer avec fuccès cette forte de réflec-tion, ôc mettant à part tout attachement aux idées du celebr e Philofophe Anglois, nous penfons qu’il feroit difficile d’en rendre d’autre raifon ; mais celle que nous voyons fe faire fur la furface des corps opaques ôc polis , eft-elle de la même nature ? On doit le dire dans le fyftême que nous expofons, ôc yoici comment en le rend probable. Nous ayons vu dans les deux expériences rapportées au * LUI i j M HISTOIRE commencement de cet article, que les corps agiflent fur la lu* miere , tantôt en la repouflant , tantôt en lattirant fortement à eux. Il eft à la vérité probable , que ces attrapions ôc répul-fions tiennent à un même principe , quel qu’il foit, ôcque ce ne font que deux maniérés différentes dont la même puiffance agit fuivant les circonftances. Quoi qu’il en foit, nous fouîmes fondés à admettre dans les corps une puiflance quelquefois répulfive, à l’égard des rayons de la lumière, buppofons donc un corps dont les particules foient douées d’une pareille force. Lorfqu’un corpuicule de lumière s’approchera de fa furface* s’il y arrive obliquement, fon mouvement fera infléchi, Ôc fe fera dans une courbe tournant fa convexité à la furface réflé-chiffante, Ôc dès que par faction de cette force répulfive le corpufcule de lumière aura pris une direćtion parallele à cette furface, il ceflera de s’en approcher , ôc décrivant une fécondé courbe femblable à la première, il s’échappera par une tangente qu’on voit facilement devoir être autant inclinée en fens oppofé au p’an réfléchiflant, que la ligne d’incidence* Chaque rayon pénétrera d’autant plus dans le petit efpace où s’exerce la répulfion , qu il tombera moins obliquement ; ôc comme cette répulfion croit beaucoup plus rapide* ment que ne diminue la diftance , elle pourra avoir la force , non feulement de retarder le mouvement du rayon perpendiculaire * mais encore de le repoufler en arriéré. Tout cela eft entièrement conforme aux loix de la Méchanique , fi l’on admet le principe ci-deflus ; mais, nous n’en difconviendrons pas, c’eft dans ce principe que réfide la difficulté. Car admettre tantôt une puiflance attraêlive, tantôt une puiflance répulfive, c’eft ce qu il n’eft pas aifé de concilier avec les réglés de la faine phyfique : & quant à ce que dit quelque part M* Newton , que de même que les quantités négatives commencent où Unifient les pofitives, ainfi la répulfion commence où finit 1 attraćlion, cela me paroît plus mathématique que phyfique , & plus ingénieux que folide. Il me femble que pour réfoudre cette difficulté, on pourroit dire que les milieux diaphanes font ceux dont la contexture eft telle qu’ils exercent une plus grande force d’attraction fur la lumière; car en admettant cette fuppofition > il fera facile de voir que dans le contaét d’un milieu tranlparent DES MAT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. IX. 637 avec un opaque, l’attraélion du premier l’emportant fur celle du dernier, l’excès de l’une fur l’autre fera une force équivalente à une répulfion exercée par celui-ci. Cette idée pourroit être davantage développée , 6c peut être mife à couvert de diverfes difficultés que j’entrevois. Quoi qu’il en foit, M. Newton a tenté de rendre une raifon méchanique de ces attrapions ôc répudions, dans les queftions qui terminent fon Optique. Il conjećlure que ces effets pourroient bien être occafionnés par faction d’un milieu extrêmement élaftique, répandu dans tous les corps, Ôc qui remplit même les efpaces vuides de tout corps fenfible. Ecoutons - le lui - même dans la queftion XVIII. « La chaleur, dit-il , n’efl - elle pas communias quée à travers le vuide par les vibrations d’un milieu beau-53 coup plus fubtil que l’air, lequel milieu refte dans le vuide 33 après que l’air en efl pompé ? Et ce milieu n’efl-il pas le 33 même que celui qui rompt ôc qui réfléchit la lumière, ôc 33 par les vibrations duquel elle échauffe les corps , ôc efl 33 mife dans des accès de facile tranfmijjion & de facile réflexion, 33 &c f ( On verra bien tôt ce que Newton entend par-là ). La 33 réfraélion de la lumière, continue-t’il dans fa queftion 33 XIX , ne provient-elle pas de la différente denfité de ce mi-33 lieu éthérée , en différens endroits , la lumière s’éloignant 33 toujours des parties du milieu les plus denfes ? Et fa den-33 fité n’eft-elle pas plus grande dans les efpaces libres ôc vui-33 des d’air ôc d’autres corps plus grofîiers , que dans les pores 33 de l’eau, du verre , du criflal, des pierres précieufes, ôcc ? 33 Car lorfque la lumière paffe au-delà du verre ou du criflal , 33 ÔC que tombant fort obliquement fur la furface du verre la 3> plus éloignée , elle efl totalement réfléchie, cette réflePion 33 totale , doit plutôt venir de la denfité ÔC de la vigueur du. 33 milieu hors du verre ÔC au-delà du verre, que de fa ra-33 reté ôc de fa foibleffe ? Ce milieu , clit-il , encore dans 33 la queftion XX , paffant de l’eau j du verre, ôcc, dans 33 d’autres corps plus rares, ne devient-il pas toujours plus is denfe par degré , &; ne rompt-il pas par ce moyen , les 33 rayons de lumière, non dans un point, mais en les pliant 33 peu à peu en ligne courbe ; ôc la condenfation graduelle de 33 ce milieu ne s’étend-elle pas à quelque diftance des corps, » ôc ne produit-elle pas par-là les inflexions des rayons de la 658 HISTOIRE w lumière qui paffent près de leurs extrémités, Sc à quelque « diftance ? » Ces endroits Ôc plufieurs autres font propres à juftifier Newton de l’imputation il fouvent répétée contre lui, de recourir à de nouvelles propriétés de la matière pour expliquer certains phénomènes. Si dans quelques occafions, il a paru pancher vers 1’attraćtion , confédérée comme propriété inhérente à la matière , cela ne doit point nous furprendre. Il eft naturel que dans une difcufîîon hériftée de tant de difficultés , quelquefois les unes préponderent fur les autres. Et cette efpece de contradiction , qui indique un embarras à fe décider , fondé fur les difficultés qu’on entrevoit de toutes parts, eft fans doute plus digne d’un efprit philofophique, que la hardie confiance du Philofophe qu’on met fouvent en oppo-fition avec Newton. Il fe préfente en ce lieu une queftion qui mérite que nous en dirons quelques mots. Après avoir vu que les rayons diverfement colorés font inégalement réfrangibles, on a demandé quelle pouvoit être la caufe de cet effiet. On s’eft partagé fur cela ; les uns l’attribuant à la différente mafie des particules de la lumière , les autres à leur différente vîteffe. Quant à moi, il me femble que pour répondre à une pareille queftion , il faudroit avoir des connoiffances que nous n’avons point encore. En effet, dans l’hypothefe même de l’émiffion de la lumière , hypothefe qui n’eft pas fans difficultés , il faudroit fçavoir quelle eft la nature de cette force, qui détourne la lumière êc produit la réfradtion. Car fi on la fait confifter dans une propriété inhérente à la matière , il faudra dire que la différente réfrangibilité, eft l’effet de la différente vîteffe des particules de la lumière. Ceux qui ont penfé le contraire, ne faifoient pas attention que fuivant les principes de la méchanique, un boulet de' canon lancé obliquement avec la même vîteffe 2C la même direćtion que la plus petite balle de plomb, ne décri-roît pas une autre courbe, du moins en faifant abftraćtion de la réfiftance de l’air. Or l’un êc l’autre cas font abfolument femblables, Mais fait-on conhftér 1’attraćtion dont il s’agit ici, dans faction d’un fluide élaftique, comme le foupçonne M- New' ton , le cas fera bien différent, Alors la différence des m^cs pourra, ou feule, ou conjointement avec la différent des DES MAT HÉM AT IQU E S. Part. IV. Liv. IX. 639 vîteffes, produire la différente réfrangibilité. Car les particules les plus groffes, pourront, toutes chofes d’ailleurs égales, être les moins dérangées. Ainfi dans cette fuppofition les rayons rouges peuvent être ceux qui ont le plus de maffe. Il nous refte à parler de quelques expériences de M. Newton , d’un autre genre que les précédentes, êc trop curieufes pour que malgré l’obligation ou nous fommes d’abréger, nous puillions les omettre. Les voici : M. Newton prit un verre plan-convexe, êc un autre convexe des deux cotés, êc ayant fon foyer à 50 pieds de diftance. Il appliqua le dernier fur le coté plan du premier , êc les prcffant légèrement l’un contre l’autre, il vit fuccefîivement fortir du centre divers anneaux colorés qui s’étendoient davantage en diametre., êc fe rcflêr-roient quant à leur largeur , à mefure qu’il preffoit, jufqu’à ce que ces verres étant comprimés à un certain point, il fe fit au centre une tache noire, après quoi il ne parut plus de nou-vell es couleurs , Sc elles s’étendirent feulement en largeur êc en diametre. Dans cet état l’ordre des couleurs dans chaque anneau allant du centre à la circonférence étoit celui-ci : le premier, NOIR j bleu, blanc , jaune, rouge ; le fécond , VIOLET , bleu , vertjaune, rouge ; le troifieme, POURPRE , bleu , vert, jau-* 72c, rouge; le quatrième , VERT , rouge ; le cinquième , BLEU verdâtre, rouge ; le fixieme, BLEU verdâtre rouge gale ; le fep-tieme, bleu verdâtre , blanc rougeâtre. Les mêmes phénomènes , êc le même ordre des couleurs paroiffent avec des verres de quelque convexité qu’ils foient, à moins qu’ils ne foient portions de trop petites fpheres , parce qu’alors ces anneaux colorés font trop refferrés, êc fe dérobent à la vue ; d’où l’on peut conclure que ce phénomène ne fçauroit être l’effet du hazard , mais qu’au contraire il dépend d’une caufe réglée êc permanente. Pour venir à bout de découvrir quelque chofe fur ce fujet, M. Newton fe comporta avec fa fagacité ordinaire. Il mefura les demi'ùiametres de ces anneaux dans les endroits où ils parodiaient le plus eclatans-, êc après plufieurs mefures réitérées, il trouva que leurs quarrés Envoient les rapports des nombres impairs 1 9 3 > 5 5 7 * 9 * 11 > Scc. Au contraire les demi-diame-tres des intervalles obfcurs entre chacun des anneaux, en commençant par la tache noire du centre, avoient leurs quar 6ąo HISTOIRE rés dans les rapports des nombres pairs 0,2,4,6,8,10, êcc. Et comme l’un des verres étoit plan , il fuit delà que les intervalles de ces verres , ou les épaiffeurs des pellicules d’air qu’ils comprennent dans les endroits qui for-moient les anneaux lumineux , étoient dans les rapports de ces nombres impairs, tandis que ces épaiffeurs aux anneaux obf-curs étoient comme les nombres pairs. M. Newton calcula en-fuite , d’après le diametre de la convexité de Tobjećtif ci-deffus , qui étoit de igi pieds, quelle étoit l’épaiffeur réelle de chacune de ces couches d’air, êc il trouva que celle de l’endroit le plus lumineux du premier anneau, étoit la 178000e d’un pouce ; par conféquent celle du lieu le plus brillant du fécond anneau , trois 178000^, êc ainfi de fuite. Il mefura pareillement les diamètres de ces anneaux à chacune des couleurs, d’où par un calcul femblable il détermina l’épaiffeur de la couche d’air réfléchiffant chaque couleurs, êc il en dreffa une table. Il trouva fenfiblement les mêmes réfultats , c’eft-à-dire, les mêmes rapports de largeur, êc les mêmes épaiffeurs , en employant divers autres verres de convexités connues, êc à voir les précautions qu’il y a prifes , on ne fçauroit douter que ces mefures ne foient aufîi exadtes qu’il eft poffible de l’attendre du plus adroit obfervateur. M. Newton fit enfuite gliffer entre fes deux objećtifs une goutte d’eau ; cette goutte en y étendant fît refferrer les anneaux fans changer leur ordre , dans le rapport de 7 à 8 , d’où réfulte entre les épaiffeurs de couches d’eau êc d’air cor-refpondantes aux mêmes couleurs, celui de 3 à 4, qui eft le rapport de la réfradtion de l’eau dans l’air. Enfin pour reconnoître les couleurs que forment les pellicules d’un milieu plus denfe, environné de toute part d’un plus rare , il fe fervit d’une bouteille d’eau de favon foufflée avec un chalumeau , divertiffement connu par tout des enfans, mais qui entre les mains de notre Philofophe devint Tinftrument d’une découverte remarquable. Ayant fait une pareille bulle , êC l’ayant mife à l’abri fous un vafe de verre très-tranfparent ? 1* obferva les fuites de couleurs qui fe forment fur fa furface , a mefure que le fluide s’écoulant en bas, elle s’amincir- U vic les mêmes couleurs en fens contraire que ci-deflùs, s’étendre annulairement du fommet de la bulle., vers la circonférence DES MAT H É M AT I QU E S. Pan. IV. Liv. IX. 641 de la bafe où elles s’évanouiffoient ; de forte qu’à mefure qu’elle s’aminciffoit, elle donnoit par réfledtion les mêmes couleurs que la couche d’air ou d’eau interceptée entres les ob-jedtifs des expériences précédentes. La feule différence étoit que ces couleurs dans la bulle d’eau paroiffoient beaucoup plus vives que dans la couche d’air ou d’eau dont nous venons de parler (a). Les expériences précédentes nous conduifent avec M. Newr ton, à former des conjectures fort probables fur la caufe de la couleur des corps. En effet, puifque nous avons vu de petites lames d’air, d’eau, de verre , réfléchir différentes couleurs , à proportion quelles font moins épaiffes, n’eft-il pas naturel de faire dépendre la couleur d’un corps de la différente épaiffeur, Le la différente denfité des lames tranfparentes dont il eft compofé. Une couleur, par exemple, vive êc telle que celle que M. Newton nomme du troifieme ordre, parce qu’elle appartient au troifieme anneau coloré, fera produite par des particules qui, fl elles font de la denfité de l’eau, auront une épaiffeur égale aux 21 cent millièmes d’un pouce. Il fuit encore des expériences de M. Newton, que plus la denfité de la lame réfléchiffante eft grande, plus la couleur eft fixe , êc invariable fous quel angle qu’on la regarde, au lieu que fi cette lame eft peu denfe, comme la lame d’air entre deux objectifs, la couleur varie, de forte que ceci peut fervir à rendre raifon de la fixité & de l’efpece de mobilité des couleurs de certains corps. Mais ce n’eft pas là la conféquence la plus furprenante que nous offrent ces expériences. Elles nous montrent un phénomène fort fingulier, fçavoir que chaque rayon de lumière, à fon paffage d’un milieu dans un autre , acquiert une certaine difpofition qui fait que tant qu’il refte dans ce fécond milieu, il eft alternativement propre à être réfléchi ou à être tranfmis avec facilité à la rencontre d’un milieu différent , foit que cette difpofition réfide dans le rayon même, ou qu’elle foit l’effet des vibrations de ce milieu fubtil Sc infiniment (a) M. Mariotte a connu auffi ces couleurs produites par des lames minces d’eau, de verre ou de talc j mais lés expériences ne font pas pouflées loin comme celles de M. Nev/ton, & les raifons qu’il en donne IVnt bien différentes. On peut lire liir le Tome //. même fujet un Mémoire de M. Mazeas, inféré dans le Recueil des Mémoires des Sçavans étrangers, T. n. Il eft intéreffant par les nouvelles expériences qu’a fait ce Phyficien fur ces couleuts & leur production, Mmmm ćąi HISTOIRE élaftique , auquel M. Newton penfe qu’on peut attribuer îa caufe de la réfle&ion , de la réfradtion , ôc meme de la gravitation univerfelle. On voit, en effet, par les expériences ci-deffus qu’un rayon de lumière eft réfléchi ôc tranfmis alternativement fuivant que l’épaifleur de la plaque mince , eft de 0,1,2, 3 ,4,5,6, ôcc. qu’il eft tranfmis aux épaiffeurs 0,2, 4,6, ôcc. ôc réfléchi par les épaiffeurs 1,3,5, Ôcc. On a vu aufîi que la moindre de ces dernieres, fçavoir celle qui eft défignée par 1 , eft pour une couche d’air entre deux verres, line 178000e d’un pouce. Ainfi il faut dire que ces alternatives de facile réfection ou tranfmifîion , reviennent à des intervalles qui ne font pas plus grands, lorfque la lumière pafte du verre dans l’air, qu’une 178000e de pouce, ôc ces intervalles font, en vertu des mêmes expériences, plus courts dans l’eau que dans l’air, dans le rapport de 3 à 4 ; ôc encore plus courts dans le verre que dans l’eau , fçavoir comme 8 à 9, qui eft la raifon des finus de la réfradtion de l’un dans l’autre. Voilà, nous en conviendrons, une propriété bien fînguliere, êc bien capable d’exciter l’étonnement, je l’avouerai même, de faire des incrédules. Mais avant que d’en porter un jugement , il faut confulter l’ouvrage de M. Newton, qui contient une foule d’expériences fur ce fujet, dont je n’ai pu donner ici qu’un efquiffe. Si l’on n’en revient pas convaincu, on en reviendra du moins pénétré d’admiration, pour le génie qu’on y voit éclater de toutes parts. M. Newton a fait fur les inflexions de la lumière , des expériences qui ne font pas moins curieufes, ôc qui le mènent a des réfultats qui ne font pas moins extraordinaires. Quel-qu’en foit le fort, il fuit bien certainement de ces expériences que, tout comme les rayons diverfement colorés ont des réfrangibilités inégales , de même ces rayons fouffrent fous même inclinaifon des inflexions inégales ; ôc c’eft-là ce qui Separe les couleurs , ôc qui produit dans l’ombre ces franges femblables à l’arc-en-ciel, que M. Newton examine avec tant de fagacité dans ces expériences. Nous ne le fuivrons pas dans cette partie de fon ouvrage, parce que nous ne pourrions le faire fans une exceffive prolixité. D’ailleurs, c’en eft affez fur ces matières, plus phyfîqucs que mathématiques, & nous allons nous reftèrrer plus étroitement dans les limites de n°ae DES M AT H É M AT I QUE S. Part. IV. Liv. IX. 64.3 plan, de parler du Télefcope à réfledtion, autre découverte ae M. Newton, pour laquelle il a encore tant de droits à notre reconnoiffance. y 11. En annonçant le Télefcope à réfledtion comme une dé- DuTélefcopi, couverte de M. Newton nous ne prétendons pas qu’avant * téfie&ton^ lui perfonne n’eût eu l’idée d’une pareille conftrudtion. Dès qu’on eut remarqué qu’un miroir fphérique concave , peint à une certaine diftance de fa furface une repréfentation des objets femblable à celle des lentilles convexes, il étoit allez naturel d’en conclure qu’un miroir devoit produire le même effet que l’objedtif d’un Télefcope, de d’imaginer cette nouvelle forme. Aufîi avons-nous vu au commencement de ce Livre , Jacques Grégori s’efforcer de conftruire un Télefcope à réfledtion ; de même long-tems auparavant le Pere Merjenne en entretenoit Defcartes , dC auguroit de cette difpofition quelque degré de perfedtion pour les Télefcopes. Mais notre Philofophe ne goûta point cette idée, de il y trouva même divers inconveniens (a). Il avoit raifon en un fens ; car lans la différente réfrangibilité des rayons , qui ne lui étoit point connue, le Télefcope à réfledtion n’auroit pas le moindre avantage fur celui à réfradtion. Il n’auroit même pas l’avantage d’accourcir confidérablement la longueur des lunettes. Car à même diftance de foyer, les images peintes par un miroir concave dc une lentille , font de même grandeur ; mais pour avoir un miroir de même foyer qu’une lentille plan convexe , il faut que la fphere dont il eft portion , ait un diametre quadruple. D’ailleurs la difficulté de donner à un miroir le poli convenable, eft incomparablement plus grande, que celle de travailler un verre d’égale perfedtion ; d’où l’on peut voir combien peu l’on devoit attendre de cette nouvelle forme de Télefcope , avant qu’on eut les raifons qui ont déterminé M. Newton à la tenter de nouveau. Ces raifons font tirées de la différente réfrangibilité de la lumière , Sc par conféquent telles que quand même M. Newton n’eut eu aucune connoiffance de l’ouvrage de Grégori , (a) Lett. T. il. Lett. *9 & 3 a. Mmmm ij *44 HISTOIRE elles l’auroient également conduit à cette invention. En effet*' Newton n’eut pas plutôt fait la découverte de cette nouvelle propriété de la lumière, qu’il vit qu’il en naiffoit une nouvelle caufe de confufion dans les images formées par les verres lenticulaires, ôc que cette confufion , compagne prefque infé-parable de la réfradbion , étoit bien plus grande que celle qui efi: caufée par le défaut de la figure fphérique * entant quelle ne peut réunir les rayons venant d’un point, précifément dans un autre. Ce fut cette confidération qui tourna les vues de Newton du côté de la réfledtion, qui n’a pas le même inconvénient que la réfradtion. Mais étendons davantage ceci* pour la fatisfadtion du ledteur. Afin de rendre fenfible les effets de la différente réfrangibilité de la lumière en ce qui concerne la diftindfcion des images produites par les verres lenticulaires , imaginons deux rayons qui partent d’un point, ôc qui tombent fur un pareil verre peu loin de l’axe. Chacun de ces rayons fe divifé en plufieurs autres, dont les plus réfrangibles ont leur foyer le Fig. 1.34. plus près de la lentille en F, ôc les moins réfrangibles en f ÿ tous les autres de réfrangibilité moyenne tombent dans l’intervalle entre F ÔC f Si donc on préfente à ces rayons un plan ? aux environs de/F , ils y formeront une image qui fera, non un point, mais un cercle ; ôc le plus petit de ce s cercles, ou le plus petit efpace où ces rayons puiffent être réunis , fera celui qui aura GI pour diametre. C’eft-là ce qu’on nomme l’aberration des rayons. Or M. Newton ayant montré que les finus de réfradtion des rayons qui différent le plus en réfrangibilité, font comme 77 à 78 , on trouve que lorfque les rayons incidens font fenfiblement parallèles, le petit efpace F/, efi: environ la 27e partie de la diftance du foyer du verre. D’où il fuit que IF, ou If9 cpfi font fenfiblement égales, font environ la 55e de cette diftance, ôc par conféquent le diametre GI da cercle d’aberration eft environ la 5 5e partie de celui de l’ouverture du verre. Voyons prefentement quelle eft l’aberration caufée par la figure fpherique du verre. Cette aberration vient de ce que les rayons également réfrangibles, qui tombent fur un verre convexe , à quelque diftance fenfible de l’axe, vont rencontrer cet axe plus près du verre que le foyer. ( Car le foyer n’eft que DES MATHÉMATIQUE S. Part. IV.Z^V.IX. 645 concours des rayons infiniment proches de Taxe : ) 8c cette différence eft d’autant plus grande que l’ouverture eft plus confir dérable. M .Newton trouve que dans une lentille plan convexe de 100 pieds de foyer, 8c de 4 pouces d’ouverture en diametrè, la largeur du petit cercle d’aberration , qui naît uniquement du défaut de la fphéricité, n’eft que la 7l0/0V0- d’un pouce (a) ; tandis que celle du cercle d’aberration, caufée par la différente réfrangibilité, eft la 55e partie de l’ouverture, ou de quatre pouces. D’où il fuit que celle-ci eft 5450 fois plus grande que la première. Mais fi n’ayant égard qu’à la partie la plus denfe de ce cercle, on en réduit avec Ml. Newton le diametre à une 250e de celui de l’ouverture, on trouvera encore que cette aberration eft 1 200 fois plus grande que celle qui naît du dé* faut connu de la fphéricité. On voit par-là que le défaut des Télefcopes à réfradtion , ne vient point de l’inaptitude de la figure fphérique à réunir les rayons venant d’un même point précifément dans un autre ; en vain corrigeoit-on l’aberration qui vient de cette caufe, comme Defcartes tentoit de*le faire , en donnant aux verres une figure plus convenable ; on n’en feroit pas plus avancé. L’autre efpece d’aberration , incomparablement plus grande, fubfifteroit encore, 8c il eft évident que c’eft: elle qui eft la caufe de la confufion des images , 8c de Fimperfec-tion des Télefcopes à réfradtion. Ce fut ce motif qui fit fonger M. Newton à fubftituer la réfledtion à la réfradtion. Car la réfledtion n’a point l’inconvénient de cette derniere. Les rayons , qùoiqû’înéga 1 em ent réfrangibles , fe réfléchiftent tous à angles égaux avec ceux d’incidence ; de forte que la réfledtion de la lumière dans lès miroirs' concaves , eft exempte de cette aberration qui fuir nécdïairc-nient le paflage des' rayons à travers les milieux refringens. Les images formées par ces miroirs, font par cette raifon in-Gornparablement plus nettes ôc plus diftindtes que celles que formeroient des lentilles de même foyer. La différence en eft tout-a-fait frappante, comme fobferye M. Hévélius (£) 8c qu’il eft facile à chacun de l’éprouver. . ^ C’eft en cela que confifte l’avantige 8c le principe du Té- fa) M. Newton donne pour cela une regle qu’on peut voir dans fon Optique,.-fa) Mach. celejłis, T. i, p. 43 s & ^Vł 64<; HISTOIRE lefcope à réflexion. Car il eft aifé de fentir que fi l’image formée par le miroir eft incomparablement plus diftinćte que celle a un verre , on pourra employer une oculaire d’un foyer beaucoup moindre, êc par une fuite néceftaire le Télefcope préfentera les objets confidérablement plus groiïis. Un Télefcope à réfledtion équivaudra à un de l’ancienne forme beaucoup plus grand. Tout ce raifonnement deM .Newton a été parfaitement confirmé par l’expérience. Un Télefcope de cinq pieds , conftruit par M. Hadlei, fuivant la forme Newtonienne , fe trouva égaler en bonté , ôc même furpafter le Télefcope de 123 pieds, dont M. Huyghens avoit donné Tobjećtif à la Société Royale de Londres. M. Newton fit part de cette invention à la Société Royale, bien peu après fa nouvelle théorie de la lumière (a). Voici la conftrućtion qu’il propofoit, ôc qui différé en quelques points de celle qui eft vulgairement ufitée aujourd’hui. ABCD,eft un tube au fond duquel eft placé un miroir concave, dont Taxe Fig. 13;, eft direćtement coincidant avec celui du tube. Ce miroir pein-droit , comme Ton fçait , vers fon foyer l’image de l’objet OM , vers lequel Taxe du Télefcope eft tourné ; mais un peu avant ce foyer eft placé un miroir incliné d’un angle de 45° 9 ôc qui renvoyé l’image ci-deftus fur le coté, au devant d’une pculaire d’un très-petit foyer, placée en I. C’eft à l’aide de de cette lentille que l’œil P confidere cette image, ôc il voit l’objet groffi en raifon de la longueur du foyer de l’oculaire, à celle du foyer du miroir qui tient lieu d’objedtif. M. Newton , après bien des peines , parvint à réduire fon invention en pratique. Il fe conftruifit entr’autres un Télefcope de cette forme , dont le miroir concave de métal, étoit portion d’une fphere de 1 2 pouces \ de rayon , ôc avoit par conféquenc fon foyer à 6 pouces f. L’oculaire I , avoit entre ÿ ôc ^ de pouce de foyer , ôc par conféquent le Télefcope groffiftoit 31 à 38 fois l’objet en largeur; ôc produifoit, à quelque défaur de clarté près, le même effet qu’un excellent Télefcope à réfradtion de trois pieds, c’eft-à-dire, fix fois aufîi long. Ce defaut de clarté venoit de la difficulté qu’il y a à polir ces miroirs concaves avec aftez de perfedtion. M. Newton y en trouva {a) Voy. Travf. Phil. n®. 8 z. DES M AT H É M AT IQ U E S. Part. IV. Liv. IX. 647 plus qu’on ne croiroit d’abord, aufïi-bien qu’à découvrir une compolition de métal propre à cet effet. L’expérience lui apprit que les métaux en apparence les plus éclatans , font parfemés d’une multitude de pores qui interceptent beaucoup plus de lumière qu’il ne s’en perd dans fon paffage à travers les deux furfaces d’un objectif de verre , ôc que le poli qu’il faut donner au métal pour produire quelque diflinction , doit être beaucoup plus parfait que celui des verres ; car les aberrations qui naiffent de la réfledtion irrégulière, font, fuivant M. Newton, fix fois aufîi grandes que celles que produifent les irrégularités du verre fur la lumière rompue. Lorfque M. Newton eut publié , dans les Tranfactiom Philo-fophiques, fon nouveau Télefcope, il y eut en France un homme qui prétendit lui en difputer l’invention. M. Ca.JJegrain J c’eft le nom de ce rival de Newton, inféra dans le Journal des Sçavans de la meme année ( 1671. ) diverfes Pièces tendant à prouver qu’avant que le récit de l’invention de M. Newton eut paffé la mer , il avoit imaginé un Télefcope à réfledtion, ôc même fupérieur à celui du Philofophe Anglois. La conf-trudtion de ce Télefcope étoit fort reffemblante à celle de Grégori, excepté qu’au lieu du miroir concave , recevant la première image de celui qui eft au fond du tube, il propo-foit de fe fervir d’un miroir convexe qui devoit réfléchir du côté de l’oculaire, cette image, ôc l’augmenter davantage. Ce Télefcope étoit à celui de Grégori, à peu près ce que le Télefcope batavique ou à oculaire concave, eft: au Télefcope aftronomique. M. CaJJegrain ou fes partifans trou voient cette difpofition bien meilleure que celle de Newton. Et en effet, à la confidérer dans la théorie , elle femble avoir quelques avantages fur cette derniere. Car outre que le T éîefcope devient beaucoup plus court, le miroir convexe en difpergeant les rayons , augmente l’image formée par le premier. M. Newton de fon côté propofa diverfes obfervations contre la conftrudtion de Çajfegrain, ÔC tenta de montrer qu’elle étoit fujette à divers inconvéniens. Mais quelques-unes de ces obfervations iroiéne egalement contre la conftru a calculé quelle eft Tome IL N u n n tfjo HISTOIRE cette largeur (a), ôc il a trouvé que fi le Soleil étoit fans largeur fenfible celle de l’arc intérieur feroit de 20, à quoi ajoutant 30', pour le dcmi-diametre apparent du Soleil, la largeur totale feroit i° Mais comme les couleurs extrêmes s furtout le violet, font extrêmement foibles, elle ne paroîtra pas excéder deux degrés. Il trouve > d’après les mêmes principes, que la largeur de l’iris extérieure , fi elle étoit également forte partout , feroit de 40. zo'. Mais il y a encore ici une plus grande dédudtion à faire à caufe de la foiblefle des couleurs de cette iris , ôc elle ne paroîtra guère que de 30 de largeur. M. Hallei eft entré le premier dans une recherche fort ingénieufe concernant l’arc-en-ciel. Il faut en donner ici une idée au ledteur. Nous avons vu que l’arc-en-ciel intérieur eft formé par des rayons qui foufFrent deux réfradtions , entre lefquelles eft une réfledtion. La fécondé iris eft formée par deux réfractions , dont la derniere eft précédée de deux réfledtions. La nature s’arrête ici, ou plutôt faute d’organes aftèz délicats , nous n’appercevons pas d’autres arcs-en-ciel. Mais ou s’arrêtent nos organes, l’efprit ne s’arrête pas , Ôc c’eft une queftion qu’on peut faire , quelles feroient les dimenfions des iris qui fc formeroient par des rayons qui auroient foufFert 3, 4, 5 réflec-tions, ôcc, avant que de fortir de la goutte d’eau. M. Hallei l’examine dans les Tranfaclions Philofophiques de l’année 1700,, où il donne aufii une méthode diredte pour déterminer le diametre de l’iris, le rapport de la réfradtion étant connu. Car il faut remarquer que la méthode de M. Defcartesétoit une forte de tâtonnement, ôc perfonne n’en avoit encore donné d’aü-tre, fi nous en exceptons M. Newton, dans fon Traité, ôc fes Leçons Optiques , qui n’avoient pas encore vu le jour. M. Hallei examine donc la queftion plus diredtement, & Ü trouve que la première iris eft produite par des rayons incidens dont l’angle d’inclinaifon eft tel que l’excès du double dé l’angle rompu correfpondant fur cet angle d’inclinaifon , eft le plus grand qu’il eft poflible: la fécondé iris eft formée par de» layons tels que l’excès du triple de l’angle rompu fur celui d’i11" clinâifon, eft pareillement le plus grand * la troifieme, par 0) Yoy. Lett. Qçu ad fin» DES M AT H É M AT I QU E S. Pan. IV. Liv. IX. 65r rayons tellement inclinés à leur entrée, que le quadruple de l’angle rompu furpalTe le plus qu’il eft poffible l’angle d’inclinaifon , ôcc. en prenant un multiple de l’angle rompu qui fur-pafle de l’unité le nombre des réfleétions. Dès-lors voilà le problème fournis à l’art de l’Analifte ^ il ne s’agit plus que de déterminer quel eft l’angle d’inclinaifon , tel qu’un certain multiple donné de fon angle rompu correfpondant, le fur-pafte aun excès qui foit le plus grand qu’il fe puifle. M. Hallei trouve pour ces angles d’incidence ôc leurs angles rompus cor-refpondans * une formule fort générale. En nommant i ôc r, les ftnus des angles d’incidence Ôc rompu, ôc 1 le finus total, le ftnus d’incidence pour la première iris , fera \/ (| pour la fécondé \l ( 1 ~ ), pour la troifieme >/(77—~r ) > pour la quatrième ce fera \/ ( il — ), ôcc. La progreflion eft facile à appercevoir ; car les nombres 4,9,16,25, font les quarrés de 2,3,455 qui défignent le nombre des réflec-tions augmenté de I , ÔC les dénominateurs 3, 8, 15, ôcc. font ces mêmes quarrés diminués de l’unité. Mais l’angle d’incidence des rayons étant donné, il fera facile de trouver l’angle rompu, puifque la raifon de la réfraction eft donnée ; ôc enfin de ces deux angles il eft facile de dériver celui fous lequel le rayon fortant de la goutte, rencontre le rayon incident {a). Or celui-ci, à caufe de l’immenfe éloignement du Soleil, eft fenfiblement parallele à la ligne tirée de cet aftre, par l’œil du fpcćtateur , au centre de l’iris ; d’où il fuit que cet angle mefurera le rayon de l’iris, à compter du point diamétralement oppofé au Soleil, fi le nombre des réfleétions eft impair, (comme dans la première, la troifieme, la cinquième iris), ou du Soleil même, fi ce nombre eft pair, comme dans la féconde, la quatrième, la fixieme, ôcc. C’eft-là la regle que donne M. Hallei 3 ÔC il trouve par-là que la première iris a un *ayon de 41% 3°'; la fécondé de 51 °, 5 5', l’une ôc l’autre à compter de Toppofite au Soleil, comme l’obfervation l’a déjà montré> que la troifieme, fi elle paroifloit, feroit éloignée de cet aftre, {a) Il n y a qu’à multiplier l’angle rompu par le nombre des réflexions augmenté de runite, & en ôter l’angle d’incidence. Nnnn ij 652 - HISTOIRE de 40°, 20/ ; la quatrième de 450, 3 3', ôcc. Ce peu d’éloignement du Soleil Ôc des arcs-en-ciel de la troifieme Ôc la quatrième cia (Te , eft probablement ce qui a empêché jufqu’ici d'en voit aucun. J’omets, pour ne pas tomber dâlns une trop grande prolixité , diverfes autres chofes intéreiïantes que contient l’écrit de M. Hallei. Le même problème a été traité par M. Herman (a), qui attefte M. Bernoulli, qu’il en avoit trouvé la folution» avant que devoir pu connoître celle de M. Hallei. On en trouve aufii une folution dans les (Euvres du même M. Bernoulli. Enfin l’on en lit une qui m’a paru très-claire ôc très-élégante dans l’Optique de M. le Marquis de Courtivron. Voici pour terminer cet article quelques obfervations curieufes fur l’arc-en-cieL Ce n’eft pas feulement le Soleil qui forme des arcs-en-ciel dans les vapeurs ou les gouttes de pluie qui lui font oppofées. La Lune en produit aufii quelquefois; il eft vrai qu’ils font fort rares ôc fort foibles, ôc l’on doit bien s’y attendre, vu la foiblefïe de fa lumière. Les Sçavans nous en ont tranfmis néanmoins quelques obfervations. Arijlote dit en avoir vu deux de fon tems. Divers autres Auteurs, comme Gemma Frijius, Sennert, Snellius , ôc le Doćteur Plot, difent avoir été témoins du même phénomène. Onfoupçonne, à la vérité, quelques-uns de ces Ecrivains de s’être mépris, ôc de nous avoir donné pour des arcs en-ciel lunaires , de fimples halons ou couronnes autour de la Lune, ce qui n’eft rien moins que rare. Mais depuis le commencement de ce fiecle, on a des obfervations plus certaines , qui prouvent que la Lune jouit quelquefois du privilège du Soleil. Suivant les Tranfactions P hilofophiques, n°. 331, on vit en 1711 un arc-en-ciel lunaire, bien coloré ôc bien décidé dans le Comté de Derby. M. TVeidler en a vu un en 1719 , foible, ôc dans lequel les couleurs pouvoient à peine fe difcerner. M. Mufchembroek en a aufii vu un en 1729 , mais il n’y put difcerner d’autre couleur que le blanc. L’on en a vu un jaune à IfFelftein en 1736 (b). On lit enfin dans le Journal de Trévoux du mois d’Août 1738 , qu’on en avoit récemment vu un à Dijon très-bien coloré , ôc feulement avec moins de vivacité que ceux que forme le Soleil. (a) Nouvelle de la République des Lettres, 1704. \b) Eifai de Phyiicpie de M. Mufchembroeck, p. 819». 4 DES MAT HÉ M AT I QU E S. Pan. IV. Liv. IX. M. Hallei a fait une fois l’obfervation d’un arc-en-ciel fore extraordinaire (a). Outre les deux qu’on voit fouvent, il y en avoit un troifieme, qui ayant même bafe que l’intérieur, s’éle-voit beaucoup plus, de non feulement atteignoit l’extérieur, mais le coupoit en trois portions à peu près égales ; il étoit aufii vif que le fécond, 8c avoit fes couleurs dans le même ordre que le premier. M. Hallei foupçonne avec raifon que ce troifieme arc-en-ciel étoit formé par l’image du Soleil qui fe peignoit dans une riviere , fçavoir la Dee, qu’il avoit à dos. Et en effet toutes les circonftances du phénomène s’expliquent très-exadtement par-là. Le phénomène que nous venons de voir eft plus aifé à expliquer que le fuivant, qui eft aufii rapporté dans les Tranfac-tions de i’année 1666. Il eft queftion de deux arcs-en-ciel, dont l’extérieur au lieu d’être concentrique à l’intérieur, le coupoit latéralement. Je foupçonne que l’un étoit produit par le Soleil, l’autre par un parhélie , ou par la réfledtion de l’image du Soleil fur un nuage éclatant, dont la pofition de l’ob-fervateur l’empêchoit de s’appercevoir. On peut voir dans les Tranfadions Philefophiques de l’année 172.1 , quelques autres obfervations d’arcs-en-ciel extraordinaires , mais dont l’examen nous meneroit trop loin. Ceux de nos lecteurs qui n’ont pas lu cet ouvrage de fuite, s’étonneront peut-être de notre filence fur les cauftiques , courbes célébrés de l’invention de M. de Tfchirnhaufen. Cette théorie paroît en effet appartenir à l’Optique. Néanmoins quand on y réfléchira plus attentivement, on reconnoîtra que quoiqu’elle tire fon origine de la réfradtion ôc de la réfledtion, elle tient encore plus à la Géométrie abftraite 8c fublime. C’eft par ce motif que nous lui avons donné place dans le Livre VI. de cette Partie, auquel le lecteur trouvera bon que nous le renvoyons. (a) Tranf. Phil. ann. x<^8 , n°. 240. Tin du fécond Volume* S ADDITIONS 654 ADDITIONS ET CORRECTIONS du fécond Volume. P AGE 34, ligne 37, en réduifant, Vife\ que d’avoir réduit. Page 54. Le Traité du triangle arithmétique de M. Pafcal eft un ouvrage pofthume qui ne parut qu’en 166 5. Page 5 8, ligne 17 , le finus, Ufi\ l’ordonnée. Page 64, ajoute\ a Varticle de Grégoire de Saint-Vincent ce qui fuit. Le P. de Saint-Vincent étoit de Bruges, où il naquit en 1584. Il profefia long-temps les Mathématiques au College Romain. 11 mourut en i66j. Nous ne quitterons pas la Flandre fans faire encore mention d’un Géomètre de réputation qui y fleuriftoit vers le même temps. C’eft le P. Tac-quet, Jéfuite. Ce Mathématicien habile, tâcha aufii de reculer les bornes de la Géométrie dans fon Livre de Annularibus & cylindricis. Je remarquerai cependant qu’il y a dans cet ouvrage beaucoup plus d’affe&ation à démontrer rigoureufement des chofes peu difficiles, que de nouvelles vérités , furtout après ce que Cavalleri & le P. de Saint-Vincent avoient déjà démontré. On doit au P. Tacquet divers Traités, dont la plûpart ont été raftemblés après fa mort, en un volume in-folio fous le titre de Andrea Taqueti Antuerpienjis Op. Math. C’eft une colledion principalement recommandable par fa clarté. Ce Géomètre étoit d’Anvers, où il prit naiffance vers 1601, & il y mourut en 1660. Page 76 , ligne 13, l’éclaircir, life£ éclaircir. Page 80, ligne 11, placés fçavoir, au bout de la ligne. Page 108 , ligne 36, inférieur, life% inférieur au plus haut. Page 130, ligne 1, fi le lieu , effacé fi. Page 136, ligne 3 o , = o, life\y. Ce qu’on a dit à la fin de cette page, êc dans la fuivante jufqu’au premier alinea, eft inutile, & n’eft fonde que fur une erreur de calcul. La regle de M. de Fermat, 6c celle de M. Hudde, donnent également les deux valeurs x = o, x= 1 a j ce qui apprend qu’il y a deux maxima répondans à ces deux abfciftes, 6c de ces deux maxima j l’un eft pofitif, 6c l’autre négatif j ainfi qu’on voit dans la figure 60. Page 14Z. La méthode de M. Craig expofée dans cette page, mérite, à bien des égards, les éloges que nous lui donnons. Cependant nous en avons depuis rencontrée une autre meilleure , 6c plus commode. C’eft: celle que M. Herman a expofée dans les Mémoires de Petersbourg de l’année 1737 , fous le titre : De locis Geometricis ad mentem Cartefii conflruen-dis. C’eft le jugement qu’en ont porté tous ceux à qui je l’ai indiquée. Page 181, ligne 9, trois à quatre, life^ 4a 3. Page 107 , ligne 1 3 , de, life^ pour. Page 210. Comme ce qu’on dit ici fur l’anomalie eft un peu trop fuc-cinét, nous l’allons étendre 6c l’éclaircir. On a appelle anomalie dans ET CORRECTIONS. 6; y l’Aftronomie ancienne, la diftance du Soleil, ou dune planete quelconque, à fon apogée. L’anomalie moyenne étoit cette diftance vue du centre de l’excentrique, ou l’angle formé par la ligne menée de ce centre à l’apogée , avec la ligne menée du même point à la planete. L’anomalie vraie étoit cette diftance vue du lieu excentrique occupé par la terre, ou l’angle formé par les deux lignes tirées de la terre, à l’apogée, & à la planete.' La différence de ces deux angles, étoit ce qu’on nommoit la proftapherefe* qu’il falloit tantôt ajouter au lieu moyen , tantôt en fouftraire pour avoir le lieu vrai ou apparent. Dans l’Aftronomie moderne, l’anomalie eft: un peu autre chofe. L’anomalie vraie eft bien l’angle A S T , formé par la ligne des apfides, ôc la ligne tirée du foyer à la planete 3 mais l’anomalie vraie eft mefurée par le fećteur ASTA, parce que c’eft ce fećteur feul qui croiffant proportionnellement au temps, croit également en temps égaux. C’eft pourquoi afin de conferver l’ancienne forme des Tables, on a fuppofé faire entière de l’ellipfe égaler 360°, & on a calculé en degrés ôc parties de degré , faire de chaque fećteur ASTA. Mais comme, en prolongeant l’ordonnée T E jufqu’au cercle , il y a même raifon de l’ellipfe entière au cercle , que du fećteur A S T au fećteur A S D, delà vient qu’on a pris le rapport du fećleur A S D au cercle pour l’anomalie moyenne. Ainfi l’anomalie moyenne étant donnée , il s’agit d’abord, pour trouver l’anomalie vraie, de déterminer le fećteur A S D, qui foit au cercle entier, comme le nombre de degrés donné eft à 360°. Cela exécuté, tout eft fait 3 car on aura alors l’angle A SD, & cet ąngle étant trouvé, on aura A ST, ou l’anomalie vraie, puifque le rapport de E D à E T eft donné, ce rapport étant le même que celui du grand au petit axe de l’orbite. Page z 11 , ligne 13, diftances, ajoute£ à ce point. Page 239, ligne 31, trouvèrent, lifc\ tournèrent. Page 241, ligne z8 , d’une, life\ une. Page 153, ligne 15 , que, life\ fçavoir que. Page 270, ligne 35 & 3^, du leyier, life\ de la longueur du bras d& levier. Page 279, en marge j de la terre, life\ de l’air. Page 186, ligne 17, elle, life^ il. Page 29O, ligne 3o , fupprïmés été. Page 295 } ligne 28 , ne difons, life\ nous ne difons. Ibid. divers, life% diverfes. Page rr> “X7X* Page 310, ligne 22, A B u, life\ B b a. Page 3*1, ligne I5U, life^ Bu. Page 320, ligne pénultième E e, life£ Ec. Page 313 s not. col. 1, ligne 13 9 k:u% —-—. Page 333, ligne 11 & 12, au lieu des fuites &c. ce ne font quel- les moitiés» Ć56 additions et corrections. Page 349, Ligne 30, dès-lors, life% dès leur naiffance. Page 3 59. L'ouvrage de M. de l’Hôpital a eu prefque les honneurs du commentaire. M. Varignon en a éclairci les endroits un peu difficiles par fes notes & éclaircijfemens fur Vanalyfe des infnimens petits ( Paris 1725. in-40.). M. de Crouzas donna auffi en 17Z1, un Commentaire fur le même ouvrage3 mais, foit dit fans déroger au mérite de cet Auteur efhmable à d’autres égards, c’eft un très - mauvais Livre, un Livre qui n’eft bon qu’à donner de faufTes idées au leéteur qui croiroir s’en aider pour entendre celui de M. de l’Hôpital. Voyez fur cela une Lettre de M. Jean Bernoulli. Op. r. if. __ Page 365, l. \6 ^yz=t ^ax. y = \^ax, lify=z. \fax.y =—\/ax. Page 377 , ligne 8 , de A en B , life% de C en D. Page 384. C’eft dans les Saggi d’Efperiende de l’Académie de Cimento, qu’on revendique au fils de Galilée l’application du pendule à regler les Horloges. Page 413, ligne 10, B b, life^ fi b. Page 414 , ligne 16 , F E , life£ F P. Page 415. La courbe SPED, dont il eft queftion dans cette page, eft celle dont les ordonnées S D, P E, font proportionnelles aux forces de pefanteur en S Ôc P, Sur quoi le leéteur eft renvoyé aux pages 421 & fuiv antes. Page 438 , ligne 4, CD life\ ED. Page 456, ligne.35 , parallele, ajoute% à l’horizon. Page 496. Quelques perfonnes fe font avifées de nommer cette ellipfe la Cajfnoïde , voulant par cette terminaifon grecque, dire en un mot la figure ou la courbe de M. Caffini. Mais cela eft tout-à-fait mal imaginé. On dit fphéroïde , conchoïde , ôcc. pour dire qui a la refTemblance d’une fphere, d’une coquille, ôcc. C’eft le feul fens du mot v-.tS<& , d’où ces mots ôc tous leurs femblables font dérivés. Ainfi la Caffinoïde ne veut pas dire la courbe de M. Caffini, mais la figure qui reffemble à M. Caffini. Page 497. Termine% le premier alinea par ces mots. Cette remarque eft due à David Grégori 3 qui la fait dans fon Ajlronomia PhyficA & Geometri ca elementa. v Page 514, ligne 37 , lettres , life^ lignes. , » , Page 517, ligne 30,9% lifej 9'. Page 557, ligne 16 , avoir lieu, life\ avoir égard. Page 5 51 , ligne 14, life£ l’aétion du Soleil fur la Lune ÔC la terre. Page 6 2i, ligne 19 , celle, life£ la nécefîité. Page 63$, ligne 18 , ci-deflus L K, ii/qr qui fépare les milieux. ) Ibid, ligne h, L /72 3 R m. TABLE ^57 TABLE GENERALE DES MATIERES. Dans cette Table le chiffre Romain indique le Tome 5 & le chiffre, Arabe la page. Lorfquon ne trouve quun chiffre Arabe 9 il fe rapporte au Romain qui le précédé. A ccélératiow. Voyez mouve- ment. Agnefi ( Mademoifelle ), écrit fur l’analyfe. Eloge de fon ouvrage. II. 15-5. Air ( la pefanteur de 1’ ). Découverte , & par qui. II. 279 & fuiv. Droit de Defcartes à cette découverte. 282. Prouvée avec évidence par l’expérience de M. Pafcal. Ibid. Albatenius. Aftronome Arabe. Sa naiftànce ôc fes travaux aftrono-miques. I. 347 & fuiv. Alfarabius, Mathématicien Arabe. I. ■ 37°* Alfraganus. Aftron. Arabe. I. 34$* Algèbre. Etymologie de ce nom. I. 367. Ce que c’eft que cette fcience. 47 3. Elle eft connue des Grecs, $C en particulier de Diophante. 3 15. Les Arabes la cultivent ; progrès qu’ils y font. 3 66. Par qui elle eft tranfplantée en Europe. 44t , 47 6. Ses progrès entre les mains des Italiens jufques vers la fin du feizieme fiecle. 476 & fuiv. Ceux quelle doit à Viete. 488 & fuiv. A Harriot. II 7<5-A Defcartes. 83. Tome II* A divers Algébriftes modernes^ 144 jufqiàà 159. Alha-^en. Mathématiciens Arabes ; l’un traduéteur de Ptolomée. I. 304. L’autre Opticien. 352. Almamoun ( le Calife ) favorife l’Aftronomie chez les Arabes, ô£ la cultive lui-même. Travaux qu’il ordonne, ou auxquels il a part. I. 342 & fuiv. Almagefle. Editions ôc traduéHons principales de cet ouvrage de Pta-lomée. I. 304. Alpetragius, Aftron. Arabe. I. 3 5 5^ Alphonfe X, Roi de Caftille, entreprend de rétablir l’Aftronomio chez les Européens, ôc avec quels fuccès. De fes Tables Alphonfines. I. 418. Amontons ( M. ) cultive particuliérement la théorie des frottemens. IL 472. Analemme, Ancien inftrument, objet d’un Livre de Ptolomée. I. 306Ï Analyfe ancienne. Ce que c’eft que cette méthode. A qui elle eft due. I. 172. Son ufage éclairci par quelques exemples. Ibid. Analyfe algébrique. Voye£ Algèbre* Oooo T A Anaxagore de Clazomene, un des Chefs de l’Ecole Ionienne. Ce que lui doivent les Mathématiques. I. i©z, 107. Anaximandre> fuccefTeur de Thaïes, cultive la Géométrie. I. 102. Eft Auteur de plufieurs inventions en Aflronomie. 105. Anaximene 3 fécond fuccefTeur de Thaïes. Opinions ridicules qu’on lui attribue aufli-bien qu’à quelques autres Philofophes. Leur dé-fenfe. I. 107 & fuiv. Angelis ( Etienne de )j habile Geometre Italien. Ses travaux en Géométrie. II. 69. Sa querelle avec Riccioli fur le mouvement de la terre. I. 5 37. Anomalie. Ce que c’eft dans l’Aftro-nomie. II. Additions. Problème fameux fur l’anomalie vraie dans l’hypothefe de Kepler, 5c fon hiftoire. II. 210. Anthemius Trallianus ou de Tralles, Architeéle de l’Empereur Jufti-nien. Trait curieux fur les miroirs ardens tiré des écrits de ce Mathématicien. I. 328. Année. Voyez Calendrier. Année caniculaire. Hiftoire de cette forte d’année ufitée des Egyptiens. I. 67.. Aphélie. Mauvaife objećtion tirée du mouvement des aphélies des planetes contre fatrraćtion. II. BLE cercle trouvées par divers Geometre. I. *34, 265,467,468. IL *°5> SD, n*» Approximations de la valeur des racines des équations. Diverfes méthodes données pour cela par les Geometres. II. 144, 150 & fuiv. Arabes. Hiftoire des progrès de ce peuple dans les diverfes parties des Mathématiques. I. Partie II. Liv. I. Aratus j Auteur d’un Poëme Grec fur les conftellations. I. 227. Archimede. Naiftànce de cet ancien Géomètre Grec. Récit de fes diverfes découvertes géométriques 5c méchaniques. I. 231 & fuiv. Hiftoire de fes miroirs difcutée* 245. Des autres inventions qu’on-lui attribue* 243. De fes écrits» de leurs éditions 5c Commentaires principaux. 249.. Arc-en-Ciel. Ignorance des Anciens fur ce fujet. I. 630. Antonio de Dominis démêle la caufe de l’arc-en-ciel intérieur. Ibid. Il fe trompe en ce qui concerne l’arc extérieur. éj i. Defcartes redreffe de Dominis, Sc ajoute plufieurs chofes à fon explication. II. 20 r. Elle eft conduite à fa perfedtion pan M. Newton. <348. Curieufes recherches de M. Hallei fur les arcs-en-ciel. 6 56. Architas x Géomètre Pyth. De fe£ 5 5 Apogée du Soleil. Découverte de fon mouvement par Albatenius. I. 348. Appolhnïus Pergæus ou de Perge, fameux Géomètre Grec. Son hiftoire , Sc celle de fes découvertes 5c de fes ouvrages* I. 25 6 & fuiv. Appianus ( Pierre )x Aftronome Al-lemand^du feizieme fiecle. 1.5 oc fa de" fenfe contre Wallis. 84 <$* fi1™* De fon application de l’Al§e°re à la Géométrie. 916’ fuiv. Be fa méthode des tangentes. 103* Progrès de la Géométrie de De " cartes. 118. De fa déuio^^ GENERALE DES MATIERES. €6% tion de la loi de la réfra&ion. Querelle élevée à ce fujet. 184. De fes inventions dioptriques. 196. Il perfeéHonne l’explication de l’arc-en-ciel de de Dominis en plufieurs points. 2.01. De fes tourbillons. 243. De fes droits aux découvertes de Torricelli 8c de Pafcal. 282. De fes loix du choc des corps. Leur faulïeté développée. 288. De fon explication de la pefanteur. 292. Ses démêlés avec Roberval fur les centres d’ofcillation. 390. Defchales ( le P. ) voyez les additions du II. volume. Defeente ( problème de la courbe de la plus courte ). Son hiftoire. II. 452. Detionvilk. Voyez Pafcal. Développée. Ce qu’on appelle de Ce nom. Précis de cette théorie inventée par M. Huyghens. IL JZ?' Différences. Voyez différentiel. Différentiel ( calcul ). Expofition des principes de ce calcul. En quoi il différé de celui de M. Newton, 6c en quoi il lui reffem-ble. IL 352. Ses progrès dans le continent, & à qui ils font dus. 3556’fuiv. Querelles qu’il effuye. 360. Récit de la querelle entre Newton 8c Leibnitz fur fa découverte. 3 3 3- Dïffraction. Voyez Infleétion. Dinofirate , Géomètre de l’Ecole de Platon, réputé inventeur de la quadratrice. I. 198. Diocles. Géomètre Grec. Inventeur de U cyffoide. L 328. Dionyfiodore. Habile Géomètre Grec. I. 280. Diophante. Arithméticien Grec-Dans quel temps il vit. Quelgen- *e de queftions arithmétiques ü traite. I. 315. Il y employé l’Algebre. Précis de fa méthode. 316 & fuiv. Son épitaphe finguliere* 318. Ecrivains qui ont commenté fon ouvrage, ou qui ont cultivé ce genre de queftions. 319. Dioptrique. Foibleüe de la dioptrique chez les Anciens. I. 625. Ses progrès chez les Modernes entre les mains de Kepler , Snellius j Defcartes, 8cc. IL Part. IV* Liv. III. Voyez Lumière. Divini ( Euftache ), Artifte célébré de verres de Télefeopes : il écrit contre M. Huyghens. IL 481. DoerfelL ( George-Samuel ), Aftronome Saxon , propofé le premier l’hypothefe parabolique de$ Cometes. IL 5651. Donnés. Ce qu’on entend par-là en Géométrie.Ouvrage d’Euclide fut ce fujet. I. 225. Dominis ( Marc-Antoine de)y ébauche la vraie explication de l’arc-en-ciel. I. 6$ o & fuiv. Drebbel (Corneille )3 Hollandoisy découvre, dit-on, le Microfcope* IL 167, 174. Erreur fur fon fu^ jer. Ibid. 174. Duplication du cube ( problème de" la). Son hiftoire. Solutions diverfes qu’en donnent les Anciens. L I 8 ćT. Dynamique, Ce que c’eft. I. 12. V^oycq pour le furplus Méchant-que. E. Eclypses. Quels font les pie-» miers qui les aient prédites , 8c qui ont reconnu leur caufe. I. 6$, 103,110,114.. Eclyptique. Qui a reconnu le premier l’obliquité de l’écliptique. L-103', Divers Philofophes à qui ©u fait honneur de' eetee décpur- tą T A verte. Ibid. Des diverfes mefures de i’obliquité de l’écliptique chez les Anciens, iod, 209,255,345, 3 4^; Egyptiens. Ils fe vantent d’avoir donné hailfance à la Géométrie ' ôc à l’Aflronomie. I. 51, 57. Con-jeélures fur les progrès qu’ils avoient faits dans la première. 5 2. Monumens qui nous refient de leur fçavoir en Aflronomie. 6 5. Ancienne fphere Egyptienne tirée d’Aben-Efra. $6. Eimmart ( Chriftophe ) Aftronome Allemand. II. 591. 'Elaftique ( problème de la courbe ). IE 549- Ellipfe. Propriétés principales de cette courbe. I. 181 & fuiv. Empedocle j ancien Philofophe Pythagoricien. Traces prétendues de l’attraélion dans les refles de fes écrits. 137. Epicure. Son mépris pour les Mathématiques. La grofïîéreté ÔC l’ineptie de fa Phyfique. I. 28. Epicycle. Cercle mobile dont les Anciens fe fervoient pour repréfenter l’inégalité des mouvemens céleftes. I. 292. Epicycloïdes. Courbes imaginées a l’imitation de la cycloïde. Leur hiftoire. II. 547. Equations algébriques. La folution de celles du fécond degré connue à Diophante. I. 315. Attribuée parmi les Arabes à un certain Ben-Mufa. 368. Canons ou réglés de Lucas de Burgo fur ce fujet. 477. Hiftoire de la folution de celles du troifieme degré. 479. Solution de celles du quatrième. Diverfes méthodes pour cela. 479. Découvertes de Cardan fur la nature des équations. 482. Celles de Viete. 489 & fuiy, Leur b 1 e progrès entre les mains d’Harriotf II. 77 d’fuiv. Defcartes les développe davantage , ôc y ajoute plufieurs chofes. 85 & fuiv. Ce qu’y ajoutent divers Analiftes modernes. Ibid. 145 & fuiv. Eratoftene ancien Mathématicien Grec. Ses travaux en Géométrie 5c en Aflronomie. I. 253. Etoiles changeantes. Hiftoire de$ principales étoiles de cette efpece. I. 576. II. Zl6. Euclide j Géomètre célébré. Quelques traits de fa vie. I. 216". De fes élémens. 218 & fuiv. Enumé-* ration de fes autres écrits. I. 22 5. Euclemon affocié à Méton dans la découverte de fa période. I. 166. Eudemusj ancien Ecrivain fur l’hiftoire de la Géométrie. I. 207. Eudoxe. Ses travaux dans les divers genres de Mathématiques. I. 197. Pitoyable fyftême Phyfico-Aftro-nomique qu’on lui attribue. 200. Eutodus 3 Mathématicien du fixieme fiecle , commente une partie d’Archimede. I. 207. Exhauftion ( Méthode d’)_, familière aux Anciens. Ce que c’eft. I. 239. Excentrique ( hypothefe de 1’ ). Une de celles dont les Anciens fe fervoient pour repréfenter les inégalités du mouv. des planetes. I. 270. Exponentiel ( calcul ). Ses principes Ôc fon invention. II. 356. E. ( Honoré ) écrit fur la Méchanique ôc les loix du mou" vernent. IL 371. Contredit Huyghens fur l’anneau de Satur-481. Défend mordicus le repos de la terre. Sa déclaration à ce fujet. I. 541. Fabridus ( Dayid )j Aftron. II. 2/7» fdbfIctus x GENERALE DES MATIERES. 66< Fabricius ( Jean ), rival de Galilée dans la découverte des taches du Soleil. I. 116. Faille ( le P. de la ), Jéfuite , écrit fur les centres de gravité des figures. II. 20. Fermat ( Pierre de ), Géomètre célébré , 6c rival de Defcartes. Ses travaux fur la Géométrie ancienne. I. 2.64. Ses découvertes nom-breutes en analyfe. IL m. Récit de fa querelle avec Defcartes fur fa regle de Maximis & Minimis. ii3. Autre querelle qu’il a avec ce Philofophe fur la loi de la ré-fraétion. 288. Fernel ( Jean ), mefure la terre, 6C de quelle maniéré. II. 231. Ferrari ( Louis ) de Boulogne , ( 6c non Louis de Ferrare ), découvre la folution des équations du quatrième degré. Sa méthode. 1.484. Ferreo ( Scipion ), pafte pour le premier qui ait réfolu les équations cubiques. I. 479. Finie ( Oronce ), méchant Géomètre du feizieme fiecle. Ses erreurs multipliées. I. 465,604. Flamflead ou Flamjlecd ( Jean ), célébré Aftronome Anglois, donne lieu a la conftruâfioii de l’Obfer-vatoire de Greenwich. II. 470. Son hiftoire abrégée, 6c celle de fes travaux. II. 5 29. Fluides. Voyez Hydroftatique. Hydraulique. Fluxions (méthode des). Sa découverte par M. Newton. IL 318. Efprit de cette méthode. 320 & fuiv. Récit de la querelle entre Newton 6c Leibnitz fur cette découverte. 330. " . it j Foix ( François de ) de Candalle, Evêque d’Aires , 6c Geometre du feizieme fiecle, commente Euclide , ÔC l’augmen- Tome IL te de quelques Livres. I. 120, ą.6 G. Fontana (François) , Obfervateur Italien. Il revendique l’invention du Télefcope aftronomique , Sc du Microfcope. IL 174. Fofcarini ( le P. ), Carme, penche pour Copernic, 6c donne lieu par un écrit à la perfécution qu’eftiiye .Galilée. I. 522. Fractions continues. Ce que c’eft. Leur invention 6c leur utilité. IL 3°5* . V -----décimales. Par qui elles font introduites en Mathématiques. L 45°' Frénicle ( M. ) de BelTy, Arithméticien du fiecle pafte. Sa méthode finguliere pour les problèmes numériques indéterminés. I. 3 20. il poufte fort loin la théorie des quarrés magiques. 335. G. (jr ALI LEO (Vincenzio) ou Galilée. Sa naiftance, 6c fes premières découvertes. IL 220. Il fe conftruit un Télefcope. 168, 221. Il apperçoit les Satellites de Jupiter, 6c divers phénomènes céleftes. 222. Il fait valoir le fentiment de Copernic. 224. Hiftoire de la perfécution qu’il eftuye à ce fujet. I. 523. Il réforme la fcience du mouvement. Ses découvertes nombreufes en ce genre. IL 260 & fuiv. Gafcoigne Aftronome Anglois du milieu du fiecle pafte. On lui fait honneur de l’invention du Micromètre, & du Télefcope appliqué aux inftrumens aftronomi-ques. II 5° 5* Cajpndi. (Pierre). Son obfervation de Mercure fous le Soleil. IL 2 3 Héron le jeune ^ mince Geometre du bas Empire. 1. ^ 51. Hévélius (Jean)s c^lebre Aftrono- nomie 8c en Géométrie. I. 268. Hippocrate de Chio, Géomètre Grec. Son hiftoire finguliere , 8c fes inventions en Géométrie. I. 144* Hire ( M. de la ) , revendique Implication des épicycloïdes à la Me-chanique. IL 347,470. De fon Traité des épicycloïdes. 347. De fa Méchanique. 470. Hodierna3 Aftronome Sicilien, travaille fur la théorie des Satellites de Jupiter. II. 498. Hook ( Robert ), Mathématicien 8c Phyficien Anglois. Ses tentatives pour démontrer le mouvement de la terre. I. 548. Revendique l’application du reftort aux horloges. II. 4^5. Ses idées fur le fyftême de TUnivers. 527 Hôpital ( le Marquis de 1’ ) accueille des premiers la nouvelle Geometrie. En dévoile les principes dans fon analyfe des infinimens petits. II. 358. De fon ouvrage pofthu-me fur les fećtions coniques, 8c les lieux géométriques. 13 5 • Horrebow ( Pierre ), Aftronome Danois. Ses travaux pour déterminer la parallaxe annuelle des fixes, 8c leur fuccès. I. 549. Horocces ( Jérémie ) , Aftronome Anglois. Son hiftoire. Il obferve le premier le pafiage de Vénus fur le difque du Soleil, de lannee 1658.II. 239. Réfuté vivement Lansberge. Ses inventions diverfes. Ibid. Horloges folaires. Leur invention 8c leur antiquité dans la Grece. Pppp ij TABLE U 5 Voye£ Gnomonique. Horloges à roue. Hiftoire des Horloges de cette efpece les plus remarquables. I. 439. Hefiane j prétendu Aftronome Cal-déen. 1. 58. Hudde ( M. ). Ses inventions en Géométrie. II. 125. Hulfius ( Levinus ) , inventeur du compas de proportion. I. 476.. Huyghens (Chriftian ) deZulichem. ( on prononce Hughens ), célébré Mathématicien du fiecle pafte. Hiftoire abrégée de fa vie. II. 381. Il applique le pendule à l’horloge. Sa découverte fur la cycloïde. 383 & fuiv. Il découvre les loix du choc des corps. 371.-Ses découvertes fur la théorie du centre d’ofcillation. 393. Sur les forces centrifuges. 406. Ses inventions dans la Géométrie ancienne. 66. De fa théorie des développées. 129. Autres inventions analytiques de M. Huyghens. 13 G Ses découvertes aftronomi-ques. 480. Ses travaux en Optique. 604. Hydraulique. Naiffance ôc progrès de cette branche de la Méchanique entre les mains de quelques Méchaniciens modernes. II. 277 & fuiv. 284, 467. Hydrographie. Voyez Navigation. Hyperbole. Ses propriétés principales. I. 178 & fuiv. Hydrofiadque. Ses premiers principes trouvés par Archimede. I. 241. Elle fait de nouveaux progrès entre les mains de Stevin. II, 259. De Galilée. z6i. fïypada Mathématicienne Grecque. Ses écrits, ôc fon trifte fort. I. 326. Hypficle j Mathématicien Grec. Ses écrits. I. 310. Hyperboliques ( efpaces ). Propriété . remarquable de ces efpaces. I. 6y t Jacquier.(lesPP.) ôc le SeicrA, commentent Newton. II. 5 6z. Jans ou Janfen ( Zacharie ), inventeur du Télefcope ôc du Microfcope , fuivant quelques-uns. IL 168. Jbn-IoniSj Aftronome Arabe. I. 3 50. Jéfuites ( les Millionnaires) pêne* trent à la Chine , ôc font triompher l’Aftronomie Européenne fur la Chinoife. I. 399, 400. Obligations que leur a l’Aftronomie ôc la Géographie, 401. Ôc II. 5 24. Ilekan ( Holagu ), Prince Tartare , protedeur de l’Aftronomie. I. 374-. Image (lieu de 1’ ) des objets vus dans les miroirs ôc par réfradion. Erreur des Anciens fur ce fujet. I, 624. Sentiment de Barrow dif-cuté. II. 59. Indéterminées ( méthode des ) , une des inventions analy tiques de Defcartes. II. 87. Indéterminés ( problèmes ). Ce que c’eft. I. 185. Problèmes numériques indéterminés. 316. Auteurs qui excellent dans ce genre d’ana-lyfe. 319. Indiens. De l’Aftronomie Indienne. Etat aduel de cette fcience chez ces peuples. I. 402. Indivifibles ( méthode des ). Son invention. Efprit de cette méthode, ôc fa défenfe. II. 2 6 & fuiv. Infini ( Géométrie de P ). Voye% Infiniment petits. Infiniment petits. Voyez Différentiel. Inflexion ( point d’ ). Ce qne c’eft dans la théorie des courbes. IL GENERALE Dl 107. Méthode de Defcartes pour les trouver. Ibid.. Inflexion de la lumière. Sa pretnie-miere découverte. II. 603. Curieufes expériences de Newton fur ce fujet. 619. Intégral ( calcul). L’inverfe du différentiel. Voye^ Fluentes. Ses premiers progrès dans le continent, ôc à qui ils font dûs. L 3 5 5, 3 5 8. Interpolations. Ce qu’on entend par là. Ufage qu’en fait Wallis. II. Découverte à laquelle elles conduifent Newton. 315. Elles font appliquées par Mouton à lAftronomie. 589. Jordanus. Voyez Nemorarius. Iris. Voyez Arc-en-ciel. Ifidore Géomètre Grec , Maître d’Hyplîcle. I. 310. Autre Geometre de ce nom du bas Empire. Ibid. 3 27» Ifochrone ( problème de la courbe ). Son hiftoire. II. 444. Jules-Céjar. Il réforme le Calendrier Romain. I. 40p. Jupiter. Découverte de fes Satellites. II. 222, 229. K. ( Jean ). Hiftoire abrégée de fa vie ôc de fes écrits. II. 2.05. De fes deux fameufes loix 3 développement de la maniéré dont il eft conduit à leur décolla verte. 207. Il tente divers problèmes géométriques très-difficiles , &c avec quel fuccès. Ibid. ij. Kerfey, Analifte Anglois. Son prin-pal ouvrage. E 321. Kirch ( MM. Godefried ôc Chrift-fried ), Aftronomes Allemands. II. 589. Kircher ( le P. Athanafe ), célébré Jéfuite. Il montre la poftibiUté S MATIERES. 66$ du miroir d’Arc.himede. 1. 246. De fes écrits , ôc de quelques-* unes de fes inventions. IL 59.3*3 L. ïjâgnt ( M. de ), travaille beaucoup fur la réfolution générais des équations, ôc avec quel fuccès. II. 150. Laloubere (.le P. ) , Jéfuite. Ses écrits. Sa-querelle avec Pafcal fur la folution des problèmes de la cycloïde. II. 5 6. Lami ( le P. ), publie un principe de Méchanique femblable à celui de M. Varignon. II. 465. Lansberge Aftronome Hollandois.' II. 161. Lanterne magique. A qui elle eft due. IL- 593. Laodamas ou Le adamas j Géomètre Platonicien. I. 196. Leibnit% ( Guillaume-Godefroi ), célébré Philofophe ôc Mathématicien Allemand. Abrégé de fa vie» IL 3 50. Il eft un des inventeurs du calcul différentiel ôc intégral. Difcuffion de la querelle qu’il a* fur ce fujet avec M. Newton. 332. Ses recherches fur la réfif-tance des milieux. 432 , 443. Il propofé le problème de la courbe ifochrone ôc paracentrique. 444. Il réfoud ceux de la chaînette a de la Brachyftochrone. 446,454. Leontiusj Géomètre Grec du bas Empire. I. 331. Leotaud ( leP. ), Jéfuite; réfute la prétendue quadrature du cercle de Grégoire de Saint-Vincent. IL 65. Sa querelle avec Wallis fur l’angle de contingence. I. 404. Leovitius ( Cyprianus ), Aftronome du feizieme fiecle. I. 579. Leucippe j .ancien Philofophe , ab- 670 T A B furclités qu’on lui impute. I. 139. Lieu. Ce qu’on nomme lieu en Géométrie. Leurs divifions ôc leurs ufages. I. 183. Lilius ( Aloyfius ) , inventeur du projet de la réformation du Calendrier, exécutée en 1581.1.58 6. Logarithme. Ce qu’on entend par-là en Arithmétique 3 à qui on en doit l’invention. Développement de leurs utilités, ôc leurs propriétés. II. 7 & fuiv. Des principaux Auteurs qui en ont traité, ou qui en ont calculé les Tables. 13 & fuiv. Logarithmique. Quel eft l’inventeur de cette courbe. II. 14. Ses propriétés les plus remarquables. Ibid. & fuiv. Logarithmique fpirale. Invention Sc propriété fort remarquable dont elle jouir. II. 35. Longitudes géographiques. Hippar-que les détermine par des obfervations d^eclipfes. 1. 275. Grande utilité des Satellites du Jupiter pour cette détermination. II. 499. LongomontanusAftronome du fiecle palfé. II. 250. Donné par quelques-uns pour l’inventeur des logarithmes. 11. Louville ( M. de ) , prétend démontrer la variation de l’obliquité de l’écliptique, par une observation de Pytheas. Son raifonnement examiné. I. 208. Loxodromie. Ce que c’eft. Expofi-tion de cette théorie , ôc fon hiftoire. I. 614. Ludolph. V oyez Ceulen ( van ). Lumière. Premières découvertes fur la propagation de la lumière. I. 2.03. Problème cuîieux fur la lumière , ôc qui en donne le premier k folution. 616, Conjećtu- L E res de Defcartes fur la nature de la iumiere , ôc leur examen. II. 183. Découverte de fa différente réfrangibilité par M. Newton. 613 & fuiv. Lune. Première ébauche de la théorie de la Lune par Ptolomée. I. 292. Découvertes de Tycho fur ce fujet. 571. De la théorie Lunaire d’Horoccius. II. 240. Travaux ôc idées heureufes de M. Hallei fur ce fujet. 534. De la théorie Newtonienne de la Lune. 56î- Lunulles d’Hippocrate. I. 144. M. 2\/[AC LAURIN. De fon expofi-tion des découvertes de Newton. II. 562. Maimon RefchidGéomètre Perfan. Trait finguiier fur lui. I. 379. Mairan ( M. de ). Ses recherches fur la courbe apparente du fond de l’eau. II. 182. Ses conjectures fur les queues des Cometes. 575- Manjredi ( M. Euftache ). Ses obfervations fur les tentatives faites pour démontrer la parallaxe des fixes. I. 549. Manlius3 Aftronome Romain, auquel on attribue la direćtion fie l’Obélifque élevé par Augufte dans le Champ de Mars. I. 4°9* Maria ( Dominique ) , Aftronome Boulonois. Opinion finguliel'e qu’il a. I. 454. Mariotte ^ Méchanicien François. Ce qu’on lui doit. II. 467. Mathématiques. Idée de ce que fonc les Mathématiques. Leur objet ^ leur divifion. Leur développa ment métaphyfique. Leur âcien-fe contre leurs ennemis* fi* 1 fuiv. Maupertuis ( M. de ). Ses conje&u-res ingénieufes fur les étoiles périodiques. II. 220. Obligations que lui a la Philofophie Newtonienne. 569. Maurolicas ( i’Abbé ), Géomètre Sicilien. Son éloge ôc fes travaux en Géométrie. I. 463. Il touche de fort près à la découverte de la maniéré dont on apperçoit les objets. 616. Sa folution d’un problème curieux fur la lumière, propofé ÔC manqué par Ariftote. Ibid. Maximis & Minimis ( queftions de ). Nature de ces queftions. II. 105. Méthode pour les réfoudre fuivant les principes de Defcartes. 106. Autre méthode due à M. de Fermat. 112. Perfections quelles reçoivent de MM. Hudde, Huyghens ôc de Slufe. 133 & fuiv. Méchanique. Etendue de cette fcience , ôc fes divifions. I. 12. Peu de progrès qu’elle fait chez les Anciens en ce qui concerne la théorie. 619. Son hiftoire durant le dix-feptieme fiecle. Part. IV. Liv. V ôc VII. Menechme Géomètre Platonicien. Ses inventions en Géométrie. I. 183, 188. Menelaus d’Alexandrie , Géomètre Grec. Ses travaux. I. 285. Mercator ( Nicolas ). Belle découverte due à ce Geometre. II. 307 & fuiv. Son hynothefe aftronomique. 2.5 5. # Mercure. Conjonćhons apparentes de Mercure ôc du Soleil. Hiftoire de ces obfervations. II. 23^. Merfenne. ee qUe lui doivent les Mathématiques> jp ^84. Metius ( Pierre ). Inventi0n remarquable qu’on lui doit. I. 467. Micromètre. Hiftoire de cet inftru- ment. 11. 501 &Juiv. Microfcope. Sa découverte. II. 173. Différentes efpeces de Microfcopes , Ôc explication de leur effet. 179. Diverfes chofes remarquables concernant les Microfcopes fimples. II. 608 & fuiv. Midorge Géomètre François , IL 61. Milieux. Théorie de leur réfiftance. n. 43ï. Miroirs d’Archimede. Difcufiîon de ce qu’on raconte à leur fujet. I. 24$ • t Miroirs ardens ou cauftiques. Hiftoire des plus fameux qui aient été fabriqués. II. 6. Mœfllin ( Michel ), Aftronome Allemand. Ce qu’on lui doit. I, 55. icr 33 £ F F F (F HO d F A B O \A> 33 F O F E A S io3. •«AA / p/ B \ / ° \ \ / O. / ^ \ io5, F 711 F B Ar / \ll ïH)- /E \ L / \ le B D F~ D P Fù?, U F 2 A C E Tcvn.zr. JJ/j taire deJ ^JJath e??ia hsj u es . FL^L. i * BIBLIOTEKA GŁÓWNA WSP w Słupsku